vendredi 29 janvier 2021

Chemins de mystère

Cela fait bien longtemps que je n’ai rien écrit pour ce blogue, ni d’ailleurs pour mon blogue poétique ou les différents groupes Facebook que j’administre. Je marche en silence. Je me sens en cela en accord avec la saison : l’automne, et encore plus l’hiver, sont propices à l’introspection et invitent à mûrir tranquillement les projets qui fleuriront au printemps. Cela va aussi avec les temps que nous vivons : je crois qu’un certain retrait, une saine réserve, sont nécessaires dans les moments de crise que nous traversons, au risque sinon de se perdre dans l’agitation de « l’esprit du temps ». Plus je contemple notre situation collective, plus le silence s’impose à moi…

J’ai de bonnes raisons personnelles de m’en tenir à ce silence. J’ai déménagé en octobre et je m’installe doucement dans une nouvelle vie à l’écart de la frénésie urbaine. Je prends refuge dans la proximité des arbres, d’une charmante rivière, des montagnes… et je vous dirai que mon silence est riche des murmures échangés avec ces beaux vivants. A bien les écouter, je constate que leur silence est plus riche que la plupart des discours que j’entends ou que je pourrais prononcer. J'ai aussi été bouleversé par la disparition brutale, dans les derniers jours de 2020, de mon amie Martine Tollet, avec qui j'animais des ateliers de Jeu Archétypal. L'école de mystère était un de nos projets communs, qui donnait une perspective à notre travail. Et puis je suis dans un moment de grande transformation personnelle avec le fait qu’après trois ans d’errance depuis que je suis revenu du Québec, je replante enfin vraiment mes racines en France, au « doux pays de mon enfance ». C’est toute une révolution, au sens premier de ce mot, qui parle d’une boucle qui se boucle, un retour à soi et un retour sur soi.

Mais c’est aussi qu’il y a un chemin de mystère qui s’est ouvert devant moi depuis que j’ai publié mon article sur le Cadeau, annoncé mon intention de me consacrer à la transmission du cadeau reçu de mes merveilleux enseignants. C’est normal : on ne s’engage pas dans une telle démarche sans passer soi-même par les fourches caudines du processus de transformation. Annoncer une telle intention, c’est un peu provoquer la Vie et elle m’a répondu gentiment : « chiche ! » avant de m’inviter à une profonde réflexion. Je suis conscient cependant que j’ai créé quelques attentes en parlant ainsi – j’ai reçu de nombreux messages m’encourageant à aller au bout de mon projet – et c’est pourquoi je vous partagerai ici quelques éléments de cette réflexion, qui dessinent un chemin, ou peut-être simplement un petit sentier qui coure à travers bois…

Claude Carvin (1956)

D’abord, je veux mentionner une réaction à mon article le Cadeau qui m’est venue d’une médecine woman à qui je demande parfois de la supervision dans ma démarche. Elle m’a dit en substance :

- Rappelle-toi, Jean : on ne peut pas transmettre le cadeau. Tout ce que nous pouvons faire, c’est créer les conditions dans lesquelles le Cadeau est reçu…

Je la remercie. Ce point est extrêmement important. L’oublier, c’est tomber dans l’inflation, c’est-à-dire confondre le moi et le Soi, se gonfler comme une grenouille qui se prend pour un bœuf au risque d’éclater. Le Cadeau nous est toujours donné – d’en-Haut, oserai-je dire – et tout ce que nous pouvons faire, c’est de nous efforcer de créer les conditions dans lesquelles il peut être reçu. C’est toute la dialectique de l’effort et de la grâce, pour reprendre le titre d’un merveilleux livre d’Yvan Amar, dont la trace du passage sur cette terre est pour moi une source d’inspiration. Ainsi en est-il de la méditation : les postures, les exercices, les pratiques, ne font que créer l’opportunité d’entrer en méditation… mais la méditation, l’état d’ouverture intérieure, survient sans crier gare, sans rime ni raison.

