jeudi 4 juillet 2024

Justice de rêve


Nous sommes nombreuses et nombreux ces derniers temps à désespérer au moins un peu, souvent beaucoup, et même parfois passionnément, devant l’évolution de la situation collective dans laquelle nous nous trouvons, que ce soit à l’échelle nationale en France ou pire encore, planétaire. Je ne m’appesantirai pas ici sur des considérations politiques – celles et ceux qui veulent savoir ce que j’en pense peuvent toujours consulter ma page Facebook, ou (re)lire l’article petite lumière que j’écrivais en 2016 à la suite de l’occasion de l’élection du sinistre clown qui espère revenir au pouvoir aux États-Unis en novembre prochain – nous avons les mêmes chez nous. D’aucun.e.s s’étonneront peut-être de me voir prendre ici ou ailleurs des positions tranchées plutôt que de présenter une façade lisse à des fins de marketing universel. Mon éthique m’oblige cependant à assumer les valeurs qui sont miennes sans chercher outre mesure à en faire la promotion mais sans les masquer ni les déguiser. 

Je ne prétends pas connaître la vérité absolue – en cela, je suis plutôt un adepte du philosophe Pyrrhon qui défendait une forme de scepticisme radical devant la possibilité de détenir celle-ci – mais cela fait partie de mon travail, tant dans le rapport avec l’Inconscient que dans mes relations avec les personnes que j’accompagne, que d’assumer mes couleurs, c’est-à-dire ma subjectivité et ma singularité, sans prétention à une objectivité définitive. C’est à ce prix de la franchise que nous pouvons nous rencontrer, en tout respect mutuel, dans nos singularités respectives. Mon mentor en travail avec les rêves m’a raconté un jour un rêve que lui avait communiqué un de ses patients, qui montre l’intérêt qu’a le Soi dans nos prises de position :

Le rêveur conduisait à vive allure sur l’autoroute quand il a vu une voiture le rattraper et rouler à sa hauteur, et la vitre côté passager se baisser. Il a abaissé alors sa propre vitre et a vu le conducteur de l’autre voiture se pencher vers lui et crier :

- Pour qui allez-vous voter ?

Surpris, il a répondu dans une répartie qui se voulait humoristique :

- Pour le bon parti, bien sûr !

Pour mon mentor, ce rêve illustrait le fait que le Soi nous demande de prendre position dans le monde. Pas n’importe comment, pas avec violence ni en nous identifiant avec la Vérité, la Justice, ou quelque archétype que ce soit, mais en conscience, incluant la conscience de notre faillibilité. C’est une obligation éthique que nous fait l’Inconscient de prendre position, sans quoi nous passons à côté d’une dimension importante de l’existence en évitant d’affirmer notre moi. Et si le moi n’assume pas ses obligations d’inscription dans le réel en prenant position, il n’y a pas de dialogue fécond avec le Soi. C’est pourquoi le spiritual bypassing (contournement spirituel) qui caractérise souvent les personnes éprises de spiritualité, pour qui tout est parfait – même les bombardements de civils et le mensonge érigé en raison d’état – s’avère être une impasse. Et si l’on veut donner une portée spirituelle à l’exigence existentielle de prendre position, on peut considérer que c’est seulement ainsi que nous permettons au Soi, aux valeurs intimes qui nous animent, de prendre forme et de marcher sur terre. On peut donc même envisager qu’il s’agit de permettre à notre dieu de s’incarner par nous, de parler ainsi par notre bouche, tout en sachant que cela ne nous donne aucune autorité sur la vérité d’autrui – cela se passe entre notre dieu et nous, à son service exclusif...

Mais quant à notre responsabilité fondamentale, rappelons-nous donc des mots de John Stuart Mill qui déclarait en 1867 : 

« Ne laissez personne apaiser sa conscience en lui faisant croire qu’il ne peut faire de mal s’il ne participe pas, et ne donne pas son avis. Les hommes méchants n’ont besoin de rien de plus pour parvenir à leur fin, que d’hommes bons qui contemplent sans intervenir. »


Au-delà de toute considération politique, nous sommes donc tous confrontés à la question du Mal, quel que soit sous quel visage nous identifions celui-ci dans le monde actuel. Je vous proposerai peut-être un de ces jours une réflexion en profondeur sur le cas de ce pauvre Job, qui a donné tant de grain à moudre à Jung. Mais pour l’instant, je vous invite simplement à examiner ce que les rêves peuvent nous suggérer quant à la façon de se positionner face à la malhonnêteté dont il faut bien avouer qu’elle semble triompher à l’heure de toutes les manipulations médiatiques, du deep fake et de la post-vérité, ou encore des "vérités alternatives". On peut douter de l’existence d’une justice divine qui s’abattrait un jour sur les bonimenteurs pour leur faire payer leurs mensonges. Cette interrogation ne date pas d’hier. Job déjà s’en émouvait en interrogeant :

« [Dieu] tend la terre au malfaisant et bande les yeux de ses juges. Qui le fait sinon Lui ? »

C’est un rêve qui m’a un jour convaincu de ce qu’il y a un autre ordre de justice qui s’exerce inexorablement. La personne qui me l’a rapporté m’a raconté comment elle avait travaillé quelques temps dans une école prétendant, moyennant importantes finances, apprendre à développer des pouvoirs psychiques. Elle avait par exemple été chargée d’acheter des cuillères de farce et attrape qui se tordent sous la chaleur de la main qui s’en approche à l’occasion de la préparation d’un cours de télékinésie façon Uri Geller. C’était une école réputée, qui avait pignon sur rue. Et voici donc le rêve que cette personne a entendu de la bouche même du fondateur de l’école, qui s’en étonnait et se demandait ce que ce songe pouvait bien vouloir lui dire :

Le rêveur était devant une machine à sous, une de ces machines à bras que l’on trouve encore assez souvent en Amérique du Nord. Il avait gagné le jackpot en abaissant le bras, et voilà que des pièces d’or commençaient à se déverser sur ces pieds. Il était heureux, louant sa chance. Les pièces continuaient à se déverser sans discontinuer et il pataugeait dans l’or. Cependant, après un moment, il a remarqué que celui-ci emplissait la pièce et montait jusqu’à ses genoux sans arrêter de se déverser. Il a voulu sortir de la petite pièce dans laquelle il se trouvait, mais il a alors constaté que la porte était bloquée par l’or qui ne cessait de se déverser. Les pièces ont continué à monter jusqu’à atteindre sa poitrine. Il a commencé à s’inquiéter sérieusement. Bientôt, les pièces ont atteint son menton. C’est alors qu’il a entendu des sirènes de voitures de police qui se rapprochaient. Il savait qu’elles venaient pour lui et il a ressenti un profond soulagement.


L’interprétation est assez directe. On peut penser qu’il s’agit d’une illustration du proverbe « bien mal acquis ne profite jamais », ce qu’on aimerait vérifier dans le monde mais qui s’avère en fait une réalité intime. Pour moi, ce rêve montre en effet qu’il n’y a rien à faire devant le mensonge sinon simplement faire confiance dans le fait qu’il y a une justice intérieure à laquelle nul ne peut échapper. Dans un autre article récent, j’ai parlé de l’analyse existentielle de la conscience morale que proposait Viktor Frankl, pour qui cette conscience se révélait « être une fonction essentiellement intuitive » antérieure à toute morale explicite. Le fondement de l’éthique lui apparaissait être « en fait un phénomène irrationnel, rationalisable seulement après coup », qui n’avait que peu à voir avec les lois et la morale sociales. Jung était parvenu à des conclusions similaires, soulignant que bien des névroses sont le prix à payer pour une malhonnêteté fondamentale. 

Dans cette perspective, on peut considérer aussi que le désir de richesse matérielle peut conduire à l’étouffement de l’âme par la réalisation même de ce désir. Quand on travaille avec l’Intention, on sait qu’il faut faire attention à ce qu’on demande car on pourrait bien l’obtenir. Si la cible essentielle est manquée – ce qui est une des définitions première du « péché » (en grec harmatia, c’est-à-dire « manquer la cible ») –, la justice divine s’exerce sans tambours ni trompettes : la richesse s’avère ne pas pouvoir acheter les seules choses qui importent vraiment, le pouvoir conduit à l’impuissance, les paradis artificiels amènent au manque et à la déchéance, etc. 

L’or est dans ce sens volontiers symbolique de la conscience illuminée dans les rêves, mais lorsque l’on ne s’intéresse qu’à l’or matériel, on risque fort de devoir vendre son âme au Menteur, qui a toujours de bons moyens de s’enrichir à proposer. Remarquons que le rêveur était, à l’époque de son rêve, rongé par une culpabilité inconsciente qui pouvait le conduire à souhaiter être arrêté par les forces de l’ordre. En réalité, il avouait qu’il avait besoin d’aide pour sortir du piège dans lequel son avidité l’avait enfermé…

Rappelons-nous donc, devant la menace de voir triompher le mensonge et l'escroquerie à grande échelle, les mots d'Hölderlin que soulignait régulièrement Jung : 

« Là où croît le péril croît aussi ce qui sauve. »


Ce qui me conduira en conclusion de cette réflexion à rappeler simplement les mots de Etty Hillesum qui, faisant face elle-même à la démesure du Mal incarné en 1942 par les nazis, dans un moment où elle avait pris conscience que ces derniers planifiaient l’extermination des juifs, dont elle était, déclarait à un de ses amis :

 « C'est la seule solution, vraiment la seule, Klaas, je ne vois pas d'autre issue : que chacun de nous fasse un retour sur lui-même et extirpe et anéantisse en lui tout ce qu'il croit devoir anéantir chez les autres. Et soyons bien convaincus que le moindre atome de haine que nous ajoutons à ce monde nous le rend plus inhospitalier qu'il n'est déjà ».





lundi 1 juillet 2024

Formation 2025 en Ecoute Intérieure des Rêves


En janvier 2023, ma compagne Marie-Anne et moi-même lancions notre formation en Écoute Intérieure des Rêves. Un petit groupe d’étudiantes, toutes des femmes, nous ont rejoint dans cette aventure. Forts de cette expérience, nous avons reconduit celle-ci en 2024 avec un nouveau groupe, cette fois mixte mixte. Nous en sommes maintenant à mi-chemin de cette seconde année et nous sommes heureux d'annoncer qu'il y aura une nouvelle édition de la formation en "écoute intérieure des rêves" en 2025.

Voici ce qu’en disent deux des étudiantes de la session 2023 :

« Le rêve est un mystère comme un appel d'une voix profonde et invitante. C'est ainsi que je suis entrée dans cette formation, je voudrais dire, transmission, car ici j'ai appris à faire confiance à mon écoute intérieure, à laisser les images accompagnées de leurs ressentis, à se déployer et à accueillir le verbe qui vient leur donner du sens. Tous les exercices proposés, toutes ces loges de rêve sont une nourriture et un socle pour moi, pour mon lien au rêve, au mystère. Jean et Marie-Anne ont fait preuve de rigueur, de souplesse, de générosité, presque on pouvait penser qu'on était en train de s'amuser, mais la transmission a eu lieu dans la grande simplicité, celle du cœur, merci à vous et longue vie à votre formation !  »

et :

« La formation proposée par Jean et Marie-Anne est avant tout une rencontre : une rencontre avec le rêve dans tous ses déploiements, une rencontre avec soi, avec l'autre, avec un certain mystère, avec la créativité ainsi qu'avec une dimension sacrée.

C'est une aventure qui demande un engagement de soi mais quel plaisir ! Que de cadeaux et de surprises tout au long de ce processus !

Après ces 11 mois de formation, je peux dire que j'ai presque reçu une initiation des rêves qui m'a permis d'avancer sur mon chemin personnel mais pas seulement.

C'est une chance de pouvoir suivre un enseignement de Jean et Marie-Anne qui sont parfaitement complémentaires dans leurs approches et d'une grande générosité et humilité.

Merci ! »

Nous ouvrons dès maintenant (1er juillet 2024) la période d’inscription à la formation en Écoute Intérieure des Rêves qui commencera en janvier 2025.

