mercredi 16 avril 2025

Dialoguer avec son inconscient

 

Parait aujourd'hui un livre qui, j'en suis convaincu, fera date au moins dans le monde francophone dans l'explicitation de l'imagination active de Jung, à l'usage des thérapeutes mais aussi de toute personne intéressée par la psychologie des profondeurs et par le travail avec l'imagination. Il s'agit de :

Dialoguer avec son inconscient
Jung et l'imagination active

de Jean-François Alizon.

Il a été publié aux éditions Imago : fiche éditeur.

Je suis très fier d'avoir contribué à sa mise au monde en participant à sa relecture et lui écrivant une postface où je dis tout l'intérêt que j'ai trouvé à lire ce livre. Jean-François Alizon, qui fut président de l'Association Jungienne de Strasbourg, est l'auteur d'un livre intitulé Jung et le christianisme, un regard neuf (2021). Dans Dialoguer avec son inconscientJean-François Alizon nous offre une mine d'or tissée d'expérience, de nombreuses références et de cas cliniques, pour explorer le domaine l'imagination active dont Marie-Louise Von Franz disait qu'il était, au-delà du travail avec les rêve, le cœur de la psychologie des profondeurs de Jung.

Je vous propose ici tout d'abord son 4ème de couverture, avec une chaude invitation, si vous vous intéressez à l'exploration de l'inconscient, à vous plonger dans ce livre :

« Pour Jung comme pour Freud, le rêve est la voie royale d'accès à l'inconscient. Mais pour le grand psychologue zurichois, il en est une autre, celle de l'imagination active, dont il fera l'expérience dans ses éprouvantes années 1913-1916 - après sa rupture avec le père de la psychanalyse - et qu'il consignera dans le célèbre Livre rouge.

Fixer les images qui nous traversent, laisser advenir un affect ou un fantasme permet, toujours sous la vigilance du conscient, de dialoguer avec les figures intimes de notre âme et d'enrichir notre vie intérieure. Une telle écoute, aux effets parfois surprenants, restaure le lien avec notre part la plus profonde, et offre ainsi un précieux soutien thérapeutique.

Illustrant son propos par de nombreuses vignettes cliniques, Jean-François Alizon décrit avec précision la pratique de l'imagination active au cours de la cure. En la resituant dans l'histoire de la culture, il révèle combien, au cours des siècles, elle fut familière à maints artistes, philosophes et poètes. »

A noter que la préface de Dialoguer avec son inconscient a été écrite par Pierre Willequet, dont j'ai présenté récemment le livre Pas de thérapie sans âme. Et, pour continuer à vous inciter à vous laisser appeler par le lapin blanc qui, comme Alice, vous emmènera dans les mondes mystérieux de l'imagination active, je vous partage ci-dessous la postface que j'ai eu le plaisir d'écrire pour accompagner ce bel ouvrage :

The Centaur par Noa Knafo

Le livre de Jean-François Alizon est de ceux que l’on regrette de refermer, auquel on se promet de revenir. Ce n’est pas seulement que chaque chapitre aborde en profondeur des thèmes qui pourraient souvent donner lieu à un livre entier et convoquent la relecture réfléchie, ni qu’étant nourri par une belle érudition, il soit très riche en références qui invitent à un approfondissement de la recherche. Mais c’est surtout que son sujet même réclame de se laisser emmener au-delà de son propos, comme étant saisi par une métaphore, du grec metaphoros - « qui emmène au-delà » : ce livre, pour qui osera se laisser prendre par la main par le mouvement intérieur de l’imagination, est à tout le moins une porte, sinon un palais dont toutes les issues donnent sur des jardins mystérieux, des mondes oubliés, des aventures intimes…

En effet, l’imagination est une matière chaude, et même brûlante; en aucun cas, nous n’en avons fini avec elle en en parlant, en en faisant l’objet d’un discours. On peut lire des choses merveilleuses sur l’imagination, comme par exemple l’étude magistrale de Cynthia Fleury sur La métaphysique de l’imagination, et cependant passer complètement à côté de l’essentiel de ce dont il est question. Ce serait un peu comme étudier la nage sans jamais se jeter à l’eau. L’imagination nous pose la même difficulté que la conscience, dont elle est une efflorescence, quand il s’agit de tenter de savoir ce que c’est : nous ne pouvons pas dissocier le sujet de l’objet. Nous ne pouvons pas l’observer, c’est-à-dire encore l’imaginer, nous la représenter... de l’extérieur d’elle-même, car précisément nous sommes conscience; nous sommes imagination dans notre tentative de compréhension. Il est aussi vain de tenter de saisir conceptuellement ce qu’est l’imagination sans la vivre que de tenter de sauter par-dessus notre propre tête. Nous nous retrouvons devant le même paradoxe que Saint-Augustin parlant du temps :

