mercredi 11 août 2021

La voie étroite

 


Temps de lecture : environ 30 mn.

Lorsque j’ai publié mon dernier article "le recours aux forêts", il s’est produit une série de synchronicités qui ont retenu mon attention. J’en ai parlé rapidement en Post-Scriptum de ce texte. Tout d’abord, à peine avais-je posté mes réflexions que j’ai reçu une notification de publication sur un de mes blogues favoris, en dormance depuis quelques temps, d’un texte de Carl Jung tiré de « Présent et Avenir » qui résonnait de façon remarquable avec mon propos. Le vieux sage de Küsnacht nous mettait en garde, dans ce livre publié à la fin des années 1950, contre le danger d’une massification de nos sociétés,conct c’est-à-dire la disparition de l’individu au profit d’une masse manipulée par tous les moyens à la disposition d’une oligarchie. Il craignait surtout l’emprise totalitaire de l’État selon le modèle soviétique et n’envisageait pas clairement comment le marché pourrait servir de paravent à une telle emprise, mais son diagnostic s’avère, plus de 60 ans après sa publication, incroyablement juste et visionnaire. Cela montre à quel point ce que nous vivons actuellement est le fruit de tendances lourdes dans la psyché collective et la société, et non le résultat d’un plan élaboré sur le coin d’une enveloppe par quelques individus mal intentionnés. Si tant est qu’il y ait un tel plan, il s’insère dans une évolution archétypale qui est la trame même de notre civilisation techno-industrielle. Mais surtout Jung proposait aussi dans ce livre un antidote à cette annihilation de l’individu, plus actuel que jamais, sur lequel je reviendrai au cours de cet article pour proposer des avenues de résistance à la psychose collective qui est en train de s’emparer de notre monde...

Je ne saurais donc que vous recommander de lire très attentivement « Présent et avenir », sans doute un des livres de Jung les plus facilement accessibles au non spécialiste, et donc tellement pertinent pour notre époque. A défaut, je vous invite à aller lire le post « l’individu et l’état » sur le blogue « Grands rêves ». En voici un extrait particulièrement en phase avec mon propos dans « le recours aux forêts » :

« L'individu se voit privé de plus en plus des décisions morales, de la conduite et de la responsabilité de sa vie ; en contrepartie il sera, en tant qu'unité sociale, régenté, administré, nourri, vêtu, éduqué, logé dans des unités d'habitation confortables et conformes, amusé selon une organisation des loisirs préfabriqués, l'ensemble culminant dans une satisfaction et un bien-être des masses qui constitue le critère idéal.

Par une représentation suggestive de la puissance de L’État, on cherche à susciter un sentiment collectif de sécurité qui toutefois, à l’opposé des représentations religieuses, ne fournit à l’individu aucune protection contre ses démons intérieurs. C’est pourquoi il s’accrochera encore plus à la puissance de L’État, c’est-à-dire à la masse ; et, alors qu’il est déjà socialement dépossédé, son âme succombera aux influences collectives, et il s’y livrera intérieurement.

La "massification" ne vise nullement à favoriser la compréhension réciproque et les relations entre les hommes. Elle recherche bien plus leur atomisation, je veux dire l'isolement psychique de l'individu. »


Jung nomme ici deux composantes clés de la dynamique totalitaire à l’œuvre dans notre monde. D’une part, il y a la puissance suggestive des autorités qui créent tout à la fois la peur qui ronge la masse et le sentiment de pseudo-sécurité qu’elles offrent à partir du moment où l’on s’abandonne à elles. D’autre part, il y a la destruction des liens sociaux qui conduit à l’atomisation et l’isolement psychique des individus.

Dans les réactions, nombreuses, à mon article, j’ai été frappé par la grande souffrance exprimée par plusieurs personnes qui subissent l’énorme pression sociale dont je parlais là. Certaines risquent de perdre leur emploi ou se font dire par des proches qu’on refusera de les rencontrer si elles ne se font pas vaccinées. Beaucoup se sentent stigmatisées parce qu’elles n’endossent pas le narratif officiel et craignent d’être rejetées en étant désignées comme de « méchant.e.s complotistes ». On jette dans le même sac toutes celles et tous ceux dont le ressenti profond s’insurge devant ce qui se passe, en particulier en France les postures autoritaires de notre Président bien-aimé en quête de réélection, et on les désigne à la vindicte populaire sans égard pour les dommages psychiques pour des personnes qui comptent généralement parmi les plus sensibles d’entre nous. Les chiens sont lâchés, et gare à qui tombera sous leurs crocs…

Mais c’est une autre synchronicité qui m’a beaucoup donné à réfléchir et travailler depuis que j’ai publié mon analyse. Dans l’après-midi qui a suivi, j’ai reçu un rêve étonnant. La rêveuse est une femme en émergence spirituelle avec qui j’avais parlé quelques mois auparavant pour expliciter des rêves perturbant mais tout à fait significatifs de son évolution intérieure. Je n’avais plus de nouvelles d’elle depuis. Elle a reçu ce rêve dans la nuit précédant ma publication et a ressenti une urgence à me l’envoyer le jour même en me disant que c’était sans doute un rêve collectif lié au COVID. Il faut préciser qu’elle ne se sent pas vraiment concernée par la crise sanitaire, en tous cas pas au point d’avoir ce rêve. C’est en effet un rêve à portée collective qui cristallise de façon remarquable les angoisses qui agitent l’Inconscient, et nombre d’entre nous. Jugez-en vous-mêmes :

« Un phare est en feu, de l’intérieur. Un véritable brasier… La fumée qui s’en échappe est si noir et dense qu’on n’aperçoit plus le haut du phare. Se présentent à moi deux personnes costumées :

Le monstre de Frankenstein, ahuri, portant dans ses bras Marilyn Monroe qui s’est évanouie, intoxiquée par la fumée.

Je vois au loin des silhouettes humaines sur la plage, entre deux collines. Ces gens hurlent, prennent feu alors même que certains sont dans l’eau. L’un d’entre eux pointe son doigt vers le ciel pour désigner le coupable de ce nouveau brasier meurtrier : un avion noir, volant dans les nuages noirs provoqués par le feu ardent. Je comprends alors que c’est cet avion qui a déversé le feu sur ces gens et que ce feu n’est pas naturel puisqu’il prend même dans l’eau et ne vise que les humains. Il s’agit donc d’une arme, d’une attaque… La sirène d’alerte de la ville retentit pour avertir du danger. J’hurle : « mettez-vous à couvert ! »

J’entre à la hâte par une porte dans un immeuble. Je me retrouve dans un placard avec un petit garçon terrifié. Sous la porte, je vois des pierres incandescentes tomber dans la rue, lâchées par l’avion. L’enfant et moi-même commençons à tousser, à manquer d’oxygène. Je dois ouvrir la porte alors que l’enfant me supplie de la laisser fermée. Je sors et constate un paysage de désolation. Tout est carbonisé par les pierres incandescentes qui recouvrent le paysage. Je vois un homme accroupi pour observer ces pierres, pour tenter de comprendre ce qu’il vient de se passer. Je regarde moi aussi ces pierres et distingues, entre les grosses pierres de feu, des cailloux plus petits, verts luisants. Je comprends que ces pierres sont hautement radioactives. J’hurle à cet homme de s’en éloigner. Je comprends que tout ceci est volontaire, il s’agit d’une arme de destruction massive et chimique destinée à détruire et à tuer l’Homme dans sa grande majorité.

Nous entrons, l’homme et moi, dans une maison pour préparer notre départ vers la forêt et s’y cacher pour un temps indéterminé. J’entends un drone noir volant s’approcher de la ville où nous sommes. A ce moment là, je sais qu’il vient pour vérifier s’il y a des survivants. Je crie à l’homme de se cacher. Je n’ai pas le temps de bien me cacher. J’entre dans une pièce sans porte et me recroqueville dans un coin. Le drone approche et entre dans la pièce. Je dois le détruire avant qu’il ne me voit. Je lui donne un coup de poing pour le mettre au sol. Sa lumière m’éblouit, je comprends que j’ai été filmée. Il est trop tard pour moi… Alors que le drone tombe au sol, je découvre la femme derrière, qui tient la manette pour le commander. Elle tient également une orchidée sous son nez pour filtrer l’air et lui éviter d’inhaler le poison ambiant qui est partout dans l’air. Elle me regarde surprise et parle dans son talkie, sur son épaule pour signaler ma présence (« il reste une survivante à détruire »). Si j’ai peur au démarrage de devoir mourir bientôt, je me rends vite compte que cela est inévitable. De colère, je la frappe. Elle me répond en hurlant :

« Mais tu ne comprends pas !? C’est un virus et il ne peut y avoir de vaccin pour tout le monde ! »

Elle est à genoux, elle est honteuse. Je sais qu’elle est vaccinée mais semble regretter ce qui se passe. Je lui dis alors :

« Je préfère mourir et rejoindre mon Ange avec qui je communique depuis toujours que vivre dans les ténèbres de l’ignorance comme toi. »

Des hommes en noirs arrivent à bord de voitures et d’hélicoptères noirs pour me tuer. Ma fin approche. La fin de tous ceux que j’aime approche. Impuissance, résilience… Il va falloir mourir quoi qu’il en soit… »

Dessin du rêve par la rêveuse

Ce rêve m’accompagne depuis que je l’ai lu. Je l’ai emmené marcher dans la montagne. J’ai discuté avec la rêveuse des possibles interprétations qu’on pouvait lui donner. Je l’ai publié dans le groupe Facebook « à l’écoute des rêves » en exposant la synchronicité et en invitant à résonner à ces images. J’ai été frappé par le peu de résonances qu’il a suscité dans un premier temps, comme si la plupart étaient tétanisés par ce qu’il évoque. J’ai reçu en privé des messages m’exprimant l’horreur ressentie à la lecture de ce rêve, la certitude partagée par de nombreuses personnes de ce qu’il décrit le fond de notre situation collective, et un grand désarroi dont je me faisais l’écho en parlant plus haut de la souffrance psychique ressentie par nombre d’entre nous. Je n’ai pas d’interprétation définitive à en proposer mais j’ai au prime abord compris ce rêve, et le fait qu’il me soit parvenu à ce moment précis, comme une interpellation de l’Inconscient, en forme de :

- Tiens, puisque tu oses parler de cette psychose collective, voilà de quoi aller sur le fond du problème…

En effet, même si nous sommes tou.te.s plus ou moins tétanisé.e.s, moi y compris, devant la violence de ces images intérieures, c’est notre tâche – du moins la mienne et celle des pompiers sur le front de l’incendie des rêves – que de les regarder en face et de chercher à les expliciter, c’est-à-dire à entendre ce que l’Inconscient cherche à nous dire. Il y a là quelque chose qui pourrait être psychiquement et spirituellement salvateur. En marchant avec lui, il m’est apparu que ce rêve contenait tout à la fois l’énoncé du problème et sa solution, qui ressort explicitement. Bref, je remercie de tout cœur la Source des rêves car il y a là un cadeau précieux qui m’a aidé pour ma part à déterminer quelle réponse donner à ce que nous vivons collectivement. En effet, il ne suffit pas de se réfugier dans la forêt intérieure, « lieu où quelque chose de neuf peut grandir », me disait un commentaire à mon article. Il faut aussi sortir du bois, et pour détourner en souriant un mot d’actualité, il faut « manifester » la lumière essentielle qui peut éclairer le chemin, la voie étroite…