Le nombre de place est (très) limité : pour des raisons tout à la fois pratiques et tenant à notre projet pédagogique, nous n’acceptons que 6 à 8 personnes au maximum par groupe de formation. En effet, comme le soulignait un des témoignages ci-dessus, outre de transmettre les bases de l’interprétation des rêves dans la perspective de la psychologie des profondeurs de Jung, ainsi que la technique de l’écoute intérieure des rêves, cette formation se veut personnalisée et adaptée aux objectifs et attentes personnelles de chacun.e des étudiant.e.s qui s’y engagent. Elle n’est pas réservée à des thérapeutes (ou des personnes qui ont le projet de devenir thérapeute) mais s’adresse à toute personne passionnée par les rêves. Ce nombre de 6 à 8 étudiant.e.s nous paraît donc idéal pour donner à chacun.e l’attention requise pour accompagner son processus d’apprentissage, qui est aussi un processus de recherche personnelle et de transformation. Nous accueillons chaque personne qui vient dans cette formation comme répondant à un appel qui lui est propre, et nous cherchons à nourrir la démarche qui répond à cet appel…

De notre point de vue, et quoique nous proposions beaucoup de matériel tant théorique que pratique, c’est le rêve, et plus précisément la source des rêves, qui est le véritable enseignant. J’ai le plaisir pour ma part de partager sans réserves le fruit de quarante années d’exploration et d’apprentissage dans le domaine des rêves et de la conscience. Mais justement, s’il y a bien quelque chose qui ressort de ma recherche, c’est qu’aucune théorie ni aucune méthode ne saurait rendre justice à la richesse des rêves – fussent-elles celles de Carl Jung. Et je suis bien certain d’ailleurs que ce dernier aurait été bien d’accord avec moi, lui qui nous invitait à lire tous les livres, étudier toutes les méthodes, et à les écarter devant le rêve… car le rêve est à chaque fois unique.

Mon expérience tant personnelle que d’accompagnant me montre que quand quelqu’un est appelé par le rêve, avec le désir d’être capable de l’entendre et de lui servir d’intermédiaire, ou même sans désir autre que de lui donner l’attention qu’il mérite, l’inconscient a son propre projet. Notre formation se veut simplement au service de ce projet. Elle est cependant fortement structurée en 6 modules qui sont articulés selon une stratégie de formation longuement mûrie. En effet, comme je le répète souvent, pour aller au-delà de l’interprétation des rêves – ce à quoi conduit sans coup férir l’Écoute Intérieure des Rêves – il faut comprendre comment fonctionne l’interprétation...

Dans un premier temps, la formation vise donc à poser les bases de l’interprétation des rêves en introduisant à la psychologie des profondeurs de Jung ainsi qu’à des approches connexes. Les étudiant.e.s sont familiarisé.e.s en particulier avec la pratique de la Loge de Rêves et acquièrent dans le même temps une solide expérience de la posture d’écoute des rêves et de l’inconscient – il est à noter que le corps est impliqué dans cette expérimentation et cette posture. Car le travail avec les rêves s’ancre au premier chef dans le ressenti et dans la présence – ce n’est qu’en étant pleinement présent.e.s, ancré.e.s dans une attention fine aux moindres mouvements intérieurs, que nous pourrons accompagner le mouvement propre du rêve qui tend à déployer du sens…

Je souligne ce dernier point, et l’importance du corps, des pratiques méditatives et d’ancrage corporel, car nous avons trop tendance en Europe à discourir intellectuellement sur le rêve et à en proposer des interprétations qui, même si elles sont très intéressantes, s’avèrent souvent hors-sol, abstraites et jargonneuses. A l’inverse, notre formation, même si elle fournit les éléments conceptuels et de vocabulaire qui permettront d’approfondir l’étude intellectuelle de la matière, vise d’abord à favoriser l’expérience, sur laquelle des mots et des idées sont ensuite apposés. Ces bases étant installées, la formation donne à expérimenter l’imagination active et l’écoute intérieure des rêves en amenant tous les éléments pour offrir un contenant sécuritaire à l’exploration de l’inconscient. C’est à chaque fois l’occasion de nous émerveiller de la richesse créative du travail avec les rêves. Ces derniers s’avèrent être vivants et porteurs de leur dynamique propre, avec laquelle nous apprenons à collaborer plutôt que de vouloir les accoucher aux forceps. Enfin, la formation vise à élargir l’horizon jusqu’à envisager l’espace grand ouvert par les constellations de rêves… et dès lors, "le ciel est la limite" !

Bien sûr, on ne devient pas un.e praticien.n.e chevronné.e du travail avec les rêves en 11 mois de formation. Pour celles et ceux qui veulent devenir analystes de rêves, c’est – j’en suis convaincu – une excellente introduction qui ouvrira toutes les portes. Il faudra cependant continuer à étudier et à travailler, mais cela est vrai de toutes les formations en travail avec les rêves – encore une fois, le véritable formateur, c’est le rêve. Pour celles et ceux qui ont déjà une pratique en travail avec les rêves, ou qui donnent de l’accompagnement thérapeutique, cette formation offre des outils précieux. Et si c’est simplement un intérêt personnel, ou un projet créatif, qui conduisent dans cette formation, il est bien certain que cet intérêt et ce projet seront nourris par le processus d'exploration des rêves. Il n’y a aucun pré-requis à l’entrée. Nous nous assurons cependant bien sûr au cours du processus d’inscription, qui inclut entre autres un entretien préalable avec chacun.e des enseignant.e.s, que la formation est adéquate et peut rencontrer les attentes de l’étudiant.e. La personne qui s’engage dans cette formation peut facilement se désengager dans les premiers mois s’il s’avère qu’elle et nous avons fait erreur et que cet apprentissage ne lui convient pas... 

Entendez-vous l'appel ?

Concrètement, cette formation se déroulera en 6 week-ends à Faverges, en Haute-Savoie (74), répartis sur 11 mois, avec des sessions virtuelles de pratique et de théorie entre chaque module en présentiel. Si vous voulez en savoir plus, je vous invite à :

- Visiter la page dédiée sur mon blogue : Formation Ecoute Intérieure des Rêves, où vous trouverez des informations pratiques (coûts, dates, etc) ainsi que des compléments d’information sur les objectifs pédagogiques de la formation. 

- Télécharger le document de présentation de cette formation 2024 que vous trouverez ici : formation EIR 2025.

- Visionner cette vidéo Youtube de présentation de la formation : conférence du 27 septembre 2022, où Marie-Anne et moi parlons de l'approche ainsi que de la formation, et où une personne témoigne de sa pratique de l'écoute intérieure des rêves.

- Lire cet article de présentation de l’approche : écoute intérieure des rêves.

- Si vous voulez avoir un aperçu du cadre général dans lequel s'inscrit cette formation, je vous invite à lire l'article (en 2 parties) que j'ai publié en août 2023 sur l'accompagnement psycho-spirituel, une démarche qui ne relève ni de la psychothérapie ni de l'enseignement spirituel mais s'intéresse au processus d'évolution de la conscience humaine. 

Vous pouvez aussi bien sûr nous contacter par la boite de contact de ce blogue pour poser toutes les questions que vous voulez, demander le formulaire d’inscription...

Pour les personnes qui sont domiciliées trop loin pour pouvoir se déplacer 6 fois dans l’année jusqu’en Haute-Savoie et qui sont fortement motivées, et ont déjà une solide expérience du travail avec les rêves (quelle que soit l’école...), nous avons mis au point une formule alternative d’enseignement personnalisé à distance incluant le support d’un groupe virtuel et un stage de synthèse de 5 jours en fin de parcours. Pour plus d’information sur cette possibilité, contactez-nous.

mercredi 5 juin 2024

Dragons et princesses


Suite à la publication de mon article Onirosophie, un ami analyste m’a interpellé sur ce que l’on peut appeler le négatif du rêve. Il m’a écrit pour me dire qu’il n’était pas certain de pouvoir adhérer entièrement à ma façon de présenter la sagesse du rêve, même s’il s’y retrouvait assez bien. Il a tiré une parallèle entre l’inconfort dans lequel le mettait la lecture de mon article et le malaise qu’il avait éprouvé en entendant un théologien familier de Paul Tillich et de Jung dire que les rêves sont la plupart du temps envoyés par Dieu. Il lui semblait important de mettre en lumière que le Mercure alchimique qui est à l’œuvre dans les rêves, et dont je disais qu’il « joue avec nous jusqu’à nous faire « gai rire » (guérir) de nos aveuglements et inconsciences », est double, c’est-à-dire ambiguë. Il était d’accord sur le fait que le rêve propose généralement une ouverture vers l’avenir mais il insistait sur le fait qu’il y a des instances négatives – en termes jungiens, tout particulièrement : l’ombre, l’anima négative et l’animus négatifs – qui se manifestent dans les rêves et qu’il ne faut surtout pas prendre à la légère. Il faut donc éviter, soulignait-il, de prendre la voix qui parle dans le rêve pour une voix divine...

Je l’ai remercié d’amener ce sujet qui réclame en effet des éclaircissements en lui disant d’emblée que cela pourrait m’amener à écrire un nouvel article. Et j’ai commencé par lui répondre sur la nature de cette sagesse du rêve en lui disant que si un théologien mentionnait devant moi que le rêve vient de Dieu, cela ne me poserait aucun problème et ne me susciterait aucun malaise. Mais cela va avec le fait que je prendrais plutôt un certain plaisir à lui retourner un questionnement : de quel Dieu parle-t-il donc ? De ce Dieu qui est censé être toujours bon, identifié au « plus grand Bien » (Summum Bonum), mais dont Maître Eckhart prie Dieu de le débarrasser... ou de Dieu au-delà de Dieu (God beyond God) dont parle Tillich dans le Courage d'être ? S'il est question du premier, je comprends bien le malaise... qui est exactement ce qui a conduit Jung à dénoncer la conception du mal comme privation du bien (privatio boni). S'il s'agit du second et qu'il n'y a pas de projection d'un Dieu toujours bon, alors nous parlons du Soi, complexio oppositorum au-delà donc du bien et du mal, Plérôme intégrant les contraires, et là je serai complètement d'accord pour dire, avec les anciens qui parlaient du somnia a deo missa (le rêve comme message du dieu), que le rêve vient de Dieu, c'est-à-dire d'un espace de Conscience hors du mental et de la dualité engendrée par l'égo, hors des opposés, ou encore pour dire qu'il vient de la psyché objective dont parlait Jung. C'est dans ce sens, et dans ce sens seulement, que je réfère à la Sophia du rêve, en tant que le versant féminin de ce Divin, qui en laissant de côté la théologie, renvoie à la sagesse intérieure enfouie profondément en chacun de nous – notre lumière naturelle, la sagesse de la vie en nous.

J’ai continué en disant que dès lors, je suis complètement d'accord qu'il faut avoir à l’œil, en toutes circonstances, l'ombre et les anima.us négatifs... et que le Mercure est double, ambiguë. Il est facile de prendre des vessies pour des lanternes et de s’abuser, avec les rêves comme avec tout autre chose : si quelqu’un vous annonce que vous êtes la personne la plus importante du monde, que ce soit en songe ou dans la vie diurne, vous pouvez être certain que l’on flatte votre narcissisme et qu’il y a une entourloupe là. Mais cette ambivalence ne m'empêche pas de louer la sagesse du rêve. Mon mentor Nicolas Bornemisza me disait un jour qu'en 30 ans d'écoute des rêves, il n'en avait jamais entendu qui ait amené quelque chose de négatif au rêveur : le mouvement intérieur que le rêve provoque chez les rêveur est toujours bénéfique, même si c'est pour lui indiquer qu'il va bientôt mourir (ce qui arrive finalement à tout le monde un jour ou l’autre). 


