samedi 28 juin 2014

Sacré inconscient

« La plupart des problèmes de ce monde viennent d’erreurs linguistiques et de simples incompréhensions » nous dit Shams de Tabriz[1]. Il n’y a qu’à voir comment plusieurs se jettent à la figure des gros mots comme « Dieu » pour mesurer l’ampleur de la difficulté. Tout se passe, remarquait déjà Héraclite d’Éphèse, comme si chacun vivait dans son rêve. Mais si nous voulons ne serait-ce que communiquer et favoriser une pacification de nos discussions en intégrant tous les points de vue, il convient d’interroger les mots en profondeur pour bien comprendre leur sens. Le terme « inconscient », s’il n’est pas aussi épineux que « Dieu », prête à confusion : chacun semble savoir de quoi il retourne et pourtant, on dénombre une vingtaine de définitions différentes dans la littérature. Il y a dans cette diversité à la fois une façon, pour de nombreuses écoles, de se distinguer et beaucoup de malentendus.

Un de ces malentendus, typique dans les milieux spirituels, est que l’on prête à l’inconscient d’être inconscient, ce qui est un contre-sens : l’inconscient désigne ce dont nous ne sommes pas conscients mais qui participe cependant à notre vie psychique. Nous avons de nombreux éléments qui permettent d’établir que cela est conscient, et souvent plus conscient que nous ne le sommes nous-mêmes. Le terme « inconscient », du moins dans l’esprit des pères fondateurs de la psychanalyse[2], recouvre un concept limite qui n’affirme rien sur la nature de cette dimension inconnue de notre psyché : il ne la qualifie pas, et en aucun cas ne la définit comme étant inconsciente par nature. Une approche respectueuse de l’inconscient réclame une précaution similaire à celle qu’énonce le Tao-të-King :

Le Tao dont on peut parler
n’est pas le véritable Tao.

Nous ne pouvons pas avoir, par définition, de connaissance directe de l’inconscient. Celui-ci ne se laisse connaître qu’au travers de ses « rejetons » : les rêves, mais aussi les fantaisies imaginaires, les lapsus linguae, les actes manqués, les impulsions et les émotions – on sait que quelque chose d’inconscient vient d’entrer en jeu quand on constate avoir eu une réaction excessive à un événement. L’inconscient a beaucoup d’importance dans notre vie car il influe sur tous les aspects de notre quotidien : notre motivation à faire telle ou telle chose, nos préférences et nos goûts prennent racine dans des facteurs inconscients. Notre santé dépend dans une grande mesure de notre inconscient. Il intervient aussi dans nos relations d’une façon déterminante, que ce soit dans le choix de nos partenaires et amis ou dans la façon dont nous interagissons. L’inconscient se manifeste tout particulièrement dans le phénomène de la projection, qui consiste à plaquer quelque chose qui nous appartient sur une réalité extérieure qui nous est généralement inconnue. On peut comprendre par là que l’inconscient recèle des mémoires oubliées qui sont ramenées à la conscience par un jeu d’associations : quand nous rencontrons quelque chose d’inconnu, notre cerveau puise dans nos banques mémorielles pour identifier le plus rapidement possible, par similarité et analogie, quel comportement adopter.

Nous n’oublions jamais rien, ou du moins l’inconscient s’en souvient pour nous : oublier quelque chose, cela signifie simplement que cela a glissé dans l’inconscient et échappe désormais à notre conscience. Nous ne pouvons pas savoir quand cela resurgira, mais nous pouvons être certains que si l’information apparemment perdue présente un caractère d’utilité pour la psyché, elle sera à nouveau disponible pour la conscience. La base de données de l’inconscient fonctionne par associations organisées autour de similarités et d’analogies avec une trame émotionnelle : si, par exemple, une certaine odeur a été associée à un sentiment de bonheur voilà longtemps, il suffit de sentir une effluve de cette odeur pour retrouver ce sentiment. Tous les éléments contextuels à une émotion sont conservés, et il suffit que l’un d’eux soit perçu pour que l’émotion soit réveillée. Ces éléments d’information ne sont pas nécessairement perçus consciemment, bien au contraire : on a évalué que nous percevons environ quatre mégabits (4 millions de bits) d’information par seconde mais il ressort que notre cerveau n’en traite consciemment que deux kilobits (2 mille bits) ! Le volume d’information disponible à tout instant est donc le carré de l’information traitée consciemment : notre cerveau agit comme un filtre qui sélectionne l’information pertinente, mais notre organisme réagit à l’ensemble des données. Si on ajoute à ce constat celui qui montre que les émotions sont stockées dans le corps, on peut envisager l’inconscient comme étant l’intelligence globale de notre corps / psyché tandis que notre conscience ordinaire serait seulement le fait de notre cerveau.

