mardi 3 mars 2020

Pluie de feu


J’ai entendu récemment un rêve remarquable. Le voici in extenso, avec des éléments de contexte que la rêveuse m’a bien gentiment fourni, tel qu’elle me l’a communiqué avec seulement quelques ajustements de mise en page pour en faciliter la lecture :

* * *

Rêve : « Et dans le Grand Canyon, risques de précipitation de langues de feu »

Je reviens de Paris. Toute la semaine j’ai raconté des contes, de cette famille qu’on appelle les « contes merveilleux ». Ce sont d’étranges êtres, à la fois modestes et immenses, à la fois féroces et tendres. Parmi les contes de cette semaine, une belle version de « l’apprenti magicien » (qui, d’après Viviane Labrie était encore racontée il n’y a pas longtemps au Québec par les scieurs de long lors de leurs campagnes dans les bois). J’adore les images de cette version : le palais vide mais habité d’esprits qui font le lit et dressent la table, les pièces remplies de livres du sol au plafond, et dans l’écurie, pendues à un clou, les peaux de ceux qui, avant le héros de l’histoire, ont tenté l’aventure…

Par les bizarreries tarifaires de la SNCF, j’ai eu une place en 1ere classe. Le paysage d’hiver défile, je suis au chaud et je somnole un peu. Deux places plus loin devant moi, une inscription sur la vitre me fait réagir : laissez-vous rêver. Dans un demi-sommeil je m’étonne et me demande :

- Me laisser rêver oui, mais par qui ?


Le paysage défile, ma tête dodeline, je me cale et je m’endors…

Derrière l’inscription sur la vitre, apparaît un paysage type plaine américaine. Amérindienne. Et des rayons dorés, comme une couronne, une auréole baroque qui  se transforme en coiffe amérindienne… mouvement de plumes… je suis déjà partie…

Gros plan sur la structure de plumes géantes : calame, rachis, barbes.

Ces plumes sont si denses, si solides que ce pourrait être des armes.

- C’est un ange ? Je me demande. Non, un oiseau fabuleux.

Il y a là un oiseau si grand que je ne peux le voir dans son entier : c’est un monde !

J’aperçois ses pattes à la peau soupe et solide, aux serres puissantes. Je vois sa nuque, écailles-plumes vertes, bleu-nuit, dorée.

- C’est un dragon ? Je me demande. Non, un oiseau : le Simorgh ou l’oiseau Rokh.

Il a des mouvements, déploiement d’ailes qui pourraient produire un ouragan !

Je descends le long d’une corde pendue à son bec. 

Près du cou, du jabot,  les plumes sont plus douces ; c’est un duvet chaud, presque maternel… et en passant devant, je peux entendre le cœur de l’oiseau qui bat. Simorgh, ou oiseau Rokh, c’est un mâle en tous cas.


Je descends encore je m’installe, au bout de la corde, dans une sorte de pomme de touline, tressage de corde comme un hamac ou un nid… C’est assez confortable, et je suis en sécurité là-dedans, même si ce pendule tenu au bout de son bec par l’oiseau, oscille, dans l’immensité vide. 

J’ai déjà rêvé de cet oiseau. J’ai déjà voyagé avec lui.

Du coup, je me concentre sur des détails :

1/ C’est un loooooong voyage.

L’oiseau vole et semble rapide mais, on semble ne pas avancer.

C’est qu’on est comme hors de l’espace (trop haut ou simplement « ailleurs » ?) et hors du temps – ou du moins dans un temps qui n’est pas notre temps de veille ordinaire et pas à l’échelle de notre vie. Et tout prend une autre dimension.

2/ Je m’aperçois que dans l’oscillation du pendule dans lequel je voyage, je m’endors parfois sans trop m’en apercevoir. Il me semble que ces « absences » peuvent parfois durer des centaines d’années. 