« Si personne ne me demande ce qu'est le temps, je sais ce qu'il est ; et si on me le demande et que je veuille l'expliquer, je ne le sais plus. »

Ainsi de l’imagination : plus nous cherchons à l’expliquer, et moins nous savons ce que c’est. Le livre de Jean-François Alizon fournit donc toutes les informations dont un praticien peut avoir besoin pour étayer son usage de la technique mais sa plus grande vertu est sans doute de proposer tous les repères nécessaires à l’exploration des territoires sauvages de l’imagination. C’est qu’il repose lui-même sur une pratique longue et intensive qui a donné à l’auteur des racines profondes dans les terres de l’âme; son exposé n’est jamais simplement théorique, ou plus précisément, la théorie y enveloppe l’expérience vécue et y reconduit. Or il ne suffit pas de dire avec Marie-Louise Von Franz, la principale collaboratrice de Carl Jung, que :

« L’imagination active est l’outil par excellence, le plus puissant de la psychologie jungienne, le plus puissant pour atteindre la totalité – beaucoup plus efficace que la seule interprétation des rêves. »

L’outil ne sera efficace qu’entre les mains du praticien qui aura mis son propre esquif à l’eau. Le danger ici est d’instrumentaliser l’imagination, en en faisant une technique, en l’analysant et en interprétant abusivement les productions – bref, en en disséquant le cadavre sans y rencontrer le vivant. C’est une des raisons pour lesquelles l’imagination active est peu enseignée, et mal considérée; on n’en apprend les subtilités que par l’expérience, qui généralement passe par l’expérimentation sous la guidance d’une personne qui s’est elle-même risquée au « voyage périlleux ». Dans le langage traditionnel, on parlait là d’initiation, qui relevait de la transmission d’un secret par un initié. Il ne s’agit pas pour autant d’envelopper cette initiation qui permettrait à un ego enflé de se draper dans le mystère; rappelons que le mot « initiation » renvoie simplement au commencement du chemin. Il faut que quelqu’un qui sait ce qu’il fait montre la porte, mette le pied à l’étrier. Quant au « secret » dont il est question, il n’évoque que la nature même de l’inconscient avec qui l’imagination active permet de nourrir une relation consciente – toujours présent, on ne le voit jamais, à moins d’apprendre à le rencontrer…

Cependant, une autre erreur serait de croire que l’imagination active est réservée aux psychothérapeutes, ou à leurs analysants sous supervision, et ne saurait se vivre hors du cabinet thérapeutique. En fait, tout le monde imagine, tout le temps, et l’imagination active consiste surtout en la capacité d’imaginer consciemment, sans s’identifier aux figures rencontrées dans la fantaisie, en respectant les règles propres au domaine imaginal. En effet, toute notre culture est tissée d’imaginaire, c’est-à-dire d’histoires que nous nous racontons. Ce n’est pas un hasard si c’est une romancière, Nancy Huston, plutôt qu’une psychologue, qui a mis peut-être le mieux ce fait en lumière au travers de son livre L’espèce fabulatrice. Elle montre que l’espèce humaine, avant même d’édifier des cathédrales ou de rédiger des constitutions, a toujours bâti des histoires pour tenter de donner du sens à leurs actes et à l’existence. James Hillman, par ailleurs, a montré, en particulier dans The myth of psychoanalysis, que toutes nos activités sont sous-tendues par des mythes – non pas nécessairement des histoires enregistrées au registre de la mythologie mais des construction imaginaires marquées au sceau des archétypes qui s’y déploient subtilement et qui vivent ainsi à travers nous, le plus souvent à notre insu. 