Nous sommes dans le même rapport avec l’inconscient que le poisson avec l’eau dans laquelle il vit : il est en fait tellement présent dans la façon dont il imprègne notre existence qu’il est difficile de prime abord de prendre conscience de son existence. Il faut que la projection se révèle inadéquate pour que nous décelions qu’il s’agit d’une projection. Si rien ne vient la contredire, elle semble fonctionner c’est-à-dire nous renseigner sur la réalité ; il y a identité dans notre perception entre ce qui est projeté et le réceptacle de la projection. De la même façon, il faut que la réaction émotionnelle ou l’impulsion se révèle excessive et inadaptée, embarrassante, pour que nous en venions à nous interroger sur son origine inconsciente. Cependant, quand on commence à y prendre garde, il s’avère que l’inconscient n’arrête pas de se mêler de notre vie : à tout moment, des images et des pensées incontrôlables traversent notre esprit sans que nous sachions d’où elles viennent. Dès que nous commençons à laisser aller notre imagination, l’inconscient est activé et se manifeste. On peut démontrer que, d’une certaine façon, nous n’arrêtons pas de rêver, c’est-à-dire de reconstruire une image de la réalité qui est bien moins consciente que nous le supposons quand nous sommes complètement identifiés à cette image.

Toutes les écoles s’accordent sur le fait que l’inconscient est constitué dans une grande mesure de mémoires. C’est à partir de ce point que la conception de Jung commence à se distinguer des autres, d’abord dans le fait que ces mémoires ne sont pas nécessairement personnelles : une des hypothèses majeures que Jung a avancée est celle de l’existence d’un inconscient collectif. Non seulement peut-on retrouver des éléments familiaux et une mémoire transgénérationnelle dans l’inconscient, mais tous les groupes ont un inconscient commun. Plus profondément, Jung a élaboré le concept, tout aussi limite que celui d’inconscient, d’archétypes qui sont des structures psychiques communes à toute l’humanité. Par analogie, nous pouvons dire qu’ils sont les organes de la psyché, et de même que nous avons tous les mêmes organes physiques, notre psyché est structurée autour d’archétypes comme celui de la mère, du père et de l’enfant, qui participent de l’expérience commune à tous les humains. Jung dit des archétypes qu’ils sont comme le lit d’une rivière qui a été creusé par des millénaires d’expérience humaine, et dont l’expression se réactualise cependant en chaque lieu et chaque époque : ce n’est pas tout à fait la même chose d’être une mère ou un père au XXIème siècle au Canada que de vivre la même expérience il y a 300 ans en Nouvelle-Guinée, et cependant il y a bien sûr un fond commun.

Le niveau de réalité que nous décrivons comme archétypal n’est pas nécessairement lié à l’expérience humaine. Platon pensait que toute la réalité est structurée par ce qu’il appelait les Idées, une conception dont la notion d’archétypes est dérivée. Tout se passe comme si la nature toute entière a une dimension psychique structurée par des noyaux de sens archétypaux. Le biologiste Rupert Sheldrake[3] a mis en évidence ce qu’il a appelé les champs morpho-génétiques qui semblent constituer la mémoire commune des espèces animales et végétales. Jung n’assignait aucune limite à l’inconscient : dès lors où cela est inconnu du point de vue de la conscience, celle-ci ne peut pas préjuger d’une quelconque limitation. Il envisageait clairement la participation de la psyché humaine à ce qu’il appelait, après ses chers alchimistes, l’âme du Monde. Ce point de vue rejoint celui des chamans qui affirment que la conscience humaine n’est pas coupée d’autres niveaux, pour nous nécessairement inconscients, de la psyché. Ainsi Luis Ansa affirme-t-il : « L’âme humaine est un lieu sacré, une dimension illimitée où s’unifient et vivent ensemble nos mémoires passées, qu’elles soient minérales, végétales, animales ou humaines. »[4]

Au fond, les différences de conception entre les différentes écoles à propos de l’inconscient expriment des variations dans l’attitude de la conscience à l’égard de cette dimension inconnue de la psyché. Pour Freud, par exemple, l’inconscient est la poubelle du conscient : il est constitué seulement de ce que la conscience refoule ou refuse de voir. C’est donc la conscience qui a la primauté et l’inconscient en est un résidu secondaire. Il convient simplement de vider la poubelle ou plutôt de s’assurer que rien n’y pourrit. Jung a un point de vue inverse : la conscience procède de l’inconscient, en émerge comme la plante qui plonge ses racines dans la terre. Il démontre que l’autonomie apparente de la conscience est une illusion. Il a une conception énergétique de la psyché qui permet de comprendre la relation entre l’inconscient et la conscience comme un flux de création permanente de conscience. Là où Freud ne voit dans l’inconscient qu’un amas de pulsions désordonnées et orientées essentiellement vers la satisfaction de désirs à caractère sexuel, Jung distingue un projet riche de sens.

