dimanche 3 décembre 2017

Sacrée liberté


En quelques semaines, mon article "au-delà du polyamour" est devenu le billet le plus lu de ce blogue avec plus de 10000 lectures. J’avoue que cela m’a surpris, même si j’étais conscient de toucher à un sujet brûlant. J’ai reçu beaucoup de messages et j’ai eu le plaisir d’échanger avec des personnes de tous horizons. Mais j’ai craint aussi d’être mal compris et en particulier que l’on me prête de militer pour le polyamour. Or je ne milite pour rien – je n’aime guère ce mot qui de « militer » nous renvoie à la milice (en latin « militia ») et aux militaires. Mon propos était clair, je crois, pour qui s’est donné la peine de lire mon (long, j’en conviens) article jusqu’au bout : le polyamour est dans l’air du temps, une de ces questions incandescentes sur lesquelles nous sommes assis en vivant dans le présent, plus ou moins inévitable… mais il s’agit d’aller au-delà de ce qui pourrait ressembler à une nouvelle idéologie amoureuse qui fait malheureusement trop souvent l’économie de l’engagement pour interroger : notre amour, qu’il soit exclusif ou ouvert, est-il vraiment libre ?

Libre de nos conditionnements, libre de notre blessure affective ?

Je ne milite pour rien, donc, mais s’il faut rompre des lances, en ce qui me concerne, c’est pour la conscience et la liberté. Pas pour une idéologie, une religion, ou par exemple pour un tantrisme dévoyé qui justifie tout et n’importe quoi en niant ce qu’il y a de profondément humain dans l’attachement affectif. Mon postulat personnel est que tout est bon si on y met de la conscience, et tout est mauvais si on est inconscient de ce que l’on fait. Le papillonnage déguisé en polyamour dessert ce dernier par manque de conscience, en le confondant avec son ombre. La vraie question me semble toujours être la liberté, et par exemple la liberté de l’être aimé. La liberté est indissociable de l’amour, et réciproquement. Il se pourrait que ce soit deux noms que nous donnions à un même mystère.

Mais qu’est-ce donc que la liberté ?

Tout comme avec « amour », nous avons là un mot qui est employé à toutes les sauces au point que son sens se dilue dans le vide. Il y a là cependant une idée qui est au cœur de notre modernité, et par exemple de nos systèmes politiques avec le projet démocratique, de notre économie avec le néo-libéralisme, et de notre vision de l’existence d’homo occidentalis qui danse au bord du gouffre de la catastrophe écologique. Là où nos ancêtres du Moyen-Âge mettaient Dieu au centre de leur weltanschauung, nous mettons la liberté dont la proclamation ouvre notre Déclaration des Droits de l’Humain : il parait que nous naissons tou(te)s libres. On aimerait que cette liberté soit mieux partagée sur la planète, en particulier selon qu’on soit homme ou femme, riche ou pauvre, né(e) dans tel pays ou dans tel autre. Mais si l’homme moderne a donc une religion universelle, c’est bien celle de la liberté qu’il projette fréquemment dans sa voiture, dans son compte en banque ou dans sa façon de s’habiller, sans la vivre vraiment bien souvent : nous troquons généralement notre liberté contre la sécurité d’un salaire, d’un abri dans la structure collective. Nous faisons de la liberté un maître mot qui justifie tout et en particulier nos manquements à nous-mêmes ou aux autres. C’est aussi une marque de yoghourt[1] qui permet de vendre une idéologie ou un produit, et nous la confondons avec la possibilité de choisir, la réduisant ainsi au concept de liberté d’un mécanisme. Cela devient alors la liberté de choisir entre plusieurs marques de chips au supermarché…

Mais la liberté, c’est beaucoup plus que cela.

On pourrait dire, me semble-t-il, que la liberté est des noms de Dieu à notre époque, c’est-à-dire que c’est un concept limite qui désigne quelque chose de numineux à quoi s’attache la plus haute valeur. C’est une voie spirituelle, un chemin de croissance en conscience, une exigence radicale de notre temps. Il n’est pas facile du tout d’être libre. En fait, si, c’est très facile parce que c’est ce qui nous est le plus naturel, mais c’est ce qui fait que c’est aussi très difficile. Il faut oser la liberté, qui implique la solitude, l’insécurité, le courage de ne plus se raccrocher à rien de connu pour simplement être qui on est.

Vous l’aurez compris si vous suivez ce blogue, et en particulier si vous avez lu les articles que j’ai consacré à l’anarchie mystique[2], la liberté est une de mes obsessions favorites. À quoi peuvent nous servir les rêves, sinon à être de plus en plus conscients, c’est-à-dire libres de tout ce qui nous conditionne, de tout ce qui nous éloigne de nous-mêmes ? Je vous propose ici une exploration de quelques aspects de cette divine liberté qui est notre droit de naissance, notre nature la plus essentielle... sans prétendre faire le tour du sujet, mais simplement pour l’ouvrir à tous les vents. Ce sont simplement quelques notes de recherche que je vous partage là en espérant que cela me vaudra d’autres ouvertures.

