Moïse - Marc Chagall |
Peu après le début du confinement, une initiative à été lancée
dans le groupe Facebook « A l’écoute des rêves »,
invitant à rêver le futur. La proposition était, sous la forme
d’un jeu s’étalant sur une semaine, de « nous mettre à
l’écoute d’autre chose que la peur » et de « nous
brancher une fois par jour sur "la source la plus haute
disponible pour chacun" avec cette demande : recevoir des
impressions (images, sensations, sons, idées) du futur. » Il
pouvait « s’agir de rêves nocturnes, de rêves éveillés,
de sessions d’imagination active, de méditation, la seule consigne
étant de partir à la pêche avec l’intention de rapporter des
poissons frais à partager avec ce groupe. »
Nous avons eu ainsi une escadrille d’un bon nombre de rêveuses qui
sont parties en formation explorer ce que l’inconscient collectif
voudrait bien nous dire de l’avenir qui se dessine. Nous avons reçu
ainsi une profusion de rêves remarquables qui sont disponibles aux
regards dans le groupe. Je n’ai pas moi-même participé
directement car je suis tout à fait nul quand il s’agit de diriger
mes rêves. A ce genre de questions, que j’ai souvent posées, la
source des rêves me répond gentiment que demain, il me faudra payer
mon loyer. Ma fonction à l‘égard de ces rêves est autre :
je m’en fais volontiers l’herméneute, c’est-à-dire que ce qui
m’intéresse au premier chef est de les interpréter, et d’en
rendre ainsi le message accessible. Je m’occupe pour ma part de
faire cuire le poisson...
J’ai relevé, parmi tout ce beau matériel, une série de huit rêves qui a
particulièrement attiré mon attention et que je vous présente ici
avec la permission de la rêveuse. Il y a dans ces rêves des
éléments archétypaux remarquables qui proposent une direction que
l’on peut qualifier d’alchimique car on verra que le dernier mot
revient d’une certaine façon à la production de l’or spirituel.
Nous y retrouvons le thème ancestral de l’exode, c’est-à-dire
de la sortie de l’esclavage et de la marche d’un peuple aimé de
Dieu vers une terre promise. Nous pouvons y trouver des indications
précieuses quant à la façon de diriger nos pas dans cette période
troublée.
Cette initiative s’inscrit dans l’invitation plus large que j’ai
lancée au travers d’un article (un rêve pour la terre de demain) à cultiver des rêves pour la terre de demain, ce
que nous faisons parfois en loges de rêves et qui pourrait prendre
bientôt la forme de cercles spécifiques. Il s’agit, comme l’a
souligné la rêveuse qui a lancé l’initiative dans le groupe
d’aller « chercher des infos et de planter, avec nos rêves,
des graines pour le futur ». Cette démarche a deux aspects :
Le premier de ces aspects consiste, comme nous y invite Pablo
Servigne dans « une autre fin du monde est possible », à
investir le terrain de l’imaginaire avec des images positives du
futur. Il s’agit de prendre soin de la dimension spirituelle de la
transition que nous vivons. A ce point-ci, nous n’avons la plupart
du temps que des images négatives de l’avenir, comme si un voile
noir couvrait nos yeux. Il y a un risque certain que ce voile noir
couvre aussi nos cœurs et qu’ils s’atrophient dans l’anxiété
et pire encore, la haine à la recherche de coupables. Il ne faut pas
être grand clerc pour savoir que le plus important dans une période
de transformation pendant laquelle l’Ombre s’étend est de garder
une lumière allumée en dedans car il n’y a que la foi, au sens de
la confiance, qui puisse éclairer nos pas. Or nous pouvons être
certain.e.s que la crise systémique que nous vivons prendra fin un jour, fut-ce dans longtemps, et que la vie continuera d’une façon ou d’une
autre. Sans que je l’ai demandé, j’ai reçu un jour un rêve
remarquable (la jeunesse du monde) qui m’a
pour ma part profondément rassuré : le monde est jeune, et
l’horizon est ouvert…
Il ne s’agit pas ainsi simplement de nous rassurer en cultivant une
vision positive de l’avenir agrémentée d’images venant du pays
des Bisounours, ou de pratiquer une forme d’auto-suggestion
anesthésiante devant les gouffres grand ouverts devant nous. Dans la
merveilleuse impossibilité de savoir à quoi nous en tenir qui
caractérise le futur et qui nous offre toujours, à titre personnel
et collectif, une opportunité spirituelle, nous avons l’occasion
de contempler ce qu’il y a au fond de notre cœur : y a-t-il
là de la foi et de l’amour, ou de la peur et une envie d’attiser
la discorde, de répandre un fil de colère et de défiance ? Nous
avons chacun.e à prendre la responsabilité des rêves que nous
plantons dans le monde en sachant que, d’une façon ou d’une
autre, c’est ce que nous manifesterons dans ce monde, par notre
intention fondamentale et dans nos comportements, nos paroles et nos
pensées. Il s’agit donc d’assumer notre participation d’êtres
créateurs au Grand Rêve du monde, et de construire un avenir à
partir de cette responsabilité assumée et partagée.