La difficulté n'est pas dans un côté méchant ou pervers du rêve... mais dans l'interprétation qui en est faite, dans laquelle on peut encore s'illusionner, auquel cas le réveil (si je puis dire :-) est souvent brutal. Les anciens connaissaient bien cette ambiguïté des dieux qui parlaient dans les rêves ; l'exemple classique est celui du grand roi perse Cyrus qui a rêvé que s'il envahissait le territoire grec, le soir même un grand royaume aurait vécu. Il a compris ce rêve avec son égo comme lui promettant la victoire, et il a lancé l'attaque... pour déchanter avant la nuit. Le problème avec "les instances destructrices" qui apparaissent dans les rêves n'est pas dans la prise de conscience que permet le rêve, qui permet justement de les identifier, mais dans le fait que l'égo ne veut pas entendre la sagesse du rêve. Cependant, quand on travaille le rêve, particulièrement en imagination active, le mouvement intérieur les met clairement en lumière et le rêveur trouve généralement, avec quelques précautions dans leur approche, une façon d'entrer en relation avec elle qui permet leur transformation en conscience.

A partir de là, j’ai taquiné mon interlocuteur en interrogeant son langage et la nécessité de distinguer entre des instances dites « négatives » et la voix divine. C'est un point de vue dualiste que je n'endosse pas car pour moi, ce qui est désigné comme "négatif" reflète en fait toujours une attitude faussée du moi devant un contenu inconscient qui en lui-même est plutôt neutre - c'est du "vivant" qui cherche à vivre. Je ne crois pas pour autant que tout soit "bon" et positif dans ce qui nous vient des profondeurs, loin de là... mais en fait, cette dualité négatif / positif me semble appartenir surtout à l'égo qui est le seul à être véritablement menacé par les dites "instances négatives". Bien sûr, il ne s’agit pas d’être naïf devant des personnages qui, dans le rêve, se montrent agressifs, envahissants ou destructeurs, tout comme on ne peut rester indifférent devant un animal prédateur. C’est la nature de la relation qui va nous indiquer l’attitude juste à avoir devant le personnage de rêve, comme dans la vie. S’il semble s’en prendre à notre intégrité ou à celle d’un autre personnage du rêve, s’il nous humilie, nous condamne, nous méprise ou nous infériorise, il appelle une réponse fondée toujours sur l’amour de soi. 

S’il est une règle à garder à l’esprit dans l’écoute du rêve, c’est que ce dernier ne juge jamais, ne condamne pas. Si un personnage de rêve cherche à nous convaincre que nous n’avons pas le droit d’être qui nous sommes, exactement comme nous sommes, c’est qu’il y a quelque chose de pervers là qui doit être mis en évidence, amené à la conscience. On pourrait dire que la source du rêve nous aime inconditionnellement et nous invite toujours à nouer la meilleure relation possible avec nous-mêmes. A partir de là, nous pouvons faire preuve d’ouverture et même d’amour à tout ce qui se présente dans les rêves, en commençant par nous donner cet amour. Nous pouvons répondre en nous faisant respecter, avec force si nécessaire, à des comportements qui attentent à notre intégrité sans pour autant qualifier leurs auteurs d’instances « négatives » en soi. Tout comme dans la vie, ce sont les agissements qui sont condamnables mais non les personnages, dont il s’agit plutôt d’entendre le besoin, la motivation profonde. C’est le rôle même des rêves de nous permettre de prendre conscience de leur existence dans notre psyché, de leur donner un visage et de permettre d’établir le début d’un dialogue, d’une reconnaissance mutuelle. 

Ainsi, l’ombre apparemment la plus destructrice s’avère toujours avoir une « bonne raison » (de son point de vue) de se montrer ainsi – elle réclame d’être intégrée positivement, sans quoi elle reste bloquée dans sa négativité, c’est-à-dire dans le fait qu’elle est rejetée. Il n’est pas rare que l’instance perçue comme négative soit en réalité le gardien embauché par un système de défense qui nous a été bien utile au cours de notre enfance mais qui s’avère handicapant à l’âge adulte. Pour lui permettre de prendre des vacances, nous avons généralement à prendre connaissance de la vulnérabilité qui se cache derrière ce gardien et à nous en occuper consciemment. Une anima ou un animus négatifs reflètent souvent justement le fait que la féminité ou la masculinité internes ne sont pas valorisées. Ces instances sont souvent enragées par le fait même qu’on les catalogue comme « négatives ». Il est assez étonnant de voir comment elles peuvent se transformer positivement dès lors qu’on accepte d’entrer en dialogue avec elles en évitant de les considérer comme a priori négatives. Ce sont les jeux de coopération qui proposent les règles les plus efficaces pour composer avec les complexes qui hantent notre psyché : s’ils cherchent la bagarre, ils trouveront du répondant à la hauteur de la violence dont ils font preuve, mais dès lors où ils sont prêts à dialoguer et à s’expliquer, on peut toujours négocier et trouver un terrain d’entente...


Il faut s’attarder cependant sur le fait qu’il y a des situations dangereuses où le moi serait menacé de psychose. Mais alors le rêve lui-même, bien compris, donne des avertissements et indique comment protéger et renforcer le moi. Et puis Jung signale que parfois, un patient va beaucoup mieux après une bonne crise si celle-ci est proprement contenue. Von Franz raconte cet épisode où jeune analyste, elle luttait de toutes ses forces pour empêcher un patient de sombrer, et Jung l'avait alors interpellée en lui disant qu'elle ne devait pas s'opposer au mouvement de l'inconscient, mais l'accompagner. Effectivement, elle a constaté après que le patient soit passé par une crise psychotique qu'il allait mieux, comme si sa psyché s'était recomposée. Elle indique ailleurs qu’en fait, le travail avec les rêves et les images archétypales des contes et des mythes tisse un filet de sécurité autour de la psyché qui lui permet de traverser la crise sans dommage. 

Dans une autre perspective, qui est celle de la psychologie transpersonnelle et des cultures chamaniques, on peut penser que nombre d’épisodes qui sont appréhendés dans notre culture comme des catastrophes psychiques sont des initiations que nous ne savons pas accompagner. Le Dr Malidoma Somé nous dit ainsi que les symptômes que nous envisageons surtout sous l’angle de la pathologie des troubles mentaux signalent généralement une urgence spirituelle. C’est justement l’expression qu’employait Stanislas Grof dans son livre A la recherche de Soi en faisant un jeu de mot sur les spiritual emergencies, ce qui s’entend aussi bien comme parlant d’urgences spirituelles que d’émergences spirituelles. Pour les Dagara dont est issu le Dr Somé, comme pour tous les peuples premiers, la crise psychotique signe la naissance d’un guérisseur, qui doit être aidé par un autre guérisseur à venir au monde. Là où nous ne voyons que pathologie et négativité, le cadre symbolique qui relie conscient et inconscient au travers des rêves, mais aussi des mythes, des contes et des rituels ouvre un champ de possibilités tout autres. La sagesse traditionnelle a beaucoup à nous apprendre sur ce point.


Je réfère pour ma part, quant il est question de faire face à des instances carrément destructrices, à la technique du Chöd initiée au XIème siècle par la yogini tibétaine Matchick Labdrön. C’est un chemin direct pour la libération de toute forme de négativité, et dans le fond, d’illusion, qui a été popularisé par le livre Nourrir ses démons de la lama occidentale Tsultrim Allione. On peut considérer comme un démon toute forme d’énergie psychique ou spirituelle qui menace notre intégrité – par exemple, une obsession, une phobie, une addiction, etc. Le Chöd est une méditation qui se fonde sur la prémisse que les démons et nous avons en commun le désir d’exister, de participer à la vie, mais que rien n’est mauvais en soi, purement négatif. C ette méditationest préalablement dédiée au bien de tous les êtres vivants, sans oublier de nous inclure parmi ceux-ci au premier chef ainsi que toutes les personnes faisant partie de notre environnement, mais en considérant aussi notre démon comme étant un de ces êtres vivants. Après un temps de centrage dans la présence en relaxant, on visualise ce démon en imagination active et on le localise dans notre corps. A partir de là, on entre en dialogue avec le démon et on lui demande ce qu’il veut, de quoi il a réellement besoin. Il n’est pas rare par exemple qu’une addiction exprime un besoin de liberté ou de connexion spirituelle; il s’avère en fait que les démons ont soif de lumière dans différentes formes. C’est pourquoi les individus qui se tournent eux-mêmes vers la lumière attirent les démons : ces derniers ont l’espoir d’une délivrance. Quand le besoin devient clair – et les démons que l’on interroge ne font généralement pas mystère de ce qu’ils veulent –, le Chöd nous suggère de nous transformer en imagination en un océan sans limite de ce que le démon réclame, et de nous offrir ainsi à lui pour qu’il se rassasie. On devient océan de paix intérieure, de joie de vivre ou de liberté... selon ce que le démon réclame, et il peut alors s’y baigner, boire jusqu’à ce qu’il n’ait plus soif. Il s’agit fondamentalement de devenir toute lumière, entièrement amour, et de n’opposer aucune résistance à ce qui nous apparaît sous la forme d’un démon. 

Bien sûr, cela réclame une entière confiance dans le fait que rien ne peut nous menacer, que ce soit dans la foi qu’une plus grande Lumière que la notre nous protège ou dans la conscience de ce que la négativité apparente est donc une illusion qui n’a de pouvoir sur nous qu’au travers de nos peurs. C’est parce qu’ils entretiennent ces peurs que je considère ces discours qui entretiennent l’idée d’une négativité irréductible de certaines instances de la psyché comme particulièrement dommageables. Ils justifient un combat, un état de guerre intérieure, qui perpétue le piège de la négativité dans lequel on se trouve alors enfermé. Or il apparaît que les pires démons, une fois qu’on accepte de les rencontrer et d’écouter leurs besoins, se transforment et sont heureux de participer à la vie. Les anciens mythes nous disent que même le Diable attend la délivrance, la rédemption qui surviendra à la fin des temps. Cela commence avec la rédemption de nos propres démons, et il s’avère qu’en leur donnant de l’amour, un amour conscient de la nature de l’illusion qui les a fait paraître séparés de nous, c’est à nous-mêmes que nous donnons cet amour. Le bénéfice d’un tel travail est une unité intérieure renforcée. 

Quant au fameux Mercurius Duplex (Mercure double), il faut revenir à l'histoire de Khidr et de Moïse, c'est-à-dire que sous des dehors négatifs, le Soi agit toujours dans le sens de la vie (qui inclut aussi la mort et donc la destruction permettant le renouvellement). Dans la sourate Al-Kahf du Coran, il est raconté comment Moïse demanda à accompagner l’Ange Khidr – dont le nom signifie « celui qui est vert », si bien qu’on le désigne aussi comme l’Homme Vert – qui se promenait sur terre. Khidr accepta à condition que Moïse ne pose aucune question. Cependant, peu après, Khidr coula un bateau, ce qui scandalisa Moïse car un pauvre pécheur venait de perdre tout moyen de subsistance. Mais une tempête arriva qui détruisit tous les bateaux dans le port, tandis que l’on put repêcher le bateau qui avait coulé et nourrir tout le village en péchant avec celui-ci. Le même thème est répété à plusieurs reprises, qui montre un Moïse prompt à juger des actions de Khidr comme étant « négatives » jusqu’à ce qu’il s’avère qu’en fait, une sagesse insaisissable au prime abord était à l’œuvre. Finalement, Khidr enjoint Moïse de cesser de se perdre dans des jugements dualistes et de rester toujours ouvert. La connaissance de cette duplicité ambiguë de l'inconscient oblige donc à réserver son jugement avant de désigner comme "négatif" un élément du rêve, tout comme on tempérera les enthousiasmes envers ce qui semble trop "positif". C'est à cette sagesse là, au-delà de la dualité apparente, que conduit le travail avec le rêve, me semble-t-il, et non à s'inquiéter des instances négatives...