Il ne nie pas que l’énergie psychique ait un aspect simplement désirant mais il affirme que la polarité sexuelle et instinctive de la psyché est équilibrée par une polarité spirituelle. Il intègre aussi le point de vue d’Adler qui veut surtout voir dans l’inconscient une tendance à construire l’identité du moi (ego), mais il élargit la discussion en démontrant qu'Adler et Freud amènent des concepts complémentaires qui doivent être dépassés par une vision plus large. S’appuyant sur son étude de milliers de rêves et des symboles dont regorgent les textes anciens, Jung affirme que la pulsion la plus forte dans la psyché est celle qui tend à l’individuation, c’est-à-dire à l’actualisation de la totalité des potentiels de l’individu d’une façon qui manifeste son caractère unique. Il s’agit de réaliser l’individu, c’est-à-dire le « non-divisé » qui réunit conscient et inconscient en une totalité, le Soi.

L’individuation est le projet de la psyché inconsciente, et donc de la nature en l’être humain, mais ce projet réclame la coopération de la conscience. Heureusement, l’inconscient offre son aide, en particulier au travers des images symboliques des rêves et de l’imagination. Paracelse parlait ainsi de la « lumière de la nature » qui guide le pèlerin en éclairant sa route. Les symboles sont des images qui forment un pont entre inconscient et conscient et permettent d’établir un dialogue. La psyché inconsciente est naturelle, instinctuelle et recèle cependant une étincelle divine qui fait contrepoids aux mémoires et aux complexes inconscients qui conditionnent le conscient. L’être humain est en processus d’autocréation permanente et cette étincelle est le Créateur en lui, toujours capable d’inventer du nouveau. Il est possible d'envisager l’inconscient comme un écrin pour un diamant que l’on décrit comme le Soi ou comme le Divin. On peut entendre chanter la langue des oiseaux chère aux rêves dans le terme « sacré » :

ça crée !

Finalement, il est important d’observer que le terme « inconscient » est seulement un concept, mais que celui-ci renvoie à une réalité vivante. Il est facile de manipuler mentalement des concepts mais l’inconscient ne peut être abordé ainsi sans danger. La pire erreur peut-être que l’on puisse faire avec l’inconscient et les archétypes serait de les théoriser car nous ne raisonnons qu’à partir du connu ; nous fermons alors la porte à l’inconnu en posant un couvercle conceptuel dessus. Dans une conversation vers la fin de sa vie, Jung a déclaré attribuer la grave maladie de 1944 qui manqua de peu le tuer à une attitude incorrecte envers l’inconscient. « En traitant du monde de l'âme, il n'avait vu, dit-il, que de simples concepts là où en réalité, il avait affaire à des dieux, c'est-à-dire à des puissances chargées d'une énergie supérieure. »[5] Ces mots donnent tout son sens à la devise que Jung a gravé au-dessus du seuil de sa maison à Küsnacht : 

« Appelé ou non appelé, le dieu sera présent ».



[1] Du moins est-ce le Shams imaginé par Elif SHafak dans son roman Soufi mon amour, où elle prête au fameux derviche d’avoir rédigé 40 règles de la religion et de l’amour que vous trouverez ici compilées : http://le-guerrier-interieur.over-blog.com/article-les-quarante-regles-de-la-religion-et-de-l-amour-83711474.html
[2] Sigmund Freud, Alfred Adler, Carl Jung, Wilhelm Reich... À noter que parmi ces « quatre mousquetaires », Jung est le seul à avoir été psychiatre.
[3] Rupert Sheldrake est l’auteur de nombreux ouvrages, parmi lesquels je recommande la mémoire de l’univers et l’âme de la nature.
[4] Henri Gougaud a raconté l’histoire de Luis Ansa dans un magnifique roman initiatique: les sept plumes de l’Aigle. Luis a ensuite écrit plusieurs livres dont le quatrième royaume.
[5] Étienne Perrot rapporte cette information dans le jardin de la reine.

dimanche 15 juin 2014

Le secret de Jung

Dans C. G. Jung et la voie des profondeurs, un ouvrage collectif paru à la Fontaine de Pierre sous la direction d’Étienne Perrot et de Francine Saint-René Taillandier, un épisode fascinant est rapporté au travers de l’analyse de « l’itinéraire intérieur d’un disciple de Jung d’après la mythobiographie d’Ernst Bernhard ». Ce dernier rapporte un rêve qu’il a reçu peu après sa première rencontre avec Jung le 14 octobre 1935 :

Je suis seul, chez Jung, dans son cabinet, en vue d’une séance d’analyse. Lui-même n’est pas encore arrivé. Dans un coin se dresse une sorte d’écran de poêle en parchemin clair. Je me sens irrésistiblement poussé à regarder ce qu’il y a derrière. Ce n’est surement pas une indiscrétion envers sa personne. Jung est assis derrière, afin de puiser, comme un primitif, un "medicine-man", du mana dans un "coin de force" sacré. Il manifeste un peu d’amusement enjoué de ce que, conduit par ma soif intuitive de connaître, je l’aie ainsi découvert. Il est compréhensif, libre de préjugé, et refuse d’écouter les explications que je lui donne pour excuser ma conduite.