L’autre aspect de cette démarche, c’est que nous rejoignons par
là les peuples du rêves, par exemple les aborigènes australiens ou
les Haudenosaunee, le « peuple des maisons longues »
mieux connus sous le nom d’Iroquois, qui peuplaient mon cher
Québec. Ces derniers n’entreprenaient pas une expédition de
chasse ou de guerre sans interroger leurs rêveurs, en fait souvent
des rêveuses d’ailleurs. Robert Moss raconte dans « les
Iroquois et le rêve chamanique » comment il a eu la surprise
de rencontrer dans ses rêves une rêveuse Mohawk venant de l’époque
où ces peuples commençaient tout juste à entendre parler de brutes
à la peau blanche qui se rapprochaient pour interroger le futur. De
tous temps, dans toutes les cultures sauf la notre qui se fie plutôt
aux ordinateurs – ce qui, foi d’ancien informaticien, est
vraiment une mauvaise idée car l’ordinateur reflète les limites de
l’esprit de son programmeur –, il y a eu différentes façons
d’interroger l’inconscient collectif, qui est la matrice de notre
avenir en tant qu’humanité. Nous avons connaissance de nombreuses
prophéties qui pourraient concerner notre époque. Mais il n’y a
que les prêtres et les pharisiens qui, visant à s’arroger le
monopole de la parole divine, peuvent prétendre que Dieu se serait
arrêté de parler un jour. Or s’il est fort intéressant
d’entendre ce qu’il a pu dire hier, qui était ce qu’hier nos
ancêtres avaient besoin de savoir d’un avenir qu’ils
envisageaient comme lointain, il est encore plus pertinent d’écouter
ce qu’il pourrait avoir à nous dire aujourd’hui du présent et
de demain, si proche…
Dans les loges de rêves où j’ai proposé d’aller chercher une
image pour la terre de demain, j’ai observé que le plus grand
bénéfice de l’exercice était de renforcer les liens dans la
communauté éphémère du cercle. Plusieurs personnes m’ont confié
ensuite que cela faisait longtemps qu’elles n’avaient pas entendu
d’images positives de l’avenir et que cela les avait relié aux
autres, à la communauté de tou.te.s celles et ceux qui sont
embarqué.e.s dans cette grande traversée, cette aventure
collective. Et c’est ce que soulignait mon grand rêve à propos du
futur, que j’ai évoqué plus haut : pour survivre au tsunami
dans lequel l’Inconscient collectif se soulève et nous emmène
ailleurs, il faut rester en lien les uns avec les autres. Dans la
série de rêves que nous allons étudier, il est souligné que nous
devons nous regrouper par familles d’affinités spirituelles qui
iront chacune leur chemin. Dès lors, nos cercles s’entrecroisant
forment une chaîne d’or qui est aussi forte que son maillon le
plus faible, mais quand, dans le registre du féminin de l'être, la
vulnérabilité et la sensibilité sont une force…, nous sommes forts ensemble.
Il importe enfin de souligner que cette démarche ne peut avoir comme
cadre que celui d’un jeu, cadre qui invite à ne pas se prendre au
sérieux et à renouer avec la fraîcheur de l’esprit des enfants,
ouvert au nouveau, désencombré. Il faut faire très attention, dans
la profusion des messages qui parcourent ces jours-ci l’Internet, à
la tonalité de ces messages et en particulier au ton définitif avec
lequel certains nous assènent leurs certitudes. Nous avons ainsi des
médecins improvisés qui savent mieux que quiconque ce qu’il
faudrait prescrire aux malades du COVID-19, des lanceurs d’alerte
auto-proclamés qui sont dans les secrets des dieux qui nous
concoctent un avenir terrifiant, et tellement de canaux ouverts avec
les anges ou autres qu’on s’y perd. Avec la canalisation, il
est bon de se rappeler ce qu’en dit Tom Kenyon, psychologue transpersonnel spécialisé dans ce sujet : c’est comme la pêche dans des
trous d’eau. Il arrive qu’on ramène du poisson mais on y trouve
plus souvent de vieilles chaussures et des boites de conserve. Il y a
ainsi bien généralement quelqu’un au bout du fil mais il est
difficile de savoir qui parle vraiment. Le seul indice encore une
fois pour savoir quelle est la véritable source de ces messages est
d’observer ce qu’ils suscitent : alimentent-ils la
confiance, l’amour, la paix et la gentillesse, ou au contraire la
peur, la défiance, la vindicte ? Il convient donc plus que
jamais de se méfier des égos qui s’égosillent par temps de crise
pour attirer l’attention. On les reconnaît facilement au fait
qu’ils demandent à être pris au sérieux, ce qui montre bien
qu’ils se prennent eux-même terriblement au sérieux, et qu’ils
énoncent des certitudes. Pour ma part, je préfère avec Jung à
toutes les certitudes « l’eau précieuse du doute ». Je crois intimement que, si nous voulons être capables d’entendre
la petite voix discrète qui murmure dans le vent et au creux de nos
rêves, il nous faut « redevenir comme de petits enfants »,
qui jouent et se laissent traverser par les images, le souffle de ce
qui veut prendre voix.