Il faut donc se garder de toute prétention à transmettre l’essentiel. Je me désolidarise dans une grande mesure du sacred business qui vend du bien-être et des solutions faciles du genre « l’illumination en dix leçons ». L’exploration que je propose, qui vise à l’individuation dans l’acception que Jung donnait à ce terme, ne saurait être un produit de masse, car comme le soulignait le grand psychiatre suisse, la démarche consistant en aller éclairer l’obscurité – qui plus est, avec une lampe obscure (clin d'oeil à un rêve que j'ai entendu récemment) – ne saurait être populaire. On pourrait parler là de « voie initiatique » – pour reprendre les mots de Jung à propos de l'exploration de l'Inconscient –, à condition d'éviter de se gonfler la bouche avec ça et surtout de rappeler que l’initiation implique de mourir avant de mourir, ce qui est la seule façon de pouvoir ressusciter. Par l’évocation de la mort ici, je veux rappeler que le processus ne saurait être guidé par l’ego, que ce soit celui de l’impétrant ou celui de l’enseignant, car, nous dit encore Jung, « toute rencontre avec le Soi est une défaite pour le moi ». Par celle de la résurrection, je pointe vers la quête de la gnose éternelle, ou encore du lapis, de la pierre philosophale. Mais si, dans cette quête, nous ne sommes pas guidés par l’Esprit, alors tout est vain...

Allant plus loin dans ma réflexion, je dois dire que dans le fond, je n’ai pas du tout envie de me poser en enseignant. J'y vois un piège car cela impliquerait de laisser croire que je sais quelque chose, que je serai "arrivé" quelque part. Ce qui m’intéresse pour ma part, c’est le partage et la recherche. La recherche surtout, mais le partage est un moment important de la recherche car il consiste en « vider son sac » pour qu’il puisse être rempli de nouveau. Dans le partage, il y a la notion de réciprocité, et c’est ce qui est passionnant avec l’exploration intérieure : on n’arrête jamais d’apprendre les un.e.s des autres. Mieux, quand on se met à l’écoute du Mystère, par exemple au travers des rêves, celui-ci enseigne tous ceux qui se frottent à lui, aussi bien l’analyste que le rêveur par exemple. C’est ce qui rend absolument passionnant ce travail avec les images intérieures, ce qui en fait une joie sans cesse renouvelée : à chaque pas, il y a une nouvelle découverte, un espace qui s’ouvre, une fleur qui sourit. Et au-delà de la notion de réciprocité, il y a celle de communauté, de mise en commun.

Disons-le clairement : ces richesses auxquelles donnent accès l’écoute du Mystère vivant dans les rêves sont aussi indispensables à la vie, au moins de certain.e.s d’entre nous, que l’air que nous respirons, l’eau que nous buvons. Elles n’appartiennent à personne. Elles doivent être rendus accessibles à tou.te.s. Cela ne veut pas dire que le temps et les efforts requis pour les communiquer et les rendre accessibles ne méritent pas rémunération, mais cela implique que ce travail doit être fait dans un esprit de service à la communauté. Au fond, l’état d’esprit requis pour approcher ces choses nous est dicté par l’évocation du fait spirituel qui veut que « l’être humain ne se nourrit pas que de pain, mais il se nourrit aussi de la Parole de l’Éternel ». Toute autre approche est vaine et constitue au mieux une tartufferie, au pire une mutilation de l’âme…

Jean-Marc Subira - chemin vers l'infini (2017)

Et puis je dois vous dire que je rencontre une certaine lassitude. Au fond, j’ai déjà pour ma part exprimé l’essentiel en différents endroits, par exemple quand j’ai parlé du « secret de Jung » dans un article, ou du« secret de la joie » dans un autre article, ou encore de la bénédiction dans mon roman « l’arme absolue ». Si vous vous demandez ce que je pourrais bien avoir à communiquer, à partir d'où je désire partager, je vous invite à lire ces textes. Il semble être question de secrets... mais en réalité, il n'y a rien d'ésotérique ou de secret là; ce terme est une façon d'évoquer quelque chose qui semble caché, qui est inconscient... mais est en fait aussi évident que le nez au milieu de la figure, ou comme disent les américains, un éléphant au milieu du salon. 

