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jeudi 2 février 2017

La fonction spirituelle de l'orgasme

J’ai récemment entendu dans un cercle de rêves un rêve remarquable. La rêveuse est une femme qui expérimente depuis longtemps et avec beaucoup de conscience un processus d’éveil de la kundalini. Elle m’a donné la permission de le citer, ce que je ferai ici moins pour analyser ce rêve que comme un point de départ pour la discussion plus large d’un thème rarement abordé publiquement dans les milieux spirituels.

Je me trouve dans une version plus grande de la pièce où je fais mon yoga et je médite chaque matin. Me tournant vers l’ouest, je vois, sur la table de massage me servant à faire des soins énergétiques, une bague qui semble être en forme de couronne. Je sens très fortement que je dois la porter alors je la prends, puis en l'examinant de plus près, je constate que c'est en fait deux dragons qui sont placés face à face, les deux têtes se touchant presque. Mais plutôt que de la porter sur une main, je la place sur ma langue. Je sens ensuite que je dois me placer en posture yoga du cobra, donc à plat ventre sur le sol, face à l'est, puis une montée d'énergie orgasmique traverse tout mon corps, ce qui me réveille.

Dans un rêve précédent, la même nuit, la rêveuse partait vers l’Ouest canadien en s’assurant qu’elle était bien sur la route Transcanadienne, aussi appelée « chemin du Roi ». Dans la géographie intérieure de la rêveuse, l’Ouest est associé à la guérison avec une dimension spirituelle. Et l’ensemble du rêve semble s’inscrire dans cette perspective d’une profonde guérison. Il est ressorti des discussions du cercle que ce rêve semble clairement marquer le passage d’un seuil dans le travail de la rêveuse qui reçoit le symbole de son couronnement sous forme de cette bague. Cette dernière symbolise volontiers un lien, l’engagement dans une relation. C’est là, sur la table de travail, que la rêveuse peut trouver désormais la relation guérissante recherchée à l’ouest ; c’est par là que passe le chemin du Roi.

La couronne renvoie à la royauté intérieure à assumer mais aussi à l’ouverture du septième chakra, appelé la « couronne », analogue à Kether, la sephira de la couronne dans l’Arbre de vie. Cette couronne mue en deux dragons se faisant face, ce qui est une image alchimique assez typique. Le feu des dragons symbolise l’inflammation du désir. Le Mercure est souvent représenté par deux dragons se combattant, l’un étant généralement doté d’ailes tandis que l’autre n’en a pas. Le fait qu’ils se fassent ici face indique un état d’équilibre entre les opposés, une pacification de leur relation. On peut aussi voir là l’équilibre rencontré entre les canaux énergétiques ida et pingala qui entourent la colonne vertébrale dans la vision du yoga et du tantra. Ces canaux sont volontiers représentés comme des serpents qui se dressent du bas de la colonne jusqu’au 6ème chakra, le troisième œil, en se croisant à chaque centre énergétique. Or les dragons sont aussi dits être des serpents avec des ailes et la kundalini est elle-même décrite comme un serpent énergétique lové au bas de la colonne vertébrale, et qui lorsqu’elle est réveillée se redresse jusqu’à regarder par les yeux du yogi.

Le fait que cette bague soit placée sur la langue demeure énigmatique. Nous avons dans le cercle de rêves risqué plusieurs hypothèses. En restant dans le cadre du système symbolique du yoga, on peut pointer que la langue fait la jonction, en particulier quand elle appuie sur le palais dans la bouche, entre la gorge et la glande pinéale reliée au troisième œil. La bague est volontiers un symbole de relation, et on peut donc penser que le processus décrit par le rêve est initié par une mise en relation des centres énergétiques supérieurs. Mais c’est la dernière phrase du rêve qui a particulièrement attiré alors mon attention :

Je sens ensuite que je dois me placer en posture yoga du cobra, donc à plat ventre sur le sol, face à l'est, puis une montée d'énergie orgasmique traverse tout mon corps, ce qui me réveille.