Je m’étais déjà rendu compte de ça lors du précédent rêve de voyage avec cet oiseau, et j’en avais alors conclu que ces périodes de sommeil-éveil,  c’était  peut-être ce que nous appelons vie-mort. Alors je n’y fais pas plus attention que ça. Par contre,  je me concentre sur l’oiseau :

Tout en volant et sans que ça semble interférer sur sa vitesse et sa direction, il change parfois de couleur et de matière. Quelques fois il est très dense, quelques fois très subtil comme une onde ou une fumée. Quelques fois il est orangé-rose-doré comme un soleil couchant ou levant. Quelques fois il est bleu, et quelques fois même, il est cramé ! Tout noir, juste un squelette volant. 

Et tout semble normal….

3/ Le « pendule » qu’il porte au bout du bec et dans lequel je suis parait donc à certains moments, la seule chose vraiment tangible, immuable, dans cet univers. C’est un axe. Une verticalité oscillante.

4/ Si je me focalise dessus, je peux percevoir que cet oiseau émet un son. Un son formidable, d’ailleurs. Étrange qu’il faille y prêter attention tellement, quand on le perçoit, il semble omniprésent !

Nous arrivons quelque part. Il y a comme des falaises à pic, et l’oiseau stoppe au-dessus de celles-ci. Le « pendule-pomme-de-touline » dans lequel je suis est bien vertical, et j’ai l’impression que l’oiseau cherche à se mettre dans l’axe. Pomme, corde, bec, il s’aligne, lève le reste du corps pour s’aligner. En faisant ça, il se renverse, se retourne (comme on ferait avec un gant de toilette ou mieux encore un parachute qui « décroche »), et devient une sorte de flammèche, pointe en bas flammes-ailes en haut.

Je m’avise à ce moment-là qu’ils sont, que nous sommes, des milliers. Dans le soir tombant, au-dessus du grand canyon, des milliers de langues de feu s’apprêtent à fondre sur la terre. Des images de tableaux religieux et des souvenirs de ma maigre culture biblique (Pentecôte, langues de feu et Bonne Nouvelle) me traversent.


Ce que je comprends, là, c’est que ces oiseaux de feu vont tomber comme une pluie de flammèches et que « nous » (j’ignore qui c’est « nous » : si ce sont tous des gens, comme moi, ou bien aussi des animaux, des plantes, ou encore seulement des idées) dans les pommes de touline, sommes des graines à planter. On nous a emmenés là pour ça. C’était le but du voyage : ensemencer la terre qui est dessous. Ouah ! Je me dis. Quelle pluie de feu ! Je n’ai aucune idée de ce que nous sommes et donc de ce qui est censé pousser, mais je me dis : 

- y’a plus qu’à attendre que ça pousse, donc…

Secousse du train, annonce du type de la voiture bar, avant que je me réveille tout à fait, mon rêve boucle avec l’image du début, avec laquelle je me suis endormie : l’inscription la vitre du TGV : laissez-vous rêver.

J’émerge avec une drôle d’impression :

- Est-ce que j’ai rêvé d’un Simorgh ou, l’espace d’un instant, j’ai été son rêve ?

* * *

Je ne me permettrai pas d’interpréter un tel rêve. Il ne demande de toute façon pas d’interprétation. Ma première réaction quand je l’ai entendu a simplement été d’exprimer de la révérence. J’ai rappelé le logion 13 de l’Évangile de Thomas où Yeshua demande à ses disciples de lui dire à quoi il ressemble. Pierre lui répond qu’il ressemble à un ange, tandis que Matthieu, plus ancré et surtout plus grec, le voit comme un philosophe. Mais Thomas répond :

- Maître, ma bouche n’acceptera absolument pas de dire à quoi tu ressembles…

C’est un des traits qui signale la présence du numen, du sacré : il y a un silence qui s’impose, un saisissement. Le mental se tait. Cela nous ramène au fait que l’étymologie du mot mystique est le grec muos, qui signifie « muet » : ce qu’entrevoient les mystiques les laissent muets, sans voix. Ou alors c’est pour chanter, pas pour disserter...