Mais avant de proposer des éléments d’interprétation à ce rêve et exposer ce que je perçois à ce point de cette voie étroite – je fais allusion encore par ces mots à un des commentaires reçus en réponse à mon article –, je dois expliciter plus clairement peut-être le cadre dans lequel je travaille ces images. Plusieurs personnes ont répondu en effet à mon analyse du rêve présenté en introduction du « recours aux forêts » qu’elles n’étaient pas convaincues qu’il faille entendre ces images de façon purement symbolique. On m’a prêté là un certain « optimisme » qui m’a fait sourire : c’est en effet extrêmement optimiste de ma part de pointer une psychose collective en train de déferler sur notre monde et de prévenir de la mise en place d’une dynamique totalitaire ! Le comble, c’est en effet qu’un tel énoncé soit finalement optimiste en regard des images qui agitent l’Inconscient puisqu’il est question, en particulier dans ce rêve, de destruction plus ou moins totale de l’humanité. Et je reconnais volontiers que je me suis un peu avancé en disant :

« Je ne crois pas que l’inconscient cherche à nous prévenir de ce que les vaccins contre le COVID vont tuer tous ceux qui se les font injecter. Ici, il s’agit à l’évidence d’un symbole. »

Je maintiens que je ne crois pas… car je me tiens pour ma part dans le non-savoir. Je n’achète ni le narratif officiel, ni les fantasmes de peur de celles et ceux qui jouent aux sauveurs de l’humanité en alimentant la psychose. Ce n’est pas la mort, pour ma part, qui m’inquiète et je n’ai pas besoin d’imaginer un terrible complot pour voir se profiler une destruction de ce qui fait notre humanité, et c’est celle-ci qui m’inquiète. Tout est possible... et peut-être allons-nous tous mourir bientôt, mais dans ce cas, je mourrai en humain conscient de mon humanité. Et celle-ci me semble nous commander d’éviter d’alimenter le brasier collectif en y déversant nos peurs, notre défiance envers les autorités et tout ce qui peut susciter encore plus de division et de haine. Il est de notre responsabilité – response ability : capacité de répondre – d’apposer autre chose à l’évolution apparemment catastrophique, avec ou sans complot1, de notre humanité. Apposer, et non « opposer », c’est-à-dire poser en face plutôt que d’entrer dans une lutte, un combat « contre ». Quant à ce que nous affirmons sur la situation, je crois que plus que jamais doit s’appliquer le filtre de Socrate2, qui consiste en quelques questions absolument nécessaires à se poser avant de jouer les Cassandre :

- Est-ce vrai ? Comment puis-je m’assurer que c’est vrai ?

- Si je ne suis pas certain que ce soit vrai, est-ce que cela fait du bien ? Est-ce que c’est bon à dire et à entendre ?

- Si ce n’est ni certainement vrai, ni vraiment bon, est-ce au moins utile ?

Socrate

Si cela ne répond à aucun de ces critères, à quoi bon en parler ? Qu’est-ce que cela apporte ? C’est là, sans doute qu’un certain travail sur soi, et en particulier un examen de l’ombre personnelle, s’impose avant de prendre la parole, surtout quand celle-ci est empreinte d’émotionnalité et alimente l’angoisse, le désarroi. Pour ma part, je n’ai pas de certitudes et je n’éprouve pas le besoin d’en chercher ni d’en vendre. J’invite plutôt à penser et à méditer, et non à croire ou à gober des demi-vérités douteuses. Je propose une réflexion qui se veut approfondie, quitte à ce que mes articles soient (très) longs (comme celui-ci), car il me semble important d’aller toucher à la profondeur de ce qui nous arrive. C’est de là, seulement, que pourra jaillir une lumière.

Je ne crois pas… et sans doute me suis-je trop avancé en disant « à l’évidence, il s’agit ici d’un symbole ». Pour beaucoup, ce n’est pas une évidence, et ils ne comprennent pas la nature du symbole. Ils ont l’impression que si c’est un symbole, cela invalide la possibilité que ce soit une réalité. Alors qu’en fait, si vous en référez comme je le fais à Jung, un symbole est une réalité vivante dans la psyché, une réalité psychique et dès lors porteuse de signification, et cela indépendamment de la réalité physique. Par exemple, Jung a écrit un livre sur les soucoupes volantes dans lequel il ne discute pas de la réalité physique, ou non, des OVNIS, mais de ce que leur observation signifie pour notre époque…

Il ne s’agit pas donc de « psychologiser » ou de réduire à une dimension symbolique ce qui pour certains est une réalité qui saute aux yeux. Il s’agit plutôt d’ouvrir à la profondeur symbolique et archétypale des choses, et pour commencer, de s’en tenir à une rigueur méthodologique avec les rêves. Et puis dans tout ce qui est affirmé de tous les côtés, il y a des choses complètement délirantes parfois, il faut le dire aussi. Je pense par exemple à la cabale des QAnon, que je n’achète pour ma part pas du tout, d’autant qu’elle nous vend le Trumpinet comme un sauveur de l’humanité – non merci ! Mais là aussi, il faut se garder d’entrer dans une polémique pour accueillir le fond de ce qui se dit. Si même, parmi mes ami.e.s, il peut y avoir des personnes borderline qui ont du mal à distinguer la frontière entre leurs fantasmes et la réalité, ce n’est pas en les rejetant qu’on les aidera à revenir sur terre mais bien en les entendant. Jung souligne que dès qu’une personne se sait entendue, on évite le pire qui est l’isolement psychique, l’enfermement de quelqu’un qui ne veut même plus parler; on est en relation, et la relation sauve. Et puis il faut savoir que, bien souvent, les personnes qui vivent en Borderland3 amènent dans ce qui semble être pur délire des images créatrices, et finalement salvatrices si on sait les entendre, dont nous avons besoin pour élargir notre vision et notre compréhension de la réalité.

Il nous faut aussi regarder le danger de céder à la psychose collective qui est en train de s’emparer de notre monde, et examiner en quoi nous sommes susceptibles nous-mêmes de tomber dans une psychose paranoïaque. Dans un rêve que j’ai entendu aujourd’hui, la rêveuse accueillait chez elle une femme atteinte de psychose paranoïaque, et lui proposait de rester. Ce rêve témoignait de la conscience de la rêveuse de ses propres tendances paranoïaques et de sa capacité à composer consciemment avec celles-ci. J’aimerais ouvertement rencontrer plus souvent des rêves comme celui-ci, car le simple fait de voir notre propre folie permet d’éviter qu’elle ne nous submerge. On peut alors entrer en relation consciente avec elle. La paranoïa est en effet un phénomène naturel, qui est susceptible de tou.te.s nous affecter quand nos peurs entraînent un décollement du réel. Mais ce qui est beaucoup plus grave encore, c’est que le monde entier peut devenir fou et il est alors difficile de résister à la contagion délirante. C’est déjà arrivé en de nombreuses occasions. Je vous invite à regarder cette vidéo pour comprendre de quoi il s’agit quand on parle de psychose collective :



Je ne crois donc pas… mais cela ne m’empêche pas d’être complètement ouvert à toutes les opinions sincères, et en particulier aux angoisses de mes ami.e.s dit.e.s « complotistes » que j’écoute attentivement. Il se trouve que l’on peut montrer une corrélation4 entre le degré de spiritualité et la tendance à endosser des théories conspirationnistes, au point que l’on peut craindre que la spiritualité elle-même soit désignée un jour par les autorités comme l’ennemie à abattre. Je me passionne moi-même pour la spiritualité, j’accompagne souvent des personnes en émergence spirituelle, et j’ai donc beaucoup d’ami.e.s qui marchent sur ces frontières incertaines. Je me situe hors de la discussion du pour et du contre ces théories, même si nombre cherchent à me convaincre de rejoindre leur camp en me bombardant de références, car je m’en tiens à la position du non-savoir ouvert, et surtout je récuse la logique qui voudrait qu’il y ait des camps, et donc en filigrane une guerre.

J’ai assez dit que je ne croyais pas… alors je vais dire ce que je crois, qui fonde ma réflexion devant ce rêve. Je crois que nous sommes, archétypalement parlant, en face du Mal – le rêve le dit clairement – et que ce Mal va grandissant. Ce n’est pas nouveau, mais l’Ombre s’étend. Ce Mal, nous l’avons déjà contemplé dans les yeux au moment de l’élection du Joker (le président américain en 2016) et il coure dans notre monde depuis longtemps. Les gnostiques parlaient déjà de la prééminence du Prince de ce monde il y a 2000 ans. Une des vertus, et non des moindres, de la situation est d’ouvrir les yeux d’un certain nombre de gens qui dormaient devant leurs écrans de télé quand ce Mal a massacré une grande partie de la population rwandaise, mis le feu aux Balkans, jeté de l’agent orange dans les rizières vietnamiennes, pour ne prendre que quelques exemples récents. Ce Mal, on peut le caractériser comme l’archétype du diabolos, celui qui divise, qui sème la discorde, la haine et à terme, la guerre. Il a parti lié avec un autre aspect du diable, le Satan, c’est-à-dire l’Accusateur. Et quand je parle du niveau archétypal, je ne dis rien de la façon dont ces archétypes s’incarnent nécessairement pour pouvoir agir dans le monde. Il faut qu’ils trouvent des relais humains pour pouvoir se manifester. Il y a peut-être en effet des gens dont l’objectif est de nous diviser et nous jeter les uns contre les autres pour faire marcher leurs affaires. Mais je n’ai pas à lancer d’accusation car ce serait tomber à mon tour sous la coupe du diabolos et du Satan, et finalement servir le Mal. Je crois pour ma part que si nous voulons contrer le Mal, il n’y a qu’une possibilité et c’est de croître dans le Bien. C’est ce que nous enseigne par exemple le Yi-King, dont le commentaire de Richard Wilhem de l’hexagramme 43 « la percée » dit explicitement :

« La meilleure manière de combattre le mal, c’est un progrès énergique dans le bien. »

Hexagramme 43 - la percée (Yi King)

Il me faut enfin souligner que l’opposé du diabolos, son antidote pourrait-on dire, c’est le symbole, du grec sumbolon (σύμβολον) : ce qui réunit. Car entendre les symboles réunifie la psyché. Nommer ce Mal, mais surtout proposer un travail avec les symboles pour le contrer, voilà ce à quoi je travaille ici et ailleurs.

