lundi 16 janvier 2023

La perle inestimable


J'ai écrit cet article dans les jours entourant la Pâques 2022, dans une seule coulée. Je l'ai retenu jusque ici car il expose quelque chose du cœur de ma recherche dont je répugne à parler, que je crois ressortir au domaine privé. Il s'avère cependant que pour partager l'attitude intérieure que requiert l'approche des rêves, et ce que j'entrevois de la façon dont ceux-ci travaillent en profondeur avec le temps, je ne puis échapper à la nécessité d'exposer ici ce cœur. Voici donc un grand rêve qui a fait son chemin en moi au cours de plus de 20 années, et qui pose les fondements de mon travail présent et à venir, ainsi que la longue méditation qui l'explicite...


Temps de lecture : environ 25 minutes

Je vous ai partagé dans un précédent article (le Tiers-Aimant) comment j’ai récemment remis la main sur un trésor, qui n’a cependant de valeur que pour moi, en rapatriant du Québec des carnets contenant près de 30 ans de rêves. S’il y a une raison de noter ses rêves, outre le fait que cela aide à les fixer et amène bien souvent immédiatement à la conscience des éléments de sens, c’est certainement de pouvoir les revisiter après des années. Il y alors beaucoup de ces rêves qui s’avèrent, il faut le dire, sans grand intérêt au prime abord car ils étaient surtout liés aux circonstances qui les entouraient. Cependant l’analyste y trouvera des indices fort intéressants de l’apparition progressive d’un sens qui se fait jour au travers de la récurrence et de l’évolution de certains symboles. Souvent un rêve est éclairé par la série dans lequel il se trouve, et il faut donc un certain recul pour envisager celle-ci. Et puis il y a, au milieu de ces rêves qui semblent surtout attachés à un moment de vie, des perles qui ressortent dans tout leur éclat car la lumière qu’ils amenaient alors, qui n’a pas nécessairement été reçue sur le moment, s’avère non seulement traverser les années, mais les illuminer...

C’est un de ces rêves que je veux vous partager aujourd’hui. Il date de l’été 2001, d’un moment où je m’interrogeais profondément sur le sens et la valeur de la démarche analytique que j’avais entrepris huit années auparavant. Il m’avait alors convaincu qu’il y avait quelque chose d’infiniment précieux à continuer à chercher là, qu’il ne fallait surtout pas que j’abandonne la quête même si je n’y comprenais rien, comme cela arrive bien souvent à qui se lance dans cette aventure. Le voici :

Il y a une rivière qui traverse ma maison de part en part. Elle charrie de la boue, un limon noir dans lequel je distingue parfois des reflets rouges. Je l’observe longuement. A un moment, mon attention est attirée par une lumière verdâtre à la surface. Je me penche sur la rivière à cet endroit et je plonge mes mains dans la boue. J’en retire un objet sphérique, dur et noir, d’un centimètre de diamètre, qui luit étrangement. C’est une perle ! La lueur qu’elle émet m’inquiète un peu, je me demande si elle ne serait pas radioactive et je la laisse retomber dans la boue. Elle reste facilement repérable à la coloration verdâtre qui l’entoure. Arrive alors une équipe NBC (nucléaire-biologique-chimique) en combinaisons étanches, qui s’attelle à extraire la perle de la boue avec d’infinies précautions. Mon inquiétude grandit : je pense à mes filles qui dorment dans une chambre voisine, crains qu’elles n’aient été exposées à des radiations. Les scientifiques vont et viennent dans la maison sans prêter attention à ma présence. Ils installent un laboratoire d’analyses dans ma chambre à coucher. Finalement, on vient me chercher pour que je puisse voir la perle. Je sais qu’ils ne savent pas d’où elle vient, de quoi elle est faite – serait-ce un matériau extraterrestre ? Ils me laissent entrer seul dans la chambre à coucher. J’ai l’impression qu’ils m’observent, que je suis un cobaye et qu’ils veulent voir si je survis à la rencontre. La perle noire est posée sur un écrin rouge, sur un oreiller du côté où je dors. Elle a grossi, mesure maintenant trois ou quatre centimètres de diamètre. Elle n’émet plus de lueur verdâtre mais brille en reflétant la lumière du jour. Je la prends délicatement dans la paume de ma main et sans réfléchir, je la porte à la hauteur de mon front et la touche avec celui-ci en inclinant la tête, en fermant les yeux. Je songe pendant les quelques secondes où je ressens son contact à ce rêve où Jung se trouve devant la plus haute Présence, et s’incline devant elle mais son front ne touche pas le sol. Moi, je touche la perle, me dis-je, sans hésitation. Je me sens heureux, joyeux. J’ouvre ensuite les yeux et je la contemple dans la paume de ma main. De façon tout à fait étonnante alors, elle devient une perle bleue, d’un bleu profond, et se met à chanter tout doucement. Je sais intimement que je suis seul à voir cette transformation, à entendre ce chant qui me touche profondément…


J’étais étonné en le retrouvant d’avoir oublié ce rêve : comment a-t-il pu m’échapper, se perdre dans les méandres du temps ? En fait, je ne l’avais pas complètement oublié. Il m’en était resté cette image de la perle bleue qui chante, qui m’est revenue en différentes occasions. Je suis resté attentif aussi à ce symbole de la perle, que l’on retrouve dans différentes cultures spirituelles et à propos duquel je n’ai cessé depuis ce rêve de collecter des références et des histoires. Dans mon journal, après avoir noté ce rêve, j’ai fait le lien entre ce dernier et l’évangile selon Thomas, où le logion 76 nous dit :

«Le Royaume du Père est comparable à un marchand qui possédait une cargaison de marchandises. Il trouva une perle. Ce marchand était un sage : il vendit toute sa cargaison et acheta la perle unique. Vous aussi, cherchez le trésor non périssable, celui qui demeure là où la mite n’approche pas, où le ver ne ronge pas. »

Le commentaire que Jean-Yves Leloup donne de ce logion nous explique que la perle est, dans les textes gnostiques, un symbole du Soi. Je m’en suis alors tenu là dans mon analyse : au milieu de la rivière de boue qui traversait ma vie, il y avait la perle du Soi. J’en avais peur mais en l’analysant avec toutes les précautions nécessaires, je parviendrais – me disais-je – au point où s’opérerait une transformation étonnante.

Pas mal, ai-je souri en relisant ces notes, c’était une bonne interprétation. Elle s’est vérifiée. Et cependant, il y a tellement plus dans ce rêve ! Je suis resté, à l’époque où je l’ai reçu, à sa surface et il n’est pas étonnant, dès lors, qu’il ne m’en soit resté qu’un souvenir indistinct. Je ne me jette pas la pierre cependant : à l’époque, je balbutiais dans l’interprétation des rêves. Quelques années auparavant, je m’étais tourné vers mon analyste et je lui avais demandé si nous pouvions aller dans une analyse didactique. Il m’avait répondu qu’il pensait que j’étais dans une analyse didactique, pour apprendre le travail, depuis le début. A partir de ce moment, il m’a encouragé à lui donner, à chaque fois que je lui apportais un rêve, une interprétation de ce dernier, à laquelle il amenait un complément éclairant. C’est ainsi que j’ai appris… mais pour quelque raison que j’ignore, je ne lui ai pas parlé de ce rêve. Il est passé à la trappe, sans doute parce que j’avais beaucoup d’autres rêves, qui me semblaient encore plus obscurs, à lui soumettre. 

Il se peut aussi que j’ai éprouvé une certaine pudeur devant la nature numineuse du petit miracle avec lequel le rêve se conclut : je peux voir maintenant qu’il parle de l’émergence de ce que j’oserai appeler mon « sentiment religieux ». Or j’ai toujours eu de la difficulté à parler de ce sentiment religieux – et j’emploie à dessein ce terme « religieux » là où beaucoup, et moi le premier, préfèrent parler de « spirituel » et de « spiritualité » – car tout ce qui touche à cette dimension de ma vie me semble relever de l’intime. Nous vivons en effet une époque étrange où il est plus facile de parler de sexualité que de relation au Divin. Je retrouve ce texte que j’ai écrit quelques années plus tard en tournant autour de ce problème :

« Parler de Dieu est devenu obscène, plus obscène que la pornographie. C’est un renversement amusant après que la sexualité ait été proscrite par la religion pendant si longtemps. Il est plus facile de dénuder les corps que les âmes, et après les siècles de dogmatisme inquisitorial que nous avons subi, il y a là sans doute une pudeur salutaire, une mise à l’abri de l’essentiel dans la chambre du cœur. Notre relation au Divin doit être protégée des prêtres, des marchands, et surtout de ceux qui détiennent la vérité, sans se rendre compte que dans ces mots, ils avouent la mettre en prison, dans la petite cellule de leur esprit, de leurs croyances. Or la vérité, comme Dieu, est libre. Plus que jamais peut-être, l’exigence se fait sentir de libérer Dieu des religions. »


Cependant, je suis donc passé à côté de l’essentiel de ce qui se disait dans mon rêve, précisément parce que je me suis contenté de dire : « Oh, ce n’est que le Soi qui est là, qui se montre sous la forme d’une perle qu’il faut extraire de la boue. » En lien avec mes préoccupations du moment, j’ai compris de ce rêve qu’il m’enjoignait de poursuivre l’analyse, ce qui n’est pas faux. Mais voilà, comme beaucoup de débutants, je me suis piégé moi-même avec un « ce n’est que » réducteur qui balaye sous le tapis tout ce qui reste irrésolu dans le rêve. Parce que j’étais capable de poser sur celui-ci un gros mot comme « le Soi », je pensais en être quitte. Je ne réalisais pas que j’employais, pour parler du mystère présent dans ce rêve, un gros mot qui évoquait quelque chose que j’ignorais encore plus.
Ignotum per ignotius, disaient les anciens alchimistes : on désigne quelque chose que l’on ignore par quelque chose que l’on ignore encore plus...

