Je soumets un rêve à votre sagacité. C’est selon moi un rêve archétypique qui, c’est le cas de le dire, m’a soulevé et qui a, bien sûr, une dimension subjective personnelle mais peut-être aussi une portée collective. C’est la chaîne des associations qu’il a suscitée qui l’éclaire et je vous livre mon interprétation provisoire. Mais je suis curieux donc de ce que vous en ferez, de comment vous le comprendrez. Voici le rêve :
Je suis
avec d’autres personnes dans une chaîne humaine : nous sommes des milliers
et chacun donne la main à une autre personne. Soudain, une énorme vague
océanique arrive derrière nous et nous soulève, nous emporte – c’est de l’ordre
du tsunami et même au-delà, nous sommes transportés par les eaux. Au début,
j’ai la tête hors de l’eau et je m’assure de ne pas perdre le contact avec mon
voisin, c’est important de ne pas briser la chaîne. Ensuite, j’ai la tête dans
l’eau et je suis surpris de pouvoir respirer, comme si l’air était mélangé à
l’eau. Enfin, la vague s’épuise et nous dépose dans une eau calme, chaude et
d’environ 1 mètre de profondeur, sous le soleil ; il y a là une jetée et
je monte sur celle-ci pour m’assoir les pieds dans l’eau. À côté de moi, il y a
une très belle jeune femme noire, africaine.
Voici quelques éléments de contexte. La
veille, je discutais avec Nicolas Bornemisza qui me disait que Jung a affirmé
avoir le sentiment d’être passé, au moins en partie, à côté de sa vie. J’en
étais abasourdi. Selon Laurens Van der Post, Jung déjà vieillissant aurait
dit : « J’ai failli à ma tâche première d’apprendre à l’être
humain qu’il a une âme, et qu’il y a un trésor sous la terre. » Nicolas me
racontait avoir vu un film où Edward Edinger, un jungien plus particulièrement
intéressé par la dimension religieuse de la psychologie des profondeurs,
pleurait en évoquant ces mots de Jung : comment ce dernier a-t-il pu, ne
serait-ce que momentanément, méconnaître à ce point la portée de son
œuvre ?
C’est exactement ce qu’a fait Jung, disait
Edinger : il nous a montré que l’être humain a une âme et qu’il y a un
trésor sous la terre, c’est-à-dire dans le monde d’en bas, dans l’inconscient.
Il a reformulé en langage contemporain tout ce que les anciennes religions ont
cherché à exprimer de façon symbolique. J’ai été sensible aux larmes d’Edinger,
je les comprenais bien : si Jung lui-même a douté, comment éviter de
douter ? Nous avons continué à parler de comment la dimension spirituelle
de Jung est souvent gommée dans les cercles jungiens alors que c’était sans
doute l’essentiel pour lui : le logos
de la psychologie sur la psyché (l’âme) est volontiers intellectuel désormais,
c’est-à-dire qu’il met le vivant dans des concepts.
Le rêve montre un grand mouvement dans
l’inconscient collectif (l’océan), que je crois être cette redécouverte de
l’âme et du trésor enfoui, qui soulève et transporte beaucoup de gens.
L’important, c’est la chaîne que forment ces personnes : dans une chaîne,
la relation est individuelle d’un maillon à l’autre, et il faut veiller à
sa continuité dans la période de transformation. Il y a là clairement rappelée
l’obligation de rester parmi les humains pour ne pas se perdre quand
l’inconscient se déchaîne, ce qui tient essentiellement à des liens
individuels, d’une personne à une autre – et non à l’appartenance à un
groupe, une identité collective, la croyance dans un dogme, etc.