À l’origine de cette réflexion, il y a un rêve. Il y a une vingtaine d’années, j’ai rêvé que je me trouvais devant un tombeau du XIIème ou XIIIème siècle dans lequel était enterré un chevalier. Il me fallait ouvrir cette tombe et comme je m’attelais à la tâche, il m’était dit que ce chevalier était bien plus libre que je ne l’étais moi-même. Ce message était tout à fait paradoxal pour moi, qui mettait alors ma liberté dans mon drapeau noir d’anarchiste : au Moyen-Âge, on n’était pas libre de ses choix, me disais-je, on vivait sous le joug de la féodalité et des tyrannies. Lentement, l’idée que le chevalier pouvait cependant être libre d’une liberté intérieure bien plus grande que la mienne s’est insinuée dans mon esprit. Et puis un jour, je suis tombé en arrêt devant une phrase de Jung que pourtant je connaissais bien :

« Ce que l’on appelle exploration de l’inconscient dévoile en fait et en vérité l’antique et intemporelle voie initiatique. La doctrine de Freud est une tentative d’ensevelissement pour se protéger des dangers de la "longue route", seul un chevalier risquera la "queste et l’aventure". »

Tiens, me suis-je alors dit : c’est ainsi qu’on peut vivre la quête chevaleresque à notre époque ! J’ai commencé à prendre conscience de ce que la véritable liberté pourrait requérir une initiation. Il y a une liberté de surface, une liberté extérieure dans laquelle je peux être complètement inconscient de mes motivations, de ce qui m’anime. Et puis il y a une liberté qui va avec la connaissance de soi, la conscience de notre véritable nature. C’est ce qu’évoque Mencius quand il disait :

« Celui qui va jusqu'au bout de son cœur connaît sa nature d'être humain. Connaître sa nature d'être humain, c'est alors connaître le ciel. »

Le ciel, c’est l’illimité. Par contraste avec la terre, où règne la pesanteur. Dans les rêves, les voyages en avion, les oiseaux ou le fait de voler sont souvent des références à cette liberté symbolisée par le ciel, qui est aussi le Créateur dans le Yi-King. Dieu est censé être dans le ciel, c’est-à-dire que rien ne le limite : être Créateur, qui plus est tout-puissant et omniscient, c’est n’être entravé par rien, être entièrement et totalement libre. Cependant, nous êtres humains ne pouvons pas vivre sans limites, sans lois et sans formes dans lesquelles nous définir : nous avons besoin de la terre. Nous sommes entre terre et ciel. Nous sommes ce paradoxe qui relie la terre et le ciel, dans lequel le plus limité s’unit à l’illimité…

Quand on s’en tient à la seule liberté extérieure, on croit volontiers que la liberté tient à l’absence de contraintes. On assimile la liberté à la capacité de choisir, que ce soit le programme télé, la marque de chips ou le politicien que l’on nous propose. Or cette définition de la liberté est entièrement mécanique : elle est à rapprocher de la notion de « degré de liberté » dans un mécanisme, qui se définit comme « indiquant la possibilité pour un système d'évoluer dans une direction non contrainte » (Wikipedia). Dans cette conception mécanique de la liberté, nous projetons le fait qui veut que nous sommes nous-mêmes mécaniques dans notre inconscience : tant que nous sommes mus par nos complexes affectifs sans introduire de conscience dans ceux-ci, nous sommes mus par nos réactions. Il suffit d’appuyer sur quelques boutons pour nous faire réagir et nous manipuler. Gurdjieff soulignait que tant que nous n’avons pas pris conscience de notre multiplicité intérieure, de comment nous sommes agis par les sous-personnalités auxquels nous nous identifions d’instant en instant, l’être humain n’est pas vraiment advenu en nous. Il est logique dès lors que nous ne puissions concevoir la vie, le monde et nous-mêmes que dans un déterminisme mécanique de causes et d’effets où la liberté s’inscrit dans le seul champ clos de nos pulsions, nos mémoires et nos croyances limitatives.

Mais il y a une autre qualité de liberté que l’on pourrait définir comme tenant de la liberté créatrice, de la capacité de créer notre vie avec les contraintes qui nous sont données. Il est possible de passer de la réaction à la création. C’est une liberté intérieure qui se conquiert de haute lutte. Dans un monde livré au totalitarisme du marché, du contrôle de l’information et de la manipulation de masses, c’est peut-être notre seule véritable liberté. Nous verrons où se cache cette capacité créatrice inaliénable mais que bien peu réclament. Pour l’instant, remarquons que dans le désir d’une vie sans contraintes, il y a aussi la nostalgie de l’illimité, la projection de notre ciel intérieur, d’un espace entièrement ouvert. Cependant, tant que nous nous inscrivons dans la dualité, il n’y a pas de liberté sans contrainte. Osho illustre merveilleusement ce paradoxe au cœur de la liberté en racontant, comme à son habitude, une petite histoire :

Un jour, un homme l’a interrogé sur la liberté absolue. En réponse, il lui a demandé de lever une jambe, ce que l’homme a fait. Puis il lui a demandé de lever l’autre jambe, ce à quoi l’homme a répondu que c’était impossible, qu’il allait tomber par terre. Osho lui a alors dit que c’était cela la liberté : pour être libre de lever une jambe, il faut s’appuyer sur quelque chose. Il n’y a pas, sur terre, de liberté absolue.