Ces textes, et d'autres articles de mon blogue, m’ont valu des clins d’œil de quelques-un.e.s qui comprenaient parfaitement, sans plus d’explication, de quoi il est question. Cependant je ne crois pas être plus qualifié qu’un autre pour en parler, et je ne me sens pas particulièrement missionné pour porter « la bonne nouvelle ». C’est même l’inverse : c’est sans doute parce que j’ai la tête dure, et que j’ai besoin d’entendre encore et encore parler de l’essentiel pour l’assimiler que j’éprouve le besoin de partager. On enseigne ce qu’on a besoin d’apprendre soulignait Richard Bach, l’auteur du Messie récalcitrant. Mais j’ai dû apprendre un peu mieux ma leçon depuis quelques temps et j’éprouve moins le besoin d’en parler que de la vivre, ce qui reconduit inéluctablement au silence. Quant à mes ami.e.s chercheuses et chercheurs spirituel.le.s, j’ai envie de les renvoyer simplement au logion de l’Evangile de Thomas que je citais déjà dans mon article sur le Cadeau :

« Que celle/celui qui cherche ne cesse de chercher jusqu'à ce qu'il/elle ait trouvé… »

Il appartient à chacun.e d’aller au bout de la recherche. Nul ne peut le faire à notre place. Il n’y a pas de raccourci. On perd son temps à penser que quelqu’un d’autre que ce que nous portons déjà en nous-même peut nous communiquer la solution de l’énigme que nous sommes. La question se pose et se repose souvent ainsi :

Qu’attendez-vous pour plonger tout.e entier.e dans la recherche sans vous raccrocher à rien, et surtout à l’illusion de ce qu’il y aurait un enseignant, un livre, une école… qui pourrait vous révéler ce que vous savez de toute éternité, mais que vous avez oublié ?

Kabir le dit merveilleusement bien, dans un poème que nous citait souvent Paule Lebrun :

« Quand on cherche pour l’Invité, c’est l’intensité de la recherche qui fait tout le travail »

Mon questionnement est au fond typique de l’étape du retour dont parle Joseph Campbell dans son étude du monomythe. La question se pose toujours : pourquoi tenter de transmettre à nouveau ce qui a été dit mille fois, de tant de merveilleuses façons, et si mal compris ? Il n’y a pas de réponse à cette question, que l’exigence intérieure de vider sa propre coupe pour qu’elle soit à nouveau remplie, et qu’évoque encore l’Évangile de Thomas quand il dit :

« Si vous donnez forme à ce qui est en vous
ce à quoi vous donnerez forme vous sauvera.

Si vous ne donnez pas forme à ce qui est en vous,
ce à quoi vous n’aurez pas donné forme vous détruira. »

On retrouve là une des ambiguïtés du discours spirituel dans notre contexte mâtiné de judéo-christianisme, à savoir une eschatologie tournant toujours autour de la notion du Sauveur, etc. Derrière cette idéologie, il y a toujours la notion du péché originel dont il s’agirait d’être sauvé. Cependant, quand on y regarde de plus près, on s’aperçoit que le grec soteria qui est traduit par « salut » signifie aussi « santé », dans le sens de la plénitude, de l’intégrité retrouvée. Il s’agit de libérer le mouvement de vie de tout ce qui l’entrave, et de passer dès maintenant de l’existence étriquée dans les rets du mental à la grande Vie, éternelle car elle nous dépasse. C’est la motivation fondamentale de tout le travail, de toute la recherche, où que l’on en soit de celle-ci. Et donc, soyons clairs, je ne suis pas intéressé par l’illusion de délivrer un enseignement mais seulement par la recherche commune, et le fait de poursuivre ma propre recherche en accompagnant celle d’autrui. C’est ce que je fais déjà dans mon travail d’écoute des rêves mais je pressens la possibilité d’aller beaucoup plus loin en explorant avec d’autres la question de l’éducation des adultes à la conscience et à la joie.