Une autre association éclaire la fin du rêve :
la veille encore, je lisais avant de m’endormir des éléments sur la Reine de
Saba, qui aurait été l’amante du Roi Salomon, et qui représentait volontiers la
Sagesse au Moyen-Âge : c’était une Éthiopienne, une très belle femme
noire. La légende veut qu’elle ait refusé de traverser un pont car elle avait
eu la vision que le bois de ce pont servirait à fabriquer la croix sur laquelle
est mort le Christ. Elle serait retournée chez elle convertie et enceinte de
Salomon, pour engendrer une lignée de rois. Pour un homme, la sagesse peut
volontiers se symboliser ainsi comme une femme noire, renvoyant au féminin
obscur, c’est-à-dire à ce qui est facilement méconnu, méprisé, tenu pour
négligeable, et naturel – l’Afrique est terre encore sauvage dans l’imaginaire,
proche des instincts. Par association, on peut penser aussi à la Sulamite
du Cantique des Cantiques, « noire mais belle »[1], ainsi qu’à
Isis, la grande déesse, et finalement à l’Alchimie, son nom al-chemya évoquant directement la
« terre noire », c’est-à-dire l’Égypte mais aussi l’obscure nature.
J’étais content en travaillant sur ce rêve de
constater que j’arrivais, avec d’autres, dans des eaux calmes. Le rêve a, bien
sûr, une signification personnelle et intérieure, subjective, qui me laisse
espérer de bonnes choses. Mais la portée plus collective du rêve ne m’est
apparue que plus tard, au cours d’une méditation où cette image de femme noire
me revenait à l’esprit. Dans le vide relatif de la méditation, la pensée
s’est détachée clairement en résonance avec l’image : « la jeunesse
du monde ». Cela m’a rappelé immédiatement un rêve que j’avais fait en
2009, où je parlais avec un petit garçon arabe qui semblait très intelligent
mais déprimé : je l’encourageais en lui demandant s’il réalisait que
l’avenir lui était ouvert et qu’il pourrait être le prochain
« Obama ». Et donc ici, le rêve me dit que l’avenir du monde est
jeune, féminin et noir, c’est-à-dire à l’opposé de l’ordre dominant aujourd’hui
– le conscient collectif essentiellement blanc, masculin et vieillissant est
voué au déclin, à la mort. Cela vaut pour notre monde où :
« Au début de l’année 2012, la population
mondiale a dépassé les 7 milliards d’individus, les moins de 30 ans
représentant plus de la moitié de ce nombre (50,5 %). Selon cette étude,
89,7 % des moins de 30 ans vivent dans les pays émergents et en voie de
développement, notamment au Moyen-Orient et en Afrique. » (UNESCO)
Et où l’un des plus importants facteurs
d’évolution et de développement est l’éducation des jeunes filles, de sorte qu’elles
prennent toute leur place dans la société.
Le rêve laisse donc entendre que l’issue de la
crise globale de transformation dans laquelle nous sommes pris s’incarnera dans
une sensibilité naturelle qui demeure proche des instincts et qui recèle
cependant une humble sagesse. Au fond, en mettant tous ces éléments associés
ensemble, le rêve dit qu’il faut regarder l’œuvre de Jung – la redécouverte de
l’âme et du trésor caché – comme faisant partie d’un grand mouvement de
l’inconscient collectif, dans lequel il est important de ne pas perdre contact
avec les autres humains engagés dans cette transformation, et qui nous amènera
à une nouvelle image de l’âme, « noire et belle », alchimique.
Note :
la proximité de la nature et des instincts – pour moi par ailleurs une grande
qualité – que je prête aux Noirs africains est ma projection qui ne repose sur
rien d’autre que mon imaginaire occidental – l’Afrique évoquée ici appartient à
ma géographie intérieure et non au monde objectif. J’espère donc n’indisposer
personne en exposant ces projections pour expliciter le rêve.
[1] C’est en fait une traduction discutable qui met en opposition ces deux
termes : l’hébreu dans lequel a été écrit le Cantique des Cantiques est
ambigu, permettant aussi bien à la Sulamite de dire « je suis noire mais
belle » (la traduction de la Vulgate) ou « je suis noire et
belle ». Pour plus d’information :
http://languesdefeu.hypotheses.org/559
http://languesdefeu.hypotheses.org/559
Quel beau rêve, Jean !