Tant qu’on y était avec les références religieuses à la Pentecôte, etc... j’ai songé aussi à : « Et si le grain ne meurt, il demeure seul, mais s’il meurt, il portera beaucoup de fruits ». Ce rêve, me disais-je, nous parle d’incarnation, et nous rappelle que nous sommes tou.te.s des graines appelées à nous planter en terre.

Nous étions dans un atelier de constellations de rêves et je me suis demandé comment nous allions pouvoir consteller un tel rêve sans être écrasés par sa dimension archétypale. Et puis cela s’est fait naturellement, nous offrant une expérience très intéressante à vivre. Par la magie du jeu, sans nous prendre plus au sérieux que des enfants visitant un espace merveilleux, nous avons représenté tous les aspects du rêve : la rêveuse, la plume, l’oiseau, le pendule-pomme-de-touline, le grand canyon, les innombrables flammes, les graines... et nous sommes convenus en en sortant qu’il n’y avait pas grand-chose à en dire. L’expérience elle-même était significative : en constellant un tel rêve, nous avons célébré un Mystère…

Quelques éléments appellent à de rapides commentaires.

On peut se demander pourquoi un tel rêve est échu à la rêveuse. Que cherche-t-il à lui dire ? Il s’inscrit dans une série de « grands rêves » dans lesquels on retrouve le thème du long voyage, mais aussi celui de l’oiseau extraordinaire. Dans un rêve reçu quatre mois avant celui-ci, elle a voyagé déjà avec l’oiseau dont il ressortait déjà qu’il changeait de forme, jusqu’à être parfois un squelette calciné, tout noir. Et l’oiseau, dans ce rêve, s’est finalement retrouvé en gestation dans son ventre. On peut voir là une allusion au mystère de l’incarnation sous un autre angle, comme une invitation à donner naissance au Divin. La rêveuse est porteuse d’images archétypiques et semble appelée à les mettre au monde. Ce n’est pas sans danger car il n’est pas donné à toutes d’accoucher d’un oiseau-univers. Mais nul doute que sa longue fréquentation des contes merveilleux, son amour immodéré pour ces histoires, l’a préparée depuis longtemps à porter ces rêves. 

Marie-Louise Von Franz
Marie-Louise Von Franz expliquait que c’est précisément le bénéfice de l’écoute des rêves et des contes que nous préparer à accueillir des contenus de l’inconscient qui auraient pu, sans le filet protecteur que tissent les images archétypiques, nous submerger. En présence d’un patient présentant un risque de psychose, elle recommandait de le nourrir de connaissances symboliques, de façon à lui fournir un fil auquel se raccrocher le moment de la crise venue. Elle dit qu’une « certaine connaissance du symbolisme agit, pour ainsi dire, à la manière d’un filet permettant de recueillir le mystère indicible d’une expérience immédiate de l’inconscient ». Mais il n’est pas question là tant d’une connaissance intellectuelle des symboles que de l’expérience de la vie des images, ce qui est précisément le cas de notre rêveuse. Avec un tel rêve, plus d’un quidam pourrait se sentir appelé à devenir le messager de Dieu sur terre et sombrer ainsi dans l’inflation, mais elle est suffisamment familière des images plus grandes qu’elle pour ne pas s’en lisser les plumes…

Le thème même du conte de « l’apprenti magicien » qu’elle a raconté avant ce voyage en train me semble faire écho à son rêve. Elle est certainement engagée dans un apprentissage, et il y a une parenté subtile et néanmoins très significative entre les mots « magie » et « image », qui sont des anagrammes. Dans cet espace du rêve qui s’ouvre à elle, il y a des esprits qui mettent la table et servent les plats, mais il y a aussi les peaux des héros qui ont tenté l’aventure auparavant. Or le voyage dans l’inconscient est dangereux, du moins si on est présomptueux et qu’on lui manque de respect. Et comme il est mentionné dans le rêve, c’est un très loooong voyage, ce que les anciens appelaient la longissima via, la voie très longue.