Certain.e.s me disent qu’ils détiennent des éléments probants pour instruire le procès d’un crime contre l’humanité, contre la Vie. Cela me fait hausser les épaules. Je ne suis pas juge et je n’instruirai pas de procès. Ces « preuves » sont souvent une façon d’enfermer la discussion dans une certitude, de ne laisser aucune place au doute fécond. Et puis je crois qu’en matière de destruction de l’humanité, il ne sert à rien de chercher un coupable à moins de se regarder aussi dans la glace : la plupart des théoriciens du complot n’ont pas pris conscience de notre responsabilité collective dans la catastrophe écologique en cours qui détruira sans doute la plus grande partie de l’humanité d’ici quelques décennies. Mais ce n’est pas tant ce qu’on croit être la réalité qui importe que la réponse éthique que nous donnons à celle-ci, par laquelle nous manifestons l’essence qui est au cœur de notre croyance. J’interroge toujours ces ami.e.s convaincus de détenir une terrible vérité : à quoi cela te sert-il d’affirmer cela ? Et surtout, admettant que ce soit vrai, qu’en fais-tu ? Nous savons bien que l’horreur existe dans ce monde : Dachau et Auschwitz ont bien existé... et depuis, il y a eu bien d’autres génocides monstrueux et des catastrophes d’origine humaine comme Bhopal, Seveso, Tchernobyl... des empoisonnements de masse et des dissimulations criminelles (Enron, l’industrie du tabac...), etc. Quoi de neuf ? Découvres-tu donc l’existence du mal ? Mais alors, que proposes-tu de répondre à l’évolution de notre monde ? C’est en interrogeant sincèrement la motivation fondamentale de ces affirmations, et où elles nous amènent, que nous pouvons arriver à leur vérité profonde, ce qu’elles disent de nous et de notre vision de la Vie. Et même si je ne crois donc pas à ces théories, j’en distingue bien souvent, tout comme Charles Eisenstein5, la valeur mythique : ce sont des images intérieures qui s’expriment là et décrivent en fait le fond archétypal de ce que nous vivons collectivement. Et même si ces accusations s’avéraient donc vérifiables, il faudrait aussi prêter attention à ce fond archétypal…

C’est le point clé pour saisir la démarche d’interprétation d’un rêve comme celui que je vous ai présenté plus haut. Je l’ai explicité dans ma réponse au commentaire de la Licorne, qui interrogeait mon « optimisme » quant à l’interprétation symbolique que je donnais « à l’évidence » de certaines images :

« Ce n'est pas vraiment "optimiste" de ma part d'envisager la portée symbolique de certaines images, mais cela tient de l'attention scrupuleuse à laquelle nous sommes contraints dans l'approche des rêves. Je n'exclue pas que certains éléments soient à comprendre littéralement mais cela n'ôte rien de les considérer d'abord dans leur profondeur symbolique. Pour ma part, je m'en tiens fondamentalement au "je ne sais pas" en faisant attention à ce que je pourrais projeter, car si je commence à alimenter l'idée d'une intention diabolique derrière ce qui arrive, j'alimente aussi la peur, la division, l'angoisse et la violence. Nous avons donc une responsabilité, en tant qu'oreilles tendues aux rêves, à ne pas répercuter sans prévention les fantasmes qui courent le monde et nourrissent la psychose. En outre, il faut considérer que le rêve vient toujours nous révéler quelque chose qui est inconnu à notre conscience. Si l'on envisage seulement le rêve sur un plan littéral, comme confirmant nos pires craintes, alors nous risquons fort de passer à côté du véritable enseignement du rêve, de l'inconnu qu'il cherche à amener à notre conscience. La plus grande prudence est de rigueur. »

La Licorne, quand j’ai écrit ces mots, n’avait pas connaissance du rêve que je rapporte ici et à l’abord duquel la nécessité de cette prudence redouble. Que pouvons-nous donc en dire ? Quelle interprétation proposer à ce rêve ?

Avant d’entrer enfin dans l’analyse des éléments symboliques, je vous dirai la première résonance qui m’est venue à l’esprit en écrivant à la rêveuse. C’est une phrase bien connue de Pierre Teilhard de Chardin, qui dit pour moi l’enjeu spirituel de notre temps :

« Un jour, quand nous aurons maîtrisé les vents, les vagues, les marées, la pesanteur, nous exploiterons l'énergie de l'amour. Alors, pour la seconde fois dans l'histoire du monde, l'homme aura découvert le feu. »

Teilhard de Chardin

Je vous livre aussi quelques résonances recueillies à ce rêve dans le groupe Facebook « à l’écoute des rêves » :

« Si c’était mon rêve je l’associerais avec la situation actuelle. Je ferais le constat que la conscience qui guide les hommes (le phare supposé guider, orienter les marins en mer) est annihilée par le feu (pensées, émotions destructrices) lié à cette situation actuelle.

Le monde est sous l’emprise d’une crise collective. Je suis frappée par cette phrase :

« L’un d’entre eux pointe son doigt vers le ciel pour désigner le coupable de ce nouveau brasier meurtrier : un avion noir, volant dans les nuages noirs provoqués par le feu ardent. »

Les avions volent et ne sont pas en prise avec la terre. Pourraient-ils représenter des pensées qui deviennent destructrices parce que déconnectées du réel, ou, parce que déconnectés de notre intériorité, notre ombre se projette à l’extérieur, désigne des coupables ce qui ne peut mener qu’à la guerre, qu’à cette vision très duelle du « bien » se défendant d’un mal extérieur.

L’atmosphère est devenue en tout cas irrespirable, toxique voire mortelle. Je me sens menacée, impuissante à me dégager de cette psychose collective. Je cherche une porte de sortie, laquelle semble être un retour vers l’intériorité (se dégager de l’identification au mouvements de la masse), une prise de recul (se retirer en forêt) pour laisser émerger une conscience plus claire de notre situation individuelle et collective: « Je préfère mourir et rejoindre mon Ange avec qui je communique depuis toujours que vivre dans les ténèbres de l’ignorance comme toi. » »

Et :

« Frankenstein, la Bête. Marilyn, la Belle. La terre en feu, radioactive, en cendres, en violence. Nous vivons un moment de transition, de mutation, qui exige d’aller puiser dans ses ressources personnelles et ses propres stratégies pour trouver la capacité de se réinventer. Se cacher en est une. Se battre en est une autre. Il n’y a pas de jugement. Chacun fait ce qu’il peut pour survivre ou se retrouver intérieurement. La beauté est en nous. Grâce à elle, nous pouvons abandonner les restrictions que nous nous sommes imposées et établir un lien avec la partie la plus profonde de notre être. La puissance peut venir des souvenirs d’une vie passée. Accepter la mort de ce que nous connaissons et accueillir la possibilité de nous transformer est également une option. Ce (grand) rêve en montre partiellement le chemin. »

Et :

« D’abord ces trois couleurs : Rouge, Noir, Vert. Elles me racontent quelque chose de violent, de magique, de mystérieux, de rayonnant. Ensuite, la Direction commune brule, on perd le Nord. Des monstres fragiles (Frankenstein, Marilyn). Ne pas montrer que je suis vivant ? Impossible ! Derrière les machines, des hommes et des femmes qui peuvent prendre conscience… avoir honte…changer ? Je vais mourir et tous ceux que j’aime aussi mais j’ai trouvé un autre phare, intérieur celui-là, et immortel : mon Ange. »


Un grand merci aux personnes qui ont résonné à ce rêve. J’ai été bien sensible à la douleur et l’effroi qu’ont aussi exprimé certaines personnes devant ce rêve, et c’est à elles que je dédie cet article. Pour ma part, je veux souligner les éléments suivants :

- Un phare, symboliquement, est une lumière qui guide les bateaux à bon port. Le rêve dit clairement que ce qui est censé nous guider collectivement à bon port est en feu. On peut penser à une faillite des autorités, en particulier des autorités spirituelles, qui sont censées nous guider. Deux observations s’imposent : d’abord, le phare est un élément sémantiquement lié à la mer, c’est-à-dire symboliquement à l’Inconscient collectif. Les bateaux symbolisent volontiers la conscience naviguant sur les flots de l’inconscient. Il est donc question en filigrane de la psychose collective qui met en danger le lien entre les consciences individuelles et l’Inconscient collectif. Celle-ci s’est symbolisée ces derniers temps dans de nombreux rêves que j’ai entendus parlant de vagues monstrueuses submergeant tout, ce qui n’est pas sans rappeler un de mes grands rêves6. Mais il faut aussi observer que le feu, par contraste avec cette submersion, n’est pas seulement un des plus puissants agents de destruction. C’est aussi un agent de transformation radicale.

- Le couple « monstre de Frankenstein / Marilyn Monroe évanouie » est absolument typique. Il s'agit de deux "monstres sacrés" de notre mythologie moderne (voir mon commentaire à ce sujet). La rêveuse me disait son sentiment que le monstre a échappé à son créateur, ce qui pourrait évoquer l’hypothèse que le COVID est issu d’un laboratoire mais plus profondément, on peut y voir le monstre technologique qui prétend reconstruire l’humanité – par exemple avec le projet transhumaniste – qui aurait échappé à ses créateurs. Et nous avons là une représentation du couple archétypal de la Bête et la Belle. Cette dernière pourrait représenter le féminin asphyxié par notre rationalité technologique, et donc endormi – ce qui laisse espérer un réveil. Mais il faut aussi se souvenir que Marilyn est l’icône de la beauté suicidée par la superficialité du spectacle permanent de notre monde, détruite par l’identification à sa seule beauté extérieure sans égard pour son intériorité. Il y a peut-être là donc une image terrible de l’état de notre monde...

- C’est un avion qui déverse le feu, la mort. Nous avons là peut-être une évocation encore de la technologie, et comme il a été dit dans une résonance, d’une pensée qui ne touche plus terre, déconnectée du réel et désormais destructrice. Mais il est frappant aussi que la mort vienne du ciel, d’en-haut. Il y a là une profonde ambiguïté car on peut se demander si la destruction de notre monde ne serait pas voulue par le Soi, faisant partie d’un « plan divin ». Mais ce ne sont pas des Anges qui portent là le feu de l’Apocalypse, mais bien un avion. Alors, le symbole pourrait signifier que c’est notre hubris à nous prendre collectivement pour des dieux – et je renvoie encore là en particulier au projet transhumaniste avec sa visée d’immortalité – qui pourrait faire tomber le feu du ciel sur nos têtes. Et quel feu ? Un « feu ardent » qui prend même dans l’eau, ce qui est la propriété du phosphore, mot grec φώσφορος (phosphoros), qui signifie « porteur de lumière ». Bien sûr, il n’échappera pas aux esprits vifs que c’est aussi la signification de Lucifer, le porteur de lumière au nom terriblement ambigu qui n’est pas sans évoquer encore une fois le Mercurius alchimique, l’agent de transformation par excellence.

Ayant dit tout cela, je suppose qu’il sera clair à mes lecteurs que ce rêve recèle des profondeurs symboliques qui interdisent de le prendre seulement littéralement comme nous avertissant d’un terrible complot visant à détruire l’humanité. Il doit vraiment être pris au sérieux, c’est-à-dire écouté dans sa profondeur archétypal. La rêveuse et moi-même nous sommes interrogés sur le symbole de la radio-activité. J’ai commencé par faire un lien avec notre hubris à libérer le feu emprisonné dans la matière avec la technologie nucléaire, dont la dimension destructrice est évidente, particulièrement en ce jour où j‘écris anniversaire de l’holocauste de Nagasaki. Il se pourrait bien que la folie qui nous emporte en tant que civilisation ait pris forme en croyant percer les secrets de la matière, nous livrant par là à une fausse alchimie. Mais il me frappe aussi que la radio-activité soit une émission par la matière de lumière, une lumière mortelle mais suscitant aussi des mutations. Il est encore là question du feu transformateur...