RépondreEffacerConcernant Jung, je ne sais pas si tu connais la date à laquelle il a dit cela, mais il a vraiment "revu ses positions" concernant sa "tâche" en 1944, juste après être passé à deux doigts de la mort...
Est-ce que cela pourrait dater de cette époque ? En 1944, il avait déjà 69 ans...
Concernant le rêve lui-même, tu as déjà dit le principal, je crois...
Oui, on dirait bien une "immense vague collective" qui emporte tout avec une grande force...
Je trouve assez rassurant que le rêve se termine bien.... :-), et que le calme revienne, à la fin.
Je n'ai pas d'associations supplémentaires à proposer, mais, je ne sais pourquoi, ce rêve m'en rappelle un autre :
http://grandsreves1234.blogspot.fr/2014/12/reve-10-planete.html
Dans celui-là, les gens devaient également "rester attachés" pendant un grand changement...(attachés "avec une corde").
Mais ça n'a peut-être aucun rapport... :-)
Merci chère Licorne pour ce commentaire. Je crois que ces propos de Jung datent d'après 1944 car c'est Laurens Van Der Post qui les rapporte, or il n'a rencontré Jung que dans les années 50.
EffacerCe rêve que tu proposes en écho est fort intéressant. En effet, je crois qu'on peut faire un rapprochement entre la nécessité de s'attacher (c'est-à-dire de rester en lien) dans ce dernier, et l'invitation à rester en contact inter-personnel qui ressort du mien...
Bonjour Jean,
RépondreEffacerVoici les réflexions qui, pour le moment, me sont venues à propos de ce rêve bien sympathique :
« Je suis avec d’autres personnes dans une chaîne humaine : nous sommes des milliers et chacun donne la main à une autre personne. »
Cette chaîne humaine pourrait être la condition nécessaire, pourrait être la situation qui crée la vague, qui la suscite ou/et permet son émergence.
« Au début, j’ai la tête hors de l’eau et je m’assure de ne pas perdre le contact avec mon voisin, c’est important de ne pas briser la chaîne. »
Cela peut confirmer la nécessité de la chaîne humaine pour que la vague se produise. Cette chaîne ne sera pas un mélange confus et inconscient d’individus :
Yi King, 13. La communauté avec les hommes. « La communauté ne sera pas un mélange des individus ni des choses - ce serait un chaos, non une communauté -, mais, pour que l'ordre s'établisse, elle requiert une multiplicité organisée. » et aussi : « La vraie communauté avec les hommes doit s'établir sur la base d'un intérêt cosmique. Ce ne sont pas les objectifs égoïstes du moi, mais des desseins concernant l'humanité qui produisent une communauté durable entre les hommes. » —
La tête hors de l’eau pourrait signifier que la vague doit toucher des individus conscients pour produire son meilleur effet, pour être bénéfique.
« Ensuite, j’ai la tête dans l’eau et je suis surpris de pouvoir respirer, comme si l’air était mélangé à l’eau. »
L’apport inconscient pourra être intégré à la conscience parce que la conscience n’est pas totalement noyée par l’eau de la vague. Les personnes qui forment cette chaîne humaine seraient donc des personnes ouvertes à l’enrichissement de la conscience par l’inconscient, consciemment réceptives à cet enrichissement et non pas totalement noyées par lui.
« Enfin, la vague s’épuise et nous dépose dans une eau calme, chaude et d’environ 1 mètre de profondeur, sous le soleil ; il y a là une jetée et je monte sur celle-ci pour m’assoir les pieds dans l’eau. À côté de moi, il y a une très belle jeune femme noire, africaine.»
Le rêveur sort de l’eau mais garde le contact avec cette profondeur océanique par les pieds qui demeurent plongés dans l’eau. Cette situation peut représenter sa disposition consciente à l’enrichissement toujours plus grand de sa conscience par une prochaine information venant de la profondeur inconsciente.