C’est une question essentielle pour notre temps : comment communique-t-on la Liberté essentielle ? Il s’agit de développer de nouvelles pédagogie, car les anciennes façons d’enseigner – ou encore une fois, de partager – semblent caduques. Plus profondément, il ne s’agit pas de « pédagogie », qui s’adresse aux enfants et où l’on retrouve le biais de supériorité de l’enseignant qui considère les étudiants de haut. On parle assez souvent pour l’éducation des adultes d’andragogie, mais il y a là encore un biais qui laisse entendre qu’on ne s’adresse qu’au masculin, andros en grec, et que cette andragogie a besoin d’être compensée par une gynegogie – une éducation au féminin. En fait, le terme judicieux est en fait aldanagogie, du grec aldaneïn, « faire croître ». S’il y a donc une question que j’ai envie d’explorer avec d’autres chercheurs, c’est :

Comment aider un être humain à croitre ?

Il n’est pas d’autres voies pour le découvrir que de chercher à croître soi-même, de préférence en relation avec d’autres. Pour faire pousser la fleur humaine, il faut l’arroser...

Ces pensées, et différentes considérations du même ordre, m’ont amené à renoncer à l’idée de créer une école de mystères proprement dite, car le terme « école » me dérange – il participe d’un modèle révolu : nous sommes à l’époque où chacun.e est « maître et disciple de soi-même ». Ou plus précisément encore « disciple de Soi », c’est-à-dire que la seule chose qui importe est d’écouter la voix du Maître intérieur qui nous guide, chacun.e, sur notre propre chemin. Je laisse donc tomber toute notion d’école pour garder, et souligner, celle de Mystère et cela me permet de dire que tout ce qui m’intéresse, c’est d’accompagner celles et ceux qui le voudront sur les chemins de mystère qui leur seront propres. 

Il y a toutes sortes de chemins de mystère, qui passent par une confrontation avec les grandes questions existentielles qui traversent la vie humaine. Les chemins que je me propose d'accompagner sont bien sûr pavés de rêves et d'images intérieures, mais non point seulement. On y rencontre nécessairement aussi les questions que nous posent la solitude, le sens de la vie, l’amour, la liberté, la souffrance, Dieu, le mystère de la nature de la conscience, le miracle permanent d'exister, la mort… et il est bien d’autres voies que le rêve pour rencontrer le mystère vivant en nous.

Je me propose donc de mettre en place un accompagnement à un processus d’exploration intérieure qui sera réservé à des chercheuses et des chercheurs qui ont déjà une certaine maturité dans leur recherche. Ce sera une formation, au sens du « donner forme à ce qui est en nous » et de la transmission d’un certain nombre d’outils conceptuels et pratiques, mais surtout pas un formatage. Il faut préciser que, même si nous travaillerons beaucoup avec la matière des rêves et des images intérieures, ce ne sera pas une psychothérapie. Le travail aura sans doute une incidence thérapeutique mais cela ne saurait constituer un objectif premier. Je vise à mettre en place une structure d’accompagnement qui s’adresse à des étudiant.e.s en connaissance de soi qui ont une bonne capacité d’autonomie. Ce que je propose est une démarche très libre, dans laquelle il s’agit essentiellement d’accompagner la recherche de l’étudiant.e en lui amenant les nourritures spécifiques que celle-ci réclame, mais sans exclusive. Il y a une structure tout de même, qui offre un contenant solide et sécuritaire à la démarche, mais c’est une structure qui vise à la liberté, et non à en faire l’économie comme c’est si souvent le cas quand on intègre une école…