Pour conclure provisoirement cette réflexion, j’ai proposé à mon interlocuteur que nous évitions absolument de théologiser ces réalités psychologiques car cela nous amène à des projections du type Summum Bonum (Dieu vu comme un Bien absolu) qui sont de véritables pièges. L'ambiguïté du Mercurius implique que nous avons un allié en celui-ci même devant ces aspects apparemment négatifs, comme Job se découvre un avocat dans le ciel contre le Satan, lui-même procureur au service de Dieu. Et cependant, si nous projetons un bon papa sur le Mercurius, nous risquons fort en effet de nous prendre une claque qui nous aidera à grandir. Mais il n’y a pas de position unilatérale sur cette question portant sur la façon de composer avec le négatif des rêves. En effet, dans un premier temps du travail intérieur, il est nécessaire de renforcer le moi pour qu’il se débarrasse de tous les jugements introjectés et des croyances limitantes dans lesquels il est enfermé. On rencontre là un paradoxe bien connu des analystes qui veut qu'il faut un moi fort pour être capable d’abandonner le moi. Autant l'insistance sur les aspects ombre et anima.us négatifs servent alors à renforcer le moi, autant pour s'ouvrir au Soi, il s'agit de dépasser cette dualité positif / négatif pour entrer simplement dans le courant de la vie qui inclut ces deux. Alors, du deux (et en fait du quatre) émerge le Un. 

Mon interlocuteur m’a répondu qu’il était d’accord pour l’essentiel avec moi en soulignant que dans sa pratique, il cherche toujours dans le rêve ce qui peut émerger pour donner une nouvelle voie positive ou une nouvelle énergie à la personne.  Et puis il est revenu sur le fait qu’il constate que les personnes qu’il accompagne sont souvent aux prises avec la puissance du côté négatif. Je le cite avec sa permission: 

« Leur conscient a la vue obscurcie par quelque chose qui remonte de l’inconscient, qui a été engrammé dans les premières années, et qui vient détruire les avancées par des jugements négatifs et insidieux. Les ouvertures saines sont là, mais dans l’impossibilité de se réaliser. (…) Donner l’occasion à la fonction transcendante de se dégager de ces opposés est vital, pour que la personne trouve son chemin juste. Mais l’unité dont vous parlez vient souvent après un long combat et de longues souffrances. »

Il me disait avoir expérimenté cette unité pour sa part dans une expérience religieuse, et ce témoignage, ainsi que ce qu’il disait plus haut, m’a amené à développer encore un autre aspect de cette question. Je crois qu’il faut dire en préalable que ce qui qualifie à l’écoute des rêves, et à l’accompagnement psycho-spirituel, ce n’est pas un diplôme ou une accumulation de connaissances, mais bien d’avoir expérimenté cette unité, ce qui prend généralement forme de ce que l’on désigne comme « une expérience religieuse », qu’il s’agisse là, selon le vocabulaire, d’une rencontre avec une dimension transcendante de l’existence ou d’un éveil, d’une percée hors de la dualité phénoménale. Et dès lors, il s’avère que le plus grand bien est bien cette unité intérieure qui résorbe la dualité apparente, et que le seul véritable mal est la division intérieure. 


Voici ce que j’ai répondu à mon ami analyste :

« Comme vous, j'accompagne des personnes qui bien souvent sont entravées par des jugements négatifs tout à fait insidieux, et je m'attache à les mettre en lumière. Nous sommes bien d'accord je crois que nous ne pouvons en aucun cas nous permettre d'être naïfs devant les aspects destructeurs de l'anima.us négatifs et de l'ombre. Ce serait comme de nous montrer insouciants alors qu'il y a un nid de vipères dans le jardin, et d'y laisser jouer les enfants sans prendre de mesures. Cependant, dans ma pratique, que ce soit d'analyse ou plus profondément encore de méditation, j'ai observé la chose suivante : si je mets l'accent sur le négatif en induisant l'idée d'un combat, je renforce la division intérieure et je contribue à aggraver la situation. Car finalement, ces éléments négatifs sont eux-mêmes un symptôme du véritable mal qui tient dans cette division intérieure, et le remède que je cherche à favoriser ressort de l'unité intérieure – à commencer par mon unité intérieure en face du déchirement dans la psyché de mes analysant(e)s, qui est capable d'accueillir le conflit sans jeter d'huile sur le feu, en manifestant simplement de la compassion pour la souffrance vécue dans ce déchirement. Je propose donc en règle générale simplement de rendre aussi conscient que possible le jugement négatif en allant examiner ce qu'il donne à ressentir, où l'énergie de vie est entravée – cela n'exclue pas bien sûr de reconnaître là une voix parentale introjectée, de lui opposer un démenti mais ce n'est pas dans l'énergie du combat que les nœuds se dénouent, me semble-t-il. Il s'agit bien plus profondément d'accueillir le "négatif" pour entendre le besoin qu'il exprime, qui se révèle être toujours positif et peut être intégré à la psyché...

Je ne suis pas pour l'extermination des vipères, pour reprendre la métaphore que je proposais plus haut, car elles font partie de la nature et de l'équilibre écologique. Je vais juste chercher le moyen qu'elles aillent faire leur nid dans un endroit qui convient, et respecter leur territoire autant que je leur demande de respecter le mien.


Bien sûr, pour trouver la force d'accueillir ces éléments négatifs, il faut souvent d'abord livrer combat et trouver suffisamment de sécurité intérieure pour accepter de passer à la table de négociation. Parfois, il faut sciemment aggraver la situation, et fournir à notre analysant(e) les missiles dont il a besoin pour faire reculer l'envahisseur – renforcer son moi. Mais en tant qu'analyste, je crois que j'ai d'abord la responsabilité de ne pas alimenter la division intérieure. Quand l'animus négatif par exemple entend qu'il y a un espace où il pourrait être accueilli dans la réalité de son besoin, il commence à se modifier. Bien sûr, cela ne m’empêche pas encore une fois de soutenir mon analysant(e) dans son combat intérieur contre un parent abusif et sa dénonciation des abus, mais je ne suis pas juge ni procureur... et en dernier lieu, je sais que la guérison la plus fondamentale viendra quand le parent lui-même sera vu dans son humanité, et pardonné. D'où il me semble vraiment important de déjouer cette façon dont le négatif nous entraîne toujours plus loin dans la division. Au fond, le message à l'instance "négative" vient directement des jeux de coopération : si elle veut le combat, elle l'aura et elle ne l'emportera pas... mais il y a aussi toujours une possibilité de négociation, et finalement donc de coopération gagnant / gagnant. Oui, l'unité ne vient qu'après un long combat et beaucoup de souffrances, souvent comme une grâce, mais c'est ma responsabilité d'analyste, précisément, de représenter le point de cette unité jusque dans les moments où le conflit fait rage. Et ceci étant dit, nous nous rejoignons donc entièrement dans cette recherche de la voie positive proposée par le rêve. C'est bien pour cela que je loue la Sophia des rêves : dans sa sagesse, la psyché me semble toujours proposer une voie. »

Comme par hasard, j’ai entendu dans les jours au cours desquels nous avions ces échanges des rêves qui sont venus alimenter la réflexion. Je vous en livre deux particulièrement frappants :

Les nazis sont là. Un officier SS s’intéresse particulièrement à moi. Je ne sais pas comment lui échapper. Il me touche, j’ai le sentiment que je ne vais pas pouvoir résister. Je l’emmène voir un spectacle (film ou cabaret) en espérant détourner son attention, qu’il s’intéressera à d’autres femmes, mais il n’en démord pas, revient vers moi. Je décide alors que je préfère mourir pour rester en accord avec moi-même.

J’ai évidemment sursauté en entendant ce rêve car les nazis, et particulièrement les SS, sont un symbole incontournable du mal dans notre culture. Il est fort significatif de mon point de vue que la rêveuse aux prises avec des SS choisisse de mourir plutôt que d'être en désaccord avec elle-même. Elle ne prend même pas les armes contre eux, image de l'ombre et de l'animus destructeur s'il en est, elle leur répond dans cette intégrité radicale qui fait qu'elle a vaincu sans même combattre. Au fond, le message général du rêve, au-delà de l’écho qu’il pouvait donner à la situation personnelle de la rêveuse, est qu’il vaut mieux mourir (se transformer radicalement) que d’accepter la division intérieure.


Hommage à la Rose Blanche, mouvement de résistance au nazisme

Une autre rêveuse m’a partagé le rêve suivant :

Je suis dans une ville et je fuis en courant, poursuivie par tout un ensemble d’entités négatives et de démons, parmi lesquels il y a même le diable ! Je suis dans une robe blanche un peu sale, jeune et blonde. J’ai peur. Et puis je m’arrête pour reprendre mon souffle et je me retourne. Alors, j’ouvre ma robe et je dévoile ainsi mon cœur, le centre de ma poitrine, avec les poings serrés sur celle-ci, et je fais face aux entités et démons qui me poursuivent. Des mots s’imposent à mon esprit : je suis prête !

On retrouve ici l’invitation que nous faisait Jung de nous retourner et de faire face quand quelque chose nous poursuit. Il n’est pas rare alors que les démons et les monstres se transforment sous l’effet de la conscience. A quoi la rêveuse s’avérait-elle prête selon ce rêve, cela relève de son aventure personnelle mais on peut souligner ici l’insistance sur le cœur, centre de la poitrine, avec lequel elle fait désormais face à la cohorte démoniaque qui lui coure après. L’écoute de ce rêve a été pour moi l’occasion de lui raconter un rêve et une petite histoire que j’évoque dans un autre article :

«  [Le rêve] se passe de toute interprétation. La rêveuse traversait une forêt pour atteindre un arbre merveilleux. Des ombres tentaient de la retenir, et plus elle les combattait, plus celles-ci se faisaient denses et puissantes, la ralentissaient jusqu’à l’immobiliser. Mais une voix lui chuchotait qu’il suffisait de dire « je t’aime » à ces ombres pour qu’elles perdent de leur pouvoir sur elle. Elle n’y croyait pas, ne ressentait aucun amour pour ces ombres, mais essayait tout de même et à sa grande surprise, cela marchait : « je t’aime » dissipait les ombres. 

Ce rêve fait écho à une histoire orientale que l’on m’a rapportée à peu près au même moment :

Tous les 100 ans, il est accordé à quiconque le souhaite vraiment d'atteindre l'illumination et le Nirvana sans consacrer sa vie à la méditation et à l'effort. La seule chose qu'il a à faire est de se rendre à l'orée de la forêt des 10 000 morts et de la traverser. Lorsqu'une personne y arrive, on l'accueille et la prévient qu'elle traversera cette forêt pour y rencontrer ce dont elle a le plus peur. Il suffit qu'elle se souvienne que cette peur n'est qu'une illusion, qu'elle n'est pas réelle, et qu'elle change aussi pour quiconque souhaite traverser la forêt. Si la personne réussit, un Bouddha l'attend de l'autre côté pour lui ouvrir les portes du Nirvana et lui conférer l'illumination. Le Bouddha lui demande alors : « Comment as-tu traversé la forêt, mon enfant ? » Généralement, on lui répond ceci : « J'y ai rencontré ma plus grande peur, mais j'ai fermé les yeux et j'ai continué à avancer pas à pas. Et petit à petit, je vous ai rejoint. »


Mon interlocuteur a conclu notre discussion en soulignant la nécessité de différentier plusieurs points de vue en regard de cette question du négatif du rêve. Je le cite à nouveau :

« Pour ce qui est du négatif dans les rêves, je crois que la réaction doit varier selon les rêveurs. Dans mon message précédent j’avais en tête plusieurs personnes envahies dans leur vie consciente par les jugements négatifs sur elles-mêmes. Dans ce cas, il est vital pour elles d’apprendre à se dés-identifier de ce jugement, et de savoir qu’elles l’ont introjecté dans leur jeunesse. En faisant cela, je n’introduis pas forcément de la division en elles-mêmes. Leur apprendre à réagir et à dire « non ce n’est pas moi qui pense cela » est vital, pour se libérer de la possession et laisser de la place au vécu positif écrasé depuis la jeunesse par la possession négative. 