Je reviendrai sur l’interrogation qui appelle le rêve car elle lui donne en conclusion une nouvelle perspective. Auparavant, il me semble intéressant de nous arrêter un instant sur le détail de la couronne, cette « auréole baroque » de rayons lumineux qui se transforme en coiffe amérindienne et par association, conduit à considérer les plumes, et au bout des plumes, l’oiseau. Avec la couronne, nous avons là une évocation du septième chakra, ou chakra coronal, qui est celui de la connexion avec l’Unité. Cela amène de l’eau au moulin d’une théorie dont j’ai discuté avec Connie Kaplan : il y a de bonnes raisons de penser que nos rêves sont rattachés à un chakra, c’est-à-dire à un plan de conscience. Il y aurait des rêves du chakra racine, qui se préoccupent essentiellement de la survie, des rêves du chakra sacré, où il est question de sexualité et de créativité, des rêves du cœur, etc. Et donc il y a aussi des rêves du septième chakra, qui n’ont plus rien de personnel. Mme Kaplan était très en faveur de cette théorie que je cherche pour ma part à avérer. Il faut faire attention avec une telle théorie parce que j’entends déjà quelques personnes qui ne doutent de rien arriver avec des énoncés du genre : voilà, je vous amène un rêve du 12ème chakra… tandis que d’autres n’oseront plus parler de leurs rêves parce  qu’ils leur semblent venir des chakras dits inférieurs. Or la couronne posée sur la tête des personnages royaux, dont il faut rappeler qu’ils étaient censés manifester la volonté divine sur terre, n’a rien à voir avec l’ego trip des puissants de ce monde. Comme l’auréole des saints, elle représentait la lumière rayonnante qui émane du septième chakra quand il est ouvert. Ce rêve pourrait bien nous donner un aperçu de ce que l’on entrevoit alors...

Il est fort intéressant aussi d’observer ici comment l’inconscient procède par associations de la plaine amérindienne avec une couronne de rayons dorés à la coiffe de plumes, aux plumes et par là, illustrant le principe pars pro toto (de la partie au tout) à l’oiseau merveilleux. Edward Edinger souligne qu’il y a trois formes de pensée. Celle avec laquelle nous sommes le plus familier, c’est la pensée rationnelle, dirigée avec un but et une méthode de raisonnement essentiellement déductive. Il y a une autre forme de pensée que l’on peut définir comme étant pré-rationnelle et c’est celle de l’inconscient, mais aussi des jeunes enfants, et qui associe simplement les images. Nous en avons là une illustration. Et puis il y a une troisième forme de pensée, que l’on peut dire être trans-rationnelle, qui associe ces deux mouvements et les unit. C’est ce que Jung appelait la pensée psychologique ou pensée symbolique, qui tisse un réseau d’images autour d’un sujet central, sans perdre de vue la nécessité d’un traitement rationnel. La pensée pré-rationnelle n’est pas capable d’aborder le symbole autrement que littéralement. La pensée rationnelle ne comprend pas qu’il puisse y avoir quelque chose de vivant derrière l’image ; elle catégorise le symbole, l’explique, le dissèque et le tue en même temps. Il faut une pensée trans-rationnelle pour aborder le symbole vivant, l’entendre. 

