vendredi 13 janvier 2017

Celle qui vient

Femme sauvage – Yolande Fortin
Si je me prenais au sérieux, je pourrais monter sur les tables et vous annoncer un grand événement spirituel dans notre ciel. J’ai en effet l’intuition brûlante de l’approche d’une Présence longtemps pressentie, espérée, désirée. Peut-être s’agit-il simplement de notre plus grand espoir, un immense désir collectif irrigué par des millénaires de souffrance, qui se cristallise ainsi dans une image archétypique, vivante. C’est un rêve, un grand rêve que j’ausculte et dont je me fais ici, sinon le porte-parole, du moins le témoin. Je ne suis pas le seul, loin de là, à entrevoir cette étoile qui se lève au loin. Elle représente, je crois, ce que nous pouvons espérer de mieux pour l’avenir. Pour nous, mais surtout pour nos enfants et nos petits-enfants, nos descendants et plus largement, la vie sur notre belle planète. Je l’appelle pour ma part Celle-qui-vient. Quand elle sera venue, nous L’appellerons autrement. 

Qui est-Elle ?

Au jeu de la Sainte Famille, je demande maintenant la Fille !

Joachim de Flore avait déjà cette intuition au XIIème siècle de l’avènement, après les règnes du Père et du Fils, de celui de l’Esprit qui libère. Joachim ne pouvait pas savoir qu’avant le Père, il y a eu la Grande Mère, comme nous le savons désormais. Et compte tenu de la place de la femme dans son esprit bien chrétien et moyenâgeux, il ne pouvait imaginer que la venue de l’Esprit se conjoindraient avec un renversement dans le jeu des polarités masculin et féminin, et qu’Il/Elle se manifesterait désormais sous la forme de la Fille, venant compléter ainsi le mandala divin. De la même façon, chacun sait dans la chrétienté que le Christ a annoncé qu’Il reviendrait à la fin des temps. Nous y sommes, semble-t-il, du moins à l’aube de celle-ci. Mais qui aurait pu imaginer qu’Il reviendrait sous forme féminine ? Pourtant, ce n’est que bonne logique archétypale : après avoir rencontré son ombre, l’Antéchrist, comment le Fils de la Lumière pourrait-il ne pas épouser son anima ? Comment la féminité tant bafouée par l’Église pourrait-elle ne pas resurgir triomphante dans sa divinité rayonnante à la fin du grand jeu ?

Jung a eu l’intuition de ce renversement radical de perspective[1] et il a envisagé que le retour du Féminin sacré serait une étape vers le hierogamos, le Mariage sacré du Féminin et du Masculin. Beaucoup d’éléments, dont la fureur avec laquelle se déchaînent maintenant les représentants les plus arriérés du patriarcat, laissent penser que nous sommes juste sur le seuil décisif du retournement. Avec quelques coups de pouce de Mère Nature dans les prochaines décennies, tout le système édifié par l’hubrys technologique va probablement se retrouver à genoux. Il n’y a pas de meilleure position pour recevoir la grâce. Ce sera vraisemblablement une question de survie pour l’humanité que de changer de principe directeur et de valeurs, qui devront désormais favoriser la vie. Il nous faudra trouver une troisième voie entre la déshumanisation technologique et la régression dans une foi archaïque et totalitaire. Mais pour l’instant, nous sommes à ce moment particulier où, comme dans toute relation amoureuse égalitaire, le Féminin prend doucement le dessus. Elle offre une revanche bien méritée à cette pauvre Lilith, répudiée par une tradition misogyne pour avoir voulu chevaucher Adam dans les jeux de l’amour. La position du missionnaire, si je puis me permettre de filer cette métaphore un peu scabreuse, a fait son temps, est obsolète. Et tant mieux si cela choque : l’Éros doit avoir désormais prééminence sur le Logos; c’est l’Amour qui est appelé à régner, un Amour incarné dans la chair.
Vitrail de l’église de Kilmore, Écosse
Le XXIème siècle ne sera pas seulement, comme Malraux l’a pressenti, un siècle mystique. Il sera le siècle des femmes, et surtout du Féminin sacré. Les deux sont intimement liés ; il suffit pour s’en convaincre de voir comment notre histoire spirituelle est éclairée par la présence de grandes mystiques comme Hildegarde de Bingen, Hadewijch d’Anvers, Marguerite Porète et toutes les fidèles d’Amour. Hommage aux béguines, ainsi qu’aux sourcières de tous les temps, qui ont maintenu le lien d’or qui nous relie à nos ancêtres ! Il est temps que nous leur rendions la place qui leur est due en défaisant l’histoire écrite par des clercs, tous des hommes imbus de la vérité qu’ils détenaient, c’est-à-dire qu’ils emprisonnaient, pour la réécrire. Le Féminin est par nature libre des institutions et des jeux de pouvoir car s’il se laisse un temps dominer et circonscrire, il ne perd jamais l’intuition des grands espaces et de la liberté au cœur de l’être, liberté qui grandit dans le ventre de toutes celles et tous ceux qui acceptent de la gester. Vienne le temps de la nouvelle Naissance, qui verra de nouveaux hommes et femmes marcher, radiant et entier, sur notre belle terre en l’épousant d’un pas aimant !