Jung signale comment un des maux de notre modernité est que nous attachons trop de valeur aux mots, comme si nous en avions fini avec quelque chose quand nous l’avons nommé, quand nous avons posé un concept dessus. Je songe en disant cela à certains interprètes de rêves qui se sont remplis de l’idée toute jungienne qui veut que le rêve est « une interpellation du Soi », et le forcent à entrer dans le lit de Procuste de leur conception : il leur faut voir le Soi partout, même quand le rêve invite à simplement ouvrir la fenêtre, à laisser entrer la lumière du printemps. Ce n’est pas faux, encore une fois, car le Soi est dans l’espace ouvert derrière la fenêtre… mais ce n’est pas la Vérité vivante car quand on parle du Soi, on le fait bien souvent entrer dans un concept, une idée qu’on en a. Les bouddhistes zen invitent à se laver la bouche après qu’on ait prononcé le nom « Bouddha ». Allan Watts disait, avec raison selon moi, que le christianisme se renouvellera en profondeur le jour où quelqu’un se lèvera dans une église pour demander qu’on se lave la bouche après qu’on ait prononcé le nom « Jésus ». Les jungiens pourraient bien eux aussi se laver la bouche après qu’ils aient prononcé le mot « Soi » !

Il fallait donc sans doute que s’écoule bien de l’eau sous les ponts avant que je puisse recevoir ce rêve, l’entendre. Je me demandais ces jours-ci, en écrivant cet article, si tout mon parcours depuis 20 ans ne pourrait pas être envisagé comme un long déploiement de ce rêve. Bien sûr, c’est facile après toutes ces années d’expérience de critiquer mon interprétation d’alors. Je ne pouvais voir les choses qu’à partir de là où j’étais. Par exemple, j’étais dans ces années très préoccupé par l’impression de rencontrer un fleuve de boue dans ma vie. J’étais confronté à une remontée de l’ombre qui me montrait des aspects peu sympathiques de ma personnalité. Parler de « boue » était un gentil euphémisme car j’avais l’impression d’être dans la m…. jusqu’au cou – vous m’excuserez, j’en suis sûr, de ne pas en dire plus (lol) car chacun la sienne, n’est-ce-pas ? 

Je n’ai pas vu qu’au-delà de la boue, il était question dans ce rêve de limon noir, c’est-à-dire de terre noire, d’alchimie – le terme « alchimie » vient de l'arabe al-kīmiyā, qui renvoie lui-même à un terme égyptien désignant les alluvions et la terre noire charriés par le Nil. J’ai pris le rêve très personnel, et je n’ai pas vu que la rivière traversait mon intérieur de part en part, venant d’ailleurs et retournant ailleurs. Je n’ai pas prêté attention au jeu des couleurs, qui renvoie justement à l’alchimie : la lumière verdâtre caractéristique du cuivre, et par là de la dimension du cœur et de la vitalité associée au viriditas, les reflets rouges évoquant le potentiel d’une œuvre au rouge, le rubedo. Cependant j’ai saisi qu’il y avait là quelque chose de dangereux, qui devait être analysé, mais devant quoi la science – c’est-à-dire la rationalité, la technique – se révélait impuissante. C’est un rêve qui aurait gagné alors à être exploré en imagination active, ou ce que j’appelle désormais en « écoute intérieure du rêve », c’est-à-dire en prêtant attention aux ressentis associés avec chaque image. Plus encore qu’une interprétation symbolique, ce rêve réclamait me semble-t-il de couler en moi comme la rivière coulait en celui-ci au travers de ma maison, l’irriguant...


Il y avait une clé qui m’aurait permis, si je m’étais arrêté sur ce détail, de comprendre de quoi il était question dans le fond de ce rêve quand je mentionne que j’ai pensé, alors que je portais la perle à mon front, à ce rêve où Jung est mis par son père en contact avec la plus haute Présence. Il raconte ce rêve dans « Ma vie », au chapitre sur la genèse de l’œuvre. Je le résume rapidement, en omettant nombre d’éléments et de détails pour me concentrer sur les points qui m’intéressent plus particulièrement : 

Le rêve commence avec un premier tableau où le père de Jung, décédé depuis longtemps, commente avec brio un passage de l’Ancien Testament, dans une Bible en peau de poisson, devant Jung et deux psychiatres, père et fils. Ils n’y comprennent rien, et Jung note comment les psychiatres considèrent son père comme étant un peu fou, sénile. Jung lui-même est en colère de l’attitude des psychiatres et désolé de ne rien comprendre à ce que dit son père. Puis ce dernier le conduit dans une grande salle circulaire, une sorte de mandala qui rappelle la salle du Conseil où le sultan Akbar le Grand réunissait les sages et les savants qui le conseillaient. Jung avait été impressionné par la visite de cette salle en Inde. En haut d’un escalier très raide qui part du centre de la salle, il y a une petite porte derrière laquelle se tient la plus haute Présence. Le père s’incline, front contre sol, pour honorer cette présence et Jung en fait autant, mais il constate que, sans qu’il comprenne pourquoi, son front ne touche pas le sol; il se tient toujours un millimètre au-dessus de celui-ci. Pour Jung, il y a là quelque chose du sacrifice intellectuel qu’il ne peut consentir, là où son père démontre sa foi religieuse, devant la divinité.

A l’époque où j’ai reçu mon rêve de la perle, j’étais en train de relire « Ma vie », et j’avais été très impressionné par ce rêve de Jung. Je m’étais dit que j’étais dans une position intérieure très différente de la sienne. Lui était fils de pasteur et avait besoin de s’affranchir du poids de la tradition chrétienne fossilisée dans la foi torturée de son père. Pour ma part, je viens d’un milieu agnostique pour lequel la religion est l’opium du peuple, et j’avais alors l’intuition confuse de ce qu’on avait jeté le bébé avec l’eau du bain, qu’il y avait quelque chose de précieux à retrouver. Cette intuition s’est beaucoup précisée par la suite, et j’ai ressenti à certains moments de mon parcours depuis lors un véritable soulagement à abandonner la prétention intellectuelle à comprendre le mystère. J’ai trouvé une grande valeur dans le fait d’être capable de m’incliner devant celui-ci, et que mon front touche terre. Je ne vois pas là une image de soumission comme le suggérait la religion traditionnelle, et encore Jung, mais plutôt le rafraîchissement de l’esprit au contact de la Pacha Mama, le retour de nos prétentions à l’humus, la bonne terre. Je comprends que Jung ait eu besoin de se refuser à ce sacrifice intellectuel, sinon il n’aurait pas été Carl Gustave Jung, et cependant je crois que la roue tourne, et que l’attitude qui était juste hier ne l’est plus nécessairement à un autre moment. Notre problème, aujourd’hui en Occident, est peut-être bien que nous ne savons plus nous incliner vraiment devant le mystère.

Dans l’analyse que Jung donne de ce rêve, il dit voir un énoncé de la tâche inconsciente qui lui incombait, et qui est déléguée à son père dans le rêve car lui, Jung, est encore trop immature pour l’assumer. A posteriori, je peux aussi voir dans mon rêve un énoncé de ma propre tâche inconsciente, que je n’étais pas en mesure d’assumer consciemment à l’époque où je l’ai reçue. Jung a tiré de son propre rêve bien d’autres informations qui l’ont amené, en particulier, à l’écriture de Réponse à Job. Il développe en particulier le fait que, derrière la petite porte du rêve habite Urie, le général du roi David, que ce dernier a trahi en le livrant à l’ennemi pour s’emparer de sa femme. Pour Jung, Urie préfigure le Christ, « l’homme-Dieu abandonné de Dieu ». Dès lors qu’il a compris qu’il s’agissait là symboliquement de l’homme victime des caprices du Tout-Puissant, Jung s’est senti obligé, à son corps défendant, de parler publiquement de l’image ambivalente du Dieu de l’Ancien Testament. Pierre Trigano, dans le tome 3 de Psychanalyser Jung, propose une analyse fort intéressante de ce rêve, d’où il ressort que c’est en fait de son propre complexe de puissance que Jung est invité par là à se défaire, en reconnaissant que la vulnérabilité d’Urie est supérieure, plus proche du Divin, que la puissance du Sultan. Mais ce n’est pas là pour moi le point essentiel. Pour moi, la clé du rêve est dans l’impossibilité de s’incliner entièrement, cette réserve intellectuelle devant le mystère, qui s’inscrit dans la continuité de l’attitude des psychiatres du rêve de Jung, pour lui symbole d’un point de vue médical borné qui l’a également marqué en tant que médecin, devant l’inspiration divine...


Ce qui nous ramène à la Perle, sur laquelle j’ai mené une recherche approfondie, dont je vous partage les éléments principaux ci-dessous : 

Je n’en avais pas conscience à l’époque où j’ai reçu mon rêve, mais nous avons là un symbole qui a une portée universelle. « La constance de ses significations est aussi remarquable que leur universalité, ainsi que l’ont montré en divers livres Mircéa Eliade et nombre d’ethnologues », nous indique le dictionnaire des symboles de Chevalier et Gheerbrant. Il précise que la perle est en particulier un symbole associé à la Lune et au féminin.  C’est « le symbole essentiel de la féminité créatrice », du principe Yin. Elle est souvent considérée comme une panacée, bonne contre les hémorragies, la folie, la mélancolie, l’empoisonnement, l’épilepsie, etc. Elle est censée avoir des propriétés aphrodisiaques, fécondantes, revigorantes...