Nous voilà donc, au contact de ce rêve, en présence de l’Oiseau fabuleux. Le rationnel se caractérise là par son : « mais il n’existe pas », tandis que l’enfant y croira tout simplement, comme si on pouvait l’emmener voir l’oiseau merveilleux des contes au zoo. La pensée symbolique sait que l’Oiseau vit dans un espace imaginal qui est celui des contes, des mythes, et aussi des rêves. Cela n’ôte rien à son existence en temps que fait psychique, qui a inspiré d’innombrables histoires. La rêveuse mentionne le Simorgh, un oiseau de la mythologie perse qui est capable de se régénérer dans le feu comme le Phoenix et qui est tellement grand qu’il peut transporter un éléphant. Il est dit être si vieux qu’il a déjà assisté trois fois à la destruction du monde. L’oiseau Rokh est un autre de ces oiseaux fabuleux issu de la mythologie orientale, capable lui aussi de transporter un éléphant, et que l’on retrouve dans les aventures de Simbad le Marin, dans les Mille et Une Nuits. Mais en fait, l’oiseau dont il est question ici évoque quelque chose qui est encore à une autre échelle : c’est un monde. Tellement grand qu’il est impossible de le percevoir tout entier. Il me fait penser pour ma part à l’Aigle de la cosmogonie toltèque, source de la conscience de l’homme, dont parle Carlos Castaneda :

« Les anciens voyants, en prenant des risques follement dangereux, (...), virent véritablement la force indicible qui est la source de tous les êtres sensibles. Ils l'appelèrent l'Aigle car, dans les rares et brèves visions qu'ils purent soutenir, ils virent cette force sous une forme qui ressemblait à celle d'un aigle noir et blanc, d'une dimension infinie. Ils virent que c'est l'Aigle qui donne la conscience. L'Aigle crée les êtres sensibles afin qu'ils vivent et enrichissent la conscience qu'il leur donne en même temps que la vie. Ils virent aussi que c'est l'Aigle qui dévore cette conscience enrichie après avoir fait en sorte que les êtres sensibles s'en dessaisissent au moment de leur mort. »


On peut rapprocher cette image de l’Oiseau-monde de l’Esprit, et même de ce qu'on appelle le Saint-Esprit, car les oiseaux symbolisent volontiers l’esprit, au sens de ce qui fait le lien entre le ciel et la terre. Et c’est encore ce dont il est question dans ce rêve, à savoir de comment l’Oiseau-monde vient ensemencer la terre. Mais si nous commençons à parler de l’Esprit, il doit être clair que nous essayons d’expliquer quelque chose que nous ignorons par quelque chose que nous ignorons encore plus, ignotum per ignotius disaient les anciens alchimistes. Et il est donc temps de mettre notre main devant notre bouche.

Remarquons cependant que le pendule, cette « verticalité oscillante », s’apparente symboliquement à ce que les mythes chamaniques appelaient l’axe du monde, qui se balance ici. Le rêve nous fournit une explication du cycle vie-mort-vie comme tenant de l’éveil et du sommeil dans ce balancement. Il n’y a pas grand-chose à ajouter car le rêve parle de lui-même. Dans la constellation, nous avons observé comment le mouvement de l’oiseau impliquait un soudain renversement de perspectives, et comment la terre attendait ce moment de la fécondation par les oiseaux de feu. C’était très émouvant, et je crois que cela a communiqué à chacune des participantes, moi compris, un sens profond de la nature de notre existence. On parle volontiers de l’enveloppe corporelle des êtres, mais peut-être sommes-nous tout proche d’une vision renversante si nous considérons que celle-ci est simplement l’enveloppe d’une graine plantée en terre, qui pourrait être appelée à pousser, grandir et fleurir.

C’est précisément ce qu’évoque la question qui coure en filigrane de ce rêve : mais qui me rêve donc ? Qui rêve ma vie ? On retrouve là l’interrogation de Tchouang-Tseu qui avait rêvé d’un papillon et se demandait si ce n’était pas le papillon qui rêvait de Tchouang-Tseu. De telles questions sont balayées par la pensée rationnelle comme nulles et non avenues car ne conduisant à aucun profit en Bourse, ce en quoi nous ne la démentirons pas. Mais elles débouchent, si elles sont considérées sérieusement comme un koân, sur une vision illuminante. C’est ce que l’on appelle l’investigation fondamentale, qui est résumée le plus souvent en une interrogation qui sert de pelle excavatrice pour une vérité indicible :

- Qui suis-je ?