Aucun mécanisme n’est dépourvu de contrainte sur tous ses axes. Sinon ce ne serait plus un mécanisme. Nous avons besoin de prendre appui sur quelque chose pour expérimenter la liberté. Elle n’existe pas dans le vide, à moins que nous ne soyons le Créateur. Dans ce fantasme d’une vie sans contraintes, il y a une envie de se prendre pour Dieu, mais alors cela tient de l’inflation. Plus subtilement, on peut peut-être y voir le désir inextinguible de Le connaître de l’intérieur, de connaître notre dimension créatrice. Un autre enseignant spirituel amène un éclairage précieux sur ce point. Il s’agit de Satyam Nadeen, qui a écrit « De la prison à l’Éveil » et met dans ce livre en lumière ce qu’il appelle « l’équation liberté / limitation ». Dans sa vision, la Source par nature illimitée a choisi de s’incarner dans une forme humaine précisément pour expérimenter la seule chose qu’elle ne peut pas vivre en tant que Conscience infinie : la limitation. Dès lors, elle s’arrange toujours pour que chaque limitation aille avec une liberté compensatrice, et réciproquement. L’histoire de Satyam Nadeen en est une illustration éclairante puisque après avoir cherché l’éveil pendant des années, il a fallu qu’il soit jeté dans une prison de comté californienne, c’est-à-dire dans des conditions extrêmement restrictives, pour que quelque chose s’ouvre enfin en lui, débouchant en lui-même sur cette illimité qu’il recherchait.

Quant à l’assimilation de la liberté à la capacité de choisir, voilà ce qu’en dit Jiddu Krishnamurti[3], qui est sans doute un des enseignants contemporains qui a le plus exploré cette notion de liberté :

« Là où il y a choix, il n’y a pas liberté. Le choix implique la confusion, pas la clarté. Quand on voit très clairement quelque chose, il n’y a pas de choix, il n’y a que l’action. Seul un esprit confus choisit. »

Les propos de Krishnamurti sont ici tellement contraires à notre conception occidentale de la liberté qu’on peut en être choqué. C’est un bon  choc, le genre de choc qui réveille. Que vaut la liberté quand on n’y voit rien ? On voit se profiler ici l’équation « liberté = conscience ». Remarquons avant d’aller plus loin que, de même qu’il n’y a pas d’amour impossible car il est toujours possible d’aimer sans attendre de retour, nous sommes toujours libres, même sous la contrainte. Car si nous sommes prêts à faire face à toutes les conséquences de nos actes, nous sommes toujours libres. Il y a donc une liberté sans contraire, mais celle-ci réclame la conscience. Jung citait souvent une parabole apocryphe qui pose magnifiquement le problème de la liberté :

Jésus passe au bord d’un champ où un homme travaille le jour du Shabbat et lui dit : « Mon ami, si tu sais ce que tu fais, tu es un bienheureux parmi les hommes, mais si tu ne le sais pas, tu es maudit et tu es un transgresseur de la Loi. »

Il y a deux points à considérer dans cette parabole. Le premier, c’est que la liberté est indissociable de la responsabilité. Je me cite moi-même car je ne saurai encore mieux dire que ce que j’écrivais déjà dans Mystique Anarchie : « La conscience, le fait de savoir ce qu’on fait et d’en prendre l’entière responsabilité, est la clé de la liberté. Il n’y a pas de progrès de la conscience sans, à certains moments, transgression ; celle-ci est comme une sortie de la matrice que constituait la Loi et son acceptation sans conscience. » Mais il y a un autre aspect à considérer. La Loi dont il est question ici n’est pas la loi des hommes. C’est ce que les bouddhistes appellent le Dharma, la loi naturelle, et la Chine, le Tao, le cours de l’être. Il y a dans cette parabole un terme précis qui peut sonner une cloche à qui s’intéresse à la spiritualité, c’est celui de « bienheureux ». Le Bouddha est souvent désigné comme le Bienheureux. La liberté absolue est l’équivalent de la félicité totale, ananda. C’est que l’homme conscient connaît l’esprit de la Loi, et n’a plus besoin de s’en tenir à la lettre. Il voit la réalité des choses. Il fait shabbat en permanence, puisque Shabbat est le jour du retour à la nature divine, et il peut donc travailler ce jour-là car son travail ne l’éloigne pas de l’essentiel. Mais s’il ne sait pas ce qu’il fait, s’il n’est pas conscient, il se maudit lui-même, c’est-à-dire qu’il se met inconsciemment en opposition avec sa nature essentielle. Cela se réinsère cependant dans la loi naturelle par le fait qu’il souffre, et que c’est au travers de cette souffrance qu’il grandit en conscience jusqu’à être capable d’une véritable liberté. Non plus une liberté contre la Loi mais une liberté créatrice, supportée par la Loi de la vie.

Sartre, qui disait que « l’homme est non seulement libre – l’homme est la liberté », liait aussi liberté et responsabilité en expliquant qu’en fait, nous sommes condamnés à la liberté :

« Nous sommes seuls, sans excuses. C’est ce que je veux dire quand je dis l’homme est condamné à être libre. Condamné, parce qu’il ne s’est pas créé lui-même, et encore néanmoins la liberté, et à partir du moment où il est jeté dans ce monde il est responsable de tout ce qu’il fait. »