On peut voir d’ores et déjà les prémisses du bouleversement sociologique en cours dans le fait que, dans plusieurs pays développés, il y a plus de jeunes femmes diplômées chaque année que de jeunes hommes. Plus profondément, on peut observer que le plus grand changement à l’œuvre depuis le début du XXème tient à la transformation des relations entre hommes et femmes. Tout le reste, même nos plus grandes découvertes scientifiques, tient de l’anecdotique en regard de l’importance, à l’échelle de l’histoire de l’humanité, de ce mouvement tellurique dans l’inconscient collectif. La dernière fois que nous avons vécu un tel passage, c’était il y a 5000 ans, quand la civilisation de la Grande Déesse a commencé à subir les assauts d’une bande de brutes qui ne connaissaient que la loi de l’épée. Nous approchons du moment où, à force de s’étriper mutuellement, les tenants de cette épée vérifieront la parole christique qui veut qu’ils périront par celle-ci. Ils se suicideront. Et la voie sera ouverte au Nouveau, qui se présentera d’abord sous la forme aimable de la Radieuse.

Dans cette apologie du Féminin sacré, il ne faut pas confondre ce dernier avec les femmes, même si celles-ci en sont la représentation la plus naturelle. Il y a une place pour les hommes, et non la moindre, dans le champ du Féminin. Nous sommes en fait en train de parvenir à une conception moins sexualisée de l’être humain dans laquelle, que nous soyons femme ou homme, nous avons à vivre les deux polarités et à les intégrer, les marier en nous-même. Nous admettons de plus en plus qu’un être féminin soit incarné dans un corps d’homme et réciproquement. Nous envisageons la totalité. Ce n’est qu’un début. Mais qu’est-ce que cela signifie donc, pour un homme, de vivre son féminin ? Cela veut dire qu’il peut goûter toute la richesse de sa sensibilité et entretenir une relation érotique à tout ce qui l’entoure, s’abandonner à l’existence sans chercher à la diriger ou la rationaliser, vivre pleinement toute la gamme de ses sentiments et suivre son intuition, apprécier l’intériorité de la vie, jouir d’être incarné dans un corps sans nécessairement dominer la situation, apprécier de se tenir dans la simple présence et l’écoute au lieu de chercher à toujours agir et régler des problèmes. Il n’est en fait pas de plus grande félicité pour un homme que de jouir de l’union en lui-même de son masculin et de son féminin – c’est un orgasme intérieur sans fin ! Pure joie de vivre dans l’Amour toujours renouvelé en soi…

Mais alors Qui est-Elle ? Elle aime les hommes comme les femmes. Elle aime les animaux, les plantes et les arbres – tout ce qui vit. Elle est Amour incarné, agissant. Nous aurions tort de croire cependant, selon une image déformée de la féminité asservie aux désirs des hommes, qu’elle est toute douceur et gentillesse. Elle est rebelle et furieuse de voir comment l’humanité traite ses propres enfants mais aussi les espèces animales et végétales avec laquelle elle cohabite sur notre belle planète. Qui peut rester indifférent à l’extinction de plus d’un tiers des espèces animales ? Elle aime aussi les rivières, les montagnes, les forêts et les déserts, l’océan et le ciel étoilé, les nuages et le vent, le soleil et les profondeurs de la terre, et finalement tout ce qui est nature. Elle leur prête vie; pour Elle, tout est vivant et réclame à ce titre d’être respecté. Elle est Nature naturante, et notre part irréductiblement sauvage, toujours naturelle malgré les environnements artificiels dans lesquels nous vivons. Elle est la Grande Vie dans laquelle toutes les vies trouvent leur place, leur commencement et leur fin.