Parmi mes ami.e.s convaincu.e.s de l’existence d’un projet destructeur de la plus grande partie de l’humanité, plusieurs ont réagi en me disant que ce rêve venait confirmer leur conviction de ce qu’un génocide par empoisonnement est en cours par le truchement de pseudo-vaccins, en réalité selon eux des agents d’une manipulation génétique de masse. Je suis obligé de leur faire remarquer que ce n’est pas du tout ce que dit le rêve, qui parle bien d’un poison, le virus… mais dit cette fois que le vaccin sert à protéger ceux qui répandent la mort. Cette fois, à la différence notable du rêve que je présentais dans « le recours aux forêts », ce n’est pas, selon le rêve, le vaccin qui est le poison. Sacré inconscient, il nous embrouille et surtout, il nous montre que nous ne pourrons pas lui faire dire ce qu’il ne dit pas, nous servir de lui pour justifier nos certitudes !

On retrouve là au niveau symbolique selon moi le poison de la peur associé au virus. J’en veux pour « preuve symbolique » que la femme qui pilote le drone assassin se protège du poison en tenant une orchidée sous son nez. Or l’orchidée est un symbole de pureté et de perfection spirituelles. Cela pourrait désigner clairement les gens qui jouent aux « chevaliers blancs » de la pureté spirituelle comme des agents de l’entreprise de mort qui nous accable. Ce sont souvent des personnes bien intentionnées qui sont obsédées par le Mal qu’elles voient dans le monde, chez les autres, et qu’elles éprouvent le besoin de « combattre ». Elles s’en font une « mission », et l’Histoire montre régulièrement à quelle extrémité de folie destructrice cela peut mener au nom du Bien auquel elles s’identifient. En d’autres termes, celles et ceux qui ne sont pas capables d’examiner leur ombre et qui répandent des miasmes de peur en se drapant dans leur supposée vertu seraient les complices objectifs de la psychose collective qui nous empoisonne. Ce thème du poison est bien sûr une des résonances étonnantes de ce rêve avec celui que j’ai présenté en introduction du « recours aux forêts », qui m’a fait pour le moins sursauter. Et je maintiens que le pire poison aujourd’hui répandu est donc celui qui nous divise et nous dresse les un.e.s contre les autres, faisant ainsi l’œuvre du diabolos, celui-qui-divise.

On peut interroger encore la dimension personnelle de ce rêve, en particulier dans la présence de cet enfant que la rêveuse protège. Je n’entrerai pas dans l’analyse de ce point. Mais je dois dire qu’elle m’a fournit des éléments attestant encore plus profondément de la nature collective des images de ce rêve. En effet, au cours de notre échange, elle m’a révélé qu’en fait, ce rêve était précédé dans son souvenir par une autre séquence onirique qu’elle n’avait pas jugé bon de me communiquer, la pensant toute personnelle. Dans celle-ci, elle était approchée par un homme « physiquement déplaisant » qui lui témoignait cependant un profond et sincère amour. Elle finissait par céder à cet « amour véritable » et il l’entraînait alors dans une piscine où elle avait peur de se noyer. Je passe sur un certain nombre de détails et je n’analyserai pas ici cette portion du rêve, qui a en effet une dimension personnelle. Mais j’ai souri quand elle m’a parlé de « piscine » car il s’agit précisément d’un symbole de l’inconscient collectif, qui a confirmé la nature archétypale des images qu’elle m’a envoyées. Et surtout, le "hasard" avec ses lunettes noires a voulu que je tombe, en ouvrant un livre que l’on venait juste de m’offrir, sur le passage suivant, dans lequel Jung explique :

« [ Jung parle du fait que le "joyau" est généralement méprisé ]. Personne ne voit la valeur du joyau. Si vous revenez aux symboles chrétiens concernant le Christ, dans la prophétie d'Isaïe, il est dit qu'il n'a aucune beauté et que son apparence est laide. Le serviteur de Dieu passe inaperçu et sa valeur n'est pas évidente, alors qu'il contient la valeur la plus élevée et qu'il est lui-même, en réalité, la valeur la plus élevée. »

Vous imaginez ma stupéfaction de tomber sur ces mots. Encore une synchronicité, décidément ! L’Inconscient (ou what ever se dissimule sous ce voile d’inconscience) semble vouloir à toute force que ce qui apparaît dans ce rêve soit clair comme de l’eau de roche. Et voilà tout à coup que la nature de ce qui approche la rêveuse au travers d’un tel rêve, et qui lui donne à voir de telles images, devient limpide. C’est le Soi, ou plus directement dit, c’est le Christ, l’incarnation de « l’amour véritable », l’Homme (Άνθρωπος, anthropos) pleinement réalisé dans sa double dimension de Ciel et de Terre, de divin et d’humain. Ainsi nous est-il donc montré tout à la fois le mal dans toute son ampleur et ce qui sauve car, comme le disait Hölderlin, que citait bien souvent Jung :

« Plus grand est le péril, plus grand est aussi ce qui sauve ».

Friedrich Hölderlin

En effet, le rêve nous propose très directement l’antidote à cette entreprise infernale :

Il ne s’agit pas comme Don Quichotte avant nous d’attaquer les moulins à vent de la désinformation, que ce soit le narratif officiel ou les alertes plus ou moins crédibles qui sont déversées sur Youtube. Il ne s’agit pas non plus d’une tisane aux aiguilles de pin ou d’une omelette aux champignons hallucinogènes. C’est l’attitude de la rêveuse qui nous montre très clairement le chemin quand arrivent les hommes en noir, représentants de l’Ombre. Elle n’a pas peur de la mort. Elle préfère rejoindre l’Ange avec lequel elle communique plutôt que de vivre dans les ténèbres de l’ignorance, de l’inconscience. Par là-même, elle avoue une relation permanente avec la dimension spirituelle, l’Ange de lumière qui l’accompagne. Au lieu de nourrir une quelconque animosité, elle dit « oui » à ce qui est. Ses derniers mots font singulièrement écho à un grand rêve qui m’est advenu lors de ma propre quête de vision : « il va falloir mourir quoi qu’il en soit. » Toute résistance est inutile. Il ne sert à rien d’engager une lutte sans issue contre la grande transformation qu’est la mort...

Ce lâcher-prise souligne à mon avis la plus grande ligne de distinction entre les personnes engagées dans une vie spirituelle et celles qui ne le sont pas. Quand on vit en contact avec la dimension spirituelle de l’existence, on « sait » que la mort n’est jamais un « accident » dû à un virus ou à une arête de poisson. On « sait » que c’est une décision d’âme, dont on est prévenu à l’avance – même en cas d’accident – par un rêve7. Ce n’est pas que ce soit un choix conscient, ni un suicide de l’âme, mais simplement quelque chose en nous décide que c’est assez : Game is over. Et le virus ou l’arête de poisson sont alors les agents bien utiles de la réalisation de cette décision. C’est pourquoi toute l’agitation entourant le COVID semble souvent pure folie aux personnes qui vivent avec une dimension spirituelle de l’existence : le sens essentiel de la vie et de la mort sont perdus. Cette agitation traduit simplement une peur de la mort. Et comment soigner une maladie de la Terre en renforçant encore plus ce qui rend malade notre terre ?

Et puis l’on « sait » donc aussi que la mort n’est pas une fin, qu’elle est une naissance dans une autre dimension. Comme le dit Gandalf dans le Seigneur des Anneaux, quand Pippin l’interroge sur leurs chances de sortir vivants de Minas Tirith encerclée :

- Je n’aurais pas cru que cela finirait ainsi.

- Finir ? Non, le voyage ne s’achève pas ainsi. La mort n’est qu’un autre chemin qu’il nous faut tous prendre...

C’est ce qui m’interroge souvent chez mes ami.e.s spirituel.le.s qui crient au complot comme des cochons qu’on s’apprête à égorger : et si cela était, serait-ce vraiment un mal pour la Terre, qui a peut-être besoin de se débarrasser de la plus grande partie de cette humanité (nous compris) qui ne la respecte pas ? Et toi, n’es-tu pas en train d’avouer ta peur de la mort, ton manque de foi spirituelle ? N’as-tu pas confiance en quelque chose de plus grand qui protège la Vie ?

Ce qui m’amène enfin à l’essentiel de ce que je voulais communiquer ici. Je vous prie d’excuser la longueur (un record dans ce blogue) de ce texte mais de telles idées ne s’énoncent pas en 500 mots. Encore une fois, c’est à une réflexion en profondeur et une méditation au long cours à laquelle je vous invite. Quel est donc l’antidote à la massification dont parlait Carl Jung, à l’entreprise totalitaire que nous pouvons discerner, à la psychose collective qui menace de nous engloutir – et à la psychose individuelle qui menace certain.e.s d’entre nous ? Car la division voulue par le diabolos est aussi intérieure…

Jung le dit clairement, et ce rêve lui donne un écho extraordinaire : c’est la connexion au sacré, à la dimension spirituelle de l’existence. On pourrait dire, en pensant à l’enseignement des Dialogues avec l’Ange – les "quatre messagers" vivaient un enfer autrement plus explicite que celui que nous envisageons –, c’est notre connexion à l’Ange, au Maître intérieur qui seul peut nous guider dans les ténèbres que nous traversons. Si nous avons besoin d’un autre exemple inspirant, je renverrai volontiers à Etty Hillesum se penchant sur son propre puits intérieur dans Amsterdam occupée par les nazis, puis emmenant sa paix intérieure dans le camp de Westerbork, et enfin à Auschwitz. Ces références aux heures les plus sombres de notre histoire peuvent nous aider, en allumant dans notre cœur la lumière qui éclairaient leur nuit, à trouver l’attitude juste.

Madame Von Franz, dans un texte qui m’est tombé sous les yeux encore de façon synchronistique alors que je m’interrogeais sur les suites à donner à mon article, donne une clé quant à la façon de rechercher en permanence cette justesse. Cela devient, comme elle le dit merveilleusement, une aventure éthique permanente :

« Dans chaque situation individuelle, il n'y a qu'un seul choix, une décision unique qui se renouvelle d'instant en instant. Si l'on adopte cette attitude , la vie devient une constante aventure éthique. C'est pourquoi nous pouvons être si déroutants pour ceux qui essayent de comprendre et d'appliquer nos vues : nous n'avons ni règles de conduite, ni méthodes thérapeutiques établies. Il nous faut garder sans cesses ouvertes les oreilles intérieures pour écouter les indications profondes du Soi qui nous dira de faire ceci à cette minute, et peut être le contraire la minute d'après. C'est pourquoi je me contredirai toujours, en toutes sincérité...»