Tout ceci étant dit pour bien poser le cadre dans lequel je propose
d’écouter ces rêves, voici donc cette série remarquable que je
vous présente avec quelques commentaires qui sont le fruit de ma
méditation avec ces rêves. Bien sûr, les interprétations ici
proposées n’engagent que moi et ne prétendent à aucune certitude
définitives. Les résonances et amplifications que je propose ici
n’ont d’autre but que de vous permettre d’envisager l’ampleur
inimaginable de ce qu’évoquent ces rêves, vous inviter à vous y
ouvrir et à la laisser vous toucher. Ce sont ces images vivantes, et
non mes mots, qu’il faut écouter, laisser résonner en vous-même
pour qu’elles alimentent vos propres rêves d’avenir. J’en
offre une interprétation dont vous ferez bien ce que vous voulez,
mais c’est à chacun.e, une fois le poisson servi dans les
assiettes, d’en tirer les conclusions qu’il ou elle voudra.
Buisson ardent (détail) - Marc Chagall |
1. 19 mars
Je suis sur la terrasse de la datcha. Devant moi, dans le jardin,
se dressent une dizaine d'archanges / soldats. Ils ont de grandes
ailes repliées et portent des boucliers et des sabres. Ils disent
qu'ils viennent de l'aïon (ou eïon).
Derrière eux, il y a un paysage assez semblable à un fond de
tableau de la Renaissance italienne traité en sfumato. Dans le ciel,
un nuage mauve de forme ovoïde me fait penser à un vaisseau spatial
mais complètement lisse, comme si ces êtres étaient descendus d'un
ailleurs (et sans doute, si j'écoute aïon, de l'éternité ou d'un
éternel présent).
C’est le premier rêve proposé après que l’initiative « rêver
le futur » ait été lancée. La réponse de l’Inconscient
est claire et limpide. L’armée des Anges est mobilisée et ils
nous disent : « nous sommes là, parmi vous, avec vous ».
C’est une guerre sainte qui s’engage, sans qu’il n’y ait
d’ennemi désigné. Cela résonne avec le vocabulaire guerrier
qu’on entend dans les médias, qui déclare la guerre au virus,
veut aller toujours plus loin dans la guerre à la nature. Mais on
peut penser là à l’inverse au djihad que chaque soufi doit
engager contre son nafs, son égo, et élargir cette image à
l’humanité entière : soit nous triomphons de notre avidité,
soit nous périrons.
Rappelons que les Anges sont les messagers (du grec ancien ἄγγελος,
ángelos : messager), et les Archanges sont leurs
supérieurs, les Archéo-Angelos; ils sont l’incarnation des Archétypes, une expression directe de l’Arché, le Principe. Et voilà qu’ils nous disent
venir de l’Aïon, c’est-à-dire de l’éternité. Mais « Aïon »,
titre d’un livre remarquable de Jung sur l’expression du Soi
pendant l’Ère des Poissons, est un mot grec (Αἰών) qui peut
se comprendre aussi comme l’Âge, ou encore la destinée. On peut
penser donc que nos archanges sont des messagers du futur, de l’Ere
du Verseau qui prend voix, et de la destinée collective qui prend forme
sous nos yeux.
La bonne nouvelle qu’ils nous amènent est : nous ne sommes
pas seul.e.s.
La toile de fond de cette apparition est la Renaissance, traitée en
sfumato, c’est-à-dire apparaissant avec des contours incertains.
Il est donc question d’une nouvelle Renaissance, que nous ne
pouvons encore envisager clairement. Dans le ciel, la patrie
d’origine des archanges, on peut voir leur véhicule spirituel, un
nuage mauve (couleur de la spiritualité) ovoïde (évoquant un œuf).
Le Soi se manifeste souvent dans les rêves contemporains sous la
forme d’extraterrestres, de vaisseaux spatiaux, etc. Jung a
documenté ce fait dans « un mythe moderne : signe du
ciel ». Mais je suis frappé pour ma part par les derniers mots
du rêve : ces êtres sont « descendus d’un ailleurs ».
On peut y entendre, et cela aura beaucoup de sens dans la suite de la
série, qu’ailleurs s’est fait tout proche dans notre temps
troublé, tout comme demain... et l’Invisible, présent à nos
côtés.
Moïse recevant les Tables de la Loi - Marc Chagall |
2. 20 mars
La scène se passe dans la salle à manger de la maison de
campagne dans laquelle je vivais avec ma famille dans les année '70.