J’ai déjà dit plus haut comment Jean-Yves Leloup, dans son commentaire du logion 76 de l’évangile de Thomas, fait ressortir que la perle représente le Soi - « notre être incréé », dit-il. Il signale que « le terme iranien qohr signifie d’ailleurs "perle" aussi bien que "essence" ». La perle est en effet idéale pour symboliser le Soi : elle est sphérique, faite d’une matière très résistante, et on la trouve au profond de la mer de l’inconscient. Dans une perspective un peu différente de celle de Leloup, qui veut y voir une évocation de ce qui en nous précède le temps, la perle symbolise ce qui ressort de l’élaboration de nos souffrances, qui sont comme le grain de sable qu’enveloppe la nacre de la conscience, et qui devient ainsi précieux. On retrouve là, par une allusion subtile, la vulnérabilité d’Urie, l’homme trahi par celui-là même à qui il dévouait sa loyauté, qui le fait souffrir, et au Christ tel que l’envisageait Jung. Et il est souvent question de la perle dans les textes sacrés.

 L’Apocalypse nous décrit la Jérusalem céleste comme étant gardée par douze perles, qui sont autant de portes, de moyens d’accéder donc au centre :

« Les douze portes étaient douze perles; chaque porte était d'une seule perle. La place de la ville était d'or pur, comme du verre transparent. » (Apo 21.21)

On connaît aussi l’injonction de L’évangile selon Matthieu 7.6 : 

« Ne donnez pas les choses saintes aux chiens, et ne jetez pas vos perles devant les pourceaux, de peur qu’ils ne les foulent aux pieds, ne se retournent et ne vous déchirent. »

Cette injonction est semble-t-il un écho du logion 93 de l’évangile selon Thomas :

« Ne donnez pas ce qui est pur aux chiens, de peur qu’ils ne le jettent au fumier.
Ne donnez pas de perles aux pourceaux, de peur qu’ils n’en fassent de l’ordure. »

Dans l’évangile de Philippe, on lit ces mots qui viennent un peu contredire Thomas et Matthieu en soulignant la valeur inaltérable de la perle :

« La perle jetée dans la boue n’en perdra pas pour autant sa valeur et si on l’oint de baume, elle n’en acquerra pas davantage aux yeux de son propriétaire. »

Thomas, par Diego Velasquez

Dans les Actes de Thomas, un texte  gnostique, il y a un très beau conte syriaque qu’on appelle l’hymne de la Perle ou le chant de la Perle (vous pouvez écouter sur Youtube la version que je donne de ce conte ici : le chant de la Perle 1), dont Sohawardi, le grand mystique persan du XIIème siècle, donne une version intitulée le récit de l’exil occidental commentée par Henry Corbin. Il s’agit d’une métaphore de la quête intérieure. En résumé :

Un jeune prince quitte son Royaume, missionné vers l’Égypte, les terres occidentales, pour y conquérir une Perle enfouie dans la gueule d’un dragon qui vit dans les profondeurs de la mer. Le prince se dépouille de son vêtement de lumière et arrive en terre d’exil comme un étranger. Il absorbe des nourritures et des boissons qui lui font oublier d’où il vient et quelle est sa mission. Il devient un errant, un clochard abandonné. Puis il est jeté en prison. Mais c’est là qu’un aigle, ou dans la version persane une huppe – oiseau de la sagesse –, lui porte un message de ses parents : « Réveille-toi ! Souviens-toi de Qui tu es, de quelle est ta mission... » Alors, la mémoire lui revient et il va chercher la Perle avant de repartir dans sa patrie originelle.

Au sens mystique, nous disent Chevalier et Gheerbrant, la perle est vue comme un symbole de l’illumination et de la naissance spirituelle. Jean-Yves Leloup, et d’autres commentateurs, indiquent qu’elle représente ce qu’on pourrait appeler « l’état paradisiaque » de complétude. Elle est « lumière au dedans comme au dehors », et c’est l’état que nous devons retrouver « par la connaissance et par l’amour. » Plus précisément, du point de vue de la gnose, la perle symbolise la connaissance elle-même, une connaissance indissociable de l’amour. On retrouve là l’idée qui veut que connaître, c’est « s’unir à », devenir Un avec. Mais cette connaissance est aussi associée au thème de l’oubli, comme l’évoque l’hymne à la Perle : pour les gnostiques, nous sommes comme le prince de l’histoire oublieux de notre véritable nature, d’où nous venons, de qui nous sommes et de ce que nous sommes venus faire en ce monde. Le prince cherche la perle comme Perceval le Graal. « L’image archétypale de la perle évoque ce qui est pur, caché, enfoui dans les profondeurs, difficile à atteindre. » Pour Shabestari, la perle symbolise la « science du cœur : quand le gnostique a trouvé la perle, sa tâche est accomplie. »

L’islam, en particulier iranien, n’est pas en reste avec le symbole de la perle. Ainsi, un hadith du Prophète nous indique-t-il que les serviteurs de Dieu sont « comparables à la pluie; lorsqu’elle tombe sur la terre ferme, elle donne naissance au blé; lorsqu’elle tombe sur la mer, elle fait naître des perles. »

Selon la cosmogonie des Fidèles de la Vérité en Iran: 

« au commencement, il n’y avait dans l’Existence aucune créature que la Vérité suprême, unique, vivante et adorable. Sa demeure était dans la perle et son essence était cachée. La perle était dans la coquille, et la coquille était dans la mer, et les ondes de la mer recouvraient tout. »

Cette coquille dans laquelle la perle est enfermée est souvent considérée comme étant l’enveloppe des mots, dont il s’agit d’extraire le précieux sens. C’est dans cette idée, sans doute, que Socrate disait qu’il fallait un plongeur de Délos pour trouver la perle cachée dans la parole d’Héraclite dit l’Obscur. Nous avons très généralement à faire ce travail de plongée dans les textes sacrés, ou dans les rêves, pour en comprendre le sens véritable.

On retrouve la perle aussi dans le contexte du bouddhisme, où le Sutra du Lotus raconte par exemple l’histoire de la fille du roi-Dragon. Longnü est une enfant merveilleusement douée, pleine de sagesse et qui discerne en profondeur tous les dharmas. Cependant, un disciple du Bouddha ne veut pas croire qu’une femme puisse atteindre l’état de bouddha. En réponse, la fille du dragon offre une perle au Bouddha, symbole de sa vie et de l'ego, qu'il accepte. Elle se transforme ensuite instantanément en un parfait bodhisattva puis atteint l'illumination complète. Dans le bouddhisme Chán, cette histoire a été considérée comme un exemple qui souligne le potentiel qu’ont tous les êtres de l'éveil soudain...

la fille du roi-Dragon

Mais c’est Li-Tsi, un maître zen dont j’apprécie particulièrement l’enseignement tout à fait iconoclaste, qui parle peut-être le mieux de cette fameuse perle :

« Merveilleuse, insondable est la perle sacrée de la sapience ! Si dans la mer de la nature des choses, on sait la reconnaître, toujours on peut se promener au sein même des cinq agrégats, tantôt en la cachant et tantôt en la révélant. Lumineuse au-dedans aussi bien qu'au-dehors, grande est sa puissance divine ! Cette perle est sans forme, ni grande ni petite ; jour et nuit elle luit, éclairant toutes choses… »

Alors, de quoi s’agit-il ? Voilà que ce maître zen, qui nous invitait à tuer le Bouddha si nous le rencontrions, s’accorde avec les gnostiques sur l’idée que cette perle sacrée est faite de connaissance, de gnose. Jean-Yves Leloup nous donne encore une indication éclairante quand il dit, dans son commentaire du logion 76 de l’évangile selon Thomas où le marchand vend toute sa cargaison pour acquérir la perle précieuse, que :

« Pour retrouver cet état de perle, il faut savoir se désencombrer du superflu et de l’inessentiel. Sortir de notre état de négoce et de marchandage. »

Il y a là une clé pour toute personne qui s’investit dans le travail intérieur : à un moment, il faut cesser de marchander, arrêter d’essayer d’obtenir quelque chose au moyen du travail sur soi. Chacun.e de nous a été amené à la quête essentielle par une souffrance, un manque ou un désir, qu’il s’agisse de trouver la femme de sa vie, d’obtenir une reconnaissance bien méritée, de guérir d’une maladie ou d’un traumatisme, etc. Mais, j’ai pu le constater pour moi-même et dans mes accompagnements, un retournement se produit le jour où l’on accepte simplement les choses telles qu’elles sont. C’est une libération, nous cessons de lutter avec le réel. Il semble que ce soit cela, « faire la volonté de Dieu » : accepter ce qui est, ce que le Créateur a créé, sans discuter. 