On pourrait penser que Bernhard, un médecin allemand d’origine juive et très préoccupé de religion, expose simplement là ses projections à propos de Jung, un respectable psychiatre fort éloigné en apparence des chamans primitifs. Mais le plus étonnant suit. Bernhard raconte : « Lorsque je racontais ce rêve à Jung, il me pria de montrer le coin où il était assis dans mon rêve. Il me conduisit à l’emplacement que j’avais indiqué, alluma une lampe derrière un écran et tira un petit rideau. C’est ainsi que, pour la première fois, je vis une diapositive du suaire de Turin. Jung me dit : "vous êtes un véritable intuitif. C’est dans ce coin que je puise ma force, c’est là qu’est ma source." »

Le rêve de Bernhard a donc un caractère objectif. La projection est peut-être plutôt dans l’image que nous avons de ce que doit être un « psychiatre respectable ». Ressort là le préjugé moderne qui voudrait que notre psychologie, parce qu’elle est ancrée dans la rationalité, soit supérieure aux connaissances des cultures chamaniques et aux systèmes symboliques des gnostiques et des alchimistes, pour ne citer que ceux-ci, chers à Jung. Lui-même n’était pas dupe d’une telle illusion, qui a surtout pour fonction d’entretenir notre ego collectif avec l’idée d’un progrès dont nous serions le fruit : il disait que la psychologie pallie pauvrement à l’absence de mythologie vivante. Il soulignait par exemple que le dogme de l’Église Catholique fonctionnait à l’évidence comme un système psychothérapeutique. Dans de nombreux cas, il s’est contenté de reconduire la personne qui venait le consulter à la foi de ses ancêtres. Il en présente un exemple frappant en la personne d’une jeune femme juive et très intellectuelle dont la thérapie a été achevée le jour où elle s’est souvenue de ce que son grand-père avait été un tzaddik, c’est-à-dire un saint dans la tradition hassidique.

Il écrit : « De tous les patients ayant atteint la maturité, c’est-à-dire âgés de plus de trente-cinq ans, il n’en est aucun pour qui le problème ultime ne soit pas celui de l’attitude religieuse. En fait, chacun souffre d’avoir perdu ce que les religions vivantes ont apporté de tous temps à leurs adeptes, et aucun n’est vraiment guéri qui n’a retrouvé sa conception religieuse, sans aucun lien bien sûr avec une confession ou une appartenance à une Église… »

Jung est explicite sur ce point : la seule chose qui guérit, c’est l’expérience du numineux. Le terme « numineux » vient du latin numen, qui signifiait « présence divine ». L’étymologie de numen réfère à un hochement de tête, renvoyant à l’image d’une divinité faisant connaître sa présence en inclinant la tête. Jung a été fortement influencé par l’étude de Rudolf Otto sur le Sacré, parue en 1917, qui souligne le caractère à la fois fascinant et terrifiant du numen. La difficulté à laquelle se heurte notre moderne raison pour aborder ces questions, c’est qu’en présence du mystère, il n’y a plus de mots, plus de concept qui tienne. Devant le mysterium tremendum, tout se tait, tout s’incline. Le silence intérieur est tout à la fois le signe de la présence du sacré et le moyen d’y accéder, l’espace d’une possible rencontre, comme le laisse entendre le terme « mystique » qui renvoie étymologiquement à « muet ». Mais dans ce silence, il y a des images vivantes avec lesquelles il est possible de dialoguer, et c’est ce mystère qui a fasciné Jung : dans la nuit la plus complète de l’inconscient, les images intérieures donnent une lumière, la lumière de la nature (lumen naturae) dont parlait Paracelse, qui permet toujours d’éclairer l’endroit où l’on pose le pied, guère plus loin, et qui conduisent au-delà de tout ce qu’on pouvait penser.

Il avait une connaissance intime de ces choses, qui transparaît dans ses écrits. Il enfonce ainsi le clou : « Ce qui m’intéresse avant tout dans mon travail n’est pas de traiter les névroses mais de me rapprocher du numineux. Il n’en est pas moins vrai que l’accès au numineux est la seule véritable thérapie et que, pour autant qu’on atteigne les expériences numineuses, on est délivré de la malédiction que représente la maladie. La maladie elle-même revêt un caractère numineux. » Quand la maladie elle-même revêt un « caractère numineux », c’est que la vie toute entière a retrouvé son caractère d’aventure sacrée ; elle est alors rachetée, justifiée au sens qu’elle a restaurée sa propre justesse, sa droiture intrinsèque. On peut dire alors, dans un vocabulaire tombé en désuétude, qu’une âme est sauvée ; elle a cessé de maudire sa propre existence, c’est-à-dire d’en médire en l’assimilant à un non-sens, à une absurdité vouée seulement aux jeux du hasard et de la nécessité.