Sri Ramana Maharshi
Sri Ramana Maharshi, qui a été reconnu comme un des plus grands saints illuminés que l’Inde moderne ait compté, n’enseignait qu’en posant cette question : qui es-tu ? Qui pose la question ? Elle suffit. Aucune simagrée, aucune autre pratique n’est véritablement utile ou nécessaire si l’on va au bout de l'interrogation qui retourne la conscience vers la source de la conscience. Toutes les pratiques ne servent qu’à supporter cette investigation. Une autre version de la même interrogation, tout aussi radicale, consiste en demander :

- Qui rêve ma vie ? Qui « me » rêve ?

Répondre à cette question, c’est « contempler le visage que nous avions avant d’être nés », pour reprendre une expression traditionnelle. Le yoga du rêve des tibétains en fait un objectif clairement défini. Les moines s’entraînent à prendre conscience de ce qu’ils rêvent pendant qu’ils rêvent, et quand ils sont lucides dans le rêve, à méditer dans celui-ci. Ils ancrent ainsi la conscience d’être en train de rêver jusque dans leur vie ordinaire et se préparent à se réveiller de ce rêve d’existence. Ils savent que ce n’est pas le petit « moi » qui rêve. Lui, il est rêvé. On peut dire poétiquement, comme savent le faire les rêves, que Cela qui rêve est un Oiseau-monde dont les ailes touchent à l’Infini, et qui parfois prend feu pour planter une graine de conscience en terre…

En prendre conscience, abandonner l’idée d’un moi qui agit pour réaliser qu’il est rêvé par quelque chose de bien plus grand, d’incommensurable, et dont on ne peut parler que de façon détournée, par symboles, c’est ce que l’on appelle l’Éveil. Ce n’est pas le moi qui se réveille, c’est le rêveur. Carl Jung avait déjà eu un rêve allant ce sens, où il voyait un méditant en train de le rêver. C’est exactement de genre de questions, et de pensées, que suscite l’ouverture du septième chakra, de la couronne dont il était question dans l’introduction du rêve, comme quoi le moindre détail est, dans l’écoute du rêve, est significatif.

C’est de ce genre de rêves que sont nées des histoires que nous nous racontons encore. Nous avons là un aperçu de ce qui pourrait être la naissance d’un mythe, qui reprend dans une forme nouvelle de très anciennes idées que nous sommes obligés de qualifier de religieuses. Et puis il y a, comme une signature caractéristique de la source des rêves, l’humour de l’avertissement météo qui vient contrebalancer le poids écrasant du rêve : 

- Attention, dans le Grand Canyon, risques de précipitation de langues de feu !...

Extrait du Livre Rouge, de C.G. Jung

6 commentaires:

  1. Y'a pas foule sur ce blog...c'est le corona virus ou quoi ?

    L'oiseau fait aussi référence directe à la conscience multidimentionnelle que nous possédons tous et qui peut se réveiller sous certaines conditions ( vision chamanique incontrolée dans ce cas alors que les chamans peuvent le provoquer avec le tambour ou la drogue, les grands méditants aussi sans tambour ou drogue, juste en se relaxant mais au début ca va créer des migraines voir des montés énergétiques il faut que le cerveau s'habitue à changer d'ondes, à voir dans l'obscurité je suis pas fan ). Un super conscience qui peut voyager sans bouger justement ( on utilise bien que 5 % de nos capacités ce n'est pas un mythe ou disons qu'on n'évolue que sur certaines ondes en générales ). La rêveuse est le moi, ego et la conscience ou oiseau fait office du Soi. Le Soi emporte le moi en voyage.
    On est aussi en ondes thétas et gammas, thétas pour l'état de relaxation intense et gammas pour la receptivité du cerveau. Le cerveau à changé d'ondes cérébrales comme on change de chaine de télé et s'est connecté au monde intelligible à un niveau qui en effet correspond au chakra 7 ou niveau 7 de ma fameuse échelle de la sagesse , le niveau chamanique avant le niveau 8 niveau bouddha qui est une autre histoire, je vais pas vous emmeller les pinceaux.