Dès lors, on abandonne tout utilitarisme : on ne s’investit plus dans la quête pour obtenir quelque chose, pour devenir une meilleure personne... mais simplement parce que la démarche est un art de vivre. Et l’on est prêt à envisager un renoncement bien plus profond, qui consiste, comme nous le dit Maître Eckhart, à devenir des « pauvres d’esprit », c’est-à-dire en ne rien vouloir, ne rien savoir, ne rien avoir. C’est à ce prix, et à ce prix seulement, que nous pouvons entrer dans le Royaume que symbolise la perle. Cependant, cette béatitude – « Heureux les pauvres en esprit car le royaume des cieux leur appartient » – n’est pas spécifique au christianisme. On la retrouve par exemple dans le bouddhisme zen, où Le recueil de la Transmission de la lumière nous dit :

« Le renoncement mental signifie qu’on ne se rase pas les cheveux et qu’on ne change pas ses vêtements. Même si l’on demeure à la maison au milieu des vicissitudes du monde, on est comme un lotus qui n’est pas souillé par la boue, comme un joyau qui n’est pas recouvert de poussières. Même si, de par les circonstances, on possède femme et enfants, on ressent que ce n’est que fétu de paille et poussière : il ne demeure plus la moindre pensée d’attachement, plus rien n’est convoité. Telle la lune fixée dans le ciel, telle la perle qui roule sur un plateau, on reconnaît l’homme tranquille au milieu du marché bruyant, on voit par-delà le temps au sein des trois mondes, on sait qu’abolir les passions est aussi une maladie et que se fixer pour objectif l’ainséité relève de l’erreur. Le nirvâna et le samsâra ne sont que des irisations dans l’espace, l’éveil et les passions ne se différencient pas. Tel est celui qui renonce mentalement au monde. »

Pour finir ce grand tour des amplifications du symbole de la perle, c’est Almaas, un enseignant spirituel contemporain, qui m’en a donné la compréhension qui me semble désormais la plus éclairante. Il se trouve qu’en lisant voilà quelques mois un de ses livres, j’ai repensé à mon rêve car il y mentionne le témoignage de Muktananda, un méditant hindou, qui raconte une vision de la Perle Bleue :

« La Perle Bleue, qui s'est agrandie en une forme humaine à travers une forme ovale, se tenait devant moi. Son éclat a commencé à décliner. Puis j'ai découvert une figure humaine bleue à l'intérieur. Quelle beauté enchanteresse ! Sa forme bleue scintillait et scintillait ! (…) C’était une masse de pure conscience, la Vie de la vie intérieure de Muktananda. » 2

Muktananda

Évidemment, cette lecture m’a rappelé quelque chose car j’avais gardé le souvenir indistinct d’une perle bleue chantante à la fin d’un rêve qui s’était lui-même perdu dans les limbes de l’oubli. Mais il a fallu encore quelques mois pour que je puisse remettre la main sur le cahier où j’avais noté ce dernier, et me rafraîchir la mémoire. D’emblée cependant, à la lecture de ce témoignage d’expérience intérieure, j’ai été frappé par les termes employés par Muktananda pour décrire la perle de pure conscience : « la Vie de la vie », qui n’étaient pas sans me rappeler la notion de la Vie éternelle que mentionne les évangiles. Un contresens nous fait croire qu’il s’agirait de notre vie éternelle, d’une sorte de pérennisation de l’égo qui aurait décroché le pompon spirituel au grand jeu de l’existence. Or quand on y regarde de plus près du terme grec Zoé (ζωή), il apparaît qu’il s’agit en fait de la « grande Vie » qui anime tous les vivants, et les dépasse entièrement. Et donc, Almaas, commentant les mots de Muktananda, met en lumière que la perle bleue représente la dimension de conscience de cette grande Vie…

Plus loin, il cite Ira Progoff, un proche disciple de Jung, qui dit :

« Dans le symbolisme alchimique, le Soi en tant que réalisation ultime est représenté comme la "perle de grande valeur", la "pierre philosophale", ou d'autres symboles qui véhiculent l’idée de l'émergence d'un petit bijou précieux comme résultat de l'intégration de la psyché. » 3

Par la suite, Almaas s’enferre dans l’erreur typique des gens qui n’ont abordé la psychologie jungienne que par les livres. Il éprouve le besoin d’expliquer que, pour les personnes qui en ont l’expérience, les termes « corps de diamant » et « perle » sont des réalités vivantes et non des symboles, qu’il réduit à être de simples images. Il ignore que pour Jung, et dans l’expérience de la psychologie jungienne, qui n’est surtout pas un système conceptuel, les images sont vivantes. Et bien sûr, dans la voie ouverte par Jung, le « corps de diamant » et la « perle » sont des réalités psychiques tout à fait effectives. Un puriste dira peut-être que ce sont des réalités « spirituelles » et non psychiques. Cependant, avec Jung, je lui ferai remarquer que c’est la psyché qui expérimente ces réalités spirituelles, tout comme elle expérimente la réalité matérielle. Cette expérience est donc de nature psychique, ou plus exactement du domaine de l’âme, celle-ci étant entendue comme le trait d’union entre l’esprit et la matière...

Plus loin, dans un commentaire de l’Hymne de la Perle, Almaas explique :

« L’intégration de tous les aspects de l’essence dans une nouvelle synthèse personnelle est la perle inestimable. (…) L’ego n’est rien d’autre que le grain de sable requis pour la formation et le développement de la perle. » 4

Il ajoute enfin :

« Ce n’est pas simplement que la perle synthétise. C’est la synthèse elle-même. »

Mais alors, une fois bien considérées toutes ces amplifications, que représentait donc la perle de mon rêve ? Car c’est bien beau de se gargariser avec la dimension universelle d’un grand symbole, mais tant qu’il n’est pas intégré dans l’expérience personnelle, cela risque fort d’être aussi vain que de se contenter de dire « c’est le Soi qui m’interpelle ». Or pour aller dans cette dimension personnelle du symbole, il faut écarter au moins momentanément toutes les définitions conceptuelles qui voilent l’image vivante; il faut aller dans le ressenti associé à l’image... 

Quand j’ai relu mon rêve dans mon carnet, la première émotion qui m’est venue a été une inquiétude sinon une petite angoisse liée à l’irradiation verdâtre de la perle, et à la présence des scientifiques, à laquelle a succédé un sentiment de gratitude quand la perle bleue se met à chanter. Cette gratitude m’a ramené à l’idée que le principal bénéfice pour moi de toutes ces années d’analyse avait été de retrouver une connexion forte avec mon ressenti, ou en termes jungiens d’avoir restauré ma « fonction sentiment ». Or le chant, justement, symbolise volontiers l’expression du sentiment. Le travail intérieur m’a dans une bonne mesure délivré de cette propension à tout intellectualiser qui caractérise l’éducation française, et cela m’a ouvert des voies que je ne pouvais pas soupçonner à l’époque où j’avais reçu le rêve. En particulier, cela m’a amené à développer des approches du rêve qui vont au-delà de l’interprétation, et une compréhension synthétique, ronde, de la Voie. Dès lors, j’ai compris l’invitation du logion de l’évangile selon Thomas à vendre tout ce que j’avais, c’est-à-dire entrer dans la pauvreté spirituelle que dit Maître Eckhart, pour acquérir la perle inestimable, le trésor sur lequel le temps n’a pas de prise. Il s’agissait de me concentrer uniquement sur la connaissance vivante que l’on trouve en dedans, en écartant tout le reste. Et c’est bien ce que j’ai fait au cours des années qui ont suivi la réception de ce rêve, en suivant ce que j’appelle « la voie du rêve ». Peu après ce rêve, j’ai rencontré mon mentor Nicolas Bornemisza qui m’a ouvert les chemins de ce qu’il appelait alors le « yoga psychologique », c’est-à-dire l’application de la psychologie des profondeurs de Jung non plus à la seule psychothérapie, mais à la recherche de la libération (moksha) ou encore de l’Éveil, comme tout yoga digne de ce nom. Quant à la façon dont cette perle s’incarne concrètement désormais dans mon existence, me commandant de concentrer toute ma recherche sur un point unique, et d’écarter tout le reste, j’en parlerai dans un prochain article...


Il m’a fallu cependant encore quelques jours pour aller au fond de ce que ce rêve m’enseignait, compréhension qui a pris la forme d’un petit satori – ce moment où un éclair illumine fugitivement l’ensemble du paysage. Je me promenais dans la campagne derrière chez moi, en laissant mon esprit flotter autour du rêve de Jung tandis que je contemplais la beauté des montagnes environnantes, quand toutes les pièces du puzzle de mon rêve se sont assemblées. Pour que la perle se mette à chanter, il avait fallu que je m’incline symboliquement devant elle en y portant mon front – il n’était pas besoin que je m’agenouille front contre terre ou que je fasse des simagrées, il suffisait que mon geste marque une profonde révérence devant le Mystère symbolisé par la perle. A la différence de Jung, je pouvais consentir le sacrifice intellectuel et reconnaître que j’étais totalement ignorant devant la nature de ce grand Mystère vivant, que l’on peut aussi bien nommer Soi, Dieu, Brahman, ou le grand Schmilblick sans que cela change quoi que ce soit à mon ignorance. De fait, cela n’a pas été pour moi un sacrifice car je ne vois pas d’autre voie possible pour aller à la rencontre de l’Inconnu que celle du non-savoir et du ressenti, qui est mon point de contact avec la réalité vivante. J’en étais là de mes réflexions quand un jeu de mots a fusé dans ma tête. Je me demandais encore : mais quel a donc été le plus grand bénéfice de toutes ces années de recherche ? 

La réponse intérieure a été immédiate : je suis en vie…

Oui, me suis-je alors dit : comme nous y invitait mon maître Richard Moss, je suis radicalement vivant désormais, après toutes ces années de recherche. Je suis libre. Je me félicitais moi-même d’être ainsi « en vie » sans comprendre encore ce que j’étais en train de dire. Et puis j’ai entendu ce qu’il y a dans ces mots que l’on répète sans entendre :

Je suis en Vie.

Je suis part de la Grande Vie, la Zoé, la Vie éternelle. C’est par Elle que je suis vivant, que je vis ma petite vie. Muktananda le disait clairement quand il parlait de « la Vie de la vie » qu’il voyait dans la Perle bleue. Et savez-vous donc ce que chante la Perle, que j’ai fini par entendre après tout ce temps (j’étais bien bouché :-) ? C’est simplement que vous aussi, vous êtes en Vie ! Nous sommes en Vie, ensemble. Nous sommes les enfants de la Grande Vie, qui fait de nous des vivants...

Devant cette Vie, je m’incline bien volontiers, avec révérence.