Une fois le vécu positif reconstruit sur des énergies archétypales, la personne peut assumer un autre travail, celui de la distinction entre l’animus négatif et l’ombre, et peu à peu entrer dans un processus de ressenti et d’apprivoisement de l’ombre, pour lequel la relation avec la figure du Soi est nécessaire. Par là, l’unité peut se construire peu à peu, en connectant le moi aux dieux d’en haut et aux dieux d’en bas, par la puissance des images qui viennent dans les rêves et les imaginations. »

Je ne pouvais qu’être d’accord avec lui. Dès lors, j’ai eu envie de laisser le dernier mot de notre conversation à Rainer Maria Rilke, grand connaisseur de l’âme humaine, qui nous dit en quelques mots l’essentiel de ce que j’ai cherché à exprimer ici :

« Tous les dragons de notre vie sont peut-être des princesses qui attendent de nous voir beaux et courageux. Toutes les choses terrifiantes ne sont peut-être que des choses sans secours, qui attendent que nous les secourions. »



jeudi 2 mai 2024

Onirosophie

Hommage à la Sagesse des Rêves


Toutes les illustrations de cet article sont des tableaux du peintre surréaliste Octavio Ocampo dont vous trouverez des oeuvres en différents endroits sur Internet : je vous invite à visiter sa page page wikiArt.

Vous pouvez télécharger une version PDF de cet article sans illustrations : ici


J’ai envie de vous parler aujourd’hui aussi simplement que possible de la sagesse des rêves, et de la façon d’entrer en relation avec elle. Je sais, cette simplicité n’est pas mon fort (lol) : j’ai tendance à partir dans la stratosphère des grandes idées et à écrire des articles de trois kilomètres de long. J’assume tout à fait cette habitude car il y a des sujets qui réclament d’aller au fond des choses, ce qu’on ne fait pas en quelques mots. Mais en ce qui concerne les rêves, c’est justement de la simplicité avec laquelle on peut les approcher pour les écouter dont je voudrais vous entretenir maintenant. Bien sûr, ils sont souvent assez difficiles au prime abord à comprendre, à entendre dans ce qu’ils cherchent à nous dire… et cependant, ce n’est pas avec des théories compliquées qu’on arrivera à les faire parler. D’emblée, je poserai deux propositions ici :

- Contrairement à ce que l’on est porté à penser en Occident de nos jours, l’écoute des rêves n’est pas réservée à des spécialistes et ne requiert pas de longues études pour assimiler des connaissances approfondies en physique nucléaire. Rappelons-nous toujours que nos ancêtres avaient une excellente intelligence de ce que les rêves cherchaient à leur dire. Encore aujourd’hui les représentants des peuples premiers ont beaucoup à nous apprendre sur ce point. Pourtant, ils n’avaient et n’ont pas d’universités où apprendre la psychologie, etc.

- Toutes les méthodes, toutes les approches, en autant qu’elles évitent de plaquer un discours pré-formaté sur le rêve, de tenter de le forcer à entrer dans un système, sont bonnes. Elles emmènent plus ou moins loin, permettent d’accéder à plus ou moins de profondeur... mais en autant qu’elles permettent d’établir une relation avec la dimension vivante du rêve, de dialoguer avec lui, elles sont excellentes.

Je proposerai deux images pour illustrer ce que je dis là. La première pose que lorsqu’on veut parvenir au sommet d’une montagne, toutes les voies sont bonnes, pourvu que l’on ne s’arrête pas en chemin en déclarant que là où l’on bivouaque, c’est LE sommet que nous avons conquis. La seconde, c’est que quand un bébé veut naître, la nature aide, et qu’en autant que les méthodes employées ne blessent ni l’enfant, ni la mère, elles sont bonnes. J’oserai dire que le sens du rêve vient au monde malgré nos méthodes et tous les forceps intellectuels que nous sommes tentés d’utiliser pour l’accoucher.

Un corollaire de ma seconde affirmation, c’est qu’il n’y a pas de théorie et de méthode ultimes pour comprendre et interpréter les rêves. Il n’y a aucun moyen de prendre un rêve, de le décortiquer en ses éléments de base en analysant sa structure et en le catégorisant dans un type défini pour le passer par une moulinette qui poserait des questions au rêveur et recracherait une interprétation à la sortie. Si cela se pouvait, il y aurait un informaticien (comme je l’ai été dans une autre vie) pour élaborer un algorithme et voilà que nous serions à la veille de confier nos rêves à une IA. Je vous ferai rire une autre fois avec les tests que nous sommes quelques-uns à avoir fait avec l’interprétation des rêves par chatGPT – ouf, l’humanité a encore quelques années-lumières d’avance sur la soit-disant intelligence artificielle. Et donc, avec tout le respect que j’ai pour le travail de Jung et de tous ceux qui ont éclairé le monde du rêve, je dois mettre en garde contre toutes les théories totalisantes du rêve : on peut s’enfler facilement le mental en maniant les concepts de l’ombre et de l’anima, parler de l’interpellation du Soi sans se laver la bouche… et passer à côté de la réalité vivante de ce dont il est question.

Il vaut bien mieux revenir à une simplicité de cœur.

Car finalement, c’est la relation avec le rêve qui va lui permettre de nous amener quelque chose de nouveau à la conscience. La relation, rien que la relation, quelle que soit le truchement par lequel on passe, le vocabulaire que l’on emploie, la théorie avec laquelle on essaie de le saisir…

Pourquoi ?

Parce que le rêve vient de la sagesse vivante dans notre profondeur. 


On dit volontiers que le rêve est issu de notre inconscient. D’autres cependant discutent l’existence de ce fameux inconscient en déclarant que rien n’est inconscient en nous. Les deux ont raison. La pire erreur que l’on puisse faire à propos de l’inconscient, ce n’est pas de déclarer qu’il n’existe pas (on avoue alors simplement que l’on n’a pas compris de quoi il est question), mais de penser que l’inconscient est inconscient. Au contraire, il semble bien qu’il y ait en nous une conscience bien plus vaste, plus profonde et informée sur notre réalité que nous ne le sommes nous-mêmes. Et c’est nous qui n’en sommes pas conscients. En Orient, on désigne volontiers cette intelligence subtile dont les rêves émergent comme étant la « conscience des profondeurs » tandis que nous, à moins que nous soyons des êtres réalisés dans la pleine conscience, nous tenons à la surface de celle-ci. Et quand un rêve émerge des profondeurs, c’est que quelque chose veut devenir conscient. La sagesse qui nous est entièrement naturelle – la nature en nous, dans son infinie sagesse – nous adresse un message, cherche à éclairer notre lanterne.

Une première difficulté dans l’accès à la sagesse des rêves est souvent que nous avons de la difficulté à nous en souvenir. Il y a plein de trucs pour nous y aider mais surtout, quant à cela, deux choses importantes à savoir. La première, c’est que bien souvent, nous passons à côté des toutes petites images de rêve. Nous voudrions avoir de grands rêves plein de symboles, et nous négligeons la toute petite image, qui nous semble peut-être tout à fait banale, avec laquelle nous nous réveillons. Et même s’il n’y a pas d’image qui nous reste, l’important est de prêter attention au ressenti avec lequel nous nous réveillons, qui est un peu comme l’écume qui reste du rêve. Il est bien possible que la simple écoute de ce ressenti nous reconnecte au rêve, et sinon, nous restons simplement avec le sentiment indéfinissable que nous laisse le rêve en fuite. Et ce ressenti, déjà, nous met en lien avec notre vie intérieure. 

Il n’est pas rare qu’à partir du moment où nous prêtons attention à ces toutes petites images et au ressenti qui émerge de la nuit, nous commencions à nous souvenir de plus en plus de nos rêves. Pour cela, il faut s’en donner le temps, bien sûr, et les noter, les fixer. Mais l’autre point qui est important, c’est que nous nous souvenons toujours de ce dont nous avons besoin de nous souvenir, rien de plus. Il ne sert à rien de se crisper pour essayer d’attraper des rêves : de toutes façons, notre psyché est active la nuit, et si nous ne nous souvenons pas de ce qui s’est passé, c’est que nous ne pouvons rien faire avec ça. Les rêves dont nous nous souvenons s’offrent à une intégration consciente. C’est bien, cela suffit. Relaxons, si la source des rêves veut nous dire quelque chose, elle nous le dira en son temps, quand elle voudra.


Nous pouvons donc partir d’une prémisse très simple : quand nous nous souvenons d’un rêve, c’est que quelque chose cherche à devenir conscient. Un bébé de conscience cherche à venir au monde dans notre psyché. Pourquoi est-il si difficile à interpréter, à comprendre ? 

D’abord parce que nous sommes éloignés de notre véritable nature, et ce dont il nous parle, le langage qu’il emploie, nous semblent étrangers. Il y a là une invitation à nous rapprocher de nous-mêmes, de qui nous sommes vraiment. Le rêve ne ment pas, ne déguise pas. Jung disait qu’il est nature qui s’exprime en nous – notre nature, la nature dans ce qu’elle a de sauvage, de non-domestiquable. Or nous sommes domestiqués pour la plupart, civilisés, bien loin de cette nature qui nous invite, dans le rêve, à reprendre contact avec elle...

Ensuite parce que bien souvent, nous ne cherchons pas à entendre ce que le rêve dit mais nous croyons qu’interpréter le rêve, c’est l’expliquer. Nous cherchons à le comprendre avec la tête en passant par des moyens qui nous sont extérieurs – ce que le dictionnaire de symboles ou l’Internet dit de telle image symbolique… – au lieu de nous rapprocher toujours plus près de notre fond intérieur, d’où vient le rêve.

Là où, en Occident, nous nous fourrons le doigt dans l’œil au point de nous aveugler à propos du rêve, c’est de croire qu’il faut discourir mentalement sur ce dernier. Nous restons enfermés dans une métaphore limitée qui veut que le rêve soit un message envoyé par un être qui nous est dans une grande mesure étranger, comme un extra-terrestre qui parlerait un langage abscons. Il nous semble nécessaire de déchiffrer un code, de faire de la cryptographie psychologique pour comprendre le sens du message. Or le rêve, c’est d’abord du ressenti. 

Bien souvent, le rêve nous restitue les ressentis liés à notre vie diurne que nous n’avons pas accueillis consciemment. C’est pour cela que les méditants, qui ont l’habitude de nettoyer leur fond émotionnel en laissant se déposer la poussière soulevée dans la journée, reçoive souvent des rêves venant de couches plus profondes. Cependant, cela peut arriver à tour le monde de recevoir des rêves venant de grandes profondeurs de notre psyché. Et même quand le rêve nous donne par exemple une direction de vie, ou nous révèle une vérité philosophique, c’est d’abord un mouvement intérieur sensible. C’est ce mouvement intérieur que nous cherchons à rendre conscient dans le travail avec le rêve, et que ressentons par exemple quand une interprétation touche juste. Il se produit comme une vague de contentement, un petit déclic intérieur qui signale que la conscience vient d’être irriguée, élargie.

Bref, le rêve, ce n’est pas de la tête – même si cela ne nous empêche pas d’y penser, d’en parler – c’est d’abord du corps et du cœur vivants. J’insisterai sur ces mots dont on mesure rarement la portée : c’est le corps qui rêve, et non seulement le cerveau, et c’est le corps qui comprend le rêve. Car le rêve est une énergie qui informe notre être global, non seulement notre (petite) tête. Quand je dis que le rêve est une énergie, je ne vous parle pas d’une énergie mystérieuse ou de physique des trous noirs. C’est de l’énergie psychique, de la conscience… et encore une fois, le rêve signale que quelque chose cherche à devenir conscient, à parvenir à notre conscience. Le rêve est un mouvement intérieur que nous pouvons aider à devenir conscient en lui donnant de l’attention…


Le rêve nous invite à ressentir en profondeur ce qui se passe au contact des images intérieures qu’il nous propose, à tisser des liens avec notre vécu diurne pour jeter des ponts entre les mondes, et c’est ainsi qu’il nous fait voyager à l’intérieur de nous-même, dans nos mémoires et au-delà de tout ce que nous pouvons consciemment imaginer. Le décodage symbolique du rêve peut être enrichi par l’analyse intellectuelle partant d’une connaissance de l’alchimie ou des processus de la psychologie des profondeurs, mais il sera d’autant plus efficace que nous parviendrons à connecter les ressentis associés aux images du rêve à ceux de la vie diurne, présente ou passée. Cette connexion, quand elle s’opère, se passe de toute explication. On constate alors comment le rêve n’est pas lui-même un intellectuel, mais est lié fondamentalement au corps. Cependant, cela implique bien souvent d’accepter de rencontrer des ressentis désagréables, de les rendre conscients, de respirer dans ces derniers.

