jeudi 6 février 2025

Pas de vie sans âme


Cela fait quelques temps que je n'ai pas écrit dans ce blogue. Les circonstances collectives que nous traversons me semblent appeler à une certaine retenue. J'ai choisi de m'en tenir jusque maintenant au silence ici car il me semble observer la montée d'une psychose générale, assez proche à ce que Jung a décrit dans son article "après la catastrophe" (1945). Plus que jamais, il me semble donc nécessaire de méditer les mots du vieux sage de Küsnacht qui disait :

« C'est bel et bien l'homme qui constitue pour l'homme le plus grand des dangers. La cause en est simple : il n'existe encore aucune protection efficace contre les épidémies psychiques ; or, ces épidémies-là sont infiniment plus dévastatrices que les pires catastrophes de la nature ! Le suprême danger qui menace aussi bien l'être individuel que les peuples pris dans leur ensemble, c'est le danger psychique. À son égard, la raison a fait preuve d'une impuissance totale, explicable par le fait que ses arguments agissent sur la conscience, mais sur la conscience seule, sans avoir la moindre prise sur l'inconscient. Par suite, un danger majeur pour l'homme émane de la masse, au sein de laquelle les effets de l'inconscient s'accumulent, bâillonnant alors, étouffant les instances raisonnables de la conscience. Toute organisation de masse constitue un danger latent, au même titre qu'un entassement de dynamite. Car il s'en dégage des effets que personne n'a voulus, mais que personne n'est en état de suspendre ! »

Il semble important à ce point de se souvenir que nous sommes l'animal le plus dangereux qui vive sur Terre, le seul capable de détruire les autres espèces, et même sa propre planète. J'ai recueilli des rêves qui semblent parler de la situation que nous traversons et je vous en ferai part dans un prochain article. Il est important aussi que nous gardions foi dans la vie, et que nous ayons à l'esprit qu'avec le temps, la force qui fait pousser les brins d'herbe fait s'écrouler tous les empires, abat toutes les démesures. Le plus grand enjeu de nos jours semble être de garder nos cœurs en paix, de ne pas cultiver la haine ou la polémique, de rester ouvert.e.s à l'autre, même s'iel pense différemment de nous...

Je ne puis vous partager que mon silence donc à ce point, à l'écoute de ce que murmurent le vent, la rivière, les rêves. Je ne suis pas resté sans rien faire cependant tout au long de ces mois. Outre de poursuivre mes recherches et d'écrire des pages que vous lirez peut-être un jour, j'ai eu le plaisir et le privilège d'interviewer l'analyste jungien Pierre Willequet pour qu'il nous présente son livre "pas de thérapie sans âme". Il y a peut-être là, dans cette réflexion profonde sur l'âme qui dépasse largement le cadre de la thérapie, le début de la solution à notre problème, l'antidote à l'épidémie psychique qui menace de nous emporter. 

Et si notre monde manquait tout simplement désespérément d'âme ?

Je vous invite, si ce n'est déjà fait, à écouter Pierre Willequet parler de cette dernière :


Une des références qui m'a le plus touché dans le livre de Pierre Willequet est cette citation de Rainer Maria Rilke que je vous invite à déguster :

« … le développement naturel de votre vie intérieure vous conduira lentement, avec le temps, à un autre état de connaissance. Laissez à vos jugements leur développement propre, silencieux. Ne le contrariez pas, car, comme tout progrès, il doit venir du plus profond de votre être et ne peut souffrir ni pression ni hâte. Porter jusqu’au terme, puis enfanter : tout est là. Il faut que vous laissiez chaque impression, chaque germe de sentiment, mûrir en vous, dans l’obscur, dans l’inexprimable, dans l’inconscient, ces régions fermées à l’entendement. Attendez avec humilité et patience l’heure de la naissance d’une nouvelle clarté. »


* * *

Je signale enfin aux personnes intéressées que nous avons décidé de repousser le début de la formation en Ecoute Intérieure des Rêves qui devait démarrer en janvier à septembre prochain. Du fait du changement de localisation des stages, désormais à l'Espace Eveil près d'Albertville, il reste encore des places. Si vous êtes intéressé.e.s à en savoir plus, vous trouverez toute l'information utile ici : formation EIR 2025-2026


Je publie ici un des témoignages que nous avons reçu à propos de cette formation :