C’est une condamnation bien plus sévère que l’on voudrait le croire dans une perspective naïve où la liberté serait une absence de contrainte. En effet, c’est un poids pour la conscience que d’être libre. Il n’y a qu’à voir combien de gens sont prêts à se débarrasser de leur liberté en la remettant entre les mains d’un chef pour les guider, d’une idéologie ou d’une tradition pour leur dire quoi penser. La liberté fait partie des grands enjeux existentiels inévitables, avec la mort, la solitude, l’absence de fondement et l’amour. Le psychiatre Irvin Yalom[4] fait remarquer qu’alors qu’à l’époque de Freud et Jung, on venait souvent les consulter pour traverser un conflit de devoirs, il y a désormais de plus en plus de gens qui arrivent dans le cabinet de consultation avec un grand vide en dedans : ils ne savent pas ce qu’ils veulent. Ils sont effrayés par la responsabilité qu’ils ont de leur vie. De plus en plus d’ouvrages insistent sur ce mal contemporain qu’est « la fatigue d’être soi », selon le titre d’un livre du sociologue Alain Ehrenberg qui montre que l’individu moderne n’en peut souvent plus d’être « moi ». Dépression, anxiété et angoisse sont souvent liés à cette obligation qui lui est faite de devoir s’assumer dans une autonomie psychique qu’il tente de noyer par tous les moyens, la télé et les tranquillisants étant les plus usuels. On peut lier à ce défi le désir de plus en plus souvent rencontré de « disparaître de soi », pour reprendre le titre du livre de David Le Breton, un autre sociologue qui, s’il souligne que cette tentation se traduit souvent dans le burn-out, l’alcoolisme ou la maladie d’Alzheimer, montre aussi qu’elle a son versant positif dans la pratique du yoga, de la méditation, de la marche, du jardinage…

De la lecture de Irvin Yalom et de Sartre mais aussi de ces sociologues, il ressort qu’il est bien naturel de ressentir de la peur et de l’anxiété devant l’immensité de notre liberté, c’est-à-dire de notre responsabilité. Ce qui ne serait pas « normal » en fait, c’est de ne pas éprouver de peur car cela traduirait une pure inconscience de la réalité des enjeux. Sartre le dit carrément : « Tous les hommes ont peur. Tous. Celui qui n'a pas peur n'est pas normal, ça n'a rien à voir avec le courage. » Le courage n’est pas l’absence de peur, c’est le fait d’avancer avec et malgré la peur. Se libérer de la peur, ce n’est pas ne plus avoir peur, c’est ne plus être empêché de vivre par la peur. Le problème avec la peur, ce n’est pas la peur elle-même mais la façon dont nous sommes en relation avec elle, le fait que nous refusons de la vivre, de la traverser (une petite vidéo[5] de l’humoriste André Sauvé illustre merveilleusement ce point). Les rêves sont souvent d’un grand secours dans nos relations avec la peur, soit qu’ils nous permettent de rencontrer nos peurs inconscientes ou de faire face à nos peurs dans un espace protégé par son irréalité, soit encore qu’ils nous aident à trouver les ressources dont nous avons besoin pour avancer dans notre vie avec notre peur, et non contre elle. Et puis, dès lors que nous sommes décidés à prendre la responsabilité de notre vie, ils nous aident à retrouver notre liberté créatrice en nous aidant à nous connaître nous-mêmes, à comprendre ce qui nous agit.


Dans cette liberté essentielle qui découle de la responsabilité, il ne s’agit en effet pas seulement d’être responsable de nos actes et de ses paroles, c’est-à-dire d’en assumer les conséquences dans le monde extérieur. Nous devons prendre aussi responsabilité de nos pensées, c’est-à-dire de la façon dont nous voyons le monde, la vie, et finalement dont nous interprétons ce qui arrive. Voilà où se niche notre véritable liberté créatrice, qui est aussi une liberté absolue : nous sommes toujours créateurs de notre enfer ou de notre paradis selon la façon dont nous vivons les choses, dont nous les interprétons. Quand nous rejetons la faute des souffrances que nous rencontrons sur autrui, nous abandonnons notre liberté et nous nous mettons dans le pouvoir de cet autre en lui demandant de prendre la responsabilité de ce que nous vivons. Mais les rêves nous renvoient souvent à la possibilité de vivre les choses autrement, nous montrent les différents angles sous lesquels nous pouvons considérer les choses : toutes les situations offrent de multiples possibilités d’interprétation dépendant des histoires que l’on se raconte. Par exemple, nous nous croyons victimes d’une relation, et le rêve nous montre que nous manipulons inconsciemment celle-ci pour en tirer un bénéfice inconscient. C’est le rôle compensatoire bien connu des rêves : si nous ne voyons qu’un côté des choses, le rêve nous en montrera l’autre côté et nous aurons une chance d’accéder à une vision totale. C’est-à-dire libre de l’unilatéralité.

Une vision entière, conjoignant les contraires.

Il semble que ce soit cela, l’Éveil, et rien de plus : la liberté à l’égard des histoires que nous nous racontons, des identifications à tel ou tel personnage, des justifications que nous donnons à nos actions. C’est la liberté de la conscience qui n’est plus dupe de son rêve. Elle continue à rêver, bien sûr, mais lucidement. C’est une liberté illimitée, absolue, et qui fait de nous des « enfants de Dieu » car co-créateurs de nos existences, du moins dans la façon dont nous les vivons. C’est notre ciel intérieur. Et le fait de revendiquer cette liberté, qui est notre droit de naissance inaliénable en tant que conscience, a une conséquence très importante dans la façon de vivre les difficultés inévitables de l’existence. Suyin Lamour, qui nous parle[6] de son exigence de liberté et de l’éveil à laquelle celle-ci l’a conduite, le dit fort bien :

« Le monde qui nous entoure et dans lequel se déroule notre vie n’est rien d’autre qu’un reflet des mouvements d’énergie qui se produisent en nous et de la façon dont nous les interprétons. Il n’a aucune réalité objective. Tant que nous n’avons pas réalisé cela, notre malheur vient de ce que nous prenons les choses à l’envers. Nous essayons d’agir sur les situations au lieu d’agir sur nous-mêmes. La seule maitrise que nous puissions avoir est la maitrise de notre système de croyances. Nous ne pouvons pas changer les événements, nous pouvons seulement changer notre façon de les interpréter, en observant nos croyances et en nous ouvrant à la possibilité de regarder autrement. »