Une des voies d’accès les plus directes au mouvement intérieur du rêve est d’utiliser simplement l’énergie de ce dernier dans la créativité. Vous pouvez peindre ou dessiner les images du rêve en prêtant attention à ce qui se passe en vous en le faisant – ce n’est pas alors l’esthétique du résultat qui importe ou la technique employée. Vous pouvez sculpter le rêve. Vous pouvez laisser le rêve vous emmener dans une expression musicale, un chant ou une danse. Vous pouvez laisser votre plume courir librement sur le papier en invitant votre rêve à se déployer, parler avec les personnages, explorer des fins alternatives. Comme dit l’expression bien connue : le ciel seul est la limite !…

Vous pouvez aussi, si vous avez l’habitude de méditer, simplement vous asseoir avec le rêve et revisiter les images du rêve en observant ce qu’il vous donne à ressentir en profondeur. Vous pouvez aussi marcher avec le rêve, ou vous allonger dans l’herbe en contemplant les nuages et leur raconter votre rêve. Les arbres aussi adorent écouter les rêves, et vous pourriez être surpris.e, si vous écoutez bien vos petites voix intérieures, de comment ils répondent.  Si vous avez l’habitude de voyager en imagination ou dans un voyage chamanique, vous pouvez utiliser le rêve comme une porte... 

Enfin, ce qui nous rend l’accès au sens vivant du rêve souvent difficile, c’est que nous ne prenons pas le temps, tout simplement, de tourner autour en lui ouvrant un espace en nous pour qu’il amène quelque chose de nouveau. Nous refermons généralement l’interstice ouvert par le rêve en l’ensevelissant sous des mots. Si nous lui accordons quelque attention, ce qui est déjà bien beau, c’est souvent pour le réduire à quelque chose que nous connaissons déjà : « c’est encore un rêve qui me parle de... »

Or nous avons une règle d’or dans l’écoute des rêves : le rêve amène, par définition donnée plus haut, toujours quelque chose de nouveau à la conscience. Si c’est encore un rêve qui parle de ma belle-mère, c’est qu’il y a quelque chose de plus à entendre que tout ce que je crois déjà savoir à propos de ma belle-mère. 

Quand un rêve, ce n’est que… c’est que ce n’est pas ça. Même si cela nous est assené du haut d’une grande théorie : ah, ton rêve, ce n’est que ton désir inavouable d’aller voir la voisine… ou ce n’est que ton Anima qui te fait des clins d’œil. Réduire un rêve à un « ce n’est que », c’est le pire que l’on puisse faire au rêve, et, nous disait Jung, « ce qu’on fait à un rêve, on le fait à notre propre âme. »


Aïe ! Je viens de lâcher un gros mot : « âme ». Je n’expliquerai pas ce que c’est. Vous pourrez trouvez des considérations sur l’âme, qui n’est pas synonyme de psyché pour moi, dans d’autres de mes articles. Mais disons que j’écris surtout pour des gens qui, même s’ils ne savent pas ce que c’est, sentent qu’il y a une âme qui vit en eux. 

Une âme qui parle, qui vibre, qui chante et qui danse quand elle peut s’exprimer.

Ce qui m’amène au point central de ce que je veux vous partager aujourd’hui. Je souhaite évoquer la dimension sacrée du travail avec le rêve. Quand je dis « sacré », je ne veux pas introduire là quoi que ce soit de compassé ou de pompeux, rien qui rappelle l’ennui que l’on peut éprouver quand on est enfant et obligé d’aller à la messe… Il n’y a rien là qui puisse ressusciter les curés. Non, je veux simplement parler de l’attitude de respect et de révérence à laquelle appelle le mystère du rêve quand il se révèle.

Entendons ce mot « sacré » avec la langue des oiseaux : « ça crée » !

Cela crée (de la conscience). A chaque fois que nous entrons en relation avec un rêve, nous sommes devant quelque chose d’infiniment mystérieux, qui ne se laisse pas réduire à une absurdité manipulable, qui nous in-forme (forme de l’intérieur), et qui tient du processus créateur de notre existence et notre conscience. Les anciens n’hésitaient pas à dire qu’il y a là quelque chose de divin…

Ce quelque chose, les anciens grecs l’appelaient la Sophia (Σοφíα), la Sagesse vivante. Dans la Bible hébraïque, puisque notre culture a tété aux mamelles de ces deux cultures en particulier, la grecque et la juive, Elle est appelée Hokhmah, translittération de חכמה, la sagesse qui se tenait aux pieds de Dieu et le faisait rire avant même la Création...

C’est ce qui m’amène à réclamer qu’au-delà de la nécessaire onirologie – ce que devrait être une science indépendante du rêve – nous revenions à une onirosophie, c’est-à-dire à honorer la sagesse du rêve. Il y a là une voie qui pourrait s’avérer vitale pour retrouver le contact avec notre nature essentielle.

Des discussions au sein de la communauté de pratiques qui s’est formée autour de l’écoute intérieure des rêves m’ont aidé à préciser un point important à propos de la direction et de l’intention de notre travail avec le rêve. La question de départ qui nous donnait à penser était : s’agit-il de psychothérapie, ou du moins d’un outil de psychothérapie ? En contrepoint, on peut aussi se demander si nos pratiques sont chamaniques. C’est une interrogation importante car le rêve a été, en Occident, instrumentalisé par la psychothérapie. Cette intrumentalisation a eu lieu pour de bonnes raisons : le rêve est un outil remarquable pour mettre en lumière les conflits intérieurs d’une personne et prendre le conseil de sa sagesse innée sur la façon de les résoudre. C’était aussi sans doute le seul moyen pour que nous prenions le rêve au sérieux dans notre monde utilitaire : il fallait qu’il puisse servir à notre santé, et que des médecins, des psychologues en affirment la valeur…

Nous sommes cependant maintenant au point où nous pouvons affranchir le rêve de cette inféodation pour lui reconnaître sa valeur propre, l’honorer en tant que tel pour ce qu’il est. Le rêve est un sujet trop sérieux pour être laissé entre les mains des seuls psychologues et de leurs copains les neurologues qui veulent y voir un phénomène hasardeux découlant de l'interaction électrochimique entre les neurones. Il est l'expression d'une dimension toujours créative au sein de la psyché, qui amène toujours du nouveau, et il nous met en lien avec le processus créateur de l'existence et de la conscience. Les anciens soulignaient ainsi à bon droit que le rêve est un moyen pour la Source Créatrice de se manifester dans nos vies, un vecteur de communication avec le Divin. Il requiert une approche empreinte de révérence et de respect pour la dimension transpersonnelle du rêve, car même apparemment trivial et personnel, ce dernier a toujours une profondeur numineuse à laquelle il nous faut nous relier.


Il faut donc un cadre au travail avec le rêve, mais le cadre psychothérapeutique ne suffit pas car le rêve en déborde, touche à des questions existentielles, ontologiques et spirituelles que le cadre défini par le psychologue blesse et mutile bien souvent en prétendant les rationaliser. Or il nous faut intégrer quelque chose qui va au-delà du rationnel pour entretenir une relation saine avec le rêve. Nous avons besoin de ce que Ken Wilber appelle une perspective trans-rationnelle, qui ne rejette pas le rationnel mais le dépasse en en reconnaissant les limites. Il nous faut donc un cadre qui intègre non seulement la dimension thérapeutique, mais aussi les dimensions éthiques et spirituelles. Et le cadre n’est rien sans l’attitude intérieure, la posture de présence, d’ancrage, d’ouverture et d’écoute, de pleine conscience dans l’instant présent. Il s'agit d'être capable d'accueillir ce qui relève à la fois du plus intime et sensible qui se dit dans le rêve, et cependant aussi de l'infiniment mystérieux qui s'y manifeste.

J’ai tenté de définir un cadre que je qualifie de psycho-spirituel pour ce travail avec le rêve, mais cela ne suffit pas à en indiquer la finalité. Alors j’en arrive à dire que notre travail relève fondamentalement de la connaissance de soi, ce qui peut avoir évidemment une incidence thérapeutique – résoudre des problèmes, améliorer la vie, apporter du bien-être – mais ce n’est pas la visée principale. Cela s’inscrit donc dans une perspective qui est celle du « soin de l’âme », aux racines mêmes étymologiquement de la psychothérapie. Mais la connaissance de soi est beaucoup plus que cela. C’est une connaissance intérieure, ou pourrait-on dire une gnose, par contraste avec les savoirs acquis par accumulation d’information ou raisonnement. Il ne s’agit pas tant de connaître les contours de notre personnalité (moi) et de notre histoire personnelle, que de re-connaître notre véritable nature (Soi), et d’accéder par-là peut-être à une nouvelle liberté, hors de toute histoire déterminée par le collectif de de tous conditionnements, de permettre la révélation de nos talents et leur déploiement dans nos vies. Le rêve nous ramène à l’unique que chacun de nous est, et à l’Unique qui Est.

Dans cette visée, la psychologie est indispensable, mais aussi une perspective qui va bien au-delà de la psychologie puisque nous accueillons aussi les ancêtres, les esprits de la nature, les âmes des morts et des enfants à naître, les visiteurs des étoiles, etc. Nous savons que le rêve peut nous permettre d’entrer aussi bien en contact avec un passé caché qu’avec un avenir en création, ou d’aller chercher des connaissances qui sont au-delà de notre entendement, d’entrer en relation avec d’autres univers. Nous pouvons en rêve voir le monde par les yeux d’un chat ou d’une libellule, ou visiter une autre planète, le monde des démons comme celui des Anges. Nous ne pouvons mettre aucune limite pré-établie au rêve, qui semble nous reconduire au cœur même du mystère d’être et de la merveille de la Conscience. Notre travail s’inscrit ainsi dans la continuité de la façon des peuples premiers d’être en relation avec les mondes intérieurs et extérieurs, et endosse une perspective que l’on dira chamanique et spirituelle parce qu’elle reconnaît la réalité de dimensions invisibles participant à notre existence, perspective dans laquelle le rêve est guide, enseignant et guérisseur. 

On peut dire aussi que ce travail est une méditation avec le rêve, qui nous emmène au-delà de celui-ci, dans un espace sans limites. On pourrait dire alors qu’il s’agit d’une méditation avec le Soi, dans toutes ses manifestations, incluant par exemple les synchronicités. Pour ma part, je me satisfais de la notion de connaissance de Soi, qui a toujours été centrale dans ma recherche, et j’endosse aujourd’hui l’appellation non contrôlée d’onirosophie – par contraste donc avec l’onirologie (science du rêve). OniroSophia réfère à la sagesse (Sophia) du rêve qui nous abreuve. 


J’ajouterai enfin que si le travail avec le rêve a une forte dimension individuelle, il se déploie aussi tout particulièrement dans une dimension communautaire – il tisse des communautés d’esprit et de cœur. Outre le dialogue dans lequel s’inscrit un espace permettant l’intimité, le cercle est le contenant idéal pour accueillir les rêves. C’est en effet une structure dans laquelle il n’y a pas de précédence, pas de hiérarchie pyramidale au sommet de laquelle trônerait celui qui prétend détenir la science du rêve – ce n’est pas la personne qui facilite qui se trouve au centre du cercle mais le rêve lui-même, qui se déploie, rayonne et ce faisant, éclaire chacune des personnes présentes...