« La formation sur l’Ecoute Intérieure des Rêves a été un véritable tremplin pour mon cheminement personnel. Jean et Marie-Anne collaborent avec le rêve, le traitant comme une énergie vivante qui cherche à être écoutée par son public : le rêvant. Leur approche rend sa souveraineté à l’individu. Elle m’a fait comprendre que je portais en moi-même les clefs de mes serrures personnelles. Merci d’avoir osé briser le mur si souvent implicite entre « enseignant » et « étudiant » dans les formations. Votre engagement est total, il en est devenu très inspirant à mes yeux. Cette formation rend hommage à la subjectivité de chacun, nous appelant dans notre singularité à forer le roc de nos certitudes. Les rêves portent en eux cet écoulement, provenant de la source jaillissante de notre créativité. Votre formation nous emmène au-delà du psychologisme asséchant qu’est l’interprétation du rêve. Les images du rêve portent en elles un Mystère qui nous appelle à la relation intérieure ; Un grand merci donc pour m’avoir ramené vers moi-même. »

* * * 

Au plaisir de vous lire dans vos commentaires ! Et vous, comment vivez-vous cette période ? Avez-vous des rêves à partager à ce sujet ?



10 commentaires:

  1. « Et si notre monde manquait tout simplement désespérément d'âme ? »
    C’est en effet une question que l’on peut se poser, Jean… :-)

    Je trouve très intéressant de voir que les témoignages de personnes ayant vécu des états de conscience modifiée, des expériences de "mort approchée" ou "mort provisoire", soient de plus en plus nombreux à être rendus publics.
    Quoi que l’on puisse penser de la réalité biologique de ces états de mort provisoire ou approchée, le plus important de cela me semble être que l’âme manifeste sa réalité à travers tous ces vécus individuels et à travers tous les témoignages qui en découlent. L’âme se rappellerait ainsi à nous en un temps où il est urgent de la reconnaître, de reprendre lien conscient avec cette part essentielle de notre réalité humaine, tandis que notre "civilisation" moderne crée toutes sortes d’obstacles à notre bonne relation avec Elle.

    Amezeg

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    1. Merci Amzeg pour ce commentaire. Oui, les expérience de mort imminente ont beaucoup à nous apprendre sur l'âme et cependant c'est d'abord dans l'intériorité, par exemple dans l'écoute des rêves, qu'on la rencontre. Sa réalité est alors indéniable, d'un tout autre ordre. Mais en effet, elle se rappelle ainsi à nous en un temps où il est important de la reconnaître, de lui redonner une place... tant que nous sommes encore vivants ! :)

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    2. Il se trouve, Jean, que j’ai visionné, très récemment, le témoignage d’une personne qui a vécu il y a une vingtaine d’années une expérience de ‘mort imminente’. Depuis lors, elle s’intéresse beaucoup à toutes sortes de choses qui sortent du cadre de la rationalité étroite et de la science fermée à ces choses-là. Elle est très active dans ce domaine et semble être très ouverte à tout ce qui sort de ce cadre, tandis que son milieu d’origine et l’orientation de ses études supérieures ne l’y avaient pas du tout préparée. Son propos était intéressant et bien exprimé. Mais à un moment, elle oppose ce qu’elle appelle "les songes", dans lesquels, dit-elle, l’invisible, une autre réalité, peut se manifester ; et les rêves habituels qui feraient appel à des souvenirs, etc., ou qui seraient des situations que nous créons nous même au moyen du cerveau.
      Je me suis donc dit que, malgré son grand intérêt pour et son ouverture à ce qui sort du cadre susdit, elle restait prisonnière de l’idée que les rêves "ne sont que" des productions cérébrales de portée et d’intérêt limités.

      D’autre part, bon nombre de personnes qui ont vécu des états de conscience modifiée du type EMI, déclarent que ces expériences les ont convaincues de la nécessité qu’elles s’engagent ensuite dans un travail de prise de conscience persévérant afin de se mettre, au fil de leur vie, en accord avec leur réalité profonde. Ceci me rappelle "les rêves d’entrée", rêves marquants qui se produisent souvent lorsque quelqu’un, jusque-là, indifférent à ses rêves, se trouve en quelque sorte invité ou appelé à s’engager dans la voie des rêves.