Autour de la table, sur les bancs de bois, sont assis les agents
immobiliers du quartier Faidherbe à Paris (mon quartier). Je suis
debout sur le côté et je les regarde. Un personnage vient face à
eux et leur dit qu'il va falloir partir sur les traces des Anciens. A
ce moment j'ai la vision d'une empreinte de pied nu géant imprimé
dans l'argile et datant peut-être du néolithique. Je m'interroge
sur ce personnage et je le regarde. C'est Moïse, tel qu'il a été
représenté par Marc Chagall, avec ses cornes sur la tête et sa
tunique jaune. Il est très grand. Il dit : " levez-vous et
venez". Les agents immobiliers se lèvent et le suivent, même
ceux qui ont un peu de mal à marcher ou qui ont mal au dos. Et puis
je vois comme un insert/image : EXODE écrit sur le sable. Ensuite
Moïse sur la plage face à la Mer Rouge qui s'ouvre pour nous
laisser passer.
La scène nous renvoie aux années ‘70. C’est un détail d’autant
moins anodin que nous le retrouverons dans le dernier rêve de la
série. On peut penser que le rêve nous ramène ainsi, pour donner
un contexte à ce que nous vivons, à cette époque où il était
encore permis de rêver collectivement à un autre monde, avec en
particulier le Flower Power des hippies, et où ont été planté les
rêves de la nouvelle Renaissance que nous nous apprêtons à vivre.
Les agents immobiliers ont pour fonction d’aider à trouver une
nouvelle demeure, une nouvelle maison, ce qui symbolise aussi une
nouvelle structure psychique, une nouvelle façon de voir. Je les
entends aussi comme les « agents immobilisés » que
mettront en mouvement l’injonction « levez-vous et venez »,
qui n’est pas sans rappeler le « lève-toi et marche »
du Christ à la suite duquel le paralytique a pris son grabat et
s’est ébranlé. Ces agents sont liés au quartier Faidherbe, où
l’on peut entendre qu’ils sont « faits d’herbe » : ils nous représentent bien, nous mortels guère
plus importants que l’herbe que cependant nous foulons aux pieds,
nous méprisons sans la voir.
Et voilà donc que se présente un personnage extraordinaire qui
évoque le Moïse peint par Marc Chagall, dont plusieurs tableaux illustrent cet article. Je ne commenterai que les détails
évoqués par le rêve : le jaune de sa tunique évoque la
créativité et la phase citrinitas
de l’œuvre alchimique, c’est-à-dire la production de l’or, du
soleil vivant. Quant aux cornes du personnage, on peut y voir des
antennes, le symbole de la connexion avec le Ciel. Moïse est le
guide archétypique du peuple qui a la certitude d’être aimé de
Dieu, de ceux qui ont foi, qu’il tire de l’esclavage pour les
emmener à la Terre Promise. Dès le second rêve de la série, la
direction est donnée : il s’agit d’aller maintenant vers
une Nouvelle Terre. Et tous
se mettent en route, même ceux qui ont du mal à marcher :
c’est ensemble que nous marcherons vers demain, sans laisser
personne derrière nous...
L’injonction est claire : il
va donc falloir
partir sur les traces des Anciens, mettre
nos pas dans les empreintes des géants qui nous ont précédé. Le
mythe des géants évoque une autre humanité, d’un autre soleil et
ayant frayée avec les Anges, tombés amoureux des filles des hommes
et qui lui ont enseigné les sciences secrètes, dont l’alchimie et
l’art d’écouter les rêves. Heureusement, ces traces sont encore
visibles dans l’argile, c’est-à-dire dans la terre vivante et
elles nous reconduisent aux origines de notre humanité, au
néolithique, c’est-à-dire à notre source, à
l’époque où se sont formés la plupart de nos mythes, et nombre
des structures symboliques que l’on peut retrouver dans les contes,
dans les rituels archaïques, chez les peuples premiers.
C’est le temps béni
d’avant la modernité, c’est-à-dire notre séparation d’avec
la nature : nous étions tous des primitifs, avant d’être
chassés du Paradis. Nous devons retrouver le chemin de nos ancêtres.
Ils sont géants aussi en compensation de notre hubris
(démesure) moderne. Celle-ci, dans notre inflation collective nous
fait croire que nous sommes grands et que nous avons tout compris.
Mais nos ancêtres, et ceux des « gardiens de la terre »
qui demeurent encore parmi nous, nous renvoient à notre petitesse
spirituelle par la simple évocation de leur présence, ambassadrice
de la vastitude de la Nature que nous avons cru pouvoir dominer, un
autre nom du Divin. Nous sommes invités à un exercice d’humilité.
Et voilà donc que nous – car finalement la rêveuse a donc rejoint
la cohorte des agents en mouvement – nous retrouvons devant la Mer
Rouge ouverte. C’est le temps de l’Exode, c’est-à-dire qu’il
faut quitter l’ancienne terre et s’engager dans le passage
ouvert, prodigieux. Pharaon arrive à la tête de ses armées, bien
décidé à rattraper ses esclaves et à les soumettre. C’est
l’heure du choix : l’Inconscient collectif s’ouvre et
dessine un chemin improbable sinon impossible. La question se pose à
chacun.e de nous : t’engageras-tu dans l’aventure de la
quête d’une nouvelle terre ou resteras-tu prisonnier.e de la peur
et de l’ancien monde en train de s’effondrer ?
