lundi 20 novembre 2017

Une flamme au coeur

Le 13 novembre dernier vers minuit 15, heure du Québec, une flamme vivante s'est éteinte. Elle se nommait Paule Lebrun, ou plus simplement Paula, et a fondé l'école HO Rites de Passages qui rayonne au Québec et maintenant aussi en France. Elle demeurera pour moi comme une de ces lumières qui ont éclairé mon chemin, tout à fois enseignante et inspiratrice, amie et "grande sœur". Je publie ici un témoignage qui se veut aussi un hommage à cette Grande d'Âme, pour reprendre les mots lumineux de mon ami Ati, ainsi que deux rêves remarquables où Paule apparaît et deux poèmes.


Au cours de l’automne 1994, j’ai fait une rencontre qui a changé ma vie. Je suis allé écouter une conférence de Paule Lebrun. Elle y parlait d’Éros et d’activisme social, de poésie et d’éveil. Elle citait Rûmi et Kabir, nous invitant à plonger dans l’expérience. Je suis sorti en feu de cette conférence, les yeux emplis d’étoiles. Quelques semaines plus tard, j’ai participé à un atelier sur la Roue de Médecine qu’elle animait. Je me souviens encore du rituel avec lequel elle a ouvert la seconde journée : nous avons chacun allumé une petite bougie que nous avons amené au centre du cercle en disant « j’allume la flamme de … ». Pour ma part, j’ai allumé la flamme de l’amour transformateur. Elle ne s’est jamais éteinte.

Paule, je la connaissais alors comme beaucoup par ses chroniques dans le Guide Ressources, dans lesquelles elle nous régalait de réflexions (im)pertinentes sur la vie, d’évocations sensibles de l’Orient spirituel et du Sud-Ouest américain. Elle parlait souvent de son maître bien-aimé, un barbu à l’œil vif dans lequel beaucoup veulent encore voir l’épouvantail du guru qui fait fuir les ignorants. Elle ne cachait pas s’être ouverte l’esprit au LSD et à fortes doses de contre-culture radicale, et riait d’avoir porté le portrait d’Osho en mala avec une robe orange qui témoignait de son engagement – « nous étions fous, mes amis ! » Fous de joie, fous d’amour de vivre. Dans l’année qui a suivi ma rencontre avec Paule, je suis allé en Quête de Vision sous sa guidance et j’ai pris conscience qu’elle incarnait pleinement l’enseignement qu’elle voulait transmettre. L’enseignement ? Non, mieux : l’émerveillement. Dès lors, je n’ai eu de cesse que de boire à cette source qui coulait dans ses mots, son rire, sa présence. Dans mes rêves, Paule est souvent apparue comme l’initiatrice qui connaît les secrets du labyrinthe et invite à s’y perdre pour mieux se retrouver. J’ai eu la chance de faire partie de la première cohorte de la formation qu’elle a mise en place pour transmettre la magie qu’elle savait si bien déployer autour d’elle. Comme elle disait : « quelle (belle) aventure, mes amis ! »

Quand Paule est allée en Inde, elle a demandé un nom spirituel à Osho. Le vieux coquin n’a pas trouvé mieux que de la nommer Paula (prononcez Paôla). Quand on sait que nos noms spirituels disent quelle est notre tâche spirituelle, il apparait que Paule n’avait pour se réaliser qu’à être elle-même. Elle disait souvent qu’elle avait ramené un cadeau d’Inde, le Cadeau. Pour moi, il est évident qu’elle était le Cadeau. En témoigne la façon dont elle a vécu les derniers mois de son existence : les yeux ouverts, avec une intensité de présence et une sérénité qui ont impressionné tous ceux qui l’ont entendu évoquer sa mort prochaine, sa plongée dans le Je Suis. Cela ne l’empêchait pas de vivre toute la gamme de son humanité, incluant bien sûr aussi les inévitables affres; elle conjoignait les contraires avec grâce et lucidité, démontrant par l’exemple comment la conscience peut tout traverser en  s’enracinant dans la présence. Ces derniers temps, on pouvait voir dans sa façon d’être qu’elle était devenue l’enseignement, qu’elle l’avait fait chair vivante en elle  tandis que son corps frêle tendait doucement vers la transparence à la lumière qui rayonnait au travers d’elle.

Paule a consacré les vingt-cinq dernières années de sa vie à bâtir l’école HO Rites de Passage, qui lui survivra grâce à la valeureuse équipe qu’elle a formé et à qui elle a transmis son bébé. Nous tou(te)s qui l’avons connu et aimé, nous allons continuer à transmettre le Cadeau qu’elle incarnait si bien. Ainsi continuera-t-elle longtemps à vivre dans nos cœurs. Paule n’est plus là en chair et en os pour nous enchanter par son rire cristallin et ses idées fulgurantes. Elle nous accompagne en esprit. 

Gardons la flamme vivante !

Jean (Jayananda) Gagliardi, novembre 2017



Cet hommage a été publié initialement sur le site de HO Rites de Passage, que je vous invite à visiter. Vous y trouverez, dans la section "Articles", d'autres textes d'hommage à Paule, ainsi que des informations sur la formation de célébrants et les activités à venir, dans lesquelles l'âme de Paule continue de vibrer et rayonner.


Je ne cache pas ma fierté d'avoir bénéficié de l'enseignement de l'école HO Rites de Passage que Paule a mise en place et à laquelle elle a insufflé sa passion, et d'avoir régulièrement l'occasion d'y partager les richesses recueillies sur le chemin. Cette école est un joyau unique en son genre par lequel Paule a contribué de façon décisive au réenchantement de notre monde en proie à ce qu'elle appelait "la Grande Faim" : faim de sens, de poésie, de rituels... Cette page de mon blogue se veut aussi un hommage aux magnifiques enseignant(e)s qui continuent à œuvrer dans HO Rites ainsi qu'à l'équipe qui assure désormais la lourde tâche de perpétuer le travail entrepris. Merci, merci  de continuer à porter la flamme, de la garder bien vivante !...