La très belle jeune-femme noire, africaine, pourrait représenter l’information reçue au cours de la dernière immersion : c’est une femme parce que l’inconscient est "féminin" et elle est noire parce que cette information vient d’émerger de l’obscurité inconsciente, parce qu’elle est une part de cette obscurité qui vient de parvenir à la conscience. Elle une part nouvelle de l’âme profonde qui émerge et se fait présente en ce monde.
Si l’on rapporte ce rêve au contexte indiqué, et en envisageant la possibilité que le doute t’ait effectivement saisi concernant ta propre activité "psychothérapeutique" (Tu dis : "J’ai été sensible aux larmes d’Edinger, je les comprenais bien : si Jung lui-même a douté, comment éviter de douter ?"), on peut se dire que le rêve te montre relié à une chaîne d’êtres qui, comme toi, sont ouverts à l’enrichissement de la conscience par l’inconscient et que les choses se passent plutôt bien, que l’âme est au rendez-vous, de plus en plus présente au fil des vagues successives qui soulèvent cette chaîne de personnes qui travaillent en relation avec toi à faire grandir en eux, et donc aussi dans le monde, la présence de l’âme profonde.
Ce rêve pourrait ainsi être, au moins pour une part, un rêve de compensation et un encouragement à la confiance par rapport à un certain doute qui t’aurait saisi à propos de ta propre capacité à «.... apprendre à l’être humain qu’il a une âme, et qu’il y a un trésor sous la terre. ».... ?
Amezeg
Merci Amezeg pour ces éléments d'analyse fort pertinents. La référence à l'hexagramme 13 du Yi-King est très intéressante, et j'en retiens donc qu'il importe d'entretenir des relations avec des individus conscients sur une base cosmique. Je suis d'accord que ce rêve pourrait avoir une fonction compensatoire, en particulier avec le calme qui prévaut à la fin - je ne l'ai pas précisé mais il règne une grande paix à la fin du rêve, qui contraste fortement avec la violence de la vague. Ce sentiment final de paix, que j'ai retrouvé dans d'autres rêves depuis, est devenu une référence intérieure pour moi.
EffacerJe trouve très intéressant que tu soulignes cette grande paix régnant à la fin du rêve.
EffacerLa "violence" de la vague s’appliquant sur la chaîne humaine me fait songer à l’adage bien connu qui dit : " Quand le disciple est prêt, le maître vient."
Ainsi, ce rêve me semble dire que lorsqu’un nombre suffisant d’humains reliés par une même tendance à l’évolution de la conscience est prêt, la grande vague d’enseignement nouveau arrive ; elle fait alors violence au statu-quo conscient collectif, le bouleverse et emporte avec force ces personnes vers la nouveauté (*). Puis, lorsque la nouveauté a été reçue comme elle demande à l’être, la paix revient, plus large et plus profonde.
La "jeunesse du monde", le renouvellement de l’humanité dans l’évolution et l’élargissement de sa conscience, sera donc bien le fruit de l’émergence et de l’intégration à la conscience de " la très belle femme noire" issue de la profondeur inconsciente, issue de la vague (ou des vagues qui se succéderont).
Merci Jean, pour ton généreux et solidaire partage de ce rêve, nous donnant l’occasion de méditer à son propos.
Amezeg
(*) On peut songer à "l’archétype du renouvellement" :
Yi King : « Le vieux est déposé, le neuf est introduit [............. ] il ne faut rien précipiter artificiellement. Tout vient spontanément lorsque c'en est le temps. »
24. Fou / Le Retour (Le Tournant)
En haut K'ouen : Le Réceptif, la Terre.
En bas Tchen : L'Éveilleur, le Tonnerre.