3. 21 mars
Me levant au milieu de la nuit sans allumer de lampe, j'aperçois
dans un demi-sommeil, sur la colline de Rennes-le-Château, un
taureau blanc gigantesque et une voix me murmure: « Il va
falloir sacrifier ce taureau à Poséïdon ! »
L’Inconscient n’est pas hébraïque ou de quelque obédience
culturelle, ethnique ou religieuse que ce soit. Après nous avoir
parlé de Moïse, de l’Exode et de la Terre Promise que nous
trouverons en traversant le désert au-delà de la Mer Rouge, il nous
ramène à un mystère contemporain et à un ancien mythe grec.
Rennes-le-Château évoque la présence de Marie-Madeleine, l’apôtre
des apôtres, dans l’arrière-plan de notre Renaissance
spirituelle. Je ne m’étendrai pas ici sur l’importance de cette
figure féminine, la compagne de l’Enseigneur qui vient renouveler
notre mythe chrétien en soulignant que Ieshua était un être sexué,
car je l’ai déjà fait dans un autre article (Celle qui vient). Disons simplement qu’elle symbolise le retour du Féminin
sacré qui a été bafoué, à commencer par l’apôtre Pierre qui
voulait que Marie sorte du cercle des intimes de Ieshua car il lui
était intolérable de penser que les femmes pourraient entendre la
Parole divine mieux que lui peut-être. Or ce sont bien souvent les
femmes, aujourd’hui, et plus largement la Féminité spirituelle
qui se manifeste aussi chez des hommes, qui est porteuse de l’avenir
que nous pouvons envisager comme une nouvelle Renaissance.
Rennes-le-Château, c’est aussi le cœur du pays cathare, qui se
souvient des bons hommes et des bonnes femmes qui ont vécu là avant
d’être massacrés par l’Église du-dit Pierre – un des
premiers génocides systématiques, perpétré par la matrice de tous
les totalitarismes subséquents. On peut y entendre une évocation
discrète de l’Ecclesia Spiritualis, l’Église Spirituelle
ou « Église de Jean » qui a perpétué la gnose, dans
laquelle se rejoignaient les Cathares, les alchimistes, les Enfants
du Libre Esprit, etc.
Sur ce haut lieu, sorte de centre sacré de la spiritualité
occidentale contemporaine et précisément, de la nouvelle
Renaissance, apparaît une fantastique image archétypique : un
gigantesque taureau blanc, qu’il faudra donc sacrifier à Poséidon,
le dieu des profondeurs marines. Le taureau est un des animaux
consacrés à la Déesse, symbole de mâle puissance au service de la
Grande Féminité symbolisée par le croissant de lune que forment
ses cornes. Notre Moïse cornu du rêve précédent a une parenté
avec ce taureau. La blancheur du taureau évoque le lait spirituel
dont nous abreuve la Grande Mère au travers de ces rêves, la pureté
essentielle ou encore la virginité d’Artémis, amie des humains sauvages. Mais surtout, avec l’évocation du grand dieu des
profondeurs, qu’il s’agit de se concilier au moment de traverser
la Mer Rouge, nous sommes renvoyés au mythe du roi Minos, un très
ancien mythe grec. Un mythe qui parle d’une certaine façon de la
naissance de notre modernité et rappelle le souvenir d’une très
ancienne faute, qu’il ne faut pas ré-éditer.
Minos était le roi de la Crète, dernier bastion de la civilisation
de la Grande Déesse qui résistait à l’invasion des Doriens, les
ancêtres des Grecs. Les taureaux étaient en Crète des animaux
sacrés, consacrés à la Déesse. Les jeunes nobles, garçons et
filles, mettaient en péril leurs vies en sautant par-dessus les
taureaux sacrés lors de joutes rituelles qui sont les ancêtres de
nos corridas. Minos était un roi puissant qui, pour montrer à son
peuple qu’il avait la faveur des dieux, a demandé à Poséidon de
manifester un prodige et en effet, des flots de la mer est sorti un
magnifique taureau blanc que Minos a promis de sacrifier au dieu.
Mais le roi a voulu s’accaparer le taureau et il a cru pouvoir
tromper le dieu en sacrifiant une des bêtes de son troupeau. La
vengeance de Poséidon a été terrible. Il a induit une passion
folle chez la reine Pasiphaé pour le taureau fantastique. Elle a
demandé à Dédale de fabriquer une vache en bois dans laquelle elle
s’est glissée pour être fécondée par le taureau. C’est ainsi
qu’elle a enfanté le Minotaure, monstre mi-humain, mi-taureau, qui
se nourrissait de chair humaine et qui a été enfermé dans un
labyrinthe construit par Dédale. Par la suite, Thésée tuera ce
monstre avec l’aide d’Ariane, une des filles du roi...
Cette histoire nous renvoie à l’attitude faussée qui est au cœur
même de notre modernité : nous nous accaparons les cadeaux de
la nature sans rendre au dieu ce qui lui revient. Cela vaut aussi
pour les rêves et les visions que nous pouvons avoir, et qui ne
doivent pas servir à alimenter notre orgueil. Car trahir les
profondeurs engendre un monstre et ne conduit qu’à la désolation.