Elle est aussi bien Marie la Mère de Dieu qu’Isis la Grande Reine et Kali la redoutable qui tranche les têtes de façon toute compassionnée. Les archétypes n’ont pas de frontières clairement définies et on peut donc voir aussi en elle le sourire enjôleur d’Aphrodite, la liberté sauvage d’Artémis, la discrétion d’Hestia, la fureur de Morrigane, la sagesse de Brigit, etc – Elle est une nouvelle figuration de la totalité du Féminin divin. Mais la forme sous laquelle Elle est la plus proche de nous selon mon sentiment est celle de Myriam de Magdala, mieux connue sous le nom de Marie-Madeleine.
Jung a salué comme un grand événement spirituel l’assomption de Marie, c’est-à-dire l’admission dans les années 1950 et sous la pression populaire de la mère du Christ au Panthéon divin. Pour la première fois depuis 2000 ans, une femme était envisagée comme ayant part au Divin ! Mais qu’est-ce que ce sera alors quand Marie-Madeleine sera reconnue comme l’amoureuse et la compagne du Christ ? Ce n’est pas demain la veille, nous pouvons tou(te)s en convenir, mais cet événement inévitable signera enfin véritablement l’entrée dans un Nouvel Âge. Ce sera – c’est le cas de le dire – un tremblement de Terre qui ébranlera toute la chrétienté et fera tomber du ciel toutes les images présentant Dieu comme un vieux barbu un peu pervers, du genre obsédé sexuel refoulé un peu sadique, prenant plaisir à nous torturer en créant des désirs naturels qui nous conduiraient en Enfer. Ce séisme répondra à celui qui a accompagné la Crucifixion, quand la Nature a pleuré de voir ce que les hommes ont fait au Fils de l’Homme. Il est probable alors que tout l’édifice de l’Église de Pierre s’effondrera, et gare à ceux qui seront pris sous les décombres ! Dès lors règnera la liberté en l’Esprit vivant, comme le pressentait déjà Joachim de Flore. Les prémisses de cet effondrement sont visibles déjà dans la redécouverte de textes apocryphes non altérés comme l’Évangile de Thomas, qui donnent une idée toute nouvelle du message de celui que Marie, dans son Évangile, appelait l’Enseigneur...

Ce sera un temps béni pour les hommes comme pour les femmes car dès lors qu’il aura une amoureuse, le Fils de Dieu se verra restituer ses précieux attributs masculins : il aura enfin des testicules, une sexualité qui pourra être considérée comme sacrée, et qui sait, peut-être même des enfants. Le mythe chrétien en sera tout renouvelé de l’intérieur  et rendu, après deux millénaires de consomption patriarcale, très joyeux, et même jouissif. « Aimez-vous les uns les autres » ne sera plus une parole vaine. C’est pourquoi l’image de Marie-Madeleine s’impose pour la Fille : elle était humaine, et elle a été divinisée par son amour pour Yeshua, la souffrance qu’elle a vécue de le voir aller à la mort et la vision qu’elle a eu, la première, de son Corps de Lumière au-delà de la mort. Elle symbolise magnifiquement une nouvelle version du mythe de l’Incarnation du Divin, cette fois dans un esprit et un corps féminin. 

Elle est l’Amoureuse par excellence, l’Amour incarné dans une chair vibrante.