    Malheureusement tout ceci est très jolie mais ça ne règle pas la grande affaire, a savoir l'Insatisfaction ou dukkha. Monroe en fera les frais quand son pote extraterrestre va GENTIMENT se tirer et lui dire qu'il doit revenir aux bases, aux chakras de base il faut entendre

    https://www.youtube.com/watch?v=S9Ur4ruX5HA

    Courir, faire le tour du monde, traverser l'univers c'est bien mais à quoi ça sert quand on est toujours insatisfait. Welcome chez papa to Niveau 8 !!!

    Trollito X



    https://www.youtube.com/watch?v=S9Ur4ruX5HA

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  2. Le rêve est magnifique...

    Mais ça me rend vraiment triste de voir qu'on ne peut toujours pas venir commenter "en paix" sur ce blog...:-(

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    1. Pauvre choutte, il faut mettre des frontières aussi sur ce blog ça évite les virus...:)))

      X

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    2. Tu passes les bornes, X. D'accord, je passe en mode "modération" et tu es banni.

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    3. Oui je pense que "l'expérience " a assez durée
      Merci pour cette respiration Jean.
      Je ne crois pas que tu es une posture de censeur dans cette histoire, tu prends juste soin de "ta maison" et c'est normal. Reconnaitre le droit d'exister à tout le monde n'implique pas le fait d'inviter tout le monde chez soi.

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    4. Tu connais ma position, Marie, nous en avons discuté dans un précédent échange sur les trolls (commentaires de Page de pub). C'était pour moi une question de principes et il y avait aussi une dimension pragmatique qui va avec le fait que la modération des commentaires crée parfois des distorsions dans les discussions. Mais il n'y a que les imbéciles qui ne changent pas d'avis. Cette fois, notre trollitito a dépassé les bornes dans sa réponse à la Licorne. Cela relève clairement de la provocation qui m'est adressée et je lui sers en retour ce qu'il demande, comme un enfant de 3 ans cherche inconsciemment les limites qui l'éduqueront. Et il se trouve que c'est ce que vous demandez, toi et la Licorne donc...

      Je pouvais laisser notre troll de jardin délirer gentiment en faisant le ménage de temps en temps pour nous débarrasser de ses insanités : il ne nuisait qu'à lui-même. Heureusement que le ridicule ne tue pas car il aurait été depuis longtemps atomisé. Un de mes amis étudiant en psychiatrie en a fait un modèle du genre de délire un peu pathologique qu'on trouve sur Internet. C'était tout à fait approprié à "la voie du rêve" car on pouvait voir comment l'inconscient jacasse sans aucune retenue si on le laisse aller. Mais j'ai toujours posé aussi une règle de respect envers les visiteurs et commentateurs de ce blogue (incluant notre ami), règle qui prime sur mes principes de la même façon que l'urgence sanitaire prime ces jours-ci sur plusieurs principes démocratiques en France. Or notre troll, malgré toutes les chances qui lui ont été données de se socialiser un peu, ne sait vraiment pas se comporter correctement en société et donc je vais appliquer une prophylaxie stricte.

      Je ne reviendrai donc pas en arrière sur la modération des commentaires. Ceci dit, ils ne seront pas basés sur la personne mais sur le contenu. C'est pourquoi je laisse le premier commentaire en haut, car le premier paragraphe est pertinent quant au rêve. Désolé si cela entraîne du retard sur la publication des commentaires mais on vivra avec...

      Au plaisir donc de vous lire !

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