Puissiez-vous, vous aussi, trouver votre propre perle…



1 Si vous préférez écouter un audio mp3, vous pouvez l'écouter ou le télécharger ici : https://www.creezviedereve.com/jgaudio/ChantPerleTalk.mp3. Vous pouvez aussi écouter le conte sans mes commentaires ici : https://www.creezviedereve.com/jgaudio/ChantPerleConte.mp3.

2 A.H. Almaas, Essence, Weiser 1998, p. 64 – ma traduction

3 Ira Progoff, The death and rebirth of psychology, 1956 (cité par Almaas, Essence p 75) – ma traduction

4 A.H. Almaas, Essence, Weiser 1998, p. 164 – ma traduction

jeudi 1 décembre 2022

Un petit gramme de lumière


Je ne trouve pas le temps d'écrire ces temps-ci. En fait, ce n'est pas tout à fait vrai. J'écris des mots de silence qui trouveront leur voie vers vous le moment venu. Alors, pour vous partager quelque chose de ma recherche à ce point, je vous propose ici quelques vidéos qui, je l'espère, sauront accompagner agréablement votre descente dans "les longues nuits", vers le retour de la Lumière.

Pour commencer, voici l'enregistrement vidéo d'une conférence que j'ai donnée en octobre via Zoom sur le thème "le rêve, voie d'accès au monde imaginal", où j'interroge les limites du modèle psychologique occidental pour comprendre les rêves. J'y invoque les mânes d'Henry Corbin, le grand islamologue ami de Jung, pour tenter de conjurer l'Age de Plastique dans lequel nous nous enfonçons inexorablement semble-t-il. Inexorablement ? Non, car il appartient à chacun.e d'ouvrir les portes du Mundus Imaginalis...

Par ailleurs, je dois vous dire que j'ai été très touché par la disparition récente du poète Christian Bobin. C'est une perte terrible, et cependant, si nous écoutons bien les mots de l'amoureux de la vie qu'il était, nous n'avons pas à le pleurer mais plutôt à chanter ses textes, qui continuent à opposer la ferme résistance du rouge-gorge à la laideur du monde.

De ceux-ci, je retiens deux fragments qui me semblent dessiner une trajectoire lumineuse comme celle d'une luciole dans la nuit :

« La vie c'est l'ouverture des bras en croix, la chute fleurie dans les abîmes. »

et

« Je connais le secret. Je tiens le secret au bout des doigts comme on tient un papillon fragile, entre deux doigts pincés. Il ne faut surtout pas serrer, pas appuyer, pas en dire trop. Le secret, c'est que le cœur de ceux qui meurent explose de joie. »

Voilà, nous aussi, nous connaissons le secret. Il ne faut pas le dire trop fort car cela pourrait déranger beaucoup de gens qui essaie de capitaliser sur la peur de vivre et de mourir.

 Souvenons nous encore de ces mots, qui disent tout le combat à mener :

« Un gramme de lumière fait contrepoids à plusieurs kilos d'ombre. »

Et voici donc qu'il est désormais dans la Joie pure, le poète, où il a rejoint la plus que vive... et nous restons dans le deuil de cette lumière, l'âme palpitante de l'avoir entrevue. 

Avec gratitude ! Merci, merci.


Si vous suivez mon travail depuis quelques temps, vous savez que je considère le travail avec le rêve comme tenant de la poêsis au sens grec, c'est-à-dire de l'acte créateur. Si vous avez envie de vous mettre quelques mots lus sous la dent, je vous suggère de lire cet article que je publiais voilà presque 5 ans : poésie ma mieMais revenons à notre cher poète disparu...

Je lui dois encore une belle découverte. Il s'agit d'une voix, qui porte des texte impérissables avec grâce et force. Je vous invite à visiter la chaîne youtube de Julie Dratwiak - Le Jardin des Oeuvriers, où vous trouverez de quoi régaler votre âme.

La première lecture qui a attiré mon attention est "le Christ aux coquelicots" de Mr Bobin :

J'y ai été d'autant plus sensible que j'avais moi aussi commis, quelques mois avant que ne paraisse cette vidéo, une lecture vidéo du même texte, éblouissant : https://www.youtube.com/watch?v=PmhPT9f-FG8. Je ne peux que me réjouir que ce poème soit ainsi porté par différentes voix à toutes les oreilles qui sauront l'entendre car il dit un message essentiel. Et j'ai trouvé bien d'autres trésors sur cette chaîne. Jugez-en :

Un magnifique hommage encore à Christian Bobin au travers d'extraits de la Plus que Vive :



Un message essentiel d'un grand maître soufi, Hazrat Inayat Khan :


Des mots inoubliables de Carl Jung, tirés du Livre Rouge :


Les quarante règles de la religion de l'Amour de Shams de Tabriz :


Le merveilleux poème d'Ibn Arabi "écoute ô bien-aimé" :


Les poèmes mystiques de Mansûr Al-Hallaj :


Le chant de l'Univers de Kabir :


Les mots lumineux de Khalil Gibran sur l'Amour :


Cette merveilleuse histoire que nous raconte Christiane Singer, nous invitant à ne laisser aucune trace de notre souffrance sur cette Terre :


Ce n'est là qu'une petite anthologie de textes essentiels auxquels abreuver nos oreilles. C'est une tâche essentielle que de donner ainsi à boire à nos âmes. J'ose espérer donc que ces mots sauront vous accompagner avec un cœur joyeux dans la descente dans l'obscurité, vers l'hiver. La nuit couve les rêves qui fleuriront au printemps. La poésie, le Verbe lumineux, les nourrit. 

Les poètes sont dans la Vie éternelle, n'est-ce pas ? 

Je vous souhaite donc une magnifique renaissance de la Lumière.

Jean                        

vendredi 16 septembre 2022

Formation en Ecoute Intérieure des Rêves

J'ai le plaisir d'annoncer le lancement d'une formation en Ecoute Intérieure des Rêves en 2023. Cette formation axée sur l'expérience et la pratique sera donnée en 6 week-ends en présentiel répartis sur 11 mois, avec entre chaque des sessions de pratique et de synthèse théorique en distanciel.

L'écoute intérieure des rêves est une approche du rêve que j'ai développée au cours des dernières années. Elle va, par l'alliance entre l'imagination créatrice et l'attention aux ressentis émotionnels et corporels, au-delà de l'interprétation classique du rêve. Elle s'appuie en particulier sur la psychologie des profondeurs de Jung et la technique de l'imagination active qu'il a élaborée, mais aussi sur les apports d'autres écoles comme le Focusing, la Gestalt... 

J'ai décrit en janvier 2020 l'approche de l'écoute intérieure des rêves dans un article de synthèse de ma recherche que vous trouverez ici : écoute intérieure du rêve.

Voici aussi une vidéo où je présente en détail l'approche de l'écoute intérieure du rêve, et où ma compagne et moi-même parlons un peu de la formation, répondons à des questions :



Voici le flyer de présentation publique de la formation :




Vous trouverez les dates des week-ends de formation dans la page dédiée à la formation.

Pour plus d'information, voyez le document de présentation de la formation.


samedi 27 août 2022

Un chat sauvage bleu clair

Avertissement. Il y a quelques temps, une personne m’a fait aimablement savoir que la lecture de mes articles est chronophage : non seulement ils sont souvent (très) longs mais en outre, ils sont fréquemment truffés de références et de liens pour qui veut approfondir les sujets abordés. J’ai entendu là une invitation à écrire des articles plus courts et plus accessibles, ce à quoi j’ai commencé à m’atteler (voir par exemple mon article précédent). Et puis mes articles sont aussi bien souvent des comptes-rendus de recherche qui s’adressent à d’autres chercheurs et veulent inviter à la méditation, et à poursuivre la recherche. Il faut donc en effet être prêt(e) parfois à perdre son temps quand on ne se contente pas de rester à la surface. L’article qui suit s’inscrit dans cette ligne...

J’ai entendu récemment un rêve remarquable – je ne devrais pas dire cela : tous les rêves sont remarquables. Mais celui-ci nous a entraîné, le rêveur et moi, dans une discussion qu’il m’a semblé bon de vous partager, avec sa permission. Voici sans autre introduction le rêve tel que je l’ai reçu, sauf la division en deux paragraphes qui est mienne :

Un Western. Nous sommes attaqués par des Indiens. Les flèches commencent à pleuvoir. Nous nous réfugions à l’intérieur dans une pièce où nous sommes relativement à l’abri. Je vois une vieille indienne qui est entrée. Son costume est magnifique, il porte des décorations dorées. Elle bande un arc, je voudrais l’arrêter mais je me sens paralysé incapable d’agir. Elle vise une sorte de boite en bois, la flèche fait basculer une trappe d’où jaillit à toute vitesse un chat sauvage bleu clair. C’est une boule d’énergie.

Le chat disparaît sous un meuble, l’indienne me dit : Il va ressortir et tout détruire. Je dois l’en empêcher, je dois agir. Je guette son apparition, vif je l’attrape et lui frappe la tête sur le sol. Il ne bouge plus, je le pose aux pieds de l’indienne. Elle me sourit, je lis dans son regard : le chat s’est juste assoupi, il va se réveiller et tout détruire, lui est indestructible.

Quand j’ai lu une première fois ce rêve, que le rêveur m’avait envoyé en me disant qu’il l’avait perturbé, je l’ai envisagé tout d’abord sur un plan personnel : il me semblait annoncer vraisemblablement une grande transformation, inéluctable quoi qu’il fasse, dans la vie du rêveur. Mais d’emblée, quand nous en avons parlé, ce dernier m’a dit y voir une dimension collective. C’est de celle-ci dont je vais vous parler.