Synchronistiquement, je m’étais plongé dans les jours précédents dans la lecture d’un livre portant sur l’alchimie sexuelle d’Isis[1] qui apportait plusieurs éléments d’information en forte résonnance symbolique avec ce rêve. Il y était affirmé – et j’ai trouvé depuis de nombreuses autres sources corroborant cette affirmation – que, dans les initiations égyptiennes comme le tantra ou le taoïsme, l’orgasme est directement lié à la réalisation spirituelle. Il en est en particulier la meilleure métaphore, en ce qu’ « il n’est peut-être aucune expérience humaine qui nous rapproche plus de l’absolu, de la totalité fusionnelle, de l’union avec l’universel ou le cosmos que l’orgasme. »[2] Mais non seulement : cette métaphore semble avoir un fondement énergétique.

Les deux expériences physiologiques qui donneraient le plus précisément un avant-goût de l’ouverture spirituelle sont réputées être l’accouchement et l’orgasme, ce que les Chinois par exemple semblent savoir depuis très longtemps, ce qui les conduisaient dans la Chine ancienne à prêter une attention particulière à ces opportunités d’éveil. Il n’est pas rare en effet que les parturientes vivent des expériences d’ouverture énergétiques puissantes, et les anciennes cultures de l’Égypte, de l’Inde et de la Chine ont développé toute une alchimie énergétique fondée sur la sexualité pour éveiller les centres supérieurs de conscience de l’être humain. La légende de Lao-Tseu veut ainsi qu’après avoir rédigé le Tao-të-King pour satisfaire aux exigences d’un garde-frontière, il soit parti dans la montagne avec une prostituée pour y accomplir les dernières étapes de sa transmutation alchimique le conduisant à l’immortalité.

Ici, il paraissait évident que le rêve signalait à la rêveuse qu’elle approchait d’un moment d’intense ouverture énergétique correspondant à une acmé du plaisir, et la dimension orgastique lui rappelait que cette réalisation met en jeu et à lieu dans le corps. Se tournant vers l’Est pour accomplir la position du cobra, elle était donc dans l’axe Ouest-Est, qui référait tant à la guérison associée à l’Ouest qu’à l’éveil d’une nouvelle conscience associé, avec l’image du soleil levant, à l’Est. On pouvait entendre dans la montée d’énergie orgastique qui traversait la rêveuse l’annonce de son entrée dans un temps de félicité et sa libération de la peur de vivre. En effet, Wilhem Reich a souligné par ses recherches que la capacité de jouir pleinement est directement liée à la guérison des névroses, celles-ci étant justement caractérisées par des angoisses associées à l’orgasme. Il indique l’enjeu associé à ces angoisses en soulignant que « puisque la joie de vivre et le plaisir orgastique sont identiques, la peur générale de la vie est l’expression de l’angoisse d’orgasme. »[3]

La rêveuse se voyait donc annoncée une libération spontanée des blocages l’empêchant de profiter pleinement de la vie, libération associée aussi à son travail par la présence de la bague sur la table de massage. Mais les correspondances symboliques du rêve avec ma lecture étaient trop nombreuses pour que je les ignore :

Dans l’alchimie sexuelle d’Isis, l’adepte (homme ou femme) s’entraine à faire s’élever en imagination le long de sa colonne vertébrale, au cours de l’acte sexuel, deux serpents, l’un doré dit solaire et l’autre noir, dit lunaire. Ceux-ci s’entrecroisent à chaque centre énergétique, opérant à chaque fois un niveau de conjonction éveillant ce centre. On retrouve là une image typique du caducée[4] d’Hermès, qui est devenu l’emblème des pharmacies en France car il a toujours été associé à la guérison. On peut voir dans cette figuration de l’éveil et de la maîtrise de l’énergie sexuelle une correspondance précise avec le processus d’éveil de la kundalini dans le yoga et le tantra.

Quand les serpents d’or et d’obscurité, représentant les aspects lumineux et sombres de la conscience, ont été pleinement redressés, ils entourent la glande pinéale associée au troisième œil en se faisant face, et ils la stimulent par leur union. On retrouve donc ici l’image des deux dragons se faisant face dans le rêve. La glande pinéale est volontiers associée à la capacité de vision d’autres dimensions. Il est intéressant par exemple de savoir qu’elle produit naturellement du DMT, qui est la substance active de l’ayahuasca. Et c’est alors que s’éveillent les centres supérieurs de conscience dans la tête, ce qui est symbolisé par le déploiement de la corolle du cobra. Le symbole de l’uraeus (cobra) sur le front des représentations de Pharaon, c’est-à-dire de l’Homme-Dieu, indiquait la conscience éveillée et la pleine activation des deux hémisphères cérébraux.