« Après le temps du déclin vient le tournant. La puissante lumière qui avait été chassée refait son entrée. Un mouvement se produit. Toutefois ce n'est pas un mouvement contraint : le trigramme supérieur, K'ouen, a le caractère de l'abandon, du don de soi. C'est donc un mouvement naturel, qui naît spontanément. C'est pourquoi la transformation des choses anciennes est parfaitement aisée. Le vieux est déposé, le neuf est introduit. L'un et l'autre correspondent au temps et n'entraînent donc pas de dommage. Des groupes se forment entre êtres animés des mêmes sentiments. Mais ces réunions s'accomplissent au grand jour, elles correspondent à l'époque et c'est pourquoi tout effort particulier et égoïste en est exclu, et il n'en résulte aucune faute. Le retour a son fondement dans le cours de la nature. Le mouvement est circulaire. La voie se referme sur elle-même. C'est pourquoi il ne faut rien précipiter artificiellement. Tout vient spontanément lorsque c'en est le temps. Telle est la Voie du ciel et de la terre. » http://wengu.tartarie.com/wg/wengu.php?l=Yijing&no=24&lang=fr
C'est moi qui remercie, Amezeg, pour l'éclairage que toi et les autres commentateurs apportez à ce rêve qui me parait du même coup plus léger à porter. De façon amusante, il se trouve que l'hexagramme 24 Le Retour est d'actualité pour moi ces jours-ci, et le lien que tu établis ici m'interpelle profondément...
EffacerL’hexagramme 13 du Yi King, La communauté avec les hommes, parle de la façon dont « la traversée des grandes eaux » peut se réaliser dans de bonnes conditions et le rapprochement avec le rêve me donne envie de le citer ici
RépondreEffacer( http://wengu.tartarie.com/wg/wengu.php?l=Yijing&lang=fr&no=13) :
« COMMUNAUTÉ AVEC LES HOMMES au grand jour.
Succès.
Il est avantageux de traverser les grandes eaux.
Avantageuse est la persévérance de l'homme noble.
La vraie communauté avec les hommes doit s'établir sur la base d'un intérêt cosmique. Ce ne sont pas les objectifs égoïstes du moi, mais des desseins concernant l'humanité qui produisent une communauté durable entre les hommes. C'est pourquoi il est dit : « Communauté avec les hommes au grand jour obtient du succès. » Lorsque règne une pareille concorde, des entreprises difficiles et dangereuses comme de traverser les grandes eaux peuvent être menées à bien. Toutefois, pour réaliser une telle communauté, on a besoin d'un guide persévérant et éclairé dont les buts sont lumineux et suscitent l'enthousiasme, et qui sait les poursuivre avec force. »
Amezeg
Voilà encore un magnifique texte et un magnifique rêve que tu nous proposes Jean. C'est avec eux, et donc avec toi, que je commence cette nouvelle journée, le cœur léger et gonfé d'espoir. Merci Jean!
RépondreEffacerOui Jean , un thème archétypique fréquent désormais , voir "La création de conscience "d' Edinger P 11 ; un temple se construit en secret aux 4 coins du monde des humains de toutes sortes et de toutes cultures y travaillent. Mais dans le vôtre il y a la question du tsunami : une longue épreuve majeure telle que le réchauffement climatique accompagné de débordements multiples , terrorisme , guerres de l' eau etc ? l' épreuve doit activer le Coeur en effet , au niveau de la civilisation occidentale tout entière et unifier l' air et l'eau ; l'air devient animé par l'eau du sentiment et l'eau devient subtile , l' aqua aeris des alchimistes , Marie-Laure C
RépondreEffacerMerci Marie-Laure ! C'est en effet le thème archétypique de l'épreuve "apocalyptique" qui m'a fait penser que ce rêve pourrait avoir une dimension collective. Je n'avais pas fait le lien avec le rêve dont parle Edinger, qui me parait tout à fait essentiel et dont je parlerai dans un prochain article. Je suis tout à fait d'accord que l'enjeu est d'activer le Cœur et j'aime beaucoup cette idée que vous proposez d'une unification de l'air et de l'eau en Occident, ce qu'on pourrait comprendre me semble-t-il comme une union de la pensée et du sentiment, et même du masculin et du féminin intérieurs.