Il se trouve que j’entends en effet beaucoup de rêves ces derniers temps qui reflètent une profonde inquiétude devant ce qui est en train de se passer dans le monde, et surtout devant ce qui nous attend. Moi-même avait reçu dans les jours précédents un rêve tout à fait significatif dans ce sens, qui a résonné fortement avec le travail dans lequel j’ai accompagné ce rêveur – je vous en parlerai. Le soir même, j’entendais encore un autre rêve qui se faisait l’écho de cette tension dans l’inconscient collectif. J’ai tourné tout cela en tous sens, et j’ai vu que cela me faisait obligation de vous parler de ces rêves… car ils proposent une réponse à cette inquiétude, et si ce n’est un remède à celle-ci, une solution à notre "problème" collectif, du moins une attitude intérieure pour y faire face…

Quand je dis que ce rêve a une dimension collective que je vais faire ressortir au travers de l’interprétation que j’en propose ici, je ne veux pas effacer la dimension personnelle qu’il a aussi. Celle-ci appartient au rêveur qui l’a bien comprise. Je ne dis pas que c’est un rêve prophétique qui devrait être proclamé sur la place publique ou devant le Sénat, comme cela se pratiquait à Rome quand un rêve apparaissait clairement comme un message des dieux. Je n’entrerai pas dans ces discussions à couper les cheveux intellectuels en quatre que nous avons déjà eu ailleurs pour distinguer si le rêve est plus personnel que collectif, où se trace la frontière entre ces deux dimensions, et si sa profondeur collective ne serait pas finalement projetée par le rêveur et moi-même. En effet, il faut admettre humblement, comme nous y invitait Von Franz, que toute interprétation d’un rêve est de toute façon projection, et il faut poser que la frontière entre le personnel et le collectif dans les rêves, et dans la psyché, n’est pas tracée au cordeau : les deux s’entre-mêlent car nous ne sommes pas séparés, isolés dans notre vie personnelle, du collectif.

C’est un point de méthode très important dans le travail d’un rêve, qu’a souligné en particulier James Hillman et dont je parle ailleurs1 : il nous faut toujours partir des préoccupations conscientes du rêveur pour regarder comment elles se symbolisent dans le rêve, et ce que ce dernier répond à ces préoccupations. Sinon, notre interprétation risque fort d’être hors-sol. En ce qui concerne notre rêve, j’ai été interpellé par l’affirmation du rêveur comme quoi son rêve avait une dimension collective qu’il voulait examiner. Je ne voyais pas bien de quoi il était question au prime abord, mais il m’a expliqué qu’il était très inquiet devant ce qui se passe dans le monde ces temps-ci, et qu’il cherchait comment y répondre. Plus précisément, il était touché par la difficulté dans laquelle se trouvent les jeunes d’imaginer un avenir viable, et il se demandait ce qu’il pouvait leur communiquer pour les aider dans ce défi, comment il pouvait s’impliquer dans ce monde. Il faut préciser – cela aura son importance pour la compréhension du rêve – que le rêveur est un homme dans la seconde moitié de la vie, plutôt introverti et qui accorde une grande importance à la vie spirituelle. Sa sensibilité ressortait aussi dans son trouble d’avoir cogné un animal dans le rêve, dont il m’a parlé d’emblée...

Après l’avoir interrogé sur comment il recevait ce rêve, je lui ai proposé que nous le parcourions pas à pas pour en déceler la grammaire émotionnelle. Il s’agit là simplement de se mettre à l’écoute des émotions et des mouvements intérieurs suscités par chacune des images du rêve, et d’observer cette dynamique, comment ils évoluent au cours du déroulé du rêve. Dans cette approche, nous prêtons attention aux associations suscitées par les différents symboles qui tissent le rêve, comme dans la méthode jungienne d’interprétation des rêves, mais avec un accent mis sur les ressentis émotionnels et corporels qui leur sont associés. Ce n’est pas encore ce que j’appelle « l’écoute intérieure du rêve », qui demande en outre d’entrer en relation par l’imagination active avec les images du rêve, mais cela en est une préliminaire. Cette méthode est fondée sur l’idée avérée par les recherches récentes en neurophysiologie qui veut que le rêve est un tissu d’émotions enrobées par des images qui leur donnent une forme mentale.

Refaisons ensemble le chemin pas à pas. Je vous invite à remarquer comment les images de rêve sont toujours racontées au présent, de façon à susciter les émotions associées en favorisant le revécu du rêve par l’imagination :

Un Western. Nous sommes attaqués par des Indiens. Les flèches commencent à pleuvoir.

J’ai donc interrogé le rêveur : « alors voilà, vous êtes attaqués par des indiens. Que ressens-tu devant cette image ? Et d’abord, qui "nous" ? » Il m’a répondu que ce nous était indéfini, il savait simplement qu’il n’était pas seul… et bien sûr, cette attaque était surtout associée à une sensation de danger. Il cherchait un abri.

Nous nous réfugions à l’intérieur dans une pièce où nous sommes relativement à l’abri.

Et voilà donc qu’il trouve cet abri dans une pièce où le rêveur et ses compagnons se réfugient – que se passe-t-il intérieurement à ce moment-là ? Il m’a répondu qu’il ressentait que cet abri était provisoire, temporaire – il pouvait prendre un peu de recul là, mais le problème posé par les indiens restait entier...

J’ai alors attiré son attention sur la façon dont son récit du rêve était formulé : il trouvait refuge « à l’intérieur ». C’est ce qu’on appelle « travailler avec le matériau objectif du rêve » : la façon dont les choses sont dites a beaucoup d’importance et dévoile souvent des sens cachés, un peu comme des lapsus inconscients. Il ne s’agit pas seulement de prêter attention aux jeux de mots, ce qu’on appelle « la langue des oiseaux » – par exemple quand il est question de recueillir l’eau qui tombe du ciel dans un saint bol – mais de prêter attention à la structure du langage du rêve. Il y aurait moyen de fonder une véritable sémiotique du rêve sur cette approche – je vous en parlerai dans un autre article. Mais donc, voilà que notre rêve opère un déplacement « à l’intérieur » qui offre un abri tout provisoire. Le rêveur a reconnu là sa tendance à l’introversion qui n’amène pas de véritable solution aux questions qu’il se pose : il y trouve un répit mais c’est aussi le lieu d’une tension que nous allons voir se déployer tout au long du rêve.

Je vois une vieille indienne qui est entrée. Son costume est magnifique, il porte des décorations dorées.

C’est alors qu’apparaît, dans ce refuge même, une vieille indienne dans un costume magnifique, porteur de décorations dorées. Au rappel de cette image, le rêveur s’est exclamé : « c’est la Sophia ! », et m’a parlé d’une présence hiératique, c’est-à-dire directement évocatrice du sacré. Nous sommes convenus que son costume était à l’évidence un habit de cérémonie, où les décorations dorées évoquent l’or, la lumière matérialisée de la conscience. J’aurais pu alors faire ressortir qu’il s’agissait d’une figuration de l’Anima, le féminin de l’homme, à son stade d’évolution le plus avancé – la Sophia, c’est-à-dire la sagesse… – mais ces lieux communs jungiens n’auraient rien apporté : c’est bien beau de gloser sur l’Anima, mais on risque de se perdre dans une théorisation du rêve. Il était plus important pour mon rêveur de prêter attention au fait que cette image lui communiquait une sensation de stabilité : c’était un pilier, m’a-t-il dit, absolument tranquille, calme, stable. Au cœur même de son introversion, il y avait donc une présence sacrée accessible par la sensibilité (l’Anima) qui lui offrait stabilité et tranquillité, un pilier – on peut relever la verticalité associée avec cette image.

Elle bande un arc, je voudrais l’arrêter mais je me sens paralysé incapable d’agir.

La tension au cœur du rêve commence à prendre forme, d’une part dans le fait que la femme tend un arc, et d’autre part dans la paralysie du rêveur qui voudrait intervenir, mais est incapable d’agir. Il a tout de suite fait le lien avec ce qui le préoccupait, où il retrouvait cette tension entre un désir d’intervenir, d’agir, et une sensation de paralysie.

Elle vise une sorte de boite en bois, la flèche fait basculer une trappe d’où jaillit à toute vitesse un chat sauvage bleu clair. C’est une boule d’énergie.

Il se produit là un mouvement décisif. Quelque chose surgit de l’inconscient. A noter que la flèche symbolise quelque chose qui pointe, à la différence d’une épée qui tranche – il y a donc un point très précis qui déclenche le surgissement de ce chat sauvage bleu clair. Le rêveur s’est dit profondément surpris, saisi par cette apparition. C’est de l’énergie pure, m’a-t-il dit, qui prend la forme d’un chat – il a évoqué un arc électrique. Nous avons ri du fait que ce chat semblait venir tout droit d’un roman de Lewis Caroll, l’auteur d’Alice au pays des merveilles. C’était une façon de détendre l’atmosphère alors que la tension du rêve commençait à approcher de son apex…

Le chat disparaît sous un meuble, l’indienne me dit : Il va ressortir et tout détruire.

A peine est-il apparu que le voilà disparu, ce sacré chat. Il a quelque chose de fugitif, d’insaisissable. Voilà donc quelque chose qui effleure à peine la conscience pour retourner dans l’inconscient aussi vite. Mais la haute figure hiératique prévient : il va apparaître de nouveau et tout détruire. Tout ? Nous avons commencé là à toucher au cœur de l’inquiétude qui travaille le rêveur : est-ce que l’humanité va disparaître ? Le monde tel que nous l’avons connu va à l’évidence être détruit, s’effondrer sous les coups conjugués de la nature et de la folie des hommes. On retrouve ici les accents de Pippin faisant part de son désarroi à Gandalf tandis que Minas Tirrith est envahi par les Orcs de Sauron (référence geek pour les amateurs du Seigneur des Anneaux) : « je ne croyais pas que ça finirait de cette manière... ». Nous verrons plus loin ce que la sagesse du rêve, son Gandalf, répondra à cela. En écho à cette image du rêve, le rêveur a parlé de son désarroi devant l’archétype de mort qui se constelle dans notre ciel collectif. Nous avons exploré la tension dans ses différents aspects : tension entre l’intérieur et l’extérieur, tension entre la tendance à l’introversion solitaire et le besoin d’agir dans le monde, tension entre le souhait que le système insensé dans lequel nous vivons s’effondre et l’effroi devant les conséquences que cela pourrait avoir pour des millions de gens...