L’ingéniosité technique qui caractérise notre modernité est
symbolisée par Dédale, qui ayant été enfermé dans le labyrinthe
à son tour s’en échappera avec des ailes de sa fabrication. Mais
son fils Icare volera trop près du soleil et y perdra la vie, comme
pourrait le faire notre civilisation techno-industrielle. Pour
honorer le dieu qui garantira le passage de la Mer Rouge, il faut
sacrifier la puissance du taureau, c’est-à-dire toute volonté de
puissance sur les événements, tout désir de forcer les choses...
Moïse et le Buisson ardent - Marc Chagall |
4. 22 mars
Debout sur la rive de la Mer Rouge (elle est rouge, c'est une mer
de feu) Moïse est devenu gigantesque. Un croissant de lune est fixé
entre ses deux cornes. Il/Elle car c'est devenu un être androgyne,
lève le bras droit et fait un geste de bénédiction avec deux
doigts pour tenir les rives de feu écartées. J'observe de haut les
gens par hordes qui avancent à la queue leu leu leu, vêtus de peaux
de loups. Il y a plusieurs hordes formées chaque fois d'une
quarantaine de personnes reliées spirituellement. Puis je marche
moi-même dans une horde composée de mes amis et amies conteurs et
conteuses, de mes proches et de leurs proches. Je les identifie très
bien mais ne les nommerai pas ici. Il y a des enfants et des petits
portés dans les bras. Nous sommes tous extrêmement concentrés
parce que si un seul dans nos hordes lâche sa concentration ou tombe
dans la peur, le feu nous engloutira tous. Nous savons que nous
allons devoir marcher pendant quarante jours. Arrive un moment où
nous sommes attaqués par des drones mais alors une sorte de coupole
en plexiglas vient nous protéger.
Nous passons du blanc du taureau au rouge de la mer de feu,
magnifique conjonction d’opposés qui témoignent de la présence
du numen transformateur ; ce sont des images typiquement
alchimiques, évoquant l’œuvre au blanc et l’œuvre au rouge. La
mer symbolise généralement l’Inconscient collectif. En feu, il
est en transformation radicale. Moïse est le Grand Homme, une image
de l’Anthropos – celui-là même qui était évoqué dans
l’expression qui a caractérisé Ieshua comme étant « le
Fils de l’Homme » - un Homme devenu pleinement humain, en regard duquel nous sommes simplement en voie d’humanisation. C’est une image cosmique, désormais gigantesque, dans toute son ampleur archétypale. Le croissant de lune entre ses
cornes établit une connexion directe entre le taureau du rêve
précédent et Moïse : il est béni par la Déesse. C’est
devenu un être androgyne, qui unit en Lui/Elle le masculin et le
féminin – on peut reconnaître là celui que les alchimistes
appelaient le filius philosophorum,
incarnation de l’Œuvre.
Par le seul pouvoir spirituel de sa bénédiction, il garde le chemin
ouvert. Et
voilà donc que le nouveau peuple que guide ce Moïse archétypal
vers une Nouvelle Terre avance…
C’est
le Passage, ce qui n’est
pas peu dire en écrivant cet article le vendredi saint de la Pâques
chrétienne, qui évoque aussi la Pessa’h juive, c’est-à-dire
l’Exode du peuple hébreux,
la libération des esclaves par Moïse. Il
est frappant que nous soyons dès lors vêtus de peaux de loups,
c’est-à-dire que notre
persona est désormais sauvage, liée à la nature. Les loups sont
parmi les animaux les plus persévérants et fidèles à la horde.
Nous sommes d’ailleurs revenus au mode d’organisation des
chasseurs-cueilleurs, en hordes qui se regroupent par affinités
spirituelles, formant ainsi un clan. En réalité, sous couvert de
civilisation, nous ne faisons pas beaucoup mieux avec nos équipes de
foot et nos drapeaux nationaux. Au moins, dans les hordes de loups
comme celles
d’humains naturels ne laisse-t-on jamais aucun individu en arrière,
car la perte de l’un est la perte de tous. L’enjeu est clair :
si l’un.e d’entre nous cède à la peur, perd sa relation au
centre (con-centration), nous tomberons tou.te.s dans le feu. Le
rêve insiste sur le nombre 40, qui renvoie en particulier à
l’hexagramme 40 du Yi Jing : la Libération. Ce nombre évoque
aussi les 40 jours que Ieshua a passé dans le désert, ou encore les
40 jours que Hafiz a passé dans un cercle avant que l’Ange Gabriel
ne lui accorde la vision libératrice. Il
résonne aussi bien sûr avec notre quarantaine forcée pour cause de
pandémie, et la met en perspective : c’est un chemin de
libération. A condition de ne pas céder à la peur et perdre la
relation au Centre. Même quand les drones attaquent. Nous sommes
protégés…
Je dis « nous » parce
qu’évidemment, je me sens partie prenante de l’aventure et je
vous y invite aussi. Mais quel est ce peuple qui s’est mis ainsi en
marche et traverse la mer de feu ? Et bien il ne fait aucun
doute pour moi que c’est ce Peuple Arc-en-Ciel dont parlent les
anciennes prophéties amérindiennes,
en particulier hopi mais non seulement.