Nous pouvons voir les signes avant-coureurs de Son approche dans l’importance croissante qu’a prise la figure de Marie-Madeleine dans l’imaginaire populaire ces dernières années. À partir du concile de Nicée au cours duquel l’Église a assis son emprise totalitaire, elle a été décrite comme étant une prostituée sans que rien ne soutienne cette accusation sinon la misogynie des Pères fondateurs, à commencer par celle de Pierre qui remerciait chaque jour Yahvé de ne pas l’avoir fait femme. Il y a une ironie cinglante dans l’emploi de ce terme qui lui a été attribué parce qu’il semble qu’elle était initiée aux Mystères d’Isis : les gnostiques ont décrit comme la Sophia, Fille de Dieu perdue dans la matière, est venue dans ce monde sous la forme d’une Prostituée.

Cette imagerie fait le lien avec l’étrange rituel antique de la prostitution sacrée, dans lequel la Déesse s’offrait aux jeux amoureux dans le corps d’une prêtresse. Mais désormais, Marie-Madeleine est élevée dans de nombreux cercles spirituels à la place de la disciple préférée de Yeshua, qui l’embrassait sur la bouche. L’Évangile de Marie en témoigne depuis longtemps, ainsi que de la jalousie des apôtres. L’Évangile de Philippe la désigne clairement comme étant la compagne (koïminos) du Maître. Et voilà donc que ces idées qui étaient toutes confidentielles et apocryphes, et dont la simple formulation entrainait la mort de l’imprudent, trouvent maintenant écho et prennent la force de vérités populaires qui fleurissent dans de nombreux livres[2]. En reconnaissant à Yeshua une compagne, ce sont non seulement la sexualité, mais aussi le corps et la femme, le féminin de l’être, qui sont rachetés; le christianisme sort enfin de sa maladie infantile. Mais nous n’aurons plus besoin, avec Elle, de quelque « isme » que ce soit !

Car que signifiera sur un plan collectif le règne de la Fille ? Joachim de Flore l’avait bien compris déjà : ce sera le règne de la Liberté qui accompagne nécessairement l’Amour, et que j’ai envisagé pour ma part sous le nom d’une Anarchie Mystique[3]. Nous passerons du modèle de la pyramide au sommet de laquelle trône un imbécile capitalisant sur la sueur de toutes celles et tous ceux qui, en bas, le soutiennent de gré ou de force, à celui du cercle dans lequel nous partageons tou(te)s le pain et le vin à égalité. Nous reviendrons dans le cercle de la Création où nous serons en lien d’amour avec toutes les espèces animales et végétales, et plus largement avec Gaïa. Les religions ne serviront plus à diviser les êtres humains mais exprimeront simplement la diversité spirituelle de l’humanité. En particulier, le Christ et le Bouddha s’embrasseront enfin sur la bouche et inviteront le Prophète, mais aussi les chamans représentant les Peuples Premiers, nos aînés, à venir faire la fête avec eux. 
 Nous sortirons de l’opposition archétypique entre la froide Rationalité du Dieu technicien et la Foi barbue et suicidaire avec une compréhension renouvelée qui montrera qu’ils sont chacun l’ombre de l’autre. Mais c’est Marion Woodman[4] qui, selon moi, parle le mieux de la plus importante conséquence de ce retour à Sa juste place du Féminin : chacun(e) pourra être Qui il ou elle est dans sa particularité sans devoir se conformer à une Loi incapable d’envisager l’unique que nous sommes. La véritable individualité, qui n’a rien à voir avec l’individualisme, sera restaurée. Nous soignerons nos délinquants en reconnaissant leur souffrance et en les aimant tant que leur cœur de pierre fondra. Il faudra bien sûr commencer avec nos dirigeants actuels, malades de leur propre pouvoir, la drogue la plus dure qui ait jamais été.