Il s’agit d’une démarche ouverte à tout le monde. Elle n’est pas particulièrement réservée aux thérapeutes ou aux personnes voulant devenir thérapeutes même si elles y trouveront bien sûr des éléments pouvant approfondir et consolider leur pratique, en particulier avec l’écoute des rêves, l'imagination active, la pratique de la présence. Les artistes et toutes les personnes à fort potentiel créatif y sont bienvenus, et non seulement : il n’y a aucune contradiction à être cuisinier, coiffeur ou policier, et à s’engager sur le chemin intérieur. Au contraire. Nous avons besoin de policiers qui font ce chemin, et ils ont certainement à en apprendre en terme de relation avec la misère du monde à tous les thérapeutes. Il n’y a aucun prérequis philosophique, spirituel ou religieux : toutes les approches du Mystère sont bienvenues, et tout particulièrement les athées et les agnostiques. Pour ma part, je ne cacherai pas que ma démarche est enracinée dans une sorte d’agnosticisme spirituel qui me fait privilégier le je-ne-sais-pas sur toute certitude qui nous couperait de l’Ouvert, et que je récuse toute forme d’autorité autre que celle du Maître intérieur en matière spirituelle.

Le point de départ est toujours une question existentielle, c’est-à-dire une question qui ne peut trouver d’autre réponse que par une révélation intérieure. Il y a toutes sortes de questions existentielles, qui toutes renvoient à ce qu’on appelle l’investigation fondamentale :

Qui suis-je ?

Celle-ci peut se formuler de toutes sortes de façons selon ce qui appelle l’étudiant.e, par exemple comme un autre koân en forme de :

- Qu’est-ce que l’amour ?

- Qu’est-ce que la vérité ?

- Qu’est-ce que la conscience ?

- Qu’est-ce que la mort ?

- Qu’est-ce que Dieu ?

- Qu’est-ce que le rêve ?

Et puis il y a des questions existentielles qui sont parfois beaucoup plus concrètes :

- Je suis en réorientation professionnelle mais je n’ai aucune idée encore de ce que je vais faire. Qu’est-ce que mon âme veut pour moi ?

- Je suis malade, avec un pronostic fatal ou handicapant à terme. Pourquoi ? Que veut mon âme ?

- Ma vie n’a pas de sens. J’ai envie de mourir… qu’est-ce qui peut me donner le goût de vivre ?

- Quelle est ma mission de vie ?

Ma propre question existentielle sur le chemin de mystère que je marche ces temps-ci est : qu’est-ce que la transmission ?

Il se peut aussi qu’il n’y ait pas de question explicite au niveau du conscient, mais que les rêves ouvrent le chemin ou qu'une personne traverse une crise d'émergence spirituelle. Alors, on reviendra à la question fondamentale : qui suis-je ?

Pour entrer dans les chemins de mystère que je proposerai, il faudra donc venir me voir avec une question. Ce sera le point d’entrée, qui ne fermera rien: cette question pourra évoluer avec le processus. Dans un premier temps, nous discuterons donc un peu de cette question clé pour vérifier ensemble qu’il s’agit bien d’une interrogation existentielle, et non par exemple d’un questionnement intellectuel. J’aurais aussi quelques autres questions à poser au candidat ou à la candidate pour m’assurer qu’il/elle a la maturité requise pour entrer dans ces chemins de mystère. Ce n’est pas tant d’ailleurs que je m’arroge le droit de dire qui est apte ou non à cette recherche que de vérifier que je me sens capable de l’accompagner dans celle-ci… et si je suis amené à formuler un refus, il sera toujours accompagné d’une suggestion pour poursuivre sa démarche en un lieu plus approprié.

A partir de là, la structure proposée est très simple. La seule chose demandée est une rencontre régulière, au moins une fois par mois, pour faire le point sur la recherche de l’étudiant.e, et la participation, au moment qui conviendra à l’étudiant.e, à un stage intensif d’une semaine. Pour le reste, il y aura des stages et des conférences proposés à la carte, des rencontres régulières de groupe pour faire vivre la communauté de recherche, et surtout une grande ouverture à tout ce que l’étudiant.e voudra intégrer dans sa démarche.