Cela implique qu’il n’y a aucune règle, aucun principe, sur lesquels nous pourrions nous appuyer en permanence, comme par automatisme. C’est un effort de conscience permanent pour assumer la singularité de notre être, la singularité de chaque situation, la singularité de l’instant. Ce qui est juste pour l’un, comme de se faire vacciner par exemple, ne l’est pas nécessairement pour l’autre, et réciproquement. Ce qui était juste hier n’est plus nécessairement juste. Il s’agit d’être comme la rivière et d’épouser le lit de la situation pour sentir intérieurement ce qu’elle exige, vers quoi coule son énergie.

Cela implique donc de s’ancrer dans la conscience et dans une profonde paix qui échappe à toutes influences extérieures, sans cesser pour autant d’être en relation. Si conflit il y a, et il y a nécessairement conflit, il faut ouvrir un espace assez vaste en dedans pour le contenir au lieu de le projeter extérieurement. Il convient en particulier d’être libre de l’émotionnalité et de ne pas la cultiver, ni dans nos pensées, ni dans nos paroles, ni dans nos actes. Il s’agit de travailler sur nos contradictions internes, d’en prendre conscience et de les résoudre au lieu de les projeter à l’extérieur. Cela implique d’entendre toutes les voix en nous, et de chercher leur point d’accord, le lieu où nous retrouverons l’unité intérieure, et avec elle, la paix. Le pardon, la gratitude, la bienveillance inconditionnelle et la bénédiction8 de tout ce qui nous semble « mauvais » font parti de nos armes de libération massive, mais alors il faut le faire sans ostentation, en privé dans le secret de nos cœurs, sans agressivité sinon notre bénédiction se révèle être une malédiction déguisée, qui se retourne contre nous. S’il s’agit de « manifester », il convient de le faire comme le faiseur de pluie dont parle Richard Wilhem9 : constatant que le monde n’est pas en ordre, il faut travailler d’abord à remettre de l’ordre en dedans. Cela demande en particulier d’entrer dans un certain détachement, un retrait à, l’égard du monde, qui permet d’observer comment nos ombres intérieures et nos émotions teintent les lunettes au travers desquelles nous voyons les choses. Il nous faut méditer et ainsi développer un méta-regard, c’est-à-dire un regard porté de l’intérieur sur notre regard, de façon à éviter de prendre des vessies pour des lanternes, et nos projections pour des réalités.

C’est un travail permanent de conscience, et outre le fait de se relier au sacré, quelque forme qu’il prenne pour nous, il est important aussi de nous relier à d’autres êtres humains. Une amie me proposait ce triptyque salvateur : reliance, tolérance et résilience… et je ne peux qu’abonder dans son sens. Jung le pointait clairement : nous sommes d’autant plus susceptibles de succomber aux suggestions que nous sommes psychiquement isolés. S’il est quelque chose à « combattre » par les temps qui courent, c’est cet isolement. S’il est une protection qui peut être salvatrice, c’est donc de se relier. Se relier à la terre, à la nature, aux animaux et aux arbres, aux rivières et aux montagnes, au ciel, à la lumière… mais surtout aux autres êtres humains, nos sœurs et frères en cette galère. Je parodierais donc volontiers l’hymne national français, cette marche guerrière qui nous appelait à « former nos bataillons » pour abreuver de sang les sillons de nos champs (!) en proposant comme cri de ralliement : « formons nos communautés, nos cercles... »

Car finalement, si je puis me permettre de me contredire directement ici, il est bien un principe souverain qui devrait nous guider et c’est l’Amour. Et plus précisément, l’Amour enraciné dans la Paix et la Liberté – ce qu’évoque en particulier l’image du Christ, symbole du Soi au cœur de la dimension sacrée en Occident, mais aussi pour beaucoup d’entre nous Présence vivante, « amour véritable » qui pave le chemin.

Dans ces temps d’ignorance et de ténèbres, il importe de revenir à nos sources spirituelles et de boire sans retenue à l’eau vive de la Parole qui étanche toute soif, quelle que soit la forme pour nous que prend le Vivant. C’est un temps pour lire et relire les textes sacrés – quels que soient nos textes sacrés… – et pour méditer, contempler, et aussi pour écouter les rêves. Il est important de nous relier à la nature, notre nature intérieure, et à la nature vivante de notre belle planète, car alors la danse de la lumière et de l’ombre s’inscrit dans le déploiement de quelque chose de plus vaste, et d’inaltérable, que nous pourrions appeler la Beauté. Face au Mal, il importe de se souvenir que le mythe de la Génèse nous enseigne que nous avons « sombré » dans la dualité au jour où, croquant la pomme, nous avons cru pouvoir définir de façon définitive ce qui est le mal et ce qui est le bien, nous permettant dès lors de juger nos frères. C’est la fameuse chute, hors du Paradis de l’unité, du Un. Il s’agit donc simplement, face au Mal, d’incarner ce qui nous semble être le Bien, de lui donner vie et lui permettre de marcher sur terre, réalisant ainsi à notre tour l’Incarnation. Mais pour cela, il faut absolument éviter de s’identifier au Bien et de combattre le Mal chez autrui, car c’est ainsi qu’il nous possède de l’intérieur. Devant ce Mal, il nous faut retourner le regard vers l’intérieur10 en prenant nos responsabilités et en nous gardant de toute hubris, qui nous ferait croire que nous pouvons le défaire...

Mais c’est donc surtout en veillant à nous ancrer dans l’amour (ἀγάπη, agapé) inconditionnel, la bienveillance et la non-violence (ahimsa) en particulier envers tous ces gens qui ne pensent pas comme nous et semblent vouloir nous contraindre, que nous trouverons l’antidote à la folie collective, que nous serons immunisés contre le poison qui menace de tous nous détruire. A chaque fois que nous sommes tentés de nous fermer, de nous contracter, de juger… nous sommes invités à trouver le chemin vers l’ouverture entière de notre être à ce qui est, dans la vulnérabilité. C’est la seule chose qu’exige de nous la situation en fait : ce « oui » entier à ce qui est. Quitte à ce que ce soit un « oui » à ma tristesse, mon désespoir, ma colère... mais alors je la prends en charge cette colère au lieu de la déverser sur le monde. Il s’agit simplement de nous laisser traverser en toute confiance par quelque chose qui est plus grand que nous, qui est infiniment bienveillant et en paix. A défaut d’un autre mot, je l’appelle avec bien d’autres l’Amour.

La question de notre responsabilité essentielle – encore une fois : response ability, capacité à répondre – se pose donc ainsi désormais à chacun.e d’entre nous :

- Qu’amènes-tu dans ce monde troublé ? Y déverses-tu ta peur, ton angoisse, ton agressivité, tes ombres irrésolues, tes émotions incendiaires… ou peux-tu te faire passage pour un sourire qui éclaire tout, une Lumière qui fait ressortir la Beauté de la Vie, cet Amour qui embrasse tout, une paix contagieuse... ?

Et si nous n’en sommes pas là, si nous ne sommes pas capables de cet amour ? Car l’amour, la paix, le pardon, et la liberté qui en découlent… sont le fruit d’un processus, d’un travail sur soi, avec Soi. Et bien il faut avoir d'abord l’honnêteté de le reconnaître et se mettre en chemin, en commençant par ne pas se juger, par s’aimer. Il ne faut rien forcer et de toute façon, il n'est pas possible d'être dans la paix et dans l'amour tout le temps. La paix absolue est une illusion elle aussi. Jung nous dit que l'individuation n'est pas une absence de conflit, mais « au contraire, implique une conscience intense du conflit ».  Chaque boulette d'obscurité est l'occasion d'un travail de conscience dans lequel il s'agit simplement de trouver notre place dans la tourmente (voyez à ce sujet ma discussion avec AdRien dans les commentaires). 

Mais si l'on est submergé par l'angoisse ou la rage, il faut peut-être aller chercher de l’aide. Il faut surtout avoir confiance dans la Vie qui n’abandonne personne, simplement s’ouvrir à la possibilité d’une transformation radicale. Car la voie étroite, finalement, c’est la voie du milieu qui réunifie les contraires, la Voie de l’Amour qui appose ce qu’il y a d’éternellement bon, beau et vrai dans l’existence, en face de ce qui toujours s’oppose…

C’est en cheminant, individuellement et ensemble, sur cette voie étroite que nous transformerons le feu destructeur qui menace d’embraser notre monde en ce feu d’amour dont parlait le père Teilhard de Chardin. C’est ce à quoi nous appelle ce grand rêve !


Une lumière inextinguible

Je terminerai en évoquant les mots de Albert Chambon dans son livre « oui je crois... », cité par Arnaud Desjardins dans « En relisant les Évangiles »11. Ce monsieur nous parle de la grâce qu’il a reçu en allant à Buchenwald. Si celles et ceux qui nous ont précédé et qui ont traversé l’horreur nazie ont su trouver une telle lumière au fin fond des ténèbres, de quoi avons-nous donc peur ? Qu’est-ce qui pourrait nous effrayer ?

Mais écoutons donc plutôt le témoignage de ce monsieur :

«  Six ans au-delà [d’une retraite à la Grande Trappe], je recevais la grâce de Buchenwald qu’il "valait la peine d’obtenir, même si l’on obtenait pas celle de la sortie", suivant le mot du père Leloir ; et il est vrai que dans le monde déshumanisé des camps de concentration, un extraordinaire privilège nous était offert à tous : celui d’atteindre sans efforts les sommets de la spiritualité. Littéralement dépouillés de tous les bien terrestres, loin de toute amitié, de toute affection, de toute tendresse et de tout amour, libérés des obligations auxquelles les hommes qui vivent en société sont astreints, privés du secours que la religion peut apporter, la foi pouvait ruisseler en nous. Tout apparaissait si clair, l’échelle des valeurs humaines si évidente, qu’il semblait ne plus y avoir choix pour d’autre chemin. Plus aucun brouillard ne nous empêchait de distinguer ce qui est essentiel ici bas de ce qui ne l’est pas. Nous ne pouvions que nous affliger d’avoir été si longtemps aveugles. La voie de Dieu était éclatante de lumière. Les yeux de nombre de déportés se sont fermé, ainsi, à la vie terrestre, dans une vision aveuglante de ce que doit être l’existence humaine pour être conforme aux desseins de la Providence divine. Quant à ceux qui, comme moi, ont eu le privilège de revenir de ces lieux maudits, il leur demeure comme une étrange nostalgie de cette vérité qui, alors, nous embrasait et nous a déserté peu à peu après notre retour parmi les vivants. »

* * *

Un projet a pris forme en marchant avec ce rêve dans la montagne. En continuité sensible avec les mots qui précèdent, parce qu’il faut amener tout cela dans le concret, je vous informe que ma compagne et moi-même envisageons de créer à l’automne un cercle de méditation qui se rencontrera virtuellement, et d’offrir des ateliers sur le thème

Rêver la terre de demain

Il s’agira :

- D’ouvrir un espace pour entendre et accueillir les peurs, les angoisses, et les images intérieures qui nous agitent quant à notre devenir collectif.

- De nous ancrer en terre par une attention amoureuse au corps, par le chant, la danse, et tout ce qui nous aidera à nourrir la reliance et à transformer les démons.