Quand se défait cette croyance que nous avons en un monde objectif, qui serait comme ceci ou comme cela indépendamment de notre interprétation et de nos projections, le sentiment d’être un « moi » bien défini se dissout aussi. Il n’est plus possible de s’attribuer, dans notre relation avec nous-mêmes, telle ou telle qualité ou tel défaut, ou encore tel élément de notre histoire personnelle ou familiale comme nous définissant. La conscience de soi, c’est-à-dire de l’existence d’un sujet conscient, d’un témoin ou d’un observateur, ne disparait pas dans une fusion avec tout ce qui nous entoure qui serait caractéristique, à l’inverse de l’accomplissement de l’Œuvre, d’un état psychotique dans lequel tout est perdu. Quand l’Orient dit que la liberté, c’est l’absence de moi qui permet au Soi d’apparaître, il ne prône pas l’entière dissolution du sentiment d’identité personnelle. Il devient simplement évident que le moi n’a aucune réalité propre, aucune substance indépendante du Soi : c’est un complexe, c’est-à-dire un amalgame de pensées, de mémoires et d’émotions autour d’un noyau qui constitue le sentiment d’identité mais ne vient pas lui, qui apparait dans la conscience. De la même façon que Dieu est, selon les mots de Richard Moss, « un objet transitionnel vers l’Infini », le moi se révèle être un objet transitionnel vers le Soi en tant que sujet, c’est-à-dire une représentation mentale permettant à la conscience de s’appréhender elle-même. C’est pourquoi on l’appelle la conscience autoréflexive d’ailleurs : elle se réfléchit dans son propre miroir, le miroir de la  Conscience.

Toute l’aventure de la liberté qui se découvre elle-même, toute la quête qui se joue par exemple dans l’exploration des rêves, la pratique de la méditation et l’auto-investigation radicale consistant en interroger encore et encore : « Qui suis-je ? »... et finalement dans toutes les activités dites spirituelles et même celles qui n’ont rien de spirituelles… apparaissent finalement comme manifestant dans le temps l’émergence du Soi qui se re-connaît. Dans les rêves, il apparait volontiers dans des mandalas, ou encore dans des symboles de vieux sage ou de vieille femme millénaire, d’êtres divins ou extraterrestres, d’animaux fabuleux ou d’enfants merveilleux, etc. Il nous montre le visage que nous avions avant d’être nés et il transcende la mort, l’espace, le temps… pour nous ouvrir à une perspective qui va toujours au-delà de tout ce que nous pouvons concevoir, imaginer, décrire. C’est en cela, dans cette ouverture vers l’incommensurable que nous sommes, que le Soi confine à l’illimité, qu’il manifeste l’Infini et l’Éternel sur terre et dans le temps. Il a besoin du moi pour s’incarner dans la dualité car non seulement il ne s’oppose pas à ce « moi », mais il le « réalise », c’est-à-dire qu’il le rend réel, il lui confère sa réalité : il le crée en chaque instant. La caractéristique du moi est de se différentier en se distinguant de ce qui est « autre » que lui, ce qui définit son identité séparée. Celle du Soi est de conjoindre les opposés et de les transcender dans une unité plus large qui ressort dans la Conscience contenant tous les contraires, et par exemple la paire conscient / inconscient, sans s’identifier à aucun d’entre eux. Le Soi est le tout Autre du moi qui cependant le complète et l’englobe dans son unité. Ces vues nous amènent à une conception radicalement nouvelle de la liberté qui tient toute entière dans ce que répétait fréquemment Ramesh Balsekar :

« Des actes sont faits, des événements arrivent, mais il n'y a pas d'agissant individuel. »

Il n’y a que le Tout qui agit en tout en toutes circonstances. Cela ne nous exonère pas de notre responsabilité qui, en tant que réponse créative plutôt que réactive à ce qui est présent, creuse le lit par lequel l’Énergie coule comme une rivière. Car ce moi, qui est attaché à cette responsabilité, est aussi un de ces contraires qui danse autour du centre qu’est le Soi, et permet la relation consciente à ce centre. Il ne disparait pas, il est simplement relativisé en Conscience, et sa liberté apparait comme relative en regard de la liberté absolue du Soi. Le moi est pris dans un jeu mécanique de causes et d’effets, le Soi crée. C’est la caractéristique de la présence du sacré : le Divin, « ça crée » toujours du nouveau, de l’imprévisible. La terre et le ciel, le moi et le Soi manifesté, co-existent dans l’espace de la Conscience qui les ré-unit en Une seule Réalité au-delà de toute conceptualisation, un seul Être qui relie le haut et le bas – le Un sans Second. Mais cette ré-union n’est possible que si la liberté est conjointe à la responsabilité au sein d’une éthique, qui tout à la fois incarne les plus hautes valeurs auxquels le moi peut sacrifier, par exemple le respect de la liberté d’autrui, et permet d’intérioriser la Loi, c’est-à-dire de s’harmoniser avec le Tout. Quant à la nature de cette relation entre le moi et le Soi, et comment la vivre en toute liberté, nul n’en a mieux parlé selon moi qu’Étienne Perrot :

 « À partir du moment où je sais que je suis relié à un centre qui me dépasse et dont j’ai appris l’intelligence et la sagesse, j’accepte avec gratitude, avec amour, ce lien. J’accepte de me dépouiller du fardeau, de mes soucis propres, de mes doutes, de mes recherches tâtonnantes du bien et de ce qui est juste, j’épouse ce qui m’est montré, ce qui m’est dit, j’y vais de tout mon cœur, que ce soit joyeux, que ce soit douloureux, je suis, pourrait-on dire, porteur dans cet acte, de toute l’énergie de l’univers puisque cette énergie qui m’anime vient du centre de moi au-delà de moi, qui est comme le centre du monde.