Bien sûr, on peut penser que le rêveur est travaillé par la perspective de sa propre mort, et que quelque chose d’intensément sauvage pourrait surgir dans sa psyché, provoquer un effondrement, une destruction totale. Il pourrait y avoir là aussi les prémisses d’un éveil, d’une ouverture radicale de conscience, mais cela est vrai tant sur le plan personnel que collectif – ces deux niveaux étant encore une fois indissociables dans le rêve.

Je dois l’en empêcher, je dois agir. Je guette son apparition, vif je l’attrape et lui frappe la tête sur le sol.

La tension du rêve est à son comble, elle explose dans l’action. Cette fois, la paralysie est dépassée. Le rêveur parvient à se saisir du chat, lui cogne la tête sur le sol. En écho à cette image, le rêveur a dit ressentir un soulagement. Le trouble d’avoir frappé un animal a disparu. J’ai fait remarquer que le rêve suggère là une attitude d’intense vigilance à l’égard de ce qui peut surgir de l’inconscient, et qu’il s’agit de lui cogner la tête sur le sol – c’est le mental, ici, qui est neutralisé. Et puis j’ai souligné l’ambiguïté qui ressort dans la formulation du rêve : « vif je l’attrape » : il n’est pas clair si c’est le rêveur ou le chat qui est « vif » là. Le matériau objectif du rêve laisse entendre que le rêveur est pleinement vivant dans cette confrontation avec ce qui le préoccupe, qui réclame toute sa vivacité…

Il ne bouge plus, je le pose aux pieds de l’indienne.

Nous parvenons au point de retournement du rêve : la tension a été déchargée dans l’action, le chat est immobile. On peut voir là, dans cette immobilité, comme un pivot autour duquel tourne le rêve. C’est un peu, en regard de ce qu’annonce la suite du rêve, le moment suspendu de calme avant la tempête, la « zone neutre » de la transition, quand il semble que rien ne se passe. Le chat est à nouveau inconscient, mais cette fois, il semble maîtrisé par la conscience. Dans les associations du rêveur à cette image, c’est la notion d’offrande qui ressort là, avec à nouveau la révérence devant la figure hiératique, la relation consciente au sacré. Il a remarqué : « c’est vrai, j’aurais pu le balancer, ce chat... » mais non, il est déposé en offrande aux pieds de la Sophia.

Elle me sourit, je lis dans son regard : le chat s’est juste assoupi, il va se réveiller et tout détruire, lui est indestructible.

Après l’immobilité, voici le silence : tout se passe dans un regard et un sourire empreint, encore une fois, de tranquillité. Il apparaît que la destruction amenée par le chat est tout simplement inéluctable, et que le rêveur est complètement impuissant à l’empêcher. Mais ce n’est plus l’objet d’une tension interne, d’une angoisse : il a fait ce qu’il avait à faire, et surtout, il est en relation maintenant avec la dimension sacrée du moment, qui lui communique calme et stabilité intérieure. C’est la sensation finale qui se dégage du rêve : ce qui importe devant ce qui semble bien être la destruction inéluctable de notre monde – et en tous cas, l’angoisse que suscite la perspective d’un tel effondrement de notre civilisation techno-industrielle – c’est la connexion avec le sacré, la conscience du numen (la présence hiératique) et une attitude de révérence devant « plus grand que nous ».

La déesse Bastet (Egypte)

Le rêve nous invite à faire offrande de l’expression de nos angoisses.

C’était le contact avec le numen qui, pour Jung, était le facteur décisif de guérison. Ce mot latin signifiait littéralement « signe de tête », et il évoquait en particulier le sourire qu’adressait un dieu ou une déesse à l’individu auquel l’être divin voulait manifester sa présence. On a des récits antiques faisant mention de statues qui ont ainsi hoché la tête en souriant. C’est une des fonctions des rêves (entre autres) de, parfois et souvent en réponse à des questions insolubles tenant de la destinée, mettre en contact avec cette dimension numineuse de l’existence qu’on pourra appeler comme on voudra : le Soi, Dieu, le ou la Bien-Aimé(e) de l’Âme, etc. C’est dans ce contact que l’on trouve le Sens vivant qui vient répondre à nos lancinantes questions existentielles, non par une explication de quelque ordre que ce soit mais par la connexion vivante avec une Présence.

En conclusion de notre discussion, j’ai amené quelques éléments d’amplification symbolique au rêveur en lui signalant que les amérindiens sont un des visages de l’Ombre collective des occidentaux. Ils renvoient dans notre imaginaire aux « bons sauvages » qui vivaient sans technologie, proches de la nature et dans une spiritualité native, qui s’exprimait en particulier dans l’importance qu’ils donnaient au cercle dans leurs activités – le cercle symbolise une relation féminine, inclusive, à l’environnement. Jung disait que les amérindiens font partie intégrante de l’Ombre de tous les nord-américains car ils ont été exterminés pour que la civilisation américaine se développe. Cela est vrai aussi pour les européens comme mon rêveur : au Québec, on sourit volontiers de l’image d’Épinal des amérindiens qu’ont les immigrants français dans leurs bagages. Ils sont volontiers idéalisés…

D’ailleurs, le récit du rêve s’ouvre en mentionnant qu’il s’agit d’un Western, c’est-à-dire de la projection d’un film parlant de la conquête de l’Ouest. Il y a là une invitation à examiner les projections du rêveur, mais aussi un clin d’œil appuyé quand on sait que, dans la Roue de Médecine amérindienne, l’Ouest est la direction de l’introspection et dans laquelle on fait face au déclin, on se prépare à la mort. Je lui ai donc proposé de voir son rêve comme parlant d’une irruption de l’Ombre sur le chemin de l’Ouest.

Une autre amplification nous a donné matière à discussion : le chat est souvent symbole de sensualité et d’indépendance. Nous avons tiré des liens avec la vie personnelle du rêveur, en particulier en ce qui concerne sa créativité. Mais soudain, il s’est exclamé que ce chat symbolisait à l’évidence pour lui la vie sauvage qui se vengera de façon inéluctable de notre civilisation, tandis que l’indienne en représente l’aspect féminin bienveillant, empreint de sensibilité et de tranquillité. J’ai pour ma part fait le lien avec l’intuition que j’ai exprimée dans mon article intitulé « Celle qui vient », où je parle de l’approche dans notre ciel d’une figure archétypique en lien avec la Nature. Ici, sous la forme de cette vieille indienne, elle pourrait représenter une sagesse millénaire qui nous regarde en souriant tandis que nous nous agitons, en proie à un affolement croissant…

Comme je vous le disais plus haut, il se trouve que j’avais reçu, dans les jours qui ont précédé cette rencontre, un rêve qui parlait aussi à l’évidence de mon inquiétude devant l’évolution du monde. Je l’ai mentionné au rêveur dès le début de notre discussion, quand nous avons commencé à considérer la dimension collective de son rêve, et je le lui ai raconté. En effet, il me paraît important en tant qu’analyste de toujours exposer quels pourraient être mes biais subjectifs dans l’écoute du rêve d’autrui – le rêveur doit savoir à partir de quels éléments de mon propre vécu je suis amené à proposer une interprétation. Celle-ci est bien sûr relativisée par cette subjectivité assumée : au lieu de prétendre à une quelconque autorité en s’appuyant sur le cache-sexe d’une prétendue objectivité, j’invite le rêveur à faire son chemin avec l’interprétation pour voir ce qui fait sens pour lui, comment elle nourrit (ou pas) son propre mouvement intérieur. C’est ce dialogue de subjectivités qui est fécond dans l’écoute du rêve. Et puis je crois fondamentalement à la vertu de la réciprocité dans la relation : le rêveur me livre quelque chose de son intimité en me parlant de son rêve, et c’est la moindre des choses que de ne pas hésiter à en faire autant.

Voici donc mon rêve :

Je suis avec d’autres personnes (à nouveau, un « nous » indéfini) dans un complexe de recherche, un bâtiment circulaire de très haute technologie où des couloirs en hauteur, donnant sur des bureaux, entourent une grande masse d’eau, un lac artificiel. Je parle avec un homme qui cherche à alerter tout le monde de l’inéluctabilité d’une catastrophe : une vague énorme va tôt ou tard s’abattre sur le complexe et tout détruire, tout emporter. Mais il n’est pas cru. Au contraire, il est moqué, ridiculisé. Pour ma part, je le crois et sur son invitation, nous le suivons dans son bureau. Pour y parvenir, il faut traverser plusieurs pièces encombrées de choses en désordre, et je me dis qu’en effet, il est bien mis à l’écart par ses confrères. Dans la grande pièce où il nous conduit, il y a un hublot par lequel on peut voir la mer. Une petite fille (à moins que ce soit moi-même : la petite fille et moi semblons être confondus un instant) s’exclame en voyant une grosse vague de plusieurs mètres se former que c’est en train d’arriver. Mais l’homme la rassure en disant que non, ce n’est pas encore ça, car la vague qui viendra sera immense, comme un gigantesque mur d’eau qui ira jusqu’au ciel. Et puis, un peu plus tard dans le rêve, cela arrive – l’eau envahit tout, nous sommes emportés. Mais parce que nous savions que cela allait arriver, parce que nous avions foi dans ce que disait l’homme, nous avions une chance de nous en sortir. C’est-à-dire, de sauver les enfants…

Il y a de nombreuses parallèles avec le rêve que je vous ai exposé, et vous comprendrez sans doute que j’ai été saisi quand j’ai pris conscience de la dimension collective de ce dernier. J’ai été frappé en particulier par la nature à nouveau inéluctable de la destruction, et par le contraste entre la vieille indienne et la petite fille. A nouveau, je ne prétends pas que ce rêve soit prophétique et j’en vois bien les dimensions personnelles, que je n’exposerai ni ne discuterai pas ici. J’attire l’attention des personnes intéressées sur le fait qu’il s’agit là d’un rêve qui est en continuité avec un autre rêve que j’ai reçu il y a quelques années, où déjà une immense vague emportait tout, et dont j’ai parlé dans un article intitulé « la jeunesse du monde » ainsi que dans une vidéo intitulée « demain la paix ». Ce rêve disait au fond qu’au-delà de la crise que nous traversons, nous reviendrons à des eaux tranquilles et des lendemains souriant à partir desquels nous pourrons regarder vers l’avenir de façon sereine. Il insistait sur la nécessité de rester en relation les uns avec les autres au travers des tribulations qu’entraîne la crise.