La rencontre régulière sera bien sûr l’occasion d’écouter des rêves et de proposer des exercices personnalisés qui viseront essentiellement à donner l’outillage utile pour entrer en dialogue avec la source intérieure. Il s’agira d’un dialogue analytique au sens traditionnel d’un échange qui inclut un Tiers, l’Inconscient… et cependant un travail spécifique qui tient de la confrontation avec un koân – la question existentielle de l’étudiant.e. Une de mes sources d’inspiration dans le développement de cette approche a été les lying qu’offrait Swamiji Prajnanpad, le maître d’Arnaud Desjardins, dont le travail procédait tout autant du Vedanta que de la psychanalyse. A sa suite, je crois que rien n’est plus fécond que la rencontre de ces deux grands fleuves que sont l’observation psychologique et l’investigation radicale...

Les stages courts, d’une journée ou d’un week-end, qui seront proposés viseront essentiellement à pratiquer les différentes formes du travail avec les rêves en les faisant se croiser avec de la méditation et des activités ancrées dans le corps, et en faisant appel à la créativité. Ils seront optionnels, et ouverts à tou.te.s, incluant donc des participant.e.s extérieur.e.s qui ne seront pas engagé.e.s dans la démarche des « chemins de mystère ». Cela a pour but de favoriser toujours un brassage et d’éviter l’enfermement dans un entre-soi. Les étudiant.e.s des chemins de mystère bénéficieront d’une priorité et d'un tarif préférentiel par rapport au publkic, et pourront ainsi constituer leur parcours à leur guise, à la carte. Je leur demanderai cependant, pour que leur stage soit validé, de rédiger un rapport d’intégration. Et en fait, comme un principe des chemins de mystère, il leur sera possible d’intégrer à leur démarche tout stage qu’ils auront fait dans une autre école, avec un autre enseignant, dès lors où ils produiront un rapport sur la façon dont ce stage vient nourrir leur recherche…

Le postulat fondateur de cette « formation » est simple : ce n’est pas moi qui forme, ce qui ne pourrait conduire – comme on le voit trop souvent – qu’à une déformation ou à un formatage. Ce qui forme est à l’intérieur et cela in-forme le chercheur. Tout ce qui vient de l’extérieur, y compris ce que je peux dire ou proposer comme exercice, n’a de valeur que dans la mesure où cela vient nourrir la recherche de l’étudiant.e en connaissance de soi. Si quelqu’un est capable de montrer comment un stage pour apprendre à faire des choux à la crème, ou la lecture des Pieds Nickelés, a alimenté sa recherche, ce stage ou cette lecture seront validés comme faisant partie de sa formation. Cela va avec une évidence fondamentale et cependant révolutionnaire :

Le chemin pour devenir entièrement soi-même, l’être unique que l’on est, ne peut être qu’unique. Et cependant, pour devenir pleinement consciente, cette unicité doit être mise en relation car c’est la relation qui fait ressortir l’unité sous-jacente à la multiplicité des unicités. Ainsi s’opère la conjonction des contraires que nous appelons individuation.

L’approche que je propose est donc entièrement ouverte, mais n’est pas dépourvue de structure ni de focalisation. C’est ce que permettent la concentration sur la question existentielle et l’écoute intérieure du mystère vivant en dedans. Mon objectif en tant que facilitateur de cette démarche est simplement d’offrir un contenant solide au processus intérieur, en veillant en particulier à éviter toute interférence. Il y aura des enseignements théoriques aussi, portant essentiellement sur la psychologie des profondeurs, les rêves et les archétypes. Les étudiant.e.s seront invité.e.s à explorer des notions comme l’ombre, l’anima et l’animus, le Soi… mais sans perdre de vue que ce sont des réalités vivantes, agissantes, et non des concepts. Nous réfléchirons ensemble à tout ce qui peut servir des stratégies visant à la guérison, à l’éveil, à l’illumination du cœur. Je demanderai des fiches de lecture mais celles pourront aussi porter sur des livres qui ne seront pas dans la bibliographie que je propose. En effet, il s’agira encore et toujours d’aller examiner dans celles-ci ce qui alimente la recherche, ce qui nourrit l’être essentiel…