Les biographes de Jung soulignent comment il n’a eu de cesse, finalement, de répondre au drame intérieur que vivait son père, Paul Jung. Ce dernier était un pasteur qui avait perdu la foi, et qui avouait en privé ne plus croire à ce qu’il prêchait. Avec les progrès de la science, c’est tout un édifice fondé sur des croyances littérales qui s’est ainsi effondré à la fin du XIXème siècle, et nombreux sont ceux qui se sont retrouvés pris sous les décombres. Il y a ainsi des prêtres qui ont commencé à expliquer que Jonas n’avait pu être avalé par une baleine car celle-ci a des fanions empêchant d’ingérer un si gros morceau, mais qu’il devait bien sûr s’agir d’un grand requin. D’autres ont jeté le bébé avec l’eau du bain et sombré dans une crise de foi qui traduit leur indigestion de certitudes mal placées. Dans l’un et l’autre cas, on peut simplement relever l’absence d’intelligence symbolique.

Les symboles relient les différents plans d’existence avec une trame de sens, et en particulier une image consciente avec différents ordres de signification inconsciente. Ainsi n’est-il nullement nécessaire de croire en la virginité littérale de Marie pour appréhender le mystère de l’Incarnation du Divin ; au contraire, une telle croyance aveugle peut voiler les profondeurs symboliques de l’image, qui ressortent quand on sait que dans l’Antiquité, on disait d’une femme qu’elle était vierge même si elle avait eu des amants, mais qu’elle affirmait sa liberté et le fait de n’appartenir à personne. Plus avant, Maître Eckhart a souligné comment le Divin n’a de cesse de renaître dans l’espace vierge de l’âme, à jamais inviolable, intouchée par le monde. Le Christ est dans cette perspective symbole de la lumière de la conscience renaissant dans l’âme, le Nouveau dans la fraîcheur éternelle de l’instant présent. Il est donc frappant de constater comment Jung, en réponse à la crise spirituelle dans laquelle s’est forgée notre modernité, s’est fait le héraut de l’intelligence symbolique. Mais le danger demeure d’une approche intellectuelle des symboles alors que ce sont des réalités vivantes, et c’est là que Jung a ouvert une voie inédite où l’esprit des anciens chamans s’allie à la modernité de la psychologie.

En réponse à la question « croyez-vous en Dieu ? », le vieux Jung a laissé échapper « Je ne crois pas, je sais ». Le vœu du jeune Jung, qui refusait de croire mais voulait expérimenter, a été exaucé : il a eu une expérience brûlante du numineux, qui ressort en particulier dans le Livre Rouge, le journal intime de ses imaginations actives. C’est ce qui ressort du rêve de Bernhard et de son récit : Jung ne se payait pas de mots, il entretenait une relation vivante avec le mystère – l’image du medecine man est appropriée car il est devenu la « médecine » qu’il a cherchée. Il le dit à Robert Johnson : « Rappelez-vous, ce qui guérit, ce n’est pas ce que vous dites ou faites, c’est ce que vous êtes. » Il affirme aussi en de nombreux endroits que le Christ est une image du Soi incontournable en Occident, mais il ne fait pas dans la métaphysique ou la théologie, il utilise cette image comme le ferait un chaman, en en faisant une source de mana, de numen.

Jung mentionne dans une entrevue qu’il a livré le secret de l’Œuvre dans son livre Aïon. Cela m’a intrigué et bien sûr, je suis parti à sa recherche. Combien de fois suis-je passé à côté sans le voir ? Et puis c’est devenu une évidence. Ce secret n’a jamais été caché ; on peut le dire, mais qui saura en faire usage ? C’est une attitude intérieure, qui ressort dans les paroles qui ouvrent la Méditation sur le Fondement dans les Exercices Spirituels de Ignace de Loyola :

« L’homme a été créé à cette fin qu’il loue Dieu, notre Seigneur, qu’il lui témoigne sa vénération, qu’il le serve et sauve ainsi son âme ».

Jung donne ensuite l’interprétation psychologique, ou plus précisément sa reformulation en termes rationalistes, de ce texte car, justifie-t-il, « l’esprit moderne, malgré de sérieux efforts, ne comprend plus le langage théologique vieux de bientôt deux mille ans. Nous sommes non seulement menacés, mais depuis longtemps envahi par le danger que le manque de compréhension ne soit remplacé ou bien par l’insensibilité, l’affectation et la rigidité dans la croyance, ou bien par la résignation et l’indifférence. » La mission que s’est donné Jung, en particulier à partir du moment où il a commencé à comprendre la symbolique de l’Alchimie, ressort ici : il a tenté de jeter un pont entre les Anciens et les modernes, de façon que le trésor spirituel qui a nourri notre civilisation ne soit pas perdu, et que ne l’emportent ni le fanatisme ni l’atonie spirituelle. On peut penser qu’il préparait ainsi une nouvelle Renaissance, puisque celle du XVIème siècle s’est appuyée sur une relecture des textes de l’Antiquité…