Alors, qui est-Elle donc dans notre monde ? En paraphrasant Evey dans le film V for Vendetta quand il lui est demandé qui était V, je dirais qu’elle est notre mère, notre fille, notre sœur, notre amante, notre épouse… et en particulier, on peut la voir dans ces jeunes femmes de la génération montante qui arborent une nouvelle féminité indépendante et fière d’être, justement, des femmes, des « porteuses de vie ». Elle vibrait déjà chez nos mères et nos grand-mères qui se battaient pour la reconnaissance des droits de la femme, le droit de voter et de participer aux affaires. Elle se cherche chez toutes ces femmes qui emplissent les ateliers de développement personnel à la recherche de leur être profond et bien souvent de leur Féminité Sacrée, sacrifiée à l’égalité des sexes sur l’autel de la société patriarcale. Je rends dans ce sens hommage en passant au travail de l’École du Féminin Sacré[5] (publicité non subventionnée) de Sylvie Lüna Bérubé, au parcours exemplaire, à l’école Ho Rites de Passage[6] de Paule Lebrun, à qui je voue une immense reconnaissance, ainsi qu’aux innombrables cercles de rêves dans lesquels hommes et femmes (mais pourquoi surtout des femmes ?) retrouvent l’accès à notre Source sacrée…

Mais Elle rayonne aussi chez les Malala de ce monde qui se battent pour que les filles aient une éducation, et toutes ces femmes qui, en Afrique, en Asie ou ailleurs, se battent pour prendre en main leur destin. Elle lutte contre l’excision, contre l’ignorance et la bêtise militarisée, contre l’exploitation de la Terre Mère. Il est prouvé que le facteur majeur de développement social et humain est l’éducation donné aux filles et le pouvoir économique donné aux femmes dans les pays du Tiers-Monde. Elles sont en train de changer la face de notre monde, silencieusement mais sûrement, et ce quoi qu’en pensent les ayatollah, les mollah et les mollassons du cerveau que nous avons chez nous. Elle est invisible, bien sûr, comme toujours. Et finalement, Elle est donc dans la Déesse qui danse en nous, dans notre ventre, que nous soyons femme ou homme, car la Féminité sacrée n’est pas le monopole des femmes, tout comme le chamanisme n’est pas celui des Premières Nations, même s’il convient de leur laisser le leadership sur ce plan. Elle est à l’œuvre chez tous les humains qui sont engagés dans la réalisation de l’union en eux-mêmes du Féminin et du Masculin, pour créer des êtres complets et un monde équilibré, où ces deux se donneront la main pour ne faire qu’Un.

C’est ce que disait déjà le Christ dans l’Évangile de Thomas :

Au temps où vous étiez Un, vous avez fait le deux;
Mais alors, étant deux, que ferez-vous ?
[7]

Et encore :

Lorsque vous ferez le deux Un
et que vous ferez l’intérieur comme l’extérieur,
l’extérieur comme l’intérieur,
le haut comme le bas,
lorsque vous ferez du masculin et du féminin un Unique,
afin que le masculin ne soit pas un mâle
et que le féminin ne soit pas une femelle
(…)
alors vous entrerez dans le Royaume ![8]

Et lorsqu’on évoque le Christ ou sa parèdre Marie-Madeleine, il faut garder à l’esprit que, même si l’on parle d’archétypes qui semblent très loin dans le ciel, ceux-ci sont engagés dans un processus d’incarnation de la Divine sur terre. Il se pourrait que ce soit la tâche de notre temps que leur union s’incarne en chacun(e) de nous…

Mais alors, quelle est la place des hommes dans ce grand mouvement ? Une place de choix car nous, les hommes, devons accompagner et soutenir nos compagnes et nos filles dans cette évolution qui nous concerne tous. Nous avons à développer notre féminin intérieur sans sacrifier notre masculinité et à encourager les femmes à développer leur masculin intérieur sans perdre leur féminité. Cela veut dire en particulier retrouver le chemin de la Terre et des rêves, devenir des « hommes creux », comme le dit très bien Luis Ansa, c’est-à-dire concaves, réceptifs et sensibles. Nous avons aussi à devenir des Gauvain, c’est-à-dire de ces chevaliers qui reconnaissent que la femme doit être sa propre souveraine[9]. Et puis nous avons à prendre position, ce qui est justement le propre de notre masculinité qui doit affirmer clairement les valeurs au service desquelles nous mettons notre épée.