Il rassemble des gens de toutes les couleurs de l’humanité, venant
de toutes les cultures, toutes les religions, conscients
de l’unité sous-jacente à la diversité, en
lien avec Gaïa, notre Terre-mère.
L’émergence de ce peuple qui peuplera
une « nouvelle Terre »,
c’est-à-dire établira un
rapport nouveau à la nature, pourrait être
le grand mythe qui sous-tend notre époque, auquel j’ai consacré
un article : le Peuple Arc-en-Ciel.
5. 23 mars
Les hordes se sont séparées par cohortes d'environ 40 personnes
après un concile autour d'un grand feu et promesse de rester en
contact par télépathie par l'intermédiaire de ceux qui entendent.
Notre horde de conteuses et conteurs du clan du loup est arrivée
dans un verger. Des arbres nains chargés de petits fruits abondants,
violets, entre la prune et la myrtille. Nous en mangeons. Continuant
à avancer nous constatons que les arbres sont à présent secs, sans
feuilles ni fruits et nous sommes envahis par des milliers de petits
papillons ravageurs, comme s'il en neigeait.
Nous avons soif et pas d'eau. Nous demandons à celui parmi nous
qui voit par le nez de chercher l'eau. C'est un aveugle, un vieil
homme vénérable. Il marche à l'avant entouré par deux gaillards.
Il nous guide vers des rochers. Nous sommes pieds nus. Il désigne un
endroit sur un rocher. Un des gaillards donne un coup de poing à cet
endroit et l'eau jaillit en un flot qui se déverse. Une source. Une
jeune femme s'approche, mouille le visage de son bébé et le fait
boire.
Les choses ne seront pas simples pour autant, nous dit le rêve.
Chaque cohorte va devoir trouver son propre chemin. Nous resterons en
contact par l’Invisible. Nous trouverons à manger, des ressources,
mais nous traverserons des temps de disette avec les catastrophes
qui stérilisent la nature. Les papillons ravageurs m’évoquent
l’exemple de la pyrale du buis qui a détruit des
forêts entière de buis ; un désastre écologique allant avec
la mondialisation puisque la pyrale vient de Chine et n’a aucun
prédateur chez nous. Comme certain virus, il faut attendre que la
pyrale ait accompli son cycle, mais le buis est difficile à
confiner. Les dernières images du rêve sont remarquables de
précision : pour trouver les ressources dont nous aurons
besoin, il faudra se retourner vers l’instinct de ceux qui voient
« par le nez », qui « sentent » les choses.
Un aveugle est une personne dont la vision est désormais toute
intérieure, et son âge vénérable renvoie à la sagesse des
ancêtres. Le Vieil Homme guide vers la source et l’eau jaillit
après que le masculin lui ait frayé un chemin. Le mâle coup de
poing évoque le « frappez, et on vous ouvrira ». Enfin,
le féminin peut prendre soin de la nouvelle vie.
Rouleau magique éthiopien |
6. 24 mars
Nous portons des masques sur le haut du visage, comme des loups
mais en carton brun léger et de forme rectangulaire sans fioriture
de découpe. Ils sont attachés derrière la tête avec des rubans
noirs. J'enlève le mien. A l'intérieur il y a un texte dense, écrit
à la main, en petit, un texte de protection poétique. Je devine que
chacun/chacune porte un texte personnel différent. (en écrivant
ceci je ne peux m'empêcher d'évoquer les rouleaux de protection
éthiopiens qui m'ont toujours tellement fascinée).
A mesure que nous avançons dans la série de rêves, les images réclament
moins de commentaires. Elles parlent d’elles-mêmes. Je suis porté
à penser qu’en fait, ce rêve fournit la clé de la série dans sa
simplicité qu’évoquent ces loups sans fioriture. C’est le
viatique nous nous avons besoin pour traverser les vicissitudes de la
transition. Chacun.e de nous, à l’envers du masque social que nous
portons, et donc à l’intérieur, a son propre texte dont il ou
elle doit se faire l’herméneute, l’interprète. C’est un texte
« danse », nous dit la langue des oiseaux, en langage
poétique, c’est-à-dire tissé d’images, de poésis
(création), qui est aussi le langage de l’âme. Pour moi, ces
textes sont les rêves et les images intérieures qui nous offrent
protection et guidance, et ils nous renvoient à notre individuation.
rouleau magique éthiopien |
7. 25 mars
Notre horde de conteuses et conteurs loups se trouve devant une
sorte d'arche formée par de grands arbres à l'entrée d'une forêt.
La lumière est très particulière, scintillante et bleutée. De
toute évidence c'est une porte énergétique vers un monde enviable.