- De méditer et regarder en nous-mêmes pour y déceler et éclairer nos propres ombres.

- De nourrir la paix, la confiance, la joie et l’amour en se reliant dans le Cercle.

- D’aller enfin chercher des images intérieures pour la terre de demain, au-delà du voile noir qui nous empêche de voir le futur d’après la crise de transformation que nous vivons.

Pour celles et ceux qui s’en sentiront capables, il s’agira de contacter en esprit nos descendants et de bâtir avec eux un pont de lumière pour que nos époques se rejoignent…



1  J’écris ces mots en ce jour (9 août 2021) qui voit la publication du dernier rapport du GIEC, où l’avertissement est très clair : « c’est maintenant ou jamais ».

2 Voyez à ce sujet mon article « trou noir ».

3 Je vous suggère à ce sujet de lire Jérome Bernstein, Living in the Borderland.

5 Pour approfondir ces questions, que vous soyez « complotiste » ou non, je vous invite à lire « le mythe du complot » de Charles Eisenstein.

6 Voir mon article « la jeunesse du monde » et/ou ma vidéo « demain la paix ».

7 Voyez à ce sujet mon article « une couleur jamais vue » et/ou le livre de Marie-Louise Von Franz, les rêves et la mort.

8 A ce sujet, vous pouvez lire mon roman « l’arme absolue » qui explore la possibilité de transformer le monde par la bénédiction. Ici une présentation : https://voiedureve.blogspot.com/p/larme-absolue.html

9 Voyez mon article « paix dans le coeur ».

10 Voyez mon article « retourner le regard ».

11 Arnaud Desjardins, En relisant les Evangiles (page 240). Vous pouvez aussi lire ce livre remarquable sur Calameo : https://fr.calameo.com/books/000348612599f4534e618

mardi 3 août 2021

Le recours aux forêts

 


Temps de lecture : environ 20 mn.

Peu avant que notre Président bien-aimé nous annonce, en France, un nouveau tour de vis sanitaire, j’ai entendu le rêve suivant :

Je suis dans mon milieu de travail. Les contraintes se resserrent. Mes collègues m’observent et c’est comme s’ils espéraient que ‘’je craque’’, que je me plie aux nouvelles contraintes. On nous parle d’obligation vaccinale. Je résiste comme je peux à la pression. Je fais mon travail avec vigilance et je garde mon positionnent de départ. Mais quelqu’un me pousse dans la piscine. Je n’ai rien pu faire. Je me rends compte alors qu’ils contaminent tout, le poison vaccinal est directement injecté avec des seringues dans l’eau que l’on boit, l’eau même du robinet. Tout est désormais susceptible d’être contaminé. Je m’en vais alors, je quitte ce lieu de travail avec le sentiment que de toute façon, j’aurai bien du mal à échapper à la contamination si je reste plus longtemps. Et même ailleurs car toute l’eau est contaminée...

Nous y voilà donc, me suis-je dit en entendant ce rêve. Où cela ? A l’heure, bientôt, des choix décisifs. Au temps d’une prise de position dont les conséquences pourraient être lourdes. Pour nombre de mes ami.e.s, il s’agit de savoir s’ielles se feront vacciner, ou non, contre le COVID1. Résisteront-ielles à la pression sociale et à l’obligation vaccinale qui se dessine ? Ce sont les mêmes qui se sont insurgé.e.s, non sans quelques solides raisons, contre l’obligation de porter un masque, en soulignant ce qu’elle avait de l’absurde incantation autoritaire. Ce sont sur le fond des sujets délicats sur lesquels je n’ai pas la compétence qui me permettrait d’émettre un avis définitif, non sans être cependant particulièrement sensible à ce qu’ont subi les enfants et les jeunes avec cette obligation de se masquer et de se distancier. Mais je me demande surtout si au fond, de même que le COVID est le symptôme d’un mal plus profond qu’ont éclairé différentes réflexions2, le masque et le vaccin ne porteraient pas eux aussi un enjeu symbolique qu’il nous faut éclairer. C’est ce à quoi nous invite ce rêve, me semble-t-il, qui a clairement une portée collective et, au-delà des préoccupations personnelles de la rêveuse qui ressortent là, nous concerne tou.te.s. Au vu des dernières évolutions de la situation, il a clairement un caractère annonciateur et met en lumière, du point de vue de l’inconscient, la dimension dramatique de ce qui est en jeu. Il convient cependant de ne pas sauter trop vite aux conclusions et d’interroger sa dimension symbolique, et en particulier la nature du « poison vaccinal » qui y est évoqué...

Remarquons d’emblée la violence qui est au cœur de ce rêve, violence sociale dont nous avons désormais l’étalage dans les médias et qui est en train de partout se généraliser, par exemple à l’entrée des musées, des salles de cinéma, des bars et restaurants, des trains, etc. « Les contraintes se resserrent », nous dit le rêve – et encore une fois, il me faut rappeler que l’on semblait loin, au moment où il est survenu, de l’imposition systématique du passe sanitaire. Et qu’attendent nos dirigeants avec ces mesures sinon que celles et ceux qui refusent de se faire vacciner sinon qu’ielles « craquent » sous la pression sociale ? Ils préservent ainsi les apparences de la démocratie et évitent d’imposer l’obligation vaccinale tout en faisant de tous ceux qui croient fermement que le vaccin est la solution à la crise, et de ceux qui devront vérifier les passes sanitaires, les vecteurs de la pression sociale, les agents de la violence collective faite à la liberté individuelle. Cette violence gangrène les esprits, au point que certains ténors politiques appellent à conduire les récalcitrants aux centres de vaccination « les menottes aux poignets ». Récemment, j’ai été estomaqué d’entendre un de mes "amis" Facebook, au demeurant une personne intelligente et démontrant une certaine conscience politique, expliquer qu’il en viendrait volontiers aux poings pour faire entendre raison aux personnes qui refusent de se vacciner, à défaut d’autres arguments. C’est dire l’indigence de la pensée qui entoure ces questions. Nous devons imputer directement ce climat délétère à ceux qui divisent la population en instrumentalisant la peur, et en désignant à la vindicte populaire les antivax et autres « complotistes », accusés de propager l’épidémie.

En écho à cette violence, une forte angoisse ressort du rêve. Je suis convaincu pour ma part que cette angoisse est saine car elle apparaît ici comme un signal d’alarme devant la situation. Elle n’est pas sans rappeler l’angoisse qui s’exhale des rêves présentés dans l’excellent documentaire « rêver sous le capitalisme », ou encore dans les rêves rapportés dans l’étude remarquable de Charlotte Béradt « rêver sous le IIIème Reich » qui a inspiré la démarche de ce documentaire. A chaque fois, on peut voir comment l’âme est malmenée autant, sinon plus encore, que les corps par un système dont ressort la nature intrusive, qui vise à contrôler les esprits, et il faut bien le dire, totalitaire. Ici, celle-ci est clairement évoqué par le rêve quand il dit :

« Je me rends compte alors qu’ils contaminent tout (...). Tout est désormais susceptible d’être contaminé (...) toute l’eau est contaminée... »

La répétition de ce « tout(e) » dans le matériau objectif du rêve n’est pas fortuite. Elle pointe précisément le sentiment de la rêveuse, partagé plus ou moins consciemment par de nombreuses personnes, de faire face à un nouveau totalitarisme fondé sur une pensée unique qui ne tolère pas la contradiction, une novlangue qui prétend que « la vaccination rend libre » (paradoxe sémantique qui n’est pas sans rappeler le tristement célèbre « Arbeit mach frei »), une société du contrôle3 qui écrase ses opposants en les excluant et en tentant de les accabler de honte4. Cette société, nous la voyons déjà à l’œuvre en Chine, où un citoyen, scruté de tous côtés par les caméras et les systèmes de contrôle, peut voir son portrait apparaître sur un abri bus parce qu’il n’a pas payé ses impôts. Elle ne relève pas du fantasme, et il semble bien que ce modèle chinois – le seul, nous serine-t-on insidieusement, qui ait réussi à endiguer la pandémie – fascine nos dirigeants. Dans ce contexte qui agite l’inconscient collectif, il est bien naturel de ressentir de l’angoisse. C’est plutôt de n’en pas ressentir, de ne pas être conscient.e de la peur instillée autour du virus et de la manipulation de masse qu’elle permet, et de n’attendre que le retour au « business as usual », qui sont des symptômes inquiétants d’inconscience…

Il est certainement exagéré de crier à ce point en France à la dictature – c’est faire fi de ce que subissent ceux qui subissent justement une telle dictature, à Hong Kong et au Xinjiang, à Moscou et en Biélorussie, etc. L’évocation de l’étoile jaune ne semble guère judicieuse non plus, tant elle attente à la mémoire des victimes de la Shoah, qui n’étaient pas persécutés du fait d’un choix de conscience. Mais ces excès de langage – dont le principal défaut est de prêter le flan à une ridiculisation par les médias des idées qu’ils veulent illustrer – cherchent à mettre en évidence quelque chose que nous avons du mal à cerner, que la philosophe Barbara Stiegler désigne dans son remarquable essai « Démocratie en Pandémie » comme un nouveau continent politique, la Pandémie. Il s’agit d’une sorte d’état d’urgence permanent, comme nous le connaissons en France depuis 2015, qui de crise en crise permet d’euthanasier silencieusement la démocratie. Une des vertus de la situation est d’avoir suscité chez beaucoup de gens une nouvelle conscience politique, parfois empreinte de naïveté – mais qui dit « naïveté » dit aussi fraîcheur bienvenue. A l’inverse de cette fraîcheur, il faut bien s’avouer que le projet libéral autoritaire qui se dessine sous nos yeux n’a rien de nouveau. Au contraire, il est clair que la pandémie n’aura été qu’une aubaine pour l’accélération de tendances lourdes du capitalisme, en particulier dans la numérisation de l’économie et la généralisation du contrôle de masse. Quant à qui profite le crime, il suffit pour s’en rendre compte de se pencher sur l’énormité des profits engendrés par la crise pour les GAFA5, l’indécence des bénéfices réalisés par les entreprises pharmaceutiques avec les vaccins (dont on aurait pu penser, s’ils devaient « sauver » l’humanité, qu’ils seraient des biens publics), mais aussi sur les 300 milliards6 d’euros de profits supplémentaires réalisés par les ultra-riches en France en 2020 pendant qu’un million de personnes s’appauvrissaient...