EffacerOui et dire que l'âme est ce qui aime en nous est une formule très juste , moins différenciée elle est aussi ce qui sent en nous et nous pousse à la prise de conscience ; dans les Facettes j' ai raconté le rêve d' une femme désolée d' un échec amoureux , elle était dans une classe et une voix lui disait qu'il ne fallait pas pathologiser sa souffrance , que c' était ainsi que l'Ame collective apprenait
EffacerNous sommes fait d'eau, d'eau et de rien...
RépondreEffacerVedere…
vedere attraverso gli invisibili
io d’acqua e niente
tu uguale a me
e poi…
mortali
mortali
attraversati dal tempo
sangue d’acqua
che urla, stride tra ossa e muscoli
fino alla parola
e urla e implora, chiede, esige ancora
tempo
datemi
datemi tempo… per amare
Stefano
Merci Stefano. J'aime beaucoup cette idée qui veut nous soyons fait d'eau, d'air et de rien... mais malheureusement, je ne connais pas assez bien l'italien pour comprendre le poème. Pourriez-vous nous en donner une traduction ?
EffacerJe ne suis pas un bon traducteur mais j'essaye avec plaisir.
RépondreEffacerVoir ...
voir à travers les invisibles
moi d'eau et de rien
toi égal à moi
et puis ...
mortels
mortels
traversés par le temps
sang d'eau
qui hurle, grince entre les os et les muscles
jusqu'à la parole
et hurle et implore, demande, exige encore
du temps
donnez-moi
donnez-moi du temps... pour aimer
C'est un poème magnifique ! Qui donc l'a écrit ?
EffacerMerci. J'en suis l'auteur, mais disons plutot que j'ai le reçu... comme un don...
RépondreEffaceret vu que ton reve parle d'eau et que nous sommes fait d'eau, d'eau et de vide...
amicallement
Stefano
Merci de nous partager ce "don" qui touche à quelque chose de très profond - peut-être bien à ce qui est au cœur de la vague dont le rêve parle. Je suis en tous cas très sensible à la fin, cette imploration pour avoir du temps... pour l'essentiel. Avec amitié.
EffacerJe relis ce que dit Marie-Laure et il me vient que ce rêve a peut-être un rapport avec...le Verseau (astrologiquement, nous quittons l'ère des Poissons et nous entrons dans celle du Verseau...c'est la fin d'un cycle et un passage important que Jung évoquait souvent).
RépondreEffacerOr, le Verseau est un signe qui est représenté...par des vagues !
Et c' est un signe d' air...mais aussi d'eau (par son nom : verse-eau)
Voir ici :
http://fr.wikipedia.org/wiki/Verseau_%28astrologie%29
Il est le signe de "l'avenir"...
Et surtout, il est le signe, par excellence, de l'entraide et de la solidarité...ce qui est en parfaite concordance avec l'image de la "chaîne humaine" qui apparaît dans le rêve...:-)
Merci pour cette information. Je ne savais pas que le Verseau met à ce point l'accent sur l'entraide et la solidarité, qui me semble être par ailleurs le besoin criant de notre temps. Ici, dans le rêve, cela semble même être une condition de survie que de garder la chaîne intacte...
EffacerOui...le Verseau est bien le signe de l'amitié et de la fraternité...il est le signe de la collectivité, opposé au signe du Lion, qui, lui, est celui de l'individuel et du "rayonnement personnel"...
EffacerJe crois qu'il n'est pas impossible que nous ayons, collectivement, à faire face, dans les prochains temps, à une sorte de "raz-de -marée"...à la fois intérieur et extérieur, et que face à ce "bouleversement" de nos repères habituels, le fait de "se tenir la main" soit d'une importance cruciale pour ne pas "sombrer"...