Nous sommes tous mus par un inconscient, tant personnel que collectif; nous imaginons tous. Nous interprétons le réel sur la base de nos imaginations, et nous avons le plus grand mal à distinguer l’un des autres. On peut penser que le monde se porterait beaucoup mieux si nous apprenions, dès notre jeune âge, à imaginer consciemment et activement, tout en évitant de prendre les vessies proposées par notre imaginaire pour des lanternes dévoilant la vérité. Ce n’est pas un hasard si, comme l’a montré encore James Hillman dans Healing fictions, la psychologie analytique plonge ses racines dans la démarche des grands romanciers comme Flaubert, Balzac, Zola, qui tout à la fois s’attachaient à décrire les méandres de l’âme humaine et à laisser fleurir ainsi leur imagination. Les auteurs de fiction, les artistes et toutes les personnes se risquant à une activité créatrice sont particulièrement susceptibles d’entrer dans le domaine de l’imagination active s’ils s’exercent à rester entièrement présents dans la transe créative. Ils deviennent alors les partenaires conscients de la source de cette activité créatrice, source dont ils sont bien obligés de reconnaître qu’elle est autonome, qu’elle a sa volonté propre, qu’elle peut même les « posséder » d’une certaine façon, mais aussi qu’elle peut leur apprendre beaucoup de choses sur eux-mêmes et les combler de bénédictions.

A notre époque où les techniques et pratiques de méditation se répandent en Occident, en réponse à un besoin criant de veiller à notre santé psychique alors que nous sommes bombardés mentalement d’images et d’informations, la connaissance de l’imagination active pourrait s’avérer d’utilité publique. Rappelons que Jung a reconnu dans un ancien traité chinois, Le mystère de la fleur d’or, la pratique de l’imagination active à laquelle il se consacrait dans ses Carnets noirs. Von Franz insiste en de nombreux endroits sur la parenté entre l’imagination active et la méditation. Par exemple, dans Les dimensions archétypales de la psyché, elle écrit :

« Par "imagination active", on entend une forme particulière de méditation sur les fantasmes, dans laquelle on se rapporte à l’inconscient comme à un partenaire réel. Cette forme de méditation peut être comparée à bien des égards à certaines techniques de méditation orientales, comme celles du bouddhisme zen ou du tantra yoga, ou à la technique occidentale de l’exercitia jésuite, mais avec la différence fondamentale que le méditant n’a aucun objectif ou programme conscient. De cette façon, l’imagination active reste l’expérience solitaire d’un individu libre avec lui-même, dénuée de toute tendance à diriger l’inconscient. »

Elle commet ici une erreur tenant à la méconnaissance de la pratique de zazen, qui ne saurait avoir d’autre but ou programme que la pratique elle-même. C’est le paradoxe au cœur même du zen, que résume Dōgen de façon lapidaire en déclarant « la pratique, c’est l’Éveil. L’Éveil, c’est la pratique. » Mais cette méconnaissance permet de souligner un point particulièrement important car en fait, pour être vraiment effective, la pratique de l’imagination active, tout comme la méditation, ne saurait être inféodée à aucun but conscient. S’il y a un but, fut-il la louable ambition thérapeutique de régler ce qui apparaît comme un "problème", il y a encore une volonté de puissance du conscient qui risque d’entraver la dynamique de l’inconscient. Or s’il ne s’agit pas de laisser l’inconscient diriger nos vies, bien au contraire, le domaine de l’imagination est précisément celui où l’inconscient doit pouvoir s’ébattre librement. L’imagination active est, pour reprendre et souligner les mots de Von Franz, une expérience « dénuée de toute tendance à diriger l’inconscient », considéré comme « un partenaire réel ».

En fait, nous pouvons dégager un paradoxe à partir de là : les personnes qui ignorent tout de l’inconscient et des pouvoirs de l’imagination sont généralement ignorants de leurs motivations, et sont d’une certaine façon dirigées par leur inconscient. Tandis que les personnes qui rencontrent l’inconscient au travers de l’imagination sont en mesure de se désidentifier des personnages qui vient en eux et vivent une existence bien plus consciente; au moins peuvent-elles faire valoir à l’inconscient les buts et valeurs de la conscience en le reconnaissant comme un partenaire à la réalité indéniable et incontournable. Elles ne sont plus « possédées » par leurs tendances inconscientes; elles assument leur responsabilité en face de l’inconscient, ce qui leur évite de confondre leur interprétation du réel avec la réalité. On pourrait dire qu’elles apprennent à ne plus croire automatiquement leurs pensées car elles se rendent compte qu’au-delà de l’apparence de vérité d’une pensée, il faut toujours demander : mais qui pense donc ainsi en moi, et pourquoi ? Que veut-il ?