Mais la meilleure image que je puisse offrir pour illustrer ce que l’époque semble demander aux hommes vient des danses de la Lune que célèbrent maintenant, chaque année, de nombreuses femmes. Dans les années 1990, des Mexicaines ont restauré l’ancien rite des danses de la Lune, complémentaire de la danse du Soleil que pratiquent les hommes engagés sur la Voie Rouge des amérindiens. Depuis lors, on célébre de telles danses un peu partout : des femmes dansent pendant 4 jours et 4 nuits au rythme des tambours. Et les hommes sont là pour assurer toute la logistique, faire à manger et protéger énergétiquement le lieu, pour qu’Elle puisse déployer sa danse. C’est un honneur pour un homme que de participer à ces danses. Voilà exactement ce que nous, les hommes qui sommes prêts à avancer avec le Féminin sacré, avons à faire : une haie d’honneur protectrice pour qu’Elle puisse s’avancer dans toute son ouverture, sa vulnérabilité et sa sensibilité, et danser. Parce qu’ensemble, nous avons à faire l’expérience de l’entière Liberté qui découle d’être enfin intérieurement ré-unis…

Je dis tout cela et je ne sais pas ce que je dis.

Rien ne serait plus dangereux pour moi à ce point que de me prendre au sérieux, n’est-ce pas ? Ce serait l’inflation garantie, la grosse tête, trop grosse pour mes petites épaules. Il faut que je me lave la bouche après avoir tenu de tels propos d’apparence prophétique. Je ne prétends pas à la vérité, que je ne détiens pas. Pour ma part, je lance simplement mon petit pavé dans la mare, bien curieux de ce qui va en ressortir. Tout ce qui m’intéresse en fait, c’est ce qu’on peut appeler la phénoménologie du Soi, c’est-à-dire comment la Liberté vient à l’humain. Mais il y a urgence : la seule façon de répondre à l’ombre qui s’étend sur nous, c’est de laisser briller notre lumière et d’oser, ensemble, inventer un autre avenir dans lequel les valeurs de vie seront honorées.

Pour moi, en dernier lieu, tout cela n’est peut-être qu’un rêve qui m’est venu et que j’expose au grand jour. Car je crois à la fécondité des rêves quand on leur permet d’ensemencer le réel, la vie. On dit aux personnes qui reviennent de Quête de Vision : « une vision qui est manifestée, c’est une vision qui peut transformer le monde ». Alors, en parler est une façon pour moi simplement d’honorer ma vision en souhaitant qu’elle en inspire d’autres. C’est un rêve donc qui me traverse, dont je ne sais d’où il vient, où il va et ce qu’il veut. Il ne m’appartient pas mais il me réjouit.

Faites en bien ce que vous voudrez.
  
Puissent tous les êtres être libres !


[1] Voir le livre de Christine Hardy intitulé la prédiction de Jung : la métamorphose de la Terre aux éditions Dervy, et : http://www.urantia-gaia.info/2012/04/20/la-prediction-tres-meconnue-de-jung
[2] Parmi lesquels je recommande tout particulièrement les écrits de Jean-Yves Leloup – Une femme innombrable – et le remarquable Manuscrit de Marie-Madeleine, de Tom Kenyon et Judi Sion, ainsi que le récit Au nom du corps de Caroline Gauthier qui montre ce que peut signifier, pour une femme contemporaine, de rencontrer Marie-Madeleine.
[3] Vous pouvez me lire sur ce sujet ici : http://voiedureve.blogspot.fr/2015/03/mystique-anarchie-13.html.
[4] Je recommande la lecture de tous les livres de Marion Woodman et pour commencer, de cet article sur la féminité consciente : https://carnetsdereves.wordpress.com/2014/08/26/marion-woodman-feminite-consciente-2. Je signale aussi cette interview où elle parle du travail intérieur des hommes et des femmes, ainsi que des moyens de les rapprocher :  https://carnetsdereves.wordpress.com/2015/02/22/marion-woodman-homme-interieur-%e2%80%a2-femme-interieure. Enfin, vous trouverez des liens vers d’autres articles exposant son message ici : https://carnetsdereves.wordpress.com/auteurs/marion-woodman. Merci à Michèle Le Clech pour son inestimable travail de traduction !
[5] Voir le site : http://femininsacre.com
[6] Voir le site : http://horites.com
[7] Évangile de Thomas traduit et commenté par Jean-Yves Leloup, Albin Michel : logion 11
[8] Idem : logion 22.