Paul Fort le disait déjà ... :-)
http://forum.aufeminin.com/forum/actu1/__f118375_actu1-Si-tous-les-gars-du-monde-poeme-de-paul-fort.html
Je partage ton inquiétude devant la possibilité que nous ayons collectivement à faire face à une sorte de tsunami à brève échéance... et je crois en effet qu'il importe de s'ancrer, dès maintenant et quoi qu'il en soit, dans des relations conscientes et riches. Ce blogue témoigne de cette préoccupation :-)
EffacerJung dans Réponse à Job parle du Verseau qui commence par des dangers extrèmes qu'il ne voyait pas épuisés par la seconde guerre mondiale , il cite une vieille sentence astrologique :"Luciferi vires accendit Aquarius acres " le Verseau enflamme les forces vives de Lucifer" Uranus qui gouverne le Verseau est un symbole de foudre comme d' éveil . D'abord j' ai pensé que Jung exagérait dans le pessimisme , à présent , je pense en effet que nous sommes arrivés à un kaïros du type quitte ou double : soit une poussée d' éveil collectif , sous la pression des dangers climatiques , terroristes et Cie , soit ...
EffacerLe verseau est signe de fraternité , axe , colonne entre terre et ciel comme le porteur d' eau de l' image symbolique , mais sur son versant négatif c'est aussi le Docteur Folamour , le savant fou ...
Marie-Laure , sorry ..
EffacerPar curiosité, je suis allée rechercher la date de naissance de Paul Fort ("Si tous les gars du monde...") et comme il fallait s'en douter...il est...Verseau ! :-))
RépondreEffacer(né le 1er février)
Je ne crois pas trop aux bouleversements violents et collectifs de la conscience. D'autre part il est vrai que, en tant qu'êtres humains, nous sommes habités et fortement conditionnés par des mythes anciens, comme celui purificateur et révolutionnaire du déluge (eau).
RépondreEffacerEn ce moment précis, l'humanité est faite d'individus avec des niveaux de conscience très variés. Nous allons du très bas, vraiment très bas, au très haut. Or l'évolution de la conscience se fait à partir et sur la base du niveau dans le quel on se trouve et aussi du petit vers le grand. L'illumination définitive et permanente me semble une idée certe souhaitable mais naïve. Comment pourrait la conscience atteindre un état définitif et irréversible (l'illumination?) quand la seule chose permanente en ce monde c'est l'impermanence? Malgré les prises de conscience collective sur la fragilité de la planète, l'évolution de la conscience ne peut à mon avis qu'être une question individuelle, profonde et personnelle. Chacun de nous va d'illumination en illumination, de petite surprise en grand surprise, sans fin, dans un lac spirituel infini. Mais alors, la question que je me pose est: pourquoi les niveaux de conscience des êtres humains ne se sont-ils pas développés de manière plus uniforme toute en suivant, par exemple, l'évolution très uniforme de son enveloppe extérieure, le corps? Pourquoi tant de différences dans les profondeurs? Pourquoi tant d'écart entre le bas et les haut, entre les bas et les hauts?
Stefano
Que de bonnes questions ! Je n'ai aucune certitude à offrir mais voilà les réflexions qu'elles m'inspirent. Je ne crois pas non plus à l'illumination définitive et permanente, en tous cas comme si on arrivait quelque part un jour - j'aime beaucoup l'image du lac spirituel infini dans lequel nous allons tous de découverte en découverte. Cependant, je crois qu'il y a des prises de conscience irréversibles, comme par exemple quand quelqu'un cesse de s'identifier avec son ego, et que la conscience réalise qu'elle n'est pas le mental, qu'elle peut observer les jeux du mental sans y adhérer, sans croire à ses propres pensées : il n'est pas "arrivé" mais il ne verra plus jamais la vie de la même façon...