Voici donc cette reformulation en termes modernes : « La conscience est engendrée dans le but qu’elle reconnaisse (loue) son origine comme venant d’une unité supérieure (Dieu), qu’elle considère attentivement cette source (lui témoigne sa vénération), qu’elle en exécute les arrêts avec diligence et de façon responsable (le serve), et qu’elle procure ainsi à l’ensemble de la psyché un optimum de possibilités de vie et de développement (sauve son âme). »

On voit que Jung esquive toute métaphysique et théologie pour suggérer donc une attitude intérieure. De ce point de vue, il est impossible de distinguer l’expérience du divin et celle de l’inconscient, source d’images archétypiques ; en disant « inconscient », nous disons juste que nous ne savons pas ce que c’est, que nous ne pouvons y accéder directement en conscience. Cependant, cela « parle » en images de rêve, en émotions et sensations, etc. Pour Jung, la religion consistait à prêter une attention scrupuleuse aux mouvements de l’âme et non à s’accrocher à des croyances aveugles. Il était bien un mystique, au sens où il se fondait sur l’expérience directe dans le silence, mais non dans celui, péjoratif, d’un oubli de la terre pour aller dans des hauteurs spirituelles. À un jeune homme idéaliste, il donne en 1929 cet avis qui laisse enfin entendre combien il prend le parti de l’humain et de la vie terrestre, et quel est selon lui le rôle de la conscience dans le mystère de l’Incarnation :

« Plus Dieu est proche, plus le danger est grand. Dieu veut naître dans la flamme toujours plus haute de la conscience humaine. Et si celle-ci ne plonge pas ses racines dans la terre ? Si ce n’est pas une maison de pierre capable d’abriter le feu divin, mais une misérable hutte de paille qui prend feu, se consume dans les flammes et disparaît ? Dans ces conditions, Dieu a-t-il pu naître ? Il faut pouvoir supporter Dieu. C’est le devoir suprême du porteur de l’idée. Il doit être l’avocat de la Terre. Dieu s’occupera de ce qui le concerne. Mon principe intérieur est Deus et Homo. Dieu a besoin de l’homme pour une prise de conscience, de même qu’il a besoin de la limitation dans le temps et dans l’espace. Soyons donc pour lui limitation dans le temps et l’espace, un tabernacle terrestre. »

samedi 7 juin 2014

Un escalier invisible

Les périodes de transition réclament une forme particulière de courage, qui tient à la capacité de descendre dans le vide sans corde de rappel. J’ai entendu récemment, au détour d’une conversation amicale, un rêve qui illustre magnifiquement ce point. Le rêveur est un homme dans la quarantaine qui vient tout juste de déménager dans une autre ville suite à une séparation amoureuse. Il est au point mort sur le plan professionnel ; il a bien quelques projets mais aucun ne soulève de véritable allant, ce qui l’inquiète profondément. Voici le rêve :

Je marche dans une rue. Je me rends compte qu’il y a un homme, un grand Noir, qui est curieusement habillé avec un gros paletot alors qu’on est en été et qui me suit de près. Je me retourne et lui demande qui il est. Il ne me répond pas, semble embarrassé. Je crois comprendre le motif de sa présence et je lui dis : « Tu es une sorte de garde du corps, c’est cela ? ». Un sourire éclaire son visage, il opine du chef. Nous reprenons notre route, moi devant et lui derrière à quelques mètres. Nous arrivons au bord d’un précipice impressionnant : il y a bien 30 mètres au moins de dénivelé abrupt. Je m’arrête, saisi d’un vertige en contemplant le vide. L’homme me dépasse alors et s’engage sur un escalier invisible. Il descend jusqu’en bas sans la moindre hésitation et continue son chemin. Je suis incapable de le suivre bien qu’il semble me montrer le chemin, je ne peux pas poser le pied ainsi dans ce qui me semble être le vide. Je me réveille avec une violente anxiété.

L’interprétation découle aisément du contexte. Le rêveur prend conscience qu’il est accompagné, c’est-à-dire qu’il est moins seul qu’il ne le croit dans ce moment de son existence. On peut dire rapidement que ce compagnon est l’Inconscient, mais cela ne nous apporte rien de plus que de constater qu’il est inconnu au rêveur. Il est noir, ce qui laisse entendre qu’il pourrait être l’Ombre du rêveur, cette partie de lui-même qui lui semble obscure et qui se confond avec la nuit. On retrouve dans cette ombre tout ce qui n’a pas été vécu par la conscience, et en particulier ce qu’elle rejette mais qui pourrait aussi bien être conscient. C’est une erreur de faire de l’Ombre un concept, en l’assimilant par exemple au seul « refoulé » ; c’est une dimension vivante de notre psyché, le plus souvent gardienne de notre vitalité et de nos ressources secrètes, et qui veut participer à la vie.