      Amezeg

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    3. Les pratiquants du Zen peuvent, eux aussi, tenir les rêves pour négligeables, ou même néfastes à la découverte intérieure.
      Marie-Louise von Franz a apporté une information intéressante à ce sujet : « ………….., à propos de cette insistance des bouddhistes zen modernes à dire qu’il faut ignorer les rêves, qu’ils appartiennent au monde des illusions et des pensées disturbantes *, aux choses auxquelles il faut ne pas faire attention, ou même qu’il faut repousser par un koan, ça n’a pas toujours été comme ça. J’ai découvert qu’il y a un grand maître zen, Han Shan, du XVIème siècle en Chine, qui a écrit une autobiographie et, à quatre endroits de son autobiographie, il dit : « Et alors j’ai fait ce rêve... », et il raconte des rêves et dit : « Et de ce rêve j’ai conclu... » Et il donne une interprétation. Et du dernier rêve il dit : J’ai conclu que le rêve était bon et que le Bouddha lui-même a dit : “Quand tu seras sur la voie juste, tes rêves seront bons.” » Alors, vous voyez que, même dans le zen — du moins dans la Chine plus ancienne —, ils ont travaillé avec les rêves — du moins Han Shan a travaillé avec les rêves, il a fait attention à ses rêves et a pensé qu’ils étaient un signe de Bouddha. [………………...] Ce refoulement du rêve est donc une évolution moderne. » Marie-Louise von Franz, LA QUÊTE DU SENS, Éditions La Fontaine de Pierre

      * Troublantes

      Amezeg

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  2. Deux rêves assez récemment portés à ma connaissance m’ont semblé suggérer que l’époque actuelle appelait l’individu, mais aussi la collectivité humaine, à "vivre un supplément d’âme".

    Dans le premier rêve, datant de fin septembre 2024, l’action s’engageait dans une localité dont le nom pourrait se "traduire", se comprendre "en langue des oiseaux", par : ‘le peuple de notre âme’, ou par : ‘l’heure de ce qui peuple notre âme’. Et la fin du rêve survenait tout près d’un giratoire routier dont le nom signifie ‘le lieu de Marie’, auprès duquel il était demandé de libérer deux femmes qui subissaient la tyrannie d’un homme, leur employeur, qui les contraignait à forger des outils de labour de la terre, et à retourner aussi leur vêtement pour afficher sa face jaune solaire tandis que la face d’un bleu profond se retrouvait ainsi occultée par "ce retournement de veste" imposé. Le giratoire associé à Marie se trouvait sur le trajet d’une route en provenance d’une ville dont le nom dit clairement toute la suprématie de la figure du Père.

    Même si ce rêve s’adresse, au premier chef, à la personne qui a reçu ce rêve je n’ai pu omettre d’envisager la possibilité que la situation collective demande, elle aussi, à ce que le Féminin de l’être, présent en chacun de nous, soit libéré d’une part d’oppression du Masculin de l’être - également présent en chacun de nous – qui contraint le Féminin à faire violence à sa nature.

    Phil O’Nir

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    1. Merci Phil pour ce commentaire et pour ces rêves, fort intéressants. Je crois qu'on ne peut pas séparer en effet la dimension personnelle des rêves de leur dimension souvent collective - notre psyché ne se vit pas isolée. Je suis frappé que la fin du rêve se déroule non loin d'un giratoire puisque le mouvement de l'âme semble bien souvent circulaire, signant ainsi quelque chose du féminin. Ce "retournement de veste" semble de bien bel augure pour la personne qui a reçu ce rêve et pourrait dire la possibilité en effet d'une libération - espérons que cela présage du mouvement de l'âme dans notre monde tout dévolu aux froides raideurs de la technologie !

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  3. À propos du manque d’âme dont souffre (très probablement… ;-) notre monde ; un épisode de ce rêve me semble bien l’évoquer et bien l’illustrer : les deux femmes sont contraintes par l’homme qui les emploie à retourner leur vêtement afin d’afficher un jaune solaire et d’occulter ainsi le bleu profond qu’elles affichent d’ordinaire, hors de cette contrainte imposée par l’employeur.
    Occulter ce bleu profond, un certain bleu nuit, c’est en quelque sorte nier la réalité de ce qui n’est pas révélé au grand jour dans la lumière solaire de la conscience limitée. C’est réduire l’humain à sa réalité consciente de surface en refusant la réalité de l’âme et sa profondeur. Les deux femmes demandent, au tout début du rêve, à être protégées de ce qui s’avérera, à la fin du rêve, être cette contrainte imposée par l’homme assez tyrannique qui les emploie.