Le rêve est individuel en ce qu’il est un ingrédient essentiel de la fameuse individuation jungienne, c’est-à-dire de ce mouvement de vie qui nous porte à devenir entièrement l’être unique que nous sommes, indépendamment du collectif, et à embrasser la plénitude, la totalité de notre être. En cela, nul ne peut prétendre savoir pour un autre ce que son rêve lui dit. Il est un garant de notre indépendance spirituelle, en ce qu’il nous donne accès à une source de Sagesse qui nous est propre. Il s’agit, nous rappelait Jung, de respecter entièrement la singularité du rêve et celle du rêveur. Il nous invitait en effet à étudier toutes les méthodes, tous les livres, mais aussi à les écarter à l’écoute d’un rêve, « car le rêve est unique comme le rêveur est unique. » 

Dans le rêve, nous honorons cette unicité, la singularité de chaque vivant !

Cependant cette Sagesse se partage et se communique volontiers. Quand on entend un rêve, il devient d’une certaine façon notre rêve en ce qu’il suscite des images en nous, qui nous conduisent à le re-rêver. Plus profondément, on ne sait pas bien quelles sont les frontières du fameux inconscient – il semble être beaucoup moins personnel que nous ne le croyons, et les rêves semblent issus d’un espace psychique dans lequel nous baignons tous ensemble – le fameux inconscient collectif. J’ai pris conscience de ce que ce dernier était une réalité tangible, et non une hypothèse théorique, quand j’ai remarqué qu’à la fin des cercles de rêves que j’animais à Montréal, il y avait souvent quelqu’un pour me dire qu’il avait trouvé la réponse qu’il cherchait à un problème qu’il se posait dans le rêve d’une autre personnes. Puis j’ai entendu des rêves parlant de la nature vivante de cet inconscient collectif, parmi lesquels le fameux rêve de l’iceberg m’a tout particulièrement éclairé. Et je dirais simplement que nos recherches actuelles permettent de penser que le rêve émerge du Champ Informationnel à l’œuvre par exemple dans les Constellations systémiques, et se déploie merveilleusement dans des Constellations de rêve.

Dès lors, nous avons eu l’occasion de vérifier d’innombrables fois dans des Loges de Rêves qu’il suffit, pour aider un rêve à se déployer (ce qui est différent de l’interpréter), de lui donner des résonances à partir de notre ressenti et notre intuition. La notion de résonance vient de la physique des matériaux : quand une plaque de métal par exemple vibre à une certaine fréquence, on observe qu’une autre plaque de métal placée dans sa proximité va se mettre à vibrer à la même fréquence. Elles vibrent ensemble. C’est ce que nous faisons avec les rêves : nous les faisons vibrer en nous… et nous communiquons ainsi de l’énergie au rêve qui est exposé. Il reçoit des résonances variées, venant d’autant de point de vue qu’il y a de personnes dans le cercle qui l’accueille, et – sans qu’il y ait la moindre prétention à extraire la « vérité du rêve » – il se déploie dans un mouvement intérieur perceptible chez le rêveur. Il amène quelque chose de nouveau à la conscience.

Au moment de donner une résonance à un rêve, dans ce cadre des Loges de Rêves, nous utilisons généralement le subterfuge du « si c’était mon rêve... », ou « dans mon rêve... », pour toujours parler au « je » en s'abstenant du « tu qui tue » quand nous disons nos ressentis et intuitions, ou encore ce que le rêve a amené à notre imagination, les questions qu’il nous ferait nous poser si nous l’avions rêvé. Il s'agit d'éviter à tous prix de parler sur le rêve, de se complaire dans le typique "ton rêve veut dire..." pour laisser le rêve parler à travers nous, en nous faisant résonner...

Le principe du « si c’était mon rêve... » (on peut se passer de la formule si on respecte l’intention) est d’offrir une parole absolument non intrusive, dont le rêveur fera ce qu’il veut. Si ce qui est dit le touche d’une façon ou d’une autre, la vérité vivante du rêve bougera en lui et le lui fera sentir. Si cela ne le touche pas, il pourra toujours penser que la résonance est une pure projection de la personne qui vient de parler, sans aucun lien avec la vérité du rêve en lui – en réalité, c’est encore la vérité du rêve qui aura bougé en lui pour dire « non », et il s’en sera rapproché. C’est pourquoi je considère les Loges de Rêves comme un accélérateur de rêves : comme dans les accélérateurs de particules, nous donnons de l’énergie au rêve jusqu’à ce qu’il atteigne la vitesse de la conscience (lumière).

On dira peut-être qu’il s’agit de pures projections non fondées. Elles pourraient être dommageables en effet si elles étaient assenées comme des vérités. Cependant, la dimension projective de ce travail est en effet tout à fait consciente, assumée, et chaque personne qui donne une résonance est invitée à regarder celle-ci comme parlant au premier chef d’elle. C’est là que la dimension éthique du travail ressort car personne, dans cette perspective, ne peut prétendre à une autorité sur le rêve, et prendre le pouvoir sur autrui en prétendant pouvoir seul l’éclairer. A l’inverse, comme le rêve nous emmène dans une dimension au-delà du personnel, dans lequel il se met à parler à chaque personne à sa façon, il s’avère qu’opère là une alchimie mystérieuse qui amène à chacun dans le cercle ce qu’il a besoin de rendre conscient. 

Nous pouvons dès lors répondre aux prétendants à l’exclusivité de l’interprétation soi-disant objective du rêve que leurs interprétations sont aussi des projections… et que nous pouvons seulement souhaiter qu’ils en soient conscients eux aussi, ainsi que les personnes à qui ils les offrent du haut de leur autorité. Nous sommes désolés pour eux que la sagesse native des rêves menace ainsi leur business mais il semble que la Sophia des rêves soit libertaire, en ce qu’elle vise à l’émancipation de chacun de toute forme d’autorité sur sa vie intérieure.


Ce qui ne cesse de nous étonner dans les cercles qui écoutent les rêves, c’est comment ils se répondent les uns aux autres, avec souvent un thème qui est déployé au cours de la session. Quelque chose de plus grand que nous est à l’œuvre dans le cercle, qui nous bénit tous. En bons jungiens, nous pouvons y voir le Mercurius, l’Esprit qui joue avec nous jusqu’à nous faire « gai rire » (guérir) de nos aveuglements et inconsciences. Quoiqu’il en soit, dans la perspective de l’onirosophie, je propose que nous gardions simplement à l’esprit qu’il s’agit là d’un Mystère que nous célébrons ensemble et qui nous relie au Vivant en nous, autour de nous et au-delà de nous.

Pour illustrer mon propos, je vous propose d’observer un magnifique travail qui a pris place dans un groupe habitué à se livrer au jeu consistant en offrir des résonances à un rêve. Il se trouve que ce rêve aurait dû être présenté lors d’une session en ligne d’interprétation des rêves mais nous n’en avons pas eu le temps. Cependant, le rêveur n’éprouvait pas le besoin d’avoir une interprétation au sens strict mais seulement de recevoir quelques résonances à son rêve pour le faire cheminer, en approfondir encore sa compréhension. Nous sommes donc convenus qu’il l’expose dans le groupe WhatsApp dédié à ce groupe de travail, ce qu’il a fait en en proposant d’abord le rêve dans un fichier PDF, puis dans un enregistrement audio. Nous gagnons toujours à entendre la voix du rêveur, à vibrer avec celle-ci dans l’écoute des images du rêve. 

C’était la première fois que nous nous livrions à une telle expérience : d’habitude, nous donnons des résonances à un rêve au cours d’une rencontre où nous sommes en présence les un.e.s avec les autres, même si cette présence est généralement virtuelle. En virtualisant la Loge de Rêves, ce que je n’aurais jamais cru possible avant le confinement mais qui s’avère très efficace, nous nous sommes débarrassés des contraintes d’espace. Et voici qu’avec cette expérimentation, nous échappons aux contraintes de temps. Mais le rêve, lui, est toujours bien vivant, et se déploie...

Voici donc le rêve que notre rêveur nous a proposé, auquel il avait donné le titre de Piscine spirituelle :

Nous sommes en rond, à flotter dans une vaste piscine, une bouée ridicule autour de la taille. On barbote dans une eau pas très propre. Un homme parle, parle de spiritualité. C’est sans fin. A un moment, je lâche la bouée. Je m’enfonce dans l’eau trouble, profonde. C’est une expérience dans laquelle l’engagement est total. Je vois clair et l’eau se révèle très belle, très pure vue sous la surface. Il y a comme une lumière propre à la substance. Je nage au fond, longtemps et j’émerge à l’autre bout du bassin, avec la peur de ne pas avoir assez d’air. Enthousiaste, je crie alors « c’est cela la spiritualité ».

Le rêveur précise qu’il comprend bien le sens de son rêve en regard d’un vécu récent mais qu’il est intéressé à entendre les résonances du groupe qui lui permettront d’entendre, au-delà d’une interprétation peut-être trop évidente, comment il parle non d’une situation passée mais plutôt d’un futur à créer. Je souligne ici la justesse de cette attitude : même quand un rêve nous parle d’un passé, réveille une ancienne mémoire, nous devrions toujours le considérer dans le sens de la création d’un futur, d’une nouvelle conscience…

A la demande du rêveur, nous lui avons donc offert des résonances, sans avoir connaissance pour la plupart du contexte, au travers d’enregistrements vocaux. Là aussi, l’écho donné au rêve gagne à la richesse des voix, de leurs tons. Voici un florilège de ces résonances dont je vous propose une transcription partielle :

* * *

Je lâche les béquilles qui sont constituées de ce pseudo-enseignant spirituel, sur lesquelles je me suis appuyées longtemps… et là, je n’ai même pas peur de m’enfoncer dans les profondeurs, où il y a la vraie spiritualité, le Graal. Je me demande quand même quelle est cette peur qui émerge l’air de rien : de quoi ai-je l’air ? 

Dans mon rêve, j’ai très froid quand je descends dans les profondeurs de cette piscine. Ce froid est saisissant, pourtant je continue à descendre. J’ai la sensation que quelque chose continue à me suivre. Je ne veux pas me retourner. J’ai la sensation que quelque chose pourrait m’aspirer, alors je continue à avancer dans cette eau claire mais froide. Je me rends compte que la piscine est sans fond, et là aussi j’ai peur. C’est sombre tout au fond, et je préfère me diriger vers l’avant. Je continue à nager, puis je me rends compte que je dois bientôt remonter, prendre de l’air.

Si c’était mon rêve, je me verrais dans un groupe que je connais bien. J’ai l’habitude de barboter avec eux en cercle. Je vois tout le monde et tout le monde me voit. C’est sécurisant. L’eau est trouble. Je me dis qu’il y en a qui ont dû faire pipi dans l’eau, moi-même je l’ai fait. Et puis il y a cet homme qui sait… et qui parle, qui parle… qui s’écoute parler. C’est l’énergie de la colère qui me donne l’audace d’enlever cette bouée ridicule. Je gonfle mes poumons pour pouvoir passer de l’air à l’eau, changer d’état, traverser l’eau trouble. Je ne sais pas ce que je vais trouver en-dessous. Ce moment où je me gonfle les poumons est important, j’ai à la fois peur et je suis excité. Je fais quelque chose que les autres ne font pas – ils écoutent sagement. Et le cadeau, c’est que quand je plonge, je me rends compte que cette piscine est reliée à toutes les mers du monde. Ce n’est plus la mosaïque de la piscine qui est en-dessous, c’est la mer, les poissons… La magie du rêve fait que des branchies apparaissent et je peux rester sous l’eau, goûter ce sentiment de liberté, d’audace, de découverte. C’est la joie.