Ces deux rêves – celui dont j’ai parlé au début de cet article, et le rêve que j’ai moi-même reçu – me paraissent exemplaires d’un grand mouvement de fond dans la psyché collective ces temps-ci. En deux mots comme en cent : l’inquiétude grandit. Entre les dérèglements climatiques dont les effets se sont fait de plus en plus sentir avec la sécheresse cet été, la guerre qui se prolonge en Ukraine avec le risque d’un dérapage nucléaire, l’épuisement annoncé d’un certain nombre de matières premières, les nuages s’accumulent sur l’horizon. On pourrait dire que nous sommes collectivement frappés de solastalgie – on désigne par ce mot une forme de détresse psychique et existentielle devant l’énormité du « problème » écologique auquel nous faisons face, qui entraîne une paralysie momentanée. J’ai raconté dans un article comment j’ai vécu un choc de cet ordre lors de l’été 2018 quand, au cours de vacances en Grèce, j’ai pris conscience de la disparition de tous les insectes dans mon environnement. On a l’impression de rencontrer un mur psychique, ce qui s’accompagne nécessairement d’une certaine sidération, d’un effarement...

Ecart à la moyenne des températures pour le mois de juillet en 2022 relativement à la période 1951-1980

La solastalgie est en train de devenir le mal de notre siècle, et paradoxalement, constitue un signe de bonne santé psychique car elle indique que l’on est en contact avec la réalité. Le déni est beaucoup plus inquiétant. L’un et l’autre vont avec le fait que notre système nerveux a du mal à appréhender un défi aussi immense auquel il n’y a aucune solution immédiate et facile, ce qui conduit certains d’entre nous à encore chercher inconsciemment à ignorer le problème, en continuant par exemple à voler gaiement vers des vacances insouciantes, éventuellement en jet privé, sur le mode « après moi le déluge ». D’autres s’activent, et c’est tant mieux car il n’y a que l’implication active qui puisse soulager la solastalgie, mais c’est généralement sans illusion : personne ne croit sérieusement que l’on va vraiment changer la trajectoire de notre petite planète en limitant le nombre et la durée de nos douches et en recyclant nos déchets. Il faudrait changer tout notre mode de vie, de production et de transport. Maintenant. Pour ma part, je suis particulièrement préoccupé par le désespoir de notre jeunesse, qui se traduit entre autre par une montée inquiétante des tentatives de suicide chez les jeunes, et je cherche les voies qui permettront à nos descendants d’inventer un avenir heureux que nous ne sommes pas capables d’imaginer.

Je souscris entièrement aux mots d’Ariane Mouchkine :


Je vous disais en introduction de cet article que j’entends beaucoup de rêves ces derniers temps qui se font l’écho de cette inquiétude généralisée – ceux que j’ai cités ici sont ceux qui m’ont semblé les plus significatifs pour soutenir mon propos mais les images de désordre collectif abondent. Je n’insisterai pas sur le caractère souvent inéluctable pour ces rêves de la catastrophe – on peut penser que la prospective onirique prolonge simplement là ce que nous sommes de plus en plus nombreux à penser : on ne pourra pas continuer longtemps comme ça... on s’en va droit dans un mur de briques, avec l’accélérateur au plancher et les freins coupés, et des ravins de chaque côté de la route. S’il ne s’agissait que de cela, je ne parlerais pas de ces rêves car il n’est pas utile d’ajouter à la morosité ambiante. Mais ce qui est intéressant, c’est que ces rêves proposent des éléments de réponse, qui tiennent dans une attitude intérieure, à cette situation pour le moins désespérante.

On peut résumer leurs propositions en quelques points :

- Être lucides, écouter les lanceurs d’alerte. Il s’agit tout simplement de rester conscients devant ce qui se joue, qui nous dépasse. C’est ce qui permettra de « sauver les enfants », disait mon rêve, c’est-à-dire de préserver l’avenir.

- Rester en relation les uns avec les autres. C’est la solidarité, l’entraide, qui permettra de répondre aux défaillances croissantes de nos systèmes sociaux et technologiques.

- Nourrir notre relation au sacré, à « ce qui est plus grand que nous ». Il n’est pas nécessaire pour cela d’entrer en religion, de rejoindre une église, mais simplement d’honorer la dimension sacrée de la vie. C’est parce que nous avons collectivement oublié cette dimension sacrée, qu’elle a disparu des principes fondateurs de nos sociétés, que nous arrivons dans cette impasse…

D’une façon ou d’une autre, il nous faut préserver l’essentiel, qui tient à la connexion avec plus grand que nous, la dimension sacrée de l’existence, et la relation avec nos sœurs et nos frères en humanité, sans exclusive. Ce sont ces deux points qui, selon ce que Jung a dit à Bob Wilson, le fondateur des Alcooliques Anonymes, garantissent la bonne santé psychique et la capacité de surmonter le désespoir. Il y a un bon usage du désespoir quand il nous conduit à abandonner l’espoir, dont Daniel Odier disait que c’est de la peur qui a mal tourné. Pour nombre d’enseignants spirituels, rencontrer vraiment le désespoir avec des yeux ouverts est l’occasion d’une ouverture de conscience et d’entrée dans l’immédiateté de l’action. Il n’y a plus de futur, seulement le présent, et c’est là une forme d’éveil.

Les Alcooliques Anonymes le savent bien, il faut avoir touché le fond pour admettre que l’on est devant quelque chose de plus grand et de plus fort que nous, et que nous avons besoin de l’aide de quelque chose qui nous dépasse. Il nous faut reconnaître que, comme un alcoolique ou un drogué, nous sommes collectivement dépendants de cela même qui est en train de nous tuer. Ce n’est qu’ainsi que nous saurons transformer le défi qui est devant nous, tant individuellement que collectivement, en une fantastique opportunité spirituelle.

Nourrir notre relation au sacré, c’est aussi écouter nos rêves. Nous pouvons espérer recevoir par là l’aide de quelque chose qui nous dépasse. Il semble que l’inconscient collectif de l’humanité – un terme qui permet de désigner sans se mouiller quelque chose dont nous ne savons rien, dont nous constatons l’existence mais dont nous ne sommes généralement pas conscients – ait des projets pour cette belle humanité. Jung, par exemple, a eu à la fin de sa vie2 des visions dans lesquelles il entrevoyait un futur où, après de grandes destructions, un mariage sacré de grands archétypes nous amenait à une autre étape d’évolution. Le père Teilhard de Chardin a pour sa part eu l’intuition dans les tranchées de la première guerre mondiale de comment l’évolution accouche souvent dans la boue et le sang d’une nouvelle forme de conscience3 – il a élaboré cette intuition jusqu’à proposer l’idée de la "noosphère", une conscience collective qui serait en formation et peut-être bientôt capable de s’éveiller à elle-même.

Il faut garder à l’esprit que du point de vue archétypal, il n’est pas de mort sans renaissance. C’est pourquoi, au moment où notre président en France parle de « la fin de l’abondance, de l’insouciance et des évidences », il convient surtout (en veillant à respecter les rimes) de ne pas perdre conscience et de cultiver l’espérance.

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Ceux que ces questions intéressent pourront lire un autre article où je parlais de rêves portant sur les mêmes sujets : « Paix dans le cœur »

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J’en profite pour annoncer que je nourris le projet d’offrir à l’été 2023 un atelier qui tiendra du rassemblement festif sur le thème « rêver la terre de demain ». J’ai développé les idées qui guideront notre travail dans cet article : « un rêve pour la terre de demain ».

Je cherche un lieu privé pour ce rassemblement, où nous pourrons planter des tentes en nombre, faire des feux, jouer du tambour, chanter et danser, etc. Si vous disposez d’un tel lieu, ou avez connaissance de l’existence d’un lieu pouvant convenir à cette expérience, ou si vous êtes intéressé.e.s à participer à l’organisation pratique de cet événement, contactez-moi s’il-vous-plaît via la boite de message de ce blogue.



1 J’ai exposé l’approche du rêve dans la psychologie archétypale dans mon article « métaphores »

2 Voyez le livre « La prédiction de Jung : la métamorphose de la Terre » de Christine Hardy, Editions Dervy, 2012. L’auteure en parle aussi ici : http://www.urantia-gaia.info/2012/04/20/la-prediction-tres-meconnue-de-jung

3 Un livre paru récemment en parle fort bien : Patrice Van Ersel, Noosphère, Albin Michel 2021