L’inconscient ne fait pas de politique. Mais il sent que quelque chose ne va pas, et il explicite l’angoisse ambiante. Dans le rêve, il y a plusieurs évocations symboliques de l’inconscient. Il est ainsi frappant que quelqu’un pousse la rêveuse dans la piscine, ce à quoi elle ne peut rien malgré le fait qu’elle maintient son positionnement et fait son travail avec vigilance. La piscine symbolise volontiers l’inconscient collectif dans une dimension groupale et artificielle – à la différence par exemple de la mer qui évoque l’inconscient collectif dans sa dimension universelle et naturelle. On pourrait dire que la rêveuse ne peut éviter de se retrouver « dans le bain » des émotions engendrées par la situation et que le rêve la prévient qu’elle risque, avec cette pression collective, de vivre une grande crise personnelle, de se trouver aux prises avec cet inconscient groupal. Mais l’information la plus significative du rêve nous parvient au travers de l’image de l’eau contaminée par le poison vaccinal. C’est jusqu’à l’eau que nous buvons, c’est-à-dire que nous amenons à l’intérieur de nous, qui est contaminée. L’eau symbolise très généralement l’inconscient, en particulier dans sa dimension émotionnelle. Le rêve nous dit clairement : « toute l’eau est contaminée ». Cela ne peut se comprendre que d’une seule façon : le rêve nous prévient que nous sommes face à une psychose collective – l’inconscient lui-même est empoisonné. Il est pour ainsi dire impossible d’y échapper.

Mais quelle est donc la nature de ce poison partout répandu ? De quoi le rêve veut-il nous parler quand il évoque le « poison vaccinal » ? Je ne crois pas que l’inconscient cherche à nous prévenir de ce que les vaccins contre le COVID vont tuer tous ceux qui se les font injecter. Ici, il s’agit à l’évidence d’un symbole. Il est relativement facile de comprendre de quoi il s’agit quand on remarque que le vaccin cristallise aujourd’hui toutes les peurs associées au virus...

D’une part, il concentre les fantasmes de tous ceux qui espèrent être immunisés par la petite piqûre, comme une espèce de remède miracle contre la mort – car finalement, notre société pourrait bien avec le COVID simplement être en proie à l’angoisse de notre mortalité, dans la poursuite d’un rêve fou d’échapper à la mort. C’est là, précisément, que ressort la dimension psychotique – c’est-à-dire niant la réalité – de la crise actuelle. Rappelons-nous, comme le souligne l’excellent essai (quand la psychose fait dérailler le monde) de Renaud Girard et Jean-Loup Bonnamy, que la grippe espagnole a tué en son temps plus de personnes que la 1ère guerre mondiale, et que la grippe de Hong-Kong en 1968 a tué un million de personnes sans affoler plus que cela le landerneau. Aurions-nous oublié que les épidémies ont toujours fait partie de la réalité humaine ? Serions-nous en proie à une ambition démente, une hubris, qui nous fait fantasmer une immortalité technologique, obtenue grâce à une savante combinaison de biotechnologies et de cybernétique, comme celle que poursuivent les transhumanistes ? On peut penser aussi que le vaccin symbolise l’espoir que nourrissent beaucoup de gens d’un retour à la normale du monde d’avant, c’est-à-dire à la consommation de masse et au business comme toujours – un fantasme de l’immortalité du capitalisme, qui aura toujours des solutions techniques à offrir devant la crise écologique prévisible...

D‘autre part, le vaccin concentre les peurs de ceux qui y voient un projet démoniaque de contrôle de l’humanité par des nano-puces, une expérimentation génétique visant à modifier l’ADN des receveurs ou une arme biologique conçue pour éradiquer la plus grande partie de l’humanité. De telles affirmations prêtent à sourire et sont facilement rangées sous l’étiquette de « théorie du complot » sans chercher à comprendre ce qu’elles recouvrent. Il faut dire qu’elles sont souvent décrédibilisées par des gens qui les professent mais ne s’embarrassent pas trop de respect de la vérité, comme cette pharmacienne qui est allée dire publiquement que les tests de vaccins ARN sur les animaux avaient été arrêtés car tous les animaux soumis à l’expérimentation étaient morts. Cette thèse farfelue a été lancée sans aucune preuve par Bob Hall, un sénateur américain proche de Trump, et ce qui est intéressant, c’est qu’elle soit reprise alors qu’il existe des preuves du contraire, accessibles à toute personne s’intéressant vraiment au sujet. Cela fait ressortir la dimension mythique des théories du complot, comme le souligne merveilleusement Charles Eisenstein7, c’est-à-dire que ces théories sont porteuses d’une vérité qui n’est pas scientifique ou factuelle, mais symbolique. Elles expriment des peurs, des angoisses qui agitent l’inconscient collectif, qui nous renvoient précisément à la conscience diffuse de la mise en place d’un nouveau totalitarisme dont je parlais plus haut. Dès lors, les extrémistes comme ce sénateur qui pratique allègrement la post-vérité et ceux qui répercutent ces thèses jouent le rôle d’idiots utiles qui empêchent toute réflexion critique en vous mettant, dès lors où vous contestez les thèses officielles, dans le camp des trumpistes. C’est ainsi que la démocratie est régulièrement prise en otage, selon une stratégie désormais éprouvée, par exemple quand une élection ne laisse d’autre choix qu’entre un représentant du néo-libéralisme débridé et une pseudo-égérie fascisante. C’est le principe même de la mécanique de la peur qui annihile toute réflexion en l’enfermant entre deux fausses alternatives aussi inacceptables l’une que l’autre.

Le vaccin symbolise donc merveilleusement ce nœud coulant de la peur qui enserre l’âme et fait le lit d’une vision totalitaire de l’existence. De ce point de vue, la question n’est pas tant « se faire vacciner ou ne pas se faire vacciner ? », ce qui relève du choix individuel, que dans quel état d’esprit poser ou non cet acte, prendre position. Si la vaccination est une injection de peur, elle relève du poison psychique. Mais il en va de même pour ceux qui projettent leur angoisse sur le vaccin, comme si une injection de ce dernier devait les transformer en zombies – leur peur fait d’eux, sans même une piqûre, de tels zombis. A ce point où nous devons tou.te.s, même les plus savant.e.s d’entre nous, avouer l’impossibilité de savoir de quoi il en retourne vraiment sur le fond de nombreuses questions, il faut examiner les émotions attachées aux affirmations que nous lançons, souvent avec véhémence, dans le monde. Avec tout ce que nous faisons, tout ce que nous disons, il convient de nous demander si nous alimentons la peur, la colère et la division, le ressentiment et la suspicion, ou si nous sommes capables de faire preuve d’humanité, de compassion et de compréhension même envers les personnes qui ne pensent pas comme nous. Car tout ce qui nous dresse les uns contre les autres, nous sépare de nos frères humains, relève du poison...

Mais alors, quelle solution s’offre-t-elle à nous devant la chape de plomb totalitaire qui s’abat sur notre monde ? Le rêve semble bien pessimiste quand la rêveuse quitte son milieu de travail. Elle aura bien du mal à échapper à la contamination...

Je ne prétends pas avoir de pistes à offrir pour une solution collective au problème qui se pose à nous. Tout au plus puis-je proposer des éléments pour une solution individuelle que je mûris pour moi-même, et qui pourra en inspirer d’autres. Celle-ci repose essentiellement sur ce que Ernst Jünger a appelé « le recours aux forêts », faisant allusion par là au droit ancestral de faire sécession avec la folie collective. Dans « le traité du rebelle », il évoque ainsi la figure légendaire du Waldgänger : il s’agit d’avoir la possibilité de se dégager mais sans fuir, de se retirer du jeu social tout en l’observant, de ne plus jouer, de ne plus y croire tout en s’efforçant d’être aussi lucide que possible, de rester sur place mais en démissionnant intérieurement, de se replier. Le « recours aux forêts » emprunte à la tradition nordique qui permettait à un homme de faire sécession du clan pour aller s‘établir seul dans la forêt. Il pouvait vivre libre, à condition d’accepter de devenir une cible légitime pour les membres de la tribu. Il assumait pleinement sa liberté, sans rien demander à personne. Pour bien comprendre de quoi il pourrait s’agir en terme d’attitude intérieure dans le contexte contemporain, à l’heure où les forêts encore vouées à la vie sauvage se font trop rares pour que nous puissions nous y réfugier, il nous faut nous arrêter sur la nature de cette psychose collective à laquelle nous sommes confrontés. Et pour cela, il n’y a rien de mieux que de la mettre en perspective élargie.

Jung a mis en évidence dans son livre « Aspects du drame contemporain » (en particulier l’essai « après la catastrophe ») comment l’Allemagne avait basculé entre 1933 et 1945 dans une psychose collective. Au-delà des éléments historiques couramment avancés pour expliquer la folie nazie, comme l’injustice du Traité de Versailles qui a écrasé l’Allemagne et la violence de la crise économique de 1929, Jung a souligné comment l’éloignement de la nature instinctuelle au profit d’un rationalisme débridé accroît « le danger d’une infection psychique et d’une psychose des masses». Au XXème siècle, la psychose a ainsi frappé une des nations les plus cultivée du monde occidental, comptant par exemple le plus grand nombre de philosophes, de scientifiques, de musiciens… et elle a mis l’Europe à feu et à sang. Déjà, on pouvait observer une mise entre parenthèses de la démocratie avec la montée de régimes autoritaires. Ce n’est pas un hasard mais bien plutôt le signe de l’approche des limites intrinsèques à notre mode civilisationnel de relation à la nature – notre propre nature autant que la nature qui nous environne – et au mythe de la croissance indéfinie, qui ne peut conduire qu’à l’effondrement sur lui-même d’un édifice déraciné, hors de la Vie. On peut craindre aujourd’hui que la psychose ne se généralise désormais au monde entier, contaminé par le matérialisme et la pseudo-rationalité économique qui caractérisent notre monde. Ainsi la pandémie peut elle être envisagée, selon Richard Horton, le rédacteur en chef d’une des plus prestigieuse revues internationale de médecine, comme une syndémie, c’est-à-dire moins le fait d’un virus qu’une maladie causée par l’état du monde. LAmerican Way Of Life, dont l’universalisation est symbolisée par la présence d’un Mac Donald sur la place Tien Anmen à Beijing – réalisant ainsi l’hybridation redoutable du capitalisme dans sa logique de profit immédiat avec le projet totalitaire de l’État tout contrôlant du Parti Communiste Chinois – pourrait bien avoir été le vecteur d’un virus autrement plus mortel que le COVID, qui n’en serait finalement qu’un épiphénomène pour ainsi dire anecdotique.

Ce virus, c’est selon moi l’analyste jungien Paul Levy qui en parle le mieux, entre autre dans son livre « dispelling Wetiko ». Il le désigne sous le nom algonquin de Wetiko, qui fait référence à un esprit cannibale animé par l'avidité, l'excès et la consommation égoïste. Plus généralement, ce virus mental, qui est la source d’une maladie psycho-spirituelle généralisée dans notre culture, cultive la peur et se nourrit du sentiment erroné de séparation. C’est une maladie de l’esprit, une psychose au sens profond du terme, qui nous invite à considérer tout ce qui nous entoure avec le regard du prédateur qui cherche à exploiter la nature, les autres… comme si nous en étions séparés. Notre monde est en proie au Wetiko depuis longtemps, et il semble que le coronavirus mette simplement ce fait en évidence, rendant plus clairement visible que jamais le virus psychique qui pourrait bien nous détruire à terme. Car au-delà de la crise du COVID, c’est la perspective de l’effondrement de notre civilisation techno-industrielle qui se profile à l’horizon avec des désordres climatiques grandissants, et un ensemble d’indicateurs8 qui signalent que notre planète est à bout de souffle. On peut même se demander si la pandémie ne servirait pas à détourner notre regard de problèmes bien plus létaux à moyen terme, qui requièrent un changement radical de structure économique et sociale. On pourrait rire, si ce n’était si triste, de ce que le principe de précaution soit invoqué pour justifier la vaccination de masse quand il est clairement balayé sous la table dès qu’il s’agit du réchauffement climatique. Déjà, les Allemands ont vécu dans les années 1930 quelque chose qui tenait de l’effondrement sociétal avec l’inflation engendrée par le krach boursier de 1929. Il se pourrait que ce qu’ils ont alors vécu ait tenu de la répétition locale de ce que nous pourrions vivre de façon mondiale si le système financier international s’effondrait. Or la psychose collective semble aller dans des manifestations aiguës avec l’effondrement psychique qui accompagne de tels bouleversements sociaux. Dès lors, il me semble qu’il convient pour commencer de nous mettre à l’écart afin de tenter de préserver notre raison et notre santé dans ces conditions de tempête collective.