Je suis doté ainsi de la liberté qui est celle de l’unité et qui est celle du Tout.

Le Tout, l’univers dans sa réalité, est libre, puisque il n’est limité que par lui-même.

Eh bien j’épouse sa liberté.

On a donc le sentiment d’une totale dépendance, qui apparaît concrètement comme une totale liberté, et c’est encore une de ces rencontres des contraires dont est faite cette œuvre intérieure. » 

Tout cela peut sembler bien abstrait. Concrètement, qu’est-ce que cela signifie dans une vie humaine ? La liberté, c’est de vivre la totalité de nous-mêmes, c’est-à-dire de donner place à toutes les parties de notre être pour qu’elles puissent se vivre. Cela implique par exemple de vivre tous nos amours, de chercher à développer tous nos talents, mais aussi d’accepter toutes les émotions qui nous traversent, incluant les émotions dites négatives de la colère, de la jalousie, etc. Cela réclame d’accepter d’aller au bout de toutes nos contradictions en les endurant sans compromis qui les amoindriraient. Nietzsche disait qu’on mesure la profondeur d’une âme à l’ampleur des contradictions qu’elle endosse. Or la vie et le réel étant fait d’opposés, il n’est aucune autre voie pour grandir en conscience que d’assumer notre dualité, en particulier de lumière et d’ombre. Notre tâche est dès lors d’élargir suffisamment notre conscience pour accueillir toutes ces contradictions qui nous font et nous traversent, et de trouver assez d’espace intérieur pour donner leur place à toutes nos parties, qu’elles puissent se vivre et se développer. Bien sûr, l’objectif est dès lors qu’elles s’harmonisent plutôt qu’elles se battent, et c’est le rôle de la conscience que d’être l’arbitre de leurs débats.

La liberté tient dès lors à ce lien conscient avec la totalité de notre être.

Dès lors où nous vivons en conscience le fait d’être dotés de multiples facettes qui réclament tout autant  les unes que les autres de se vivre, que nous acceptons d’être tissés de contradictions, d’ombre et de lumière dansante, nous avons une chance de trouver le centre autour duquel toute cette multiplicité s’organise. C’est un peu comme trouver l’œil du cyclone dans la tempête. C’est la position du Témoin qui embrasse l’ensemble de notre univers intérieur, le fameux microcosme qui est un reflet dans sa richesse du macrocosme. Et comme tout dans ce monde est tissé d’opposés, en endossant pleinement cette multiplicité changeante de l’être, nous trouvons aussi avec ce centre le socle de sa véritable unité. Dès lors, la nature de la liberté devient une évidence sensible et vivante :

La liberté, c’est la Conscience.

La liberté, ce n’est donc pas le « free for all » dans lequel toutes les parties de soi tireraient à hue et à dia, chacune dirigeant le mouvement de l’être au gré de son impulsion. La liberté va avec l’effort de conscience visant à harmoniser les différentes parties de soi et à faire ressortir l’unité au-delà de la multiplicité. C’est ainsi que la conscience se met au service du grand Être qui se manifeste au travers de multiples facettes sans jamais se résumer à aucune d’elle. C’est ce service que nous pouvons proprement appeler "liberté" car c’est qu’ainsi que nous sommes véritablement fidèles à Soi, à ce pourquoi nous sommes nés en ce monde.

C’est simplement de laisser vivre le Vivant en nous.

En langage traditionnel, on pourrait dire de façon toute paradoxale, c'est-à-dire conjoignant les contraires : la liberté, c’est « faire la volonté de Dieu ».

Mais finalement, en conclusion, il faut dire que la liberté, ce n’est pas une idée, ou plutôt, cela demeure une idée au sens platonicien, c’est-à-dire un archétype directeur de la psyché humaine, jusqu’à ce qu’on l’incarne. Mais les idées, si ce ne sont pas des excréments du mental, réclament d’être vécues pour être comprises. Ainsi en est-il de l’amour, dont on ne parle pas quand on le vit car c’est alors lui qui parle en nous, au travers de nous – tous les poètes le savent. Il apparaît donc en conclusion que la liberté est une réalité vivante. J’ai eu la chance de la rencontrer en quelques personnes, parmi lesquelles Richard Moss et Ma Premo. Ce qui est merveilleux avec la liberté, c’est que c’est contagieux. Une personne libre donne à ceux et celles qui la rencontrent non seulement un reflet de la liberté qu’ils sont en potentiel, mais un point de repère quant à ce que cela signifie d’incarner cette liberté, et in fine la permission de la vivre. C’est le rôle de ce que l’on appelle les maîtres spirituels, qui démontrent leur maîtrise en étant totalement libres, et n’ont de cesse d’inoculer leur liberté à qui sera assez fou pour s’approcher d’eux.