Sur Facebook, dans le groupe de partage autour du passage de Paule, une participante a rapporté un rêve étonnant qui mettait, longtemps à l'avance, son décès en perspective. Je souris d'entendre qu'elle était sous la protection d'un indien barbu connu et aimé de tous, avec lequel elle doit maintenant être en train d'échanger des jokes cosmiques. Ce rêve réclamait d'être publié car il a un caractère collectif annonçant la naissance de quelque chose de nouveau, en lien avec le travail de Paule, peut-être dans le Féminin sacré :

En 2015 lors de ma 1ère rencontre avec Paule, avant de la quitter à la fin de ma quête de vision, je lui fis part du rêve que j’ai fait la dernière nuit avant le retour en France : Paule est sur le grand départ, dans un immense palais Hindou sous la protection d’un indien barbu connu et aimé de tous. Elle est entouré de sa famille et il est impossible de l’approcher. Elle est paisible et il n’y a que de la beauté autour d’elle, le jardin du palais est un éden. Des paons blancs, des fleurs merveilleuses, de la terre couleur de craie et un palais blanc. Elle va de palais en palais accompagnée d’une caravane de proches dont une femme enceinte que tout le monde protège. Je réussis à l’approcher et m’allonge sur son lit où elle repose avec une perfusion. Elle me parle puis me dit au revoir en m’annonçant son départ mais de ne pas m’inquiéter en me montrant la belle femme enceinte. Elle me dit que la naissance de l’enfant et sa propre mort à elle auront lieu en même temps et sont liées inexorablement. Je le perçois et le ressens dans mon corps et mon âme comme une grande vérité ! Je suis touchée comme si elle me révélait un des grands Mystères de l’univers et m’en vais pour la laisser partir en intimité. 

Merci infiniment pour le Cadeau !


«Vie est mort ne sont pas le couple, naissance et mort sont le couple et la vie traverse les deux » 
(Gitta Mallasz)

Encore sur Facebook, une participante au groupe de partage autour du passage de Paule a rapporté un rêve reçu le matin même de son départ, c'est-à-dire compte tenu du décalage horaire (la rêveuse est française) autour de l'heure de son décès. Le rêve est raconté dans un message adressé directement à Paule :

C'était après un atelier, où j'apprenais à me servir d'une épée laser lumineuse, c'était très subtil, il fallait être complètement alignée, ancrée et juste dans son intention. Je t'accompagnais ensuite jusqu'au parking, je t'attendais à la sortie. Tu arrivais avec une vieille voiture américaine des années 70, un peu cabossée, un peu rouillée... Une voiture qui avait bien vécu et emmené sa conductrice dans de nombreuses palpitantes aventures... Tu étais joyeuse au volant, avec un grand sourire. Tu parquais la voiture, le temps de mettre le ticket dans l'horodateur, de régler ce qu'il y avait à rêver (je pensais écrire régler!) et nous partagions quelques paroles, une embrassade. Il y avait beaucoup de tendresse et une grande amitié. Nous nous souhaitions de belles aventures en nous disant à bientôt. Tu partais pour un grand voyage.

Je remercie les rêveuses de m'avoir donné la permission de partager ces rêves sur mon blogue. Puisse Paule encore longtemps apparaître dans nos rêves et nous guider ! 

Lors de la cérémonie d'adieu qui s'est déroulée en l'église de Val-David le dimanche 19 novembre, son cher et tendre Gordon a lu un poème de Kabir que Paule affectionnait tout particulièrement, qu'elle récitait souvent et qui condense tout son message :

Mon frère, espère recevoir l’Invité pendant que tu es encore en vie
Saute dans l’expérience pendant que tu es encore en vie
 
Ce que tu appelles le “salut” a sa place avant la mort.
Si tu ne romps pas les cordes qui t’attachent pendant que tu es en vie
Crois-tu que les fantômes le feront pour toi plus tard?
L’idée que l’âme se joint à l’extase
Seulement une fois que le corps est pourri –
Ceci n’est qu’illusion.
Ce que tu trouves maintenant tu le trouveras plus tard.
Si tu ne trouves rien maintenant,
Tu aboutiras tout simplement enfermé quelque part dans la cité de la mort
Mais si tu fais l’amour avec le Divin maintenant,
Tu auras dans la prochaine vie le visage du désir satisfait.
Alors plonge! Cherche la vérité! Trouve ton maître! Crois à la splendide musique !
 
Kabir dit ceci : Quand on cherche pour l’Invité,
C’est l’intensité du désir pour l’Invité qui fait tout le travail.
Regarde-moi et tu verras un esclave de cette intensité!


Paule rayonnait cette intensité !

Bien sûr, Paule est dans nos cœurs inséparable de son compagnon Gordon...


Mais aussi de ce cher vieux barbu indien, beloved Master :


Enfin, le départ de Paule m'a inspiré un petit poème :

Une flamme s'est éteinte. Une étoile s'est allumée dans le ciel, a rejoint la grande chaîne d'or qui guide l'humanité. Là-haut, les Anges dansent pour accueillir une nouvelle lumière. Ici-bas, nous irriguons les cœurs avec tout l'amour reçu et ils fleurissent, portant la promesse d'autres flammes qui s'allumeront, ensemencées par cette étoile. 

Flammes ou étoiles, une seule Lumière.

Forever walking in our hearts