    La personne qui a reçu ce rêve doit sans doute tâcher de découvrir si une part d’esprit masculin tyrannique en elle ne lui impose pas d’occulter et de ne pas vivre des parts du féminin en elle, des parts de ce qu’elle porte en creux, dans l’âme. De même, "notre monde", peut ou doit se demander si un esprit solaire desséchant ne lui impose pas de ne pas vivre ce dont l’âme est grosse (ce qui peuple notre âme), ce qui voudrait naître et s’actualiser en ce monde…

    Phil O’Nir

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  4. « … le développement naturel de votre vie intérieure vous conduira lentement, avec le temps, à un autre état de connaissance. Laissez à vos jugements leur développement propre, silencieux. Ne le contrariez pas, car, comme tout progrès, il doit venir du plus profond de votre être et ne peut souffrir ni pression ni hâte. Porter jusqu’au terme, puis enfanter : tout est là. Il faut que vous laissiez chaque impression, chaque germe de sentiment, mûrir en vous, dans l’obscur, dans l’inexprimable, dans l’inconscient, ces régions fermées à l’entendement. Attendez avec humilité et patience l’heure de la naissance d’une nouvelle clarté. » Rainer Maria Rilke

    Cette très sage et pertinente invitation de R.M. Rilke à la patience et "au non-agir", invitation à ne pas interférer avec les processus autonomes de maturation psychique, me fait penser à la contrainte imposée aux deux femmes du rêve par leur employeur masculin assez tyrannique : forger de nombreux petits socs d’acier destinés à une machine agricole rotative, entraînée mécaniquement, qui travaille la terre à grande vitesse et à grand rendement.

    Si quelques expériences de semis sans labour de la terre "extérieure" sont aujourd’hui pratiquées, afin de ménager le sol, de cesser de le dégrader et de le stériliser comme l’agriculture moderne l’a fait à très grande échelle ; l’esprit masculin peut imposer une maltraitance à la "terre intérieure" - l’Âme -, peut l’empêcher de porter fruit en notre vie, en notre monde, comme elle peut le faire si nous lui accordons une patiente et humble attention aimante.

    Phil O’Nir

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  5. « Pas de vie sans âme »
    On tend plutôt à nous persuader aujourd’hui qu’il n’y a pas, ou qu’il n’y aura pas, de vie sans intelligence artificielle (I.A). Sommes-nous au point de bascule entre les deux options : ‘Pas de vie sans âme’ ou ‘pas de vie sans intelligence artificielle’ ?

    Cela me rappelle la situation du héros des contes qui arrive à une croisée de chemins et doit choisir de suivre l’un ou l’autre. L’humanité choisira-t-elle de suivre le chemin de l’intelligence artificielle en s’éloignant ainsi de plus en plus de la vie de l’âme et en lien avec l’âme, ou choisira-t-elle de suivre le chemin de ‘l’intelligence de l’âme’ ?


    L’intelligence artificielle, lorsqu’elle est ‘quasi divinisée’, est une création de l’esprit masculin poussé à l’un de ses extrêmes : Tout maîtriser et tout contrôler mentalement, prendre pouvoir sur la nature, jusqu’à lui nuire gravement ou même à la détruire, et diviniser l’intellect, en faire le guide suprême de nos existences en ce monde.

    Phil O’Nir

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    1. Merci Phil pour ces réflexions, qui réclament profonde méditation. Je crois qu'en effet, nous en sommes à la croisée des chemins - il semble qu'en fait, il y ait une autoroute qui débouche sur un précipice, et un petit sentier de chèvres qui s'éloigne du tumulte en courant dans la montagne. Il faut sans doute que nous allions au bout de cette logique terrifiante de l'esprit masculin dévoyé qui veut tout maîtriser et contrôler mentalement, et diviniser l'intellect qui s'auto-représente dans l'IA... pour réaliser au fond du gouffre combien nous avons besoin du vivant, de l'âme dans sa sauvagerie naturelle. Je suis convaincu que les pousses d'herbe auront le dernier mot sur les robots et les ordinateurs qui rouilleront tandis qu'elles pousseront à nouveau, s'élançant dans un nouveau printemps. La question cependant est de savoir s'il restera un être humain pour s'en émerveiller...

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