Il y a des moments de vie, comme cela, où il n'y a pas de mots. Au-delà du chagrin, des larmes et de la colère, il y a le silence qui semble s'imposer comme seule façon de traverser le deuil sans ajouter à la cacophonie ambiante. Et puis du silence viennent quelques mots...
J'ai déjà dit (presque) tout ce que j'avais à dire ici après l'attentat qui a frappé Charlie.
Paris... c'est chez moi, c'est ma ville. Je l'ai quittée il y a longtemps, et j'y reviens toujours, comme à une amante de jeunesse. Au-delà de Paris, je suis solidaire de toutes les victimes de la guerre qui est en train d'incendier notre maison commune, cette petite boule bleue de la banlieue de la Voie Lactée qu'on appelle "la terre", de la même façon que les peuples qui se croient seuls au monde se désignent comme "le peuple". Je pense à Beyrouth, à Bamako, à Bagdad martyrisée, à Alep et Damas, au Soudan et à Gaza, à l'Afghanistan et à la Syrie...
Je ne désigne pas de coupables dont je pourrais me couper, comme s'ils n'étaient pas comme moi simplement humains : il n'y a que souffrances qui se propagent comme un feu de forêt, d'arbre en arbre, d'être en être, jusqu'à ce qu'il y ait assez de conscience pour arrêter de répandre le mal qui fait mal. Ce n'est pas avec des bombes qu'on règlera les problèmes créés par des bombes. « Aucun problème ne peut être résolu sans changer le niveau de conscience qui l'a engendré" disait Einstein. Il ajoutait : « La folie, c'est de se comporter de la même manière et d'attendre un résultat différent ».
Ne soyons pas fous, mes amis...
Ne soyons pas fous, mes amis...
Si les événements tragiques dont nous avons été témoins il y a une semaine peuvent prendre sens, je forme le vœu que ce soit dans la prise de conscience que partout, ce sont nos frères et nos sœurs, nos fils et nos filles, qui tombent sous les balles, qui meurent sous les bombes, et que nous avons l'urgent devoir d'arrêter cette folie. Il n'est qu'une seule façon d'y parvenir et c'est de travailler chacune et chacun sur nous-mêmes pour faire la paix dans nos cœurs et nous ancrer dans l'amour qui enveloppe tout.
Souvenons-nous de ce qu'écrivait Etty Hillesum en d'autres temps d'obscurité (1942) :
Souvenons-nous de ce qu'écrivait Etty Hillesum en d'autres temps d'obscurité (1942) :
« C'est la seule solution, vraiment la seule, Klaas, je ne vois pas
d'autre issue : que chacun de nous fasse un retour sur lui-même et extirpe et anéantisse
en lui tout ce qu'il croit devoir anéantir chez les autres. Et soyons bien
convaincus que le moindre atome de haine que nous ajoutons à ce monde nous le
rend plus inhospitalier qu'il n'est déjà ».
Puisque enfin c'est la France que nous aimons qui a été attaquée et plutôt que de céder au réflexe digne du cerveau d'une oie qui fait marcher au pas des musiques militaires, drapons donc nos âmes dans le bleu de la liberté qui ne baisse pas la tête, le blanc de l'égalité qui accueille toutes les facettes de l'humanité, le rouge de la fraternité qui ne dément pas !
Cela fait déjà beaucoup de mots qui sortent de mon silence. Mais ils ont pour vocation de s'effacer devant ceux des enfants de cette classe d'école primaire du Calvados à qui leur professeur demandait lundi : « qu'est-ce qui demeure après cette horreur, qu'elle n'a pas fait et ne fera pas disparaître ? ». Leur réponse tient dans cette image :
Pour conclure ce billet, je songe, comme à un baume offert par les profondeurs, à un rêve que rapportait Etienne Perrot dans Le péril nucléaire et que j'ai déjà cité dans un article sur la paix dans le cœur :
« Un
cataclysme vient de s'abattre sur la terre, on ne précise pas lequel, peut-être
est-ce une guerre, un séisme. L'humanité est plongée dans la souffrance et dans
l'angoisse. Les grands s'agitent, les décisions pleuvent, mais la situation
demeure sans issue. Dans un coin retiré, trois simples d'esprit sont accablés
d'entendre les pleurs autour d'eux. Ils souffrent comme les autres, d'une
souffrance qui dépasse leurs personnes, comme s'ils portaient sur leurs pauvres
épaules le poids du monde en désarroi; mais que faire ? Ils sont tellement
impuissants...
« Venez, dit l'un d'eux, entrons et asseyons-nous autour de la table, l'inspiration nous sera peut-être donnée. » Les voilà tous les trois assis autour de la pauvre table d'une pièce sombre. Une faible ampoule projette leurs ombres immobiles sur les murs. Ils restent là, la tête dans les mains, le front plissé, les coudes enfoncés dans la table, tous les trois serrés l'un contre l'autre et fondus en un seul par l'ardeur de la foi qui est dans leurs cœurs. Ils souffrent, ils cherchent sans parole, sans penser, à l'intérieur d'eux-mêmes, sans que rien de ce qui se passe à l'extérieur ne vienne troubler leur méditation silencieuse.
Cela a duré un très long temps et voilà qu'un matin, un jeune homme jaillit plein d'enthousiasme. Il crie, il chante, il embrasse les trois innocents étonnés et les entraîne dans une danse folle : « C'est fini ! Comment ? C'est grâce à vous et vous ne le saviez pas ? C'était de chaleur et uniquement de chaleur que les hommes avaient besoin pour que la paix revienne. Et c'est de cette concentration innocente, de cette immobilité active qui était la vôtre que cette chaleur est née. D'abord imperceptible, elle s'est intensifiée et rayonne maintenant par-delà les frontières, activée au fur et à mesure que votre recueillement se faisait plus intense. » »
« Venez, dit l'un d'eux, entrons et asseyons-nous autour de la table, l'inspiration nous sera peut-être donnée. » Les voilà tous les trois assis autour de la pauvre table d'une pièce sombre. Une faible ampoule projette leurs ombres immobiles sur les murs. Ils restent là, la tête dans les mains, le front plissé, les coudes enfoncés dans la table, tous les trois serrés l'un contre l'autre et fondus en un seul par l'ardeur de la foi qui est dans leurs cœurs. Ils souffrent, ils cherchent sans parole, sans penser, à l'intérieur d'eux-mêmes, sans que rien de ce qui se passe à l'extérieur ne vienne troubler leur méditation silencieuse.
Cela a duré un très long temps et voilà qu'un matin, un jeune homme jaillit plein d'enthousiasme. Il crie, il chante, il embrasse les trois innocents étonnés et les entraîne dans une danse folle : « C'est fini ! Comment ? C'est grâce à vous et vous ne le saviez pas ? C'était de chaleur et uniquement de chaleur que les hommes avaient besoin pour que la paix revienne. Et c'est de cette concentration innocente, de cette immobilité active qui était la vôtre que cette chaleur est née. D'abord imperceptible, elle s'est intensifiée et rayonne maintenant par-delà les frontières, activée au fur et à mesure que votre recueillement se faisait plus intense. » »
Puissions-nous retrouver cette simplicité d'esprit et de cœur qu'ont les enfants et qui seule saurait sauver le monde de notre propre folie. Revenons au silence.
Méditons ensemble.
Méditons ensemble.