[1] Au Québec, nous avons une marque de yoghourt « Liberté »… et le réalisateur Pierre Falardeau a publié un livre bien connu clamant dans son titre que « la liberté n’est pas une marque de yoghourt ».
[3] En particulier dans « Se libérer du connu », « la première et dernière liberté »…
[4] Irvin Yalom, Thérapie existentielle.
[6] Suyin Lamour, la joie d’être.

21 commentaires:

  1. Je lis ...je m'ouvre à d'autres idées ...c'est beau la vie !

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  2. Après bien des détours et des égarements, il est bien possible qu'un jour , nous nous apercevions que la vraie liberté, c'est en fait...obéir aux lois ;-),
    mais aux lois UNIVERSELLES.

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    1. Oui. Il semble que cela fasse partie de la conjonction des contraires. Mais quand la Loi est pleinement comprise, il n'est plus question d'obéissance mais d'adhésion à notre propre nature, à notre propre loi... ;-)

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  3. Une petite vidéo me paraît assez intéressante sur la question du libre-arbitre :
    https://www.youtube.com/watch?v=qhq4MYwxCxQ

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    1. Merci ! Mme Padovani éclaircit fort bien cette question.

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  4. La liberté, l'amour, la conscience sont des concepts, des mots, des catégories, des inventions qui n'existent pas dans la réalité. La liberté " absolue " est donc le fantasme ultime de l'homme moderne, doublement illusoire.
    Il n'existe pas d'un coté les gens libres et de l'autres les gens enchainés, croire ça est pur fantasme, né de la pensée , de l'imagination. Mais pour comprendre ça il faut un peu observer ce qui est, ne plus penser qui est imagination mais voir, observer...
    De même il n'existe pas d'un coté moi et de l'autre le monde , dans la réalité il n'y a pas un mur entre les deux, le mur est seulement un mur de mots...les mots sont des fantaisies mais le mot n'est pas la chose.


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    1. Merci X pour ce commentaire, pour une fois dans le sujet et totalement pertinent de mon point de vue. J'apprécie. Et je suis tout à fait d'accord avec toi. Les concepts sont simplement utiles pour discuter, et la discussion peut favoriser la compréhension en nous amenant à la limite de ce que les mots peuvent dire. Alors, à cette limite où la pensée se révèle vaine, nous pouvons voir... et ce "voir", c'est ce que nous pouvons appeler "liberté" sans que ce soit un concept.

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    2. Mais non , je vous dis que la liberté n'existe pas ! pourquoi voulez vous appeler liberté quelque chose qui n'existe pas ...mais c'est vous qui voyez...
      Y'en a qu'on essayé , ils ont eu des problèmes.

      X

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  5. Oh comme je suis en accord avec le précédent commentaire! Permettez moi de renchérir car j'allais justement commencer par "si j'osais je dirais que la liberté n'existe pas, c'est un faux concept"... Car qu' est ce que la liberté si ce n'est l' écoulement naturel de la Vie. Et y a-t-il en ce monde autre chose que l' écoulement naturel de la Vie. Alors pourquoi l' être humain recherche quelque chose qu' il appelle "liberté"? Parce qu' il pense, parce qu' il juge en permanence ce qu' il vit au lieu de le vivre seulement. La liberté absolue residerait alors dans le fait de ne plus penser ce que nous vivons, plus de témoin, plus d'observateur, plus d' interprétant... juste l'experience directe! Telle qu' elle est.
    Vous me direz que c'est ce que font les animaux, à quoi bon alors l' être humain, à quoi bon la conscience?
    A jouir, à savourer l' existence... là encore pas par relation causale mais par experience directe parce l' Existence est Jouissance.

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    1. Oui. À condition cependant donc de ne pas perdre la conscience en cours de route, sinon on en revient à l'inconscience animale. Et au fait, c'est encore réducteur de dire que l'Existence est Jouissance. Elle est aussi Souffrance. Alors ?

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    2. Alors quand je dis Existence avec un E majuscule cela englobe toutes les jouissances et les souffrances que nous interprétons comme telles.
      Quand je dis " jouir, savourer, parce que l' Existence est Jouissance", je parle d' autre chose, de l'essence de l'Existence. Mais qui suis-je pour afirmer une telle chose? En effet.... pourtant je le fais :-)

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    3. Et c'est bien dit. Tu n'es pas seule à le dire. Par exemple, l'Orient répète en effet depuis longtemps que l'essence des choses est Sat-Chit-Ananda, Être-Conscience-Joie. On parle donc plutôt de Joie ou de Béatitude d'habitude mais traduire "Ananda" par "Jouissance" est tout à fait correct à condition de se situer hors de la dualité comme tu le fais. Cela méritait simplement d'être précisé... ;-)

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    4. on ne peut pas perdre la conscience puisque c'est ce qu'on est , même dans le sommeil sans rêve on est conscience de l'inconscient. La seule chose que l'on peut perdre c'est l'interêt que l'on portait aux mots parce qu'on se rend compte que les mots parlent très mal de la réalité

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    5. on peut affirmer ce qu'on veut ca ne change pas le RÉEL , affirmer c'est du domaine de l'IMAGINAIRE. Le truc c'est de vivre dans le réel et plus dans l'imaginaire. Mieux vaut partir du principe qu'on ne se connait pas , dire que je suis une femme et que j'ai tel age est une connerie, ce sont des idées imposés par les autres, par la culture, le conditionnement, il faut voir par soi même, refuser toutes les croyances, tout ce qu'on a appris, reprendre tout à 0 .