L’embarras de ce compagnon quand il lui est demandé de s’identifier est révélateur : on ne peut rien dire sur l’Inconscient, et lui-même est en mal de se définir. Le paletot est volontiers symbolique de protection ; ce compagnon a « le cuir épais », et ce thème est donc redondant avec le fait qu’il est là pour jouer « le garde du corps », pour protéger le rêveur. Dans les temps de grand passage, nous pouvons compter sur les ressources de l’Inconscient pour nous protéger. L’Ombre est au premier chef tissée d’intelligence instinctuelle qui sait précisément ce qui est bon pour nous et comment nous tirer de mauvais pas. Dans l’ombre des civilisés que nous sommes, il y a encore tout une vie sauvage qui sait exactement comment retomber sur ses pattes pour que nous survivions. Le terme « garde du corps » laisse entendre aussi comment l’intelligence instinctuelle de l’Ombre vise à préserver ce corps, c’est-à-dire des possibilités de vie pour le futur. Ici, je m’amuserais à tirer une parallèle entre ce compagnon et la figure typique de l’Ange Gardien, auquel on prête d’être lumineux mais qui peut aussi être d’ombre.

Le rêveur est donc parvenu devant un gouffre, et devant la nécessité de descendre en lui-même, dans ses profondeurs, pour pouvoir continuer sa route. Il en a le vertige. L’Ombre lui montre la voie. Pour l’Inconscient, il n’y a là aucune difficulté : dans l’Invisible, l’escalier est évident. Il était protecteur, il se fait maintenant guide. Il anticipe le mouvement intérieur qui appelle le rêveur. Comme souvent quand nous sommes bloqués dans nos vies, l’Inconscient nous précède dans l’élaboration silencieuse des prochaines étapes de notre existence. Il y a là quelque chose de très rassurant, qui dit simplement : « Tu vois, c’est possible… » et « suis-moi », c’est-à-dire « laisse-moi t’ouvrir le chemin », « abandonne toute prétention consciente à planifier la suite de ta vie car à partir de là, tu marches dans le vide ». Il n’y a plus rien pour soutenir le pas du rêveur, seulement une invitation à oser le vide.

Il y a une très belle histoire, me semble-t-il d’Anatole France, pour de telles situations. Un Ange ignorant de sa propre nature est amené au bord d’une falaise. Il faudra l’effrayer pour qu’il n’ait d’autre issue que de sauter, et alors, bien sûr, voilà que ses ailes s’ouvrent. Nous sommes tous des êtres ailés mais bien peu le savent. C’est une des fonctions du rêve en général, selon Robert Moss : « Rappeler à l’âme qu’elle a des ailes ». Mais avant de s’envoler, il faut rencontrer le vide, et la peur que nous ressentons face au vide, l’immobilisation qu’elle implique. Mon conseil au rêveur a été de s’assoir et de prendre le temps de vivre cette peur, de la ressentir autant que possible. Je l’ai invité à regarder où dans sa vie il pouvait ressentir un tel vertige et une anxiété similaire – il a haussé les épaules tant il semblait y avoir de domaines en questions. Nous sommes convenus que le mieux qu’il pouvait faire avec une telle situation est de ne surtout rien forcer, et de méditer avec sa peur, de la regarder droit dans les yeux.

Il y a une loi psychique aux conséquences extraordinaires : tout ce qui est vu commence à se transformer. Ce qui persiste devant nos yeux, c’est en fait que nous lui donnons une continuité en refusant de le regarder vraiment. La peur est naturelle, et elle est fort appropriée dans de nombreuses circonstances. Le courage, ce n’est pas de ne pas avoir peur – cela, c’est souvent de la témérité – mais c’est d’être capable d’avancer avec sa peur, en en ayant conscience. C’est-à-dire d’avancer dans et avec notre vulnérabilité exposée. La peur est une porte, mais si on peut frapper à la porte, il faut absolument éviter de l’enfoncer. Ce rêve se prête tout particulièrement à une approche méditative car il suggère qu’il n’y a pas d’autre alternative à ce point que l’immobilité, et de contempler le vide. Il me rappelle un des aphorismes du Tao-të-King revisité par Stephen Mitchell[1] :

Aurez-vous la patience d’attendre
Que la boue se dépose
Et que l’eau de l’étang
Redevienne claire ?

Aurez-vous le courage
De rester immobile
Jusqu’à ce que l’action juste
Surgisse d’elle-même ?

Dans toute transition de vie, il y a un « passage à vide », et ce qu’on appelle une zone neutre dans laquelle il ne se passe rien. Cela peut être désespérant ; ce n’est pas pour rien qu’on a souvent comparé ce temps mort à l’hiver[2], saison de l’âme vouée à l’immobilité. William Bridges[3], qui a théorisé ces phénomènes de transition psychologique, souligne que la réalité du changement dépend de la mesure dans laquelle nous acceptons de rester dans la zone neutre. Nous avons trop souvent tendance à vouloir remplir le vide le plus vite possible, et bien sûr, nous ne sommes capables de le remplir qu’avec ce que nous connaissons déjà. À l’inverse, en habitant le changement en profondeur, nous partons à la recherche de sa face cachée ; nous permettons au nouveau d’émerger dans notre vie. Nous confions la direction de notre existence à ce qui, en nous, sait mieux que nous ce qui est bon pour nous…