Nous passons. Mais au lieu d'entrer dans cette forêt, nous devons
entrer dans un entrer dans un gros tube noir côtelé, semblable à
un énorme tuyau d'aspirateur. Nous sommes devenus tout petits. Nous
courons en bande vers l'issue que nous apercevons. Elle est ronde et
bleutée, en volume, comme une terre - la Terre? Nous n'avons aucun
sentiment de peur.
Plus tard, une rencontre avec un avatar du dieu Shiva, très
coloré comme le sont les statues dans les temples en Inde. Il agite
ses quatre bras en souriant pour nous féliciter.
Il y a un seuil à franchir pour aller vers un autre monde, une
Nouvelle Terre, mais au-delà de ce seuil, il y aura un tunnel noir,
comme un tuyau d’aspirateur. Ce qu’il y a de beau avec un
aspirateur, c’est qu’il n’y a rien à faire ; on se laisse
aspirer, tirer par le Souffle. Il pourrait y avoir une invitation à
se faite tout petits jusqu’à ce que nous parvenions à l’issue. Encore une fois, l’inconscient
n’a pas de préférence spirituelle : Shiva, le dieu de la
libération, nous souhaite la bienvenue en souriant avec ses quatre
bras qui dénotent la totalité des mouvements. C’est de bon augure
(rire). Il faut se souvenir cependant que Shiva est le Destructeur,
c’est-à-dire qu’il a un côté impitoyable et que l’ancien est
sans doute irrémédiablement détruit...
8. 26 mars
Je suis sur la route devant la maison de Rofessart (campagne dans
le Brabant wallon où je vivais dans les années '70). Devant moi le
pré de la voisine, Marie-Jeanne. J'en vois surgir trois paires de
sections d'anneaux immenses qui me semblent être des os, des côtes
de baleine. Puis cette prairie devient la mer et un bateau remonte
des profondeurs. C'est un bateau à voiles, un trois-mâts. Il y a
des gens sur le pont qui jettent vers nous, vers la terre, la route
étant comme une digue, des pièces rondes et jaunes, pour nous
secourir. C'est de l'or ou de la vitamine C.
Mais alors, où allons-nous ? Où cette transhumance nous
conduira-t-elle ?
L’inconscient aime bien entretenir le suspense. Nous retrouvons
dans ce rêve la connexion aux années ‘70 que j’évoquais dans
le commentaire du premier rêve. Une boucle est bouclée. Les
décennies ‘60 et ‘70 ont vu fleurir une pensée qui est d’une
certaine façon le triomphe de la liberté spirituelle que
revendiquaient les gnostiques des premiers siècles après l’an
zéro. Je vous invite à lire Pacôme Thiellement là-dessus, dans
« la victoire des sans-Roi », sous-titré « révolution
gnostique ». Les côtes de baleine évoquent la présence
ancestrale de la mer,qui était là bien avant la terre. La baleine est l’animal des profondeurs
par excellence, capable des plongées les plus abyssales et cependant
proche de nous. Des auteurs de science-fiction ont non sans raisons
imaginé que les extra-terrestres volant au secours de l’espèce
intelligente de notre planète s’occuperait des baleines et non des
humains.
Et voilà donc que ces os n’étaient que le signe d’une remontée
des profondeurs qui transforme le pré de Marie-Jeanne en mer dont
jaillit un bateau, un trois-mâts. L’Inconscient collectif se
symbolise souvent sous la forme de la mer, ainsi qu’on l’a vu
déjà avec la Mer Rouge, tandis que la conscience apparaît alors
comme un bateau qui flotte à sa surface. Ici, la prairie devient la mer, la terre l'Inconscient... et cela permet l’apparition
d’une forme de conscience secourable. Du bord de ce bateau, pour nous venir en aide, on
nous jette de l’or c’est-à-dire la lumière rendue matérielle,
le but symbolique de l’Œuvre
alchimique. Il est à noter que pour purifier l’or, on le passe au
feu car il est inaltérable. On retrouve la couleur jaune qui était évoquée dans la tunique de Moïse au début de la série. Cet or, c’est peut-être aussi, avec cet humour qui caractérisent volontiers les rêves, de
la vitamine C, c’est-à-dire un ingrédient essentiel pour notre
vitalité qu’on retrouve dans des fruits solaires comme l’orange,
le citron. C’est une autre forme d’or, qui excite moins les
convoitises. Et pourtant, la légende veut que quand Saint-Georges et
le dragon se sont battus jusqu’à être l'un et l'autre à l'article de la mort, le chevalier s’est affaissé sous un oranger et ce sont
quelques gouttes du jus d’une orange piquée par un oiseau qui l’ont ramené à la vie.
Dans la version que je préfère pour ma part, le chevalier a donné quelques gouttes de jus d’orange au dragon qui en avait bien besoin
lui aussi et ils ont cessé de se battre. Notre série de rêve se termine
donc sur une note qui évoque l’accomplissement de l’Œuvre,
la production de la lumière incarnée et la revitalisation, la
régénérescence et même, en ces temps pascals pendant lesquels
j’écris, la Résurrection.
La Renaissance.
Vendredi de Pâques 2020