Au cœur de mon rêve est la phrase, le cadeau. Ce qui est avant, ce qui est après, a peu d’importance. Le cadeau, c’est juste cette petite phrase qui me parle de ce qu’est la spiritualité…

Ce rêve est l’occasion pour moi de me demander ce qu’est la spiritualité au sens large, quelle place ça a ou ça va avoir dans ma vie, en quoi la spiritualité est importante pour moi. Et cela pose la question du gourou : il me semble que la personne qui parle au milieu du cercle pourrait être un gourou. Le vrai gourou est celui qui va libérer, qui empêche de tourner en rond. Et l’on dit que ceux qui parlent le plus sont ceux qui en font le moins. Ce gourou là me semble un peu trop bavard. Le vrai gourou, il est à l’intérieur. Dans ce rêve, j’ai suivi mon propre maître. Il y a l’élément eau, que l’on assimile volontiers aux émotions. Le rêve m’invite à descendre en profondeur dans mes émotions, mais au-delà de cela, les éléments sont des ponts entre notre conscience ordinaire et une conscience plus vaste. On peut prendre la porte d’un éléments pour aller dans une conscience plus vaste… et donc je lâche la bouée, ce qui me retient en surface, pour accepter de plonger dans les profondeurs, de mes émotions, de mon yin, de ma sensibilité. A ce point, tout est clair, lumineux, comme dans un éveil spirituel, et je mettrai cette clarté en lien avec l’engagement total. Dans l’engagement total, on a une vision claire et c’est reposant. Dans cet état, j’ai tendance à laisser de côté mes fonctions vitales, comme le boire et le manger, et à un moment, j’ai donc besoin de remonter à la surface car je suis un être incarné. Et je remonte donc, ce qui me ramène au corps. Ce qui compte donc, c’est ma propre expérience de la spiritualité. Et si je donne une suite au rêve, je reviens dans le cercle. Je remets ma bouée, riche de ce que j’ai pu vivre, en pleine gratitude.

L’image de la fleur du lotus, qui symbolise le chemin spirituel, m’est venue à l’esprit en entendant le rêve. Mais c’est en fait l’image inverse qui m’est venue : la fleur qui est à la surface ouverte dans la réalisation se ferme et descend dans la profondeur, dans la boue. Ce chemin, je le parcoure dans un sens et dans l’autre. Je me dis que ce rêve pourrait m’inviter à l’exploration par le tantra. Et je me pose une question : de quoi est faite cette bouée ? Quand j’aurai compris de quoi elle est faite, je pourrai la lâcher et aller dans les profondeurs avant de revenir à la surface et d’enrichir, de nourrir le cercle.  Je vois cette bouée un peu comme un donut bourré de sucre, ridicule – c’est une façon de faire somnoler nos sens par une fausse excitation amenée par le sucre. 

Si c’était mon rêve, la première chose qui m’est venue c’est pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué. C’est-à-dire que je ne chercherai pas le sens caché mais je m’intéressai au message qui est clair comme l’eau de la piscine. Je plongerai dans cette eau pure, qui est belle. Je serai heureux de me défaire de cette bouée qui me coupe en deux, une partie dans l’eau trouble, une partie dehors, à la surface, à écouter celui qui parle, parle, parle... de spiritualité sans plonger lui-même. Si c’était mon rêve, j’aurais envie de plonger davantage dans cet état de félicité que j’expérimente dans un engagement total. Je prendrai ce rêve comme un cadeau, une invitation à trouver le courage de lâcher les autres, l’homme qui parle et même l’élément air qui est notre élément naturel. Et quand je reviens à la surface, c’est pour partager aux autres que la spiritualité, c’est ça. C’est un rêve d’enthousiasme, de communication avec le divin… Un message qui est clair comme l’eau, transparent, qui ne concerne pas le passé, pas le futur, mais le présent. C’est un cadeau d’enthousiasme !

Si c’était mon rêve, j’y verrai un rêve d’enseignement, une expression de ma compréhension profonde de la spiritualité. Au départ, il y a cette représentation de la piscine : une eau pas très propre dans laquelle on barbote collectivement, avec des croyances ridicules autour de la taille pour se maintenir à la surface en tournant en rond. J’ose lâcher la bouée, lâcher tout cela et laisser ces discours sans fin sur la spiritualité pour plonger. J’ose donc plonger ! Ce qui me touche beaucoup, c’est qu’alors l’engagement est total et du coup, l’eau se révèle claire, pure, très belle sous la surface. J’y vois clair !  Il y a une lumière propre à cette substance, cette conscience qui est sous la surface. Ce qui m’interrogerait, c’est ma peur de manquer d’air… et puis c’est bien normal d’avoir besoin de remonter à la surface. Et surtout, je crie, je chante : « c’est cela la spiritualité ! » Je le chante sur tous les tons...

Ce rêve me communique une grande joie, le sentiment d’être privilégié. Même si l’on barbote à la surface des choses, il y a un lien. Mais cela n’empêche pas d’avoir envie d’aller voir ailleurs, de lâcher et de plonger. Je suis dans une recherche d’équilibre. Quand je suis à la surface, j’ai envie de plonger, et quand je suis dans la profondeur, j’ai envie de remonter. Le rêve m’appelle à un jeu d’équilibriste, à un ancrage. En plongeant dans la piscine, je retourne à la source et je ressort de l’autre côté. Je vis ce rêve comme un point de départ vers un chemin plus lumineux, à la rencontre de cette lumière qui irradie de la transparence, de la matière elle-même. Cette lumière m’invite à regarder les choses à la surface avec une nouvelle exigence, une forme d’exigence à veiller à mon équilibre.

Ce rêve m’interpelle beaucoup. Je dirais simplement qu’il me percute sans que j’ai besoin de mettre de mots dessus…

Ce rêve fait émerger en moi le contraste entre le savoir et la connaissance. Cela peut être ennuyeux d’écouter le savoir venant de quelqu’un d’autre, ce qui m’invite à plonger à la rencontre de la connaissance que l’on va, chacun, pouvoir tirer de notre propre expérience. Peur et enthousiasme sont là tous les deux. 

Parler de spiritualité dans une piscine pas très propre, cela m’interpelle un peu : je me serais attendu à ce qu’on en parle dans un océan, un endroit profond. Cela m’intrigue que l’on parle de quelque chose d’aussi essentiel dans un lieu aussi limité.

* * *

En conclusion de ce tour de résonances où vous pouvez voir la diversité des points de vue, et comment tout est possible, même de changer la fin du rêve, de le prolonger... le rêveur nous a enfin dit où il en était avec ce rêve. C’est le moment, dans les Loges de Rêves, où la personne qui a proposé un rêve fait un peu le point sur le mouvement intérieur qu’a suscité le travail. Ici, notre rêveur a vu s'ouvrir des perspectives qu'il n'avait pas envisagés, en particulier dans la possibilité d'un retour dans le cercle. Il nous a donné alors aussi un peu de contexte pour nous dire à quoi ce rêve le renvoyait, mais je souligne que nous n’avions donc pas besoin de connaître ce contexte pour donner nos résonances intuitives. Elles sont encore plus puissantes sans avoir d’idées précises sur la situation du rêveur – c’est dans le cadre de l’interprétation que l’on cherchera à établir un lien entre vie diurne et rêve. Il est à noter en passant que le rêveur a aussi donné sa résonance au rêve, parmi celles qui sont livrées plus haut : c’est toujours amusant de jouer à « si c’était mon rêve... » avec notre propre rêve. Cela le met un peu à distance… comme si tout à coup, il prenait une dimension impersonnelle. Et c’est ce qui est particulièrement intéressant dans cet exercice de la Loge de Rêves, de toucher à la dimension transpersonnelle du rêve. 

D’ailleurs, la Sophia du Rêve a donné son propre écho à notre travail. En effet, le lendemain de la fin de ce tour de résonances, le rêveur nous a partagé un autre rêve, qui lui est a été donné pendant la nuit, intitulé Vision infinie :

Avec un groupe d’amis, nous longeons une rivière puissante. Nous avançons dans le sens du courant. Le chemin est étroit et nous marchons sur une terre douce et noire, sans doute les limons de la rivière. Au bout d’un moment, je me retrouve allongé à coté d’une superbe femme, nue. Sa peau est blanche. Elle est allongée sur la terre noire, je suis ébloui par la lumière qui émane de son corps. Je pose ma main sur son ventre. C’est une invitation silencieuse à l’amour. Elle le comprend. Silencieusement, elle repousse délicatement ma main. Je m’allonge à coté d’elle sur le dos. Dans le ciel apparaissent alors d’immense colonnes, des disques de lumière. C’est doré et vert. Des mondes entiers apparaissent sous nos yeux. Ils sont immenses et pourtant proches, accessibles dans leur moindre détail. Une vision de l’infini…

Est-il besoin d’ajouter quoi que ce soit à un tel rêve, d’expliquer comment la femme pourrait représenter l’Anima du rêveur, ce groupe d’amis notre cercle de rêveuses et rêveurs… ou quoi que ce soit d’autre ? Je dirais seulement, pour faire un lien avec la psychologie des profondeurs de ce cher Jung, que la terre noire évoque l’alchimie (al-khemia, la terre noire). Le rêve serait-il cette terre douce et noire sur laquelle, en résonance avec le rêveur, nous sommes invités à nous allonger pour contempler l’immensité ? Je suis porté à le croire. Mais surtout, que ces pauvres mots ne voilent pas la vision des mondes infinis qui s’ouvre ainsi à nous...


En conclusion, je vous invite simplement à entrer en contact avec la Sophia du rêve si ce n’est déjà fait. 

Vous pouvez le faire dans la solitude en prenant simplement le temps de laisser monter les ressentis sollicités par les images de rêve en prenant le temps de cheminer avec elles. La voie la plus directe est alors souvent de les rencontrer dans la créativité, par exemple en dessinant ou en peignant les images, en les laissant jouer de la musique en vous ou en les chantant, en les dansant...

Il est cependant souvent plus facile d’entrer en relation avec le rêve au travers du dialogue avec une personne. Ce n’est pas nécessairement un.e thérapeute ou un.e spécialiste. Ce peut être un.e ami.e, quelqu’un qui vous offre son écoute en toute simplicité, en qui vous avez confiance. Il suffit que ce soit une personne qui vous accueille avec cœur et honnêteté pour vous offrir un reflet, vous donner une résonance à partir de son ressenti, son intuition. C’est encore mieux, si c’est un.e ami.e, que vous lui offriez la réciproque et écoutiez vous aussi ses rêves. Gardez-vous simplement des gens qui cherchent à prendre un pouvoir quel qu’il soit en parlant sur vos rêves. Un bon guide dans le travail avec un rêve vous amènera toujours au plus près de ce que vous ressentez, et s’il vous propose une interprétation, ce sera toujours à vous de voir si elle provoque un mouvement intérieur en vous. C’est ce mouvement du vivant en vous qui importe.

Enfin, vous pouvez rejoindre ou créer un cercle de rêves, par exemple avec vos ami.e.s, et jouer à « si c’était mon rêve ». Vous avez plus haut un exemple de comment on peut y jouer via une application de communication, et vous trouverez sur ce blogue des ressources (article, vidéo) pour vous aider à mettre en place un espace d’écoute des rêves en cercle). C’est un jeu facile, très amusant, toujours nouveau et surprenant : toutes les personnes qui y jouent en ressortent enrichies sans que cela n’appauvrisse personne. 😎

Tout ce que je dis ici n'empêche pas qu'il puisse y avoir un grand bénéfice à entrer dans un dialogue avec un.e analyste de rêves ou un.e thérapeute expérimenté.e pour écouter la sagesse des rêves, dans une finalité psychothérapeutique ou simplement de connaissance de soi. C'est alors la qualité de la relation entre analysant.e et analyste, relation incluant consciemment la présence de ce Tiers mystérieux qui s'exprime dans le rêve et pas seulement, qui favorisera le mouvement du vivant. Je ne dénigre pas non plus l'interprétation des rêves, qui est un art passionnant dans la mesure où il est pratiqué avec respect pour le rêve et le rêveur. Si le sujet vous intéresse, je vous invite à lire cet article sur "le pipeau du rêve" où je parle des subtilités de cet art. Vous y trouverez aussi une liste de ressources pour approfondir les questions abordées ici.

Soyez certain.e d’une seule chose : si vous ouvrez la porte à la Sophia du rêve, si vous l’invitez à vous visiter, elle vous amènera des cadeaux. Tous ceux qui l’ont rencontrée peuvent en témoigner.