Un rêve m’en avait prévenu voilà quelques années, dans lequel je voyais le Dalaï-Lama interrogé à la télé. On lui demandait ce qu’il convenait de faire pour changer le monde, et il souriait en disant :

- Il faut surtout éviter d’être pris sous les décombres quand le système s’effondrera.

Ensuite, il me semble qu’il nous faut rechercher d’autres façons de vivre ensemble et de penser le monde que celles qui sont inspirées par le Wetiko, et ainsi préparer l’avenir au-delà de l’effondrement. J’ai déjà parlé d’un de mes rêves9 qui faisait ressortir que, pour survivre à la grande vague qui engloutit le monde, il faut prendre bien soin de nos relations – au-delà du fait de veiller à ne pas nous isoler, il s’agit aussi de cultiver l’état d’esprit symbolisé par la formule Lakota « mitakuye oyasin » (à toutes mes relations), qui souligne l’interdépendance entre tous les êtres. J’aimerais, avec beaucoup d’autres, croire qu’il serait encore possible qu’un sursaut collectif fasse reculer la machine totalitaire qui nous broie. Il faudrait une immense remise à plat de tout notre système socio-économique, que même les tenants de la terre plate n’osent espérer. Mais je crains que nous ayons à nouveau surtout l’occasion de réfléchir sur le désir de servitude volontaire10 du plus grand nombre, sans lequel aucune tyrannie ne tiendrait. Dès lors, le seul rempart contre le désespoir et la peur est donc de s‘ancrer dans l’amour et la foi, c’est-à-dire dans la certitude intérieure que tout ira bien et finira par servir un plus grand bien que nous ne saurions imaginer aujourd’hui. Il ne s’agit pas là de se complaire là dans un optimisme béat mais d’apposer à la nuit la force intérieure qui nous fait voir que l’essentiel est inaltérable, même par un poison vaccinal ou une psychose collective, et que « rien de ce qui est réel ne peut être menacé ». Il me semble évident à partir de là que l’enjeu est désormais surtout personnel et spirituel, et que chacun de nous peut voir en lui-même se dessiner la frontière entre la clarté et l’obscurité qui pourrait l’engloutir. La résistance est d’abord intérieure, et la nature, mieux que nous, saura abattre ce système infernal. Je songe en disant tout cela à un rêve que rapportait11 il y a quelques années Pierre Trigano :

Je suis au bord de l’océan et je vois arriver sur la côte à grande vitesse une immense vague de tsunami. Il n’y a aucun moyen de lui échapper. Je réalise qu’au milieu de la vague tourne sur elle-même une immense roue en acier que l’on ne remarque pas en premier. Je me dis qu’elle va tout broyer sur son passage. J’en suis terrifié et j’ai l’impression qu’il ne sert à rien de fuir : nous allons tous être rattrapés, noyés et broyés. Mais subitement, la vague et la roue se transforment en un esprit maléfique invisible qui efface et fait disparaître impitoyablement à l’échelle du monde tous les livres, toutes les cultures, toutes les traditions, j’en suis terrifié.

Il y a un seul recours : pratiquer le nom divin Adonaï.

Adonaï est le nom qui est donné à Dieu après qu’il se soit manifesté à Moïse au Sinaï. On le traduit généralement par « Seigneur ». Une subtilité implicite à ce nom de Dieu est qu’il s’agit d’un pluriel, ce que je comprends pour ma part comme une explicitation de la non-dualité de l’Un. On en revient là à la non-séparation essentielle. Quant à « pratiquer Adonaï », il faut relever d’abord qu’il s’agit d’une pratique, comme on pratique la méditation. On peut l’entendre comme une invitation à se relier à plus grand que soi dans une attention constante à la non-dualité du réel, comme la seule façon d’éviter d’être submergé par la peur, emporté par la psychose collective. Il s’agit de de s’enraciner dans une vision spirituelle de l’existence qui seule permet de regarder la réalité de la mort en face sans « perdre les pédales ». Alors, même la vague, la roue destructrice et l’esprit maléfique apparaissent comme des éléments du processus archétypal de mort/renaissance dans lequel la Vie ne cesse de se transformer. La psychose elle-même s’avère dans cette perspective être un processus initiatique qui tourne mal, au moins apparemment, mais il est possible à cielles qui feront le travail intérieur requis d’intégrer l’Inconscient au lieu d’être noyé par celui-ci. Le signe le plus certain de cette intégration est la capacité de concilier les opposés au lieu de s’identifier à l’un d’entre eux, et découlant de cette conciliation, l’ancrage au centre du cyclone où l’on trouve une certaine paix qui va avec le détachement. Cela n’empêche pas de ressentir la peur, l’angoisse, la colère, et toute la gamme des émotions mais au lieu d’être emportées par celles-ci, la conscience les intègre comme des mouvements intérieurs passagers, des nuages qui traversent le ciel et se dissolvent dans l’espace grand ouvert. Dès lors l’effondrement inéluctable se révèle être une opportunité d’éveil, tout comme un diagnostic fatal peut l’être pour un individu, éveil à la réalité de ce qui demeure au-delà de la forme, à ce qui ne meure pas. Pour réaliser cet ancrage dans l’essentiel, pour faire ce travail intérieur salvateur, il semble, comme le souligne aussi Pierre Levy, que l’écoute des rêves s’impose comme un des antidotes au Wetiko. Et justement, comme je m’interrogeais profondément sur toutes les questions que je brasse dans cet article, et sur l’attitude intérieure qui s’impose devant cette situation collective, un ancien rêve m’est revenu. C’est un rêve qui m’a parlé, en le revisitant, du recours aux forêts et qui prend tout son sens désormais.

Dans celui-ci :

Je suis devant un sous-bois. A mes pieds, il y a un petit ruisseau qui serpente. J’ai, en le contemplant, le sentiment qu’il se produira quelque chose d’irrémédiable si je le franchis et m’enfonce dans la forêt, qui me semble accueillante. Soudain, j’entends tout un tumulte derrière moi et je me retourne. A une centaine de mètres, il y a un tronçon d’autoroute qui débouche dans le vide et sur celui-ci, des gens en train de vociférer. Il y a des banderoles, des drapeaux de différentes couleurs, et je comprends que ces gens sont en train de manifester. Face à eux, je distingue des véhicules jaunes que je ne reconnais pas tout d’abord, puis dont je comprends que ce sont des bulldozers. Derrière ceux-ci, il y a des forces anti-émeutes en rangs serrés. J’entends des explosions sourdes, je vois du gaz s‘élever au milieu de la foule des manifestants, qui suffoquent. J’aperçois un groupe de jeunes gens tout en noir courir le long du tronçon pour tenter d’approcher des forces de l’ordre en lançant des projectiles – je me dis « ah, les copains sont là ! » et je suis tenté de rejoindre la manifestation. Et puis il y a une détonation et un des jeunes se prend la tête entre les mains avant de tomber. Les autres refluent en emmenant son corps inerte. Les bulldozers avancent irrémédiablement. Mon cœur se serre. Je vois une jeune femme mettre un genou en terre au premier rang des manifestants et brandir devant elle une plume d’aigle. Un instant, cela semble arrêter les bulldozers mais ils reprennent bientôt leur avancée. Déjà, des gens à l’autre extrémité du tronçon tombent en hurlant dans le vide…

Je regarde à nouveau devant moi, cette fois avec un frisson dans le dos. La forêt me paraît sombre désormais, presque menaçante. Mais je n’ai pas le choix, me dis-je. Je ne survivrai sans doute pas longtemps car je suis trop urbain pour vivre dans la nature sauvage, mais alors je vais mourir là, au contact de la grande Vie naturelle, en homme libre. Et puis même si je suis seul, s’il me faut franchir ce seuil tout seul, j’ai l’intuition qu’il y en aura d’autres qui choisiront la forêt. Alors, je franchis d’un pas décidé le ruisseau.

Bien sûr, la forêt est intérieure. Et elle est habitée de silence. J’y retourne immédiatement, avec l’espoir de peut-être vous y rencontrer. Nous y cultiverons des îlots de lumière et nous y rêverons d’un autre monde, dans lequel notre humanité sera réconciliée avec la nature. Un monde plus beau, qui est déjà présent pour qui a les yeux et le cœur ouverts…


PS: A peine ai-je posté cet article que je reçois une notification à propos d'un texte de Carl Jung, tiré de Présent et Avenir, qui vient d'être posté sur le blogue "grands rêves", qui me semble étayer les réflexions que je propose ici : L'individu et l'Etat. Je reçois aussi un grand rêve qui parle d'empoisonnement... et bien sûr, je ne peux éviter de penser à de fortes synchronicités !

Je parle de ce rêve dans un nouvel article, qui fait donc suite à celui-ci : la voie étroite.


NOTES

1 Avec la philosophe Barbara Stiegler et pour les mêmes raisons, je refuse de parler de « la » COVID-19 : https://www.youtube.com/watch?v=DKee-NveOFw&t=701s (4:48)

2 Parmi ces réflexions, je recommande tout particulièrement l’article de Charles Eisenstein intitulé « le couronnement » ainsi que l’analyse proposée par Paul Lévy, « Covid-19 is a a Symbol of a Much Deeper Infection - The Wetiko Mind-Virus » sur laquelle je reviendrai...

3 Voir à ce sujet les réflexions de la philosophe Barbara Stiegler, par exemple dans cet article : Les autorités détournent les questions sanitaires pour instaurer une société de contrôle

4 Voir l’excellente tribune du socio-anthropologue Pascal Ducourneau : Le passe sanitaire n'oblige pas à la vaccination mais en vient à gêner...

9 Voyez l’article « la jeunesse du monde » que j’ai publié en mai 2015, et la vidéo « demain la paix » que j’ai postée en novembre 2020.

10 Plus que jamais, il convient de méditer « le discours de la servitude volontaire » d’Étienne de la Boétie, qui demeure d’une actualité brûlante et devrait selon moi être étudié à l’école.

11 Source : « La domestication de l’humanité est-elle définitive », un article de Pierre Trigano dans « À l’écoute du symbole », septembre 2006. J'ai parlé déjà de ce rêve dans un autre article : Paix dans le coeur.