EffacerDans l'Histoire, il y a des périodes de ruptures irréversibles comme l'apparition du christianisme, la fin de l'Antiquité, la grande peste, la renaissance, la découverte de l'Amérique, la "grande guerre"... qui marquent un avant et un après dans la conscience collective. Bien sûr cela ne se fait pas en un jour mais je crois qu'on peut observer des changements importants dans le conscient collectif tout au long de l'Histoire, et ils ne sont pas le fait d'une volonté consciente - on peut y voir un inconscient collectif à l’œuvre avec ses propres fins. Nous sommes devant d'immenses défis collectifs, et cependant nous n'avons jamais été aussi inter-connectés, consciemment inter-dépendants les uns des autres... mais je ne crois pas possible d'imaginer ce que l'avenir se chargera d'inventer. Il y a toujours quelque chose de créateur en action, qui amène du nouveau...
Je crois enfin que l'amplitude de la différence entre les bas et les hauts traduit justement la nature individuelle de la conscience et le fait que les résistances collectives à la conscience sont très fortes.
« Des siècles de conflits entre les nations, les religions et les groupes ethniques exigent que nous trouvions aujourd’hui le moyen de transcender ce modèle archaïque de comportement, faute de quoi nous risquons de détruire notre propre espèce. Allons-nous choisir d’imiter les modèles du passé, ou allons-nous épouser l’immense transformation de la conscience nécessaire à la construction d’un avenir complètement différent pour les générations futures ? » - Anne Baring, "l’Éveil au féminin", texte traduit de l’anglais par Michèle Le Clech, voir ici : https://carnetsdereves.wordpress.com/auteurs/anne-baring/anne-baring-leveil-au-feminin/
RépondreEffacerComme le dit Anne Baring, je crois qu’il s’agit d’ÉPOUSER "l’immense transformation de la conscience nécessaire à la construction d’un avenir complètement différent pour les générations futures".
Pour ÉPOUSER il faut prononcer un OUI. La vague de la transformation et la nouvelle paix qu’elle peut créer, c’est à dire la conciliation élargie des opposés qui créent les conflits en nous et donc aussi dans le monde, demandent que soit prononcé ce Oui. La chaîne d’humains qui se tiennent par la main me semble être la chaîne de ceux qui, en conscience, prononcent ce Oui, sont soulevés par la vague et deviennent les porteurs de la nouveauté au sein de l’humanité ; par eux, à travers eux, elle prend pied dans la réalité de ce monde et peut gagner des cercles de plus en plus larges.
Amezeg
Merci Amezeg, ce que tu amènes là est éclairant. Et je suppose que disant ce OUI, il faut dire "oui" à tout, c'est-à-dire en particulier à la façon particulière à chacun(e) avec laquelle cette vague nous soulève et nous emporte sans que nous puissions savoir où elle nous emmène, et surtout comment, par quels chemins...
EffacerCe que tu précises là très pertinemment, Jean, me rappelle les vers de Rilke si judicieusement placés à l’entrée du texte d’Anne Baring dont je n’ai cité qu’un court passage :
Effacer« Terre, n’est-ce pas ce que tu veux : invisible en nous renaître ?
Quelle tâche, sinon de transformation, imposes-tu ?»
— Rainer Maria Rilke, 9e Elégie de Duino
Les chemins de cette renaissance et les modalités de la transformation sont individuels, différents pour chacune et pour chacun. Mais cela n’exclut pas l’existence d’une chaîne d’individus unis par la conscience de cette réalité de renaissance et de transformation souhaitées et nécessaires. Cela n’exclut pas un mouvement océanique, une grande vague de la Nature, portant toute cette chaîne d’individus éveillés à cette réalité vers l’accomplissement global d’un dessein d’évolution de la conscience à travers chacun d’eux. La transformation est ainsi multiple et une, orientant sans doute son mouvement dans une direction choisie par la Nature elle-même (la Terre de Rilke), choisie par ce vaste inconnu que l’on nomme aujourd’hui "inconscient" et dont la matière tangible est l’un des aspects.
Amezeg