Personne n’a dit que c’était facile. Il est inévitable dans une transition de vie de rencontrer la peur, l’anxiété, l’incertitude, la désorientation, la perte de repères, le doute. Sinon, ce n’est pas une véritable transition, mais juste un réaménagement : on change quelques meubles de place pour se donner à croire qu’on a déménagé. J’ai fait voilà quelques temps un rêve qui illustre le passage d’un tel seuil :

Je me retrouve dans une ville inconnue. Cela ressemble à New York, dans un quartier animé avec des enseignes lumineuses partout, qui me fait penser à Broadway. Cela semble écrasant de prime abord. J’ai égaré mon sac à dos et mon blouson, avec mon portefeuille. Je les ai posés quelque part pour aller vaquer à autre chose, et quand je suis retourné à cet endroit, ils n’y étaient plus. Je me préoccupe de devoir alerter Mastercard pour la perte de ma carte de crédit mais je n’ai pas un sou sur moi. Je ne sais pas comment retourner là d’où je viens et je n’ai aucune idée de comment rentrer chez moi.

Je me suis réveillé au bord de la panique, bien sûr, et puis j’ai pris le temps de respirer dans ma peur, de l’écouter. En reprenant mes esprits, j’ai réalisé que ce rêve me portait une excellente nouvelle. J’étais en effet dans une importante transition de vie et voilà que le rêve me disait que je touchais au cœur du changement que j’appelais dans mon existence. Une pensée m’est venue qui m’a fait rigoler : « Ça y est, j’ai perdu la carte ! » Il n’y a pas de changement qui s’opère en suivant une carte. Le portefeuille est un symbole de l’identité, la carte de crédit renvoie à la confiance et le blouson, à la protection ; j’étais dépouillé de tout cela ; je les avais abandonnés. J’ai amené ce rêve dans un cercle qui se donnait dans les jours suivants, et en allant en imagination au bout du mouvement intérieur, le désarroi que je ressentais dans le rêve a mué en une énergie nouvelle : il fallait survivre dans la jungle de la grande ville. Soudain, tandis que mon ego était en complète déconfiture, il y avait quelque chose de sauvage, comme un fauve en moi, qui se réveillait, souriant tandis qu’il retombait sur ses pattes.

On croit souvent qu’on a besoin de l’aide d’un passeur quand on se trouve dans un tel passage, et ce peut être en effet le cas tant qu’on n’a pas trouvé ce passeur à l’intérieur de soi. La fonction du passeur est de nous aider à nous détendre dans le passage, ce qui le facilitera ; ce n’est pas qu’on ne résistera pas, mais qu’on rendra ces résistances conscientes. Au lieu de parler de résistances, d’ailleurs, il apparaîtra qu’il y a des choses importantes qui réclament d’être protégées, et on pourra s’en occuper consciemment. Il n’y a pas de changement qui puisse s’opérer sans s’appuyer sur quelque chose de solide, de fixe. C’est pourquoi il est si important d’accepter de tomber dans le vide : on ne tombera pas indéfiniment. Tôt ou tard, on trouve un sol solide sur lequel assurer nos pas.

Le passeur est un passant sachant passer, et qui, ayant vécu cette expérience en profondeur, saura communiquer à cet autre passant qui lui demande de l’aider dans le passage, qu’il y a bien quelque chose au-delà du vide, de l’incertitude, de la perte de repères et du doute. Quelque chose qui vaut la peine de tout risquer. En réalité, le passeur ne peut pas grand-chose pour le passant. Tout au plus peut-il donner un visage souriant et confiant à ce vide nécessaire, en évitant au passant de l’enfermer dans des certitudes théoriques ou un quelconque projet. Pour changer en profondeur, le passant a besoin d’un pivot, et finalement ce pivot ne peut que s’ancrer dans le vide, c’est-à-dire dans l’inconnu, l’inconscient. En lui faisant confiance, en s’y abandonnant, le passant donne à l’inconscient la permission d’ouvrir le chemin. C’est en quittant la terre ferme qu’on apprend à voler, et alors le vide se révèle être simplement un espace ouvert à la vie qui demande à se renouveler. C’est ce que m’a soufflé une petite voix intérieure dans ce moment de transition marqué par le rêve que j’évoquais plus haut, en me chuchotant :

Quand tu tombes dans le vide, ouvres ton cœur comme on déploie des ailes… et embrasse l’espace.


[1] Vous trouverez ce petit bijou ici en format PDF : http://faculty2.ric.edu/rfeldstein/560spring11/1.a.taoteching.pdf ainsi que dans toutes les bonnes librairies. Il en existe semble-t-il une traduction française.
[2] Un livre inspirant sur ce sujet : Michèle Roberge, Tant d’hiver au cœur du changement, Éditions Septembre, Sainte-Foy, 1998.
[3] William Bridges, Les transitions de vie : Comment s'adapter aux tournants de notre existence, InterÉditions 2006.