La conjonction des symboles évoqués par le rêve avec ma lecture venait souligner une idée qui commençait à me travailler :

Jung a redécouvert la dimension symbolique de l’alchimie et prouvé qu’elle décrit des processus psychiques transformateurs. Mais serait-il possible qu’il soit passé à côté de la véritable dimension opérative de ces symboles, qui pourrait être liés à l’utilisation de l’énergie sexuelle pour la transformation de la conscience ?

Jung était le produit d’une civilisation chrétienne en pleine faillite spirituelle. Celle-ci s’est concrétisée en particulier dans les tranchées il y a tout juste un siècle. Les grands idéaux chrétiens censés supporter notre civilisation, et qui justifiaient aussi la mise en coupe réglée du reste du monde par le colonialisme et le racisme institutionnalisé, se sont alors noyés dans le sang et la boue, sous des orages d’acier. Il a pressenti le cataclysme et il a été parmi les premiers à rechercher les voies de la Nouvelle Renaissance qui pourrait se profiler sur notre horizon spirituel. Une de ses grandes découvertes, mais dont il n’a pas tiré de conséquence pratique, du moins dans ses communications publiques, est que spiritualité et sexualité sont deux polarités indissociables. On pourrait dire en termes énergétiques que ce sont deux facettes d’une même énergie de vie, l’une tendant vers la jouissance du plaisir et l’autre vers celle du sens.

Jung a ainsi combattu le réductionnisme freudien voulant ramener l’énergie psychique à la seule dimension sexuelle. Mais il a aussi dénoncé la culture spirituelle chrétienne excessivement idéaliste qui a nié le corps et la sexualité associés au féminin et au mal, à l’obscurité. Nous sommes encore spirituellement contaminés bien souvent par cet idéalisme qui tend vers le seul ciel spirituel sans le relier à la terre du corps, et qui perpétue ainsi la négation du Féminin sacré. Il y a une tendance généralisée dans nos pratiques spirituelles à vouloir fuir l’obscurité associée à la matière, par exemple dans des pratiques ascétiques opposant spiritualité et plaisir. C’est une des conséquences de l’écrasement du féminin par le patriarcat, écrasement qui se perpétue encore dans de nombreuses histoires individuelles de femmes, mais aussi d’hommes, qui sont ainsi coupés de leur sensibilité et de leur joie naturelle de vivre. Il est bien connu que cet idéalisme spirituel peut créer d’importants déséquilibres qui font échouer toute l’Œuvre  car il oblige à la répression des instincts qui se vengent tôt ou tard en engendrant des souffrances psychiques et physiques. Les rêvent mettent souvent en garde contre cet idéalisme que Jung dénonçait comme aussi dangereux que les drogues dures.

En particulier, nous tombons facilement en Occident dans le piège d’une fausse non-dualité qui voudrait affirmer que tout est parfait, tout est lumineux… sans réaliser qu’en disant cela nous évacuons la dimension obscure et cependant nécessaire de l’existence, incluant les désirs du corps et les émotions négatives. L’esprit est ainsi séparé sans recours de la matière et du corps, et l’on est piégé dans la dualité. Or la véritable non-dualité est celle qui réunit dans un même processus la lumière et l’ombre comme étant deux facettes d’une même réalité, et qui accomplit ainsi tant la matérialisation de l’Esprit que la spiritualisation de la matière et du corps. Le maître bouddhiste Thich Nhat Hanh en donne une belle illustration en nous invitant à utiliser tout ce qui nous semble négatif comme le jardinier utilise les excréments, à savoir comme de l’engrais pour faire pousser de belles fleurs, symboles de l’ouverture du cœur au centre de l’être.

Pour revenir en conclusion à l’orgasme, son rôle dans l’alchimie spirituelle semble être de nourrir le corps énergétique, ce que les anciens égyptiens appelaient le ka et Jung, dans la suite de la tradition occidentale, le corps subtil. Au fond, il s’agit d’élever la conscience au-delà du corps lors de l’acte sexuel pour prendre conscience de ce corps énergétique qui est alimenté par notre plaisir et notre joie. Le but de l’existence, dans cette perspective, est de se dés-identifier du corps physique, le khat égyptien, pour réaliser qu’en fait, nous sommes la conscience associée au corps énergétique, le ka. Ces pratiques visent à la transcendance de la condition mortelle du corps physique pour accéder à l’immortalité du corps subtil et retrouver ainsi notre véritable nature. Il est fascinant de constater que sur ce point, les trois plus grandes cultures spirituelles préchrétiennes connues que sont l’Égypte, la Chine et l’Inde, qui ont toutes trois produit un système symbolique proprement alchimique avec des pratiques associées incluant la sexualité, étaient entièrement d’accord.