Quant à la sanction à l’issue du processus, il ne faut pas compter sur un diplôme. Tout au plus offrirai-je à qui le voudra un certificat comme quoi il a parcouru un chemin de mystère avec moi. Cela ne vaudra sans doute rien de plus que le poids du papier sur lequel ce sera écrit. Pour ma part, je sais d’expérience que la seule diplômation qui vaille est intérieure et relève de l’éclat de rire qui survient quand la question accouche de la réponse dont elle était enceinte. Nul ne peut savoir combien de temps cet accouchement pourra requérir mais la démarche que je propose sera limitée dans le temps à deux années au maximum, et valorisera au premier chef l’autonomie des étudiant.e.s. Ceux-ci seront toujours libres d’interrompre au moment qui leur conviendra le cheminement avec moi. Et de toute façon, nous pouvons compter sur les rêves pour ne pas laisser s’installer une dépendance illusoire si le processus intérieur n’est plus nourri...

Si vous êtes intéressé.e., avez des questions ou voulez plus d’information sur les modalités pratiques, vous pouvez me contacter par email à voiedureve(at)gmail.com.

Je lancerai officiellement l’aventure à partir du moment où un nombre suffisant d’étudiant.e.s se seront engagé.e.s pour constituer une petite communauté de recherche. Je n’accepterai dans un premier temps qu’un nombre limité à une dizaine, ou douzaine tout au plus, d’étudiant.e.s pour pouvoir leur accorder l’attention que leurs recherches requièrent. Et la tenue de stages dépendra de l’évolution des conditions sanitaires…

Pour conclure cette présentation, je vous dirai un rêve qui m’est venu alors que je marchais en montagne avec cette question de la transmission du Cadeau que j’ai évoquée dans l’article précédent. Il me suggère en fait tout autre chose que la création d’une école et dessine mon propre chemin de mystère. Dans ce rêve :

J’apprends à jouer de l’orgue. Ma compagne me soutient silencieusement par sa présence. Un homme m’interroge : pourquoi est-ce que j’apprends à jouer de l’orgue ? Je lui réponds qu’en fait, c’est parce que j’aime raconter des histoires. Et pour lui montrer que je sais raconter de bonnes histoires, j’en improvise une. C’est l’histoire de Christophe Colomb qui a prétexté qu’il allait chercher un paquet de cigarettes pour quitter son épouse et partir à la découverte du Nouveau Monde…

Comprenne qui pourra. Vos résonances m’intéressent. Pour moi, ce rêve est assez clair et je sais assez précisément ce que j’ai à faire. La transmission du Cadeau, en ce qui me concerne, passe par le fait de raconter des histoires, ce qui est ma façon de jouer de la musique sacrée. Je suis plus intéressé dans le fond par l'écriture de bonnes histoires que par l'enseignement, qui supposerait que je sache quelque chose. C'est ce que me pointait Paule Lebrun quelques temps avant sa naissance au ciel :

- Pour toi, Jean - me disait-elle - c'est simple : l'accompagnement individuel nourrit les ateliers et l'enseignement, qui à leur tour nourrissent l'écriture...

C'était sa médecine que de nous voir ainsi en transparence.

L’histoire que je raconte dans ce rêve est d’une certaine façon la mienne. Mais personne ne peut aller découvrir le Nouveau Monde tout seul. C’est une aventure qui réclame une communauté de recherche. Pour partir à Argos, à la conquête de la toison d'or – une histoire qu'affectionnait particulièrement ma chère amie Martine Tollet , il faut une équipe d'Argonautes. Alors voilà : disons que j’ai affrété une Caravelle qui s’apprête à quitter le port pour partir vers l'horizon, à la découverte de la Nouvelle Terre. Voulez-vous être du voyage ?