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  6. Merci pour ces commentaires qui élargissent la discussion. Aussi, un lecteur m'a suggéré dans un message privé une lecture fort intéressante sur le sujet :

    Fabrice Midal, Risquer la liberté.

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    1. Oh Marie si tu savais, tout le mal que l'on m'a fait...le problème des mots c'est qu'ils ne disent pas la vérité des choses. La "mort" par exemple , personne ne sait ce que c'est vraiment. Les gens imaginent ce qu'est la mort en fait...il faudra aller voir pour savoir. De même un "homme ", l'expérience directe nous montre que nous ne sommes pas des hommes mais plus des consciences, des fenêtres ouvertes sur le monde. De même le " monde ", si on imagine pas alors on voit que le " monde "n'existe pas mais seulement votre expérience directe du monde, ou encore les étoiles ce sont juste des points blancs, le soleil un simple disque brillant 2d de de quelques centimètres et pas une boule de feu énorme...on voit le monde en l'imaginant, en fantasmant dessus au lieu d'etre dedans à 100 % , comme disait je sais plus qui, voir ce qui est c'est être comme un tigre qui rentre dans la forêt, voir ce qui est c'est sortir de l'humain pour aller le surhumain...

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    2. Je pense que la " spiritualité " du futur c'est de ne plus imaginer et donc d'être beaucoup plus attentif au moment présent mais on peut constater que c'est très difficile, ce n'est absolument pas naturel chez l'homme parce que la pensée le controle. Ça correspondrait a la mort d'environ 90 % des pensées et de la fonction symbolique a mon avis et ça ouvrirait probablement les sens à 90 % de plus de leurs capacités, autant dire tout de suite que l'eau du thé qui coulerait dans votre tasse pourrait parfois ressembler a une explosion atomique. Evidemment ça règlerait tous les problèmes parce que 99 % des problèmes sont mentaux, une dette d'argent par ex c'est 99 % de rumination...moi ça me laisse songeur ;)

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    3. Pourquoi 99%?
      100% puisque les "problèmes" sont comme l'amour, la liberté, etc... un concept. Ce que nous appelons "problème" est la tension qui émerge du refus de ce qui est ou au mieux de son interprétation.
      J'adore l'image de l'eau du thé qui se fait explosion atomique dans l'ouverture "d'autre chose". Oui il y a indéniablement en moi quelque chose qui sent que ça pourrait aller par là. Et ça va aussi il me semble dans l'avènement de l'émerveillement. Ce que nous appelons liberté et que nous cherchons tous si fondamentalement pourrait prendre la forme d'un émerveillement permanent, autant donc devant un magnifique coucher de soleil que devant une énorme dette d'argent ;-) et dans les deux cas on se dirait "c'est magnifique quand-même ce que l'existence peut produire! " Ha ha ha

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    4. il y a malgré tout des problèmes, des douleurs physiques, des gens très malades et ces douleurs ne sont pas des concepts mais je parle surtout de la souffrance psychologique.

      Déja, avant se s'émerveiller il y a pas mal de chose à faire, l'émerveillement est le résultat d'un long processus psychologique inconscient qui ne peut pas être provoqué par la volonté donc il est sage de tirer un trait dessus et de se concentrer sur ce qui importe vraiment et sur ce qu'on peut faire concrètement. Imaginer l'émerveillement c'est encore tomber dans le piège de l'imaginaire, de la pensée.
      Donc la seule chose que l'on peut faire c'est de bien comprendre au jour le jour la différence entre l'imaginaire et le réel, le réel est vrai, l'imaginaire une fuite, la désir de ne pas regarder le réel. Boddhidharma a médité devant un mur durant 10 ans pour se familiariser avec un mur. Pour le mental le réel est la chose la plus chiante qui existe et c'esr pour ça que nous passons notre temps a fuir dans l'imaginaire mais le réel est la seule vérité, celui qui devient son ami devient invicible parce qu'il ne fait plus qu'1 avec la vérité. il y a donc de fortes resistances a surmonter pour aimer le réel mais avec le réel vient aussi la paix de l'esprit, l'esprit vide , l'esprit neuf comme on dit.

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  7. ps : se familiariser avec un mur ça veut dire se familiariser avec le réel , avec ce qui ne parle pas et qui pourtant est bien la et dont la présence est à la fois mystérieuse et insistante, la présence du réel crève l'écran on pourrait dire. Et pour quel raison Boddhidharma a t il fait cela ? pour se rendre possesseur du réel , pour ne plus fuir et aussi parce que le réel est peut être avec l'étude des rêves , à l'autre bout j'ai envie de dire , l'un des derniers défis intellectuels. Le réel défie toutes les théories, il est hors champ d'une certaine manière, hors mental, au dela ou en deça on ne sait pas bien, les mots deviennent misérables quand il s'agit du réel, un peu comme un menhir planté dans la terre dont on ne sait rien et qu'on regarde pourtant fasciné sans trop savoir pourquoi.
    Le réel affirme sa présence mais dans le silence total, il incarne a force tranquille quoi...

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  8. Malgré tout je ne veux pas être trop rude et Boddhidharma était quand même très rude , qui a envie de passer 10 ans a méditer devant un mur ? et ne pourrait on pas directement ouvrir la bouteille de vin rouge et vivre car c'est de ça qu'il s'agit le plus : le réel se pratique plus qu'il ne se parle, il faut vivre lentement et dans le présent. Ce sera mon dernier mot Jean Pierre.

    Joyeux noel et Bonne année !

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