[1] Tom Kenyon et Judi Sion, le manuscrit de Marie-Madeleine (les alchimies d’Horus et la magie sexuelle d’Isis), éditions Ariane.
[2] Dr Jack Lee Rosenberg, Jouir – techniques d’épanouissement sexuel, éditions Tchou.
[3] Wilhem Reich, la function de l’orgasme, Éditions de l’Arche.
[4] Pour une étude approfondie de ce symbole, voyez : Le symbole du caducée sur le blog Grands Rêves.

vendredi 5 février 2016

Clinique alchimique


J’ai découvert récemment un livre remarquable sur l’approche jungienne des rêves, que je ne saurais que chaudement recommander à qui s’intéresse à ces sujets. Il s’agit de :

Le travail des rêves en psychothérapie analytique jungienne
de
Bertrand de la Vaissière.

En quatrième de couverture, il y a ce sous-titre qui précise la visée de cet opus :

Clinique alchimique et travail des rêves.

La dimension alchimique de la psychothérapie jungienne demeure en effet méconnue, et quand elle est abordée, c’est souvent dans un jargon qui la rend difficile d’accès au non-spécialiste. Jung, à partir d’un certain point dans son parcours, s’est rendu compte que les images et symboles dont les anciens alchimistes étaient friands décrivent les processus de transformation qu’on peut observer dans l’inconscient, et en particulier dans les rêves. Avec l’alchimie, à laquelle il a rendu ses lettres de noblesse, Jung a décelé un mouvement d’âme et de pensée qui, s’il a longtemps été souterrain et caché, a compensé le règne du christianisme dominant, répondant à des questions que celui-ci laissait en friche et poursuivant le grand courant du gnosticisme, souvent taxé d’hérésie. Au-delà de l’intérêt historique et spirituel de ses recherches, Jung a démontré que l’inconscient est naturellement alchimiste…

Mais la lecture des études alchimiques de Jung est ardue et peu illustrée d’exemples cliniques : il faut lire ses textes plusieurs fois et dans différents ordres pour bien les assimiler. La clé pour lire le Jung alchimique semble être de nous laisser travailler par  les images auxquelles il ne cesse de nous exposer, sans trop chercher à comprendre intellectuellement. Les continuateurs de Jung se sont efforcés d’expliciter ces images. Edward Edinger a, dans Ego and Archetype, amené un premier niveau de synthèse fort utile à l’adepte. Mme Von Franz a de son côté bien documenté la symbolique de l’alchimie et l’illustre souvent de rêves et surtout de contes de fées. Elle déclare dans la quête du sens : « L’alchimie est le mythe des temps futurs, c’est le mythe prophétique de l’âge Aquarius : l’alchimie, c’est le langage… de la matière. »

La dimension pratique de cette alchimie qui n’utilise que la cornue de l’âme demeurait cependant peu documentée. Bertrand de la Vaissière, qui a été initié à cet Art par Étienne Perrot dans les années 1970, comble ce fossé avec ce livre. Il nous offre une synthèse remarquable de ce Jung alchimiste. Le tour de force qu’il réussit là est justement de rendre accessible cette dimension alchimique au travers de 44 illustrations et études de cas soutenant un exposé clair et cependant approfondi. En introduction, l’auteur nous avertit :

« Cet ouvrage pourrait concerner les praticiens de l'analyse et de la psychothérapie analytique ainsi que les explorateurs de toute nature qui les rencontrent parfois. S'il s'adresse à eux, c'est d'une part pour leur rappeler les vertus de l'information onirique, du travail de contemplation, de manducation des rêves, et de l'extraction herméneutique, c'est aussi avec le souci de leur donner le goût de la liberté intuitive qu'il faut espérer pour sentir et parfois comprendre les rêves.

Par-dessus tout il entend contribuer à illustrer le processus naturel que l'on peut observer quand on se penche sur ces matières et ces émergences que l'on affuble ordinairement du nom d'inconscient. Celles-ci semblent refléter une certaine intentionnalité, de façon parfois surprenante. Se relier à ce processus, en percevoir les phases et les opérations, s'y ajuster est éminemment thérapeutique. Se laisser ainsi travailler de l'intérieur est une médecine efficace dont on perçoit les effets avec le temps. »

L’essentiel est dit. L’alchimie de l’âme est en effet un processus naturel, l’œuvre de nature à laquelle l’adepte (l’analysant) prête son concours conscient. Il n’y a rien à « faire » sinon se laisser travailler de l’intérieur. C’est une « voie humide », c’est-à-dire en lien avec les images et l'âme, par contraste avec les « voies sèches » de la plupart des disciplines spirituelles qui mettent l'accent sur la volonté, l'effort et l'esprit. Plus loin, Bertrand de la Vaissière souligne justement la différence entre ce type de travail et la plupart des psychothérapies :

 « Lorsque les images alchimiques apparaissent, c’est une toute autre musique. On peut être presque sûr que le principal thérapeute est devenu l’inconscient, qui non seulement donne les thèmes de l’analyse et pose les termes du problème mais, au-delà, conduit le processus de transformation et opère le patient. Il ne s’agit plus alors d’un travail de connaissance de soi mais bien plus d’une appréhension des opérations internes de centralisation et de restructuration des soubassements de la personnalité. On sentira les rêves pour ce qu’ils disent des déplacements du centre de gravité de la personne et des modifications des rapports qu’entretiennent le corps, l’âme, l’intellect et l’esprit. Une attention devra être portée à ce travail sur la structure de manière concomitante à celui qui porte sur la réalité plus immédiate du patient. Un défaut d’attention ne permettrait pas de bien saisir ses exigences les plus profondes et ses possibilités d’évolution. »

S’il n’y avait qu’une chose à retenir de la nature alchimique de la psychothérapie jungienne, elle tiendrait selon moi dans cette affirmation :

Le principal, sinon le véritable et le seul, thérapeute est l’inconscient.

C’est-à-dire, encore une fois, la nature en tant qu'expression du divin en l’être humain. Et sans prétendre épuiser toute la richesse symbolique de ce langage ni en fournir un dictionnaire exhaustif, Bernard de la Vaissière en décrit les principaux symboles :

« Les planètes, les métaux et les substances « chymiques » sont des modulations qui correspondent aux archétypes les plus importants. Par exemple, le Soleil et la Lune, qui gouvernent conscient et inconscient, peuvent aussi être rapprochés des archétypes du Père et de la Mère, c’est-à-dire de l’esprit et de la forme. Le Mercure parfois correspondra aux dynamismes de l’anima qui peuvent ébranler la personne et la mettre en mouvement, ou bien il évoquera celle du Soi qui recherche à réconcilier les inconciliables. Le Soufre, impulsion subie, peut être considéré comme un des effets puissants de l’ombre. Le Sel comme agent de transformation issu des grandes profondeurs de l’âme, etc. La connaissance de la phénoménologie de ces archétypes, autrement dit des images archétypales qui les reflètent, telle que Jung l’a élaborée principalement dans Mysterium conjonctionis mais aussi dans les racines de la conscience, permet un repérage fin de leur influence dans le travail des rêves. »

Plus avant, Bernard de la Vaissière décrit précisément les 3 grandes phases de l’œuvre : au noir (nigredo), au blanc (albedo) et finalement au rouge (rubedo), en les illustrant par des récits de parcours analytique et des séries de rêves. Son étude a la vertu de montrer comment les rêves alchimiques sont le pain ordinaire de la psyché : ce sont des rêves comme nous en faisons souvent, avec des éléments symboliques dont la portée profonde nous échappe le plus souvent. On gardera en tête, au cours de cette lecture, les mots de Jung dans Psychologie et Alchimie, qui prennent là un sens renouvelé et tout à fait vivifiant :

 « Dans le processus analytique, dans l’affrontement dialectique du conscient et de l’inconscient, on constate un progrès vers un but. Ces expériences m’ont confirmé dans l’hypothèse qu’il existait dans la psyché un processus tendant vers un but final et, pour ainsi dire, indépendant des conditions extérieures… Les efforts du médecin aussi bien que la quête du patient sont dirigés vers cet homme total, caché et non encore manifesté, qui est pourtant tout à la fois l’homme plus vaste et l’homme futur… Malheureusement, le juste chemin vers la totalité est constitué des détours et des erreurs que nous apporte le destin. C’est une longissima via, tortueuse, qui unit les contraires. »