Mais donc, l’imagination active n’est pas réservée aux analystes et psychothérapeutes jungiens, ni à leurs analysants, ni aux écrivains et artistes entretenant une relation consciente avec la source de leur créativité. Elle peut devenir une pratique de méditation accessible à toute personne qui a le courage de se tourner vers sa réalité intérieure et entrer en dialogue avec elle. De même que la méditation orientale a été dépouillée de tous ses oripeaux exotiques pour donner la pratique de méditation dite de pleine conscience (mindfulness) qui permet de ne plus agir de façon automatique, l’imagination active gagnera à être mise à la portée du plus grand nombre en la dégageant du jargon psychologique qui l’entoure encore, comme des langes enveloppant un nourrisson, et qui entretient l’idée absurde qu’il s’agirait d’un domaine réservé aux seuls spécialistes. 

Bien sûr, il ne s’agit pas pour autant de la banaliser et d’oublier le fait que Jung y voyait une « psychose volontaire » ; on ne devrait approcher cette pratique que sous la guidance bienveillante de quelqu’un qui en connaît les dangers. Cependant, ne nous voilons pas la face : le temps passé par de nombreuses personnes à vivre des vies imaginaires dans des jeux vidéos est de nature à alimenter toutes sortes de psychoses tout à fait involontaires, dans lesquelles la relation à la réalité est sérieusement mise en danger. Ce n’est qu’un exemple que nous pouvons étendre à la façon dont nos intériorités sont polluées par l’omniprésence des images, que ce soit celles de la publicité, de la télévision ou de l’Internet. C’est d’une éducation à l’imagination dont beaucoup d’entre nous ont besoin, ne serait-ce que pour mesurer l’impact qu’ont certains discours, et le flot des images et d’informations dont nous sommes souvent submergés. Le livre de Jean-François Alizon contribue utilement à cette éducation de ses lecteurs, fournissant à chacun tous les éléments nécessaires pour comprendre comment, et avec quelles nécessaires précautions, ouvrir les portes de l’imagination.

Enfin, Von Franz souligne l’élément le plus déterminant en indiquant que « l’imagination active est l’expérience solitaire d’un individu libre avec lui-même ». On pourra lire tous les livres et bénéficier de l’excellent support d’un praticien expérimenté pour être introduit à l’imagination active, mais ce qui s’y joue se passe entre une personne seule et l’inconscient. Dès lors où l’on osera aller à la rencontre de l’inconscient, on se rendra compte qu’en fait, c’est en lui que se trouve l’enseignant et le guide. C’est le risque qu’il s’agit de prendre pour se rencontrer véritablement : lâcher toutes les mains extérieures, toutes les autorités autre que celle qui est l’auteure de notre vie intime, toutes les cartes établies par d’autres, pour prendre, seul, le chemin qui s’ouvre en dedans en ne comptant que sur ce guide intérieur qui parle au travers de l’imagination. Jung nous le disait clairement dans Psychologie et Alchimie

« L’homme doit être seul pour découvrir ce qui le porte ». 

Il voyait un indice probant du désir et de la capacité de ses patients à évoluer de façon autonome dans la facilité, ou non, avec laquelle ceux-ci se livraient à l’imagination active. Il n’entretenait aucune forme de dépendance envers sa personne. Quand on sortait de son cabinet, c’était avec l’invitation, qui pouvait se faire très ferme, à prendre à bras le corps sa propre vie. L’imagination active était, dans cet esprit, un viatique vers la liberté et la capacité à devenir un adulte psychologique, pleinement autonome. Et c’est donc à chacun, seul et sans autre secours que les instances bienveillantes de l’inconscient, les alliés que l’on peut y trouver à condition d’approcher ce dernier avec respect, d’entamer le long et périlleux voyage. 

Il n’y a aucun autre moyen de parvenir à sa propre vérité que de se risquer à aller la rencontrer, et elle est toujours là, dansante derrière les voiles des images dont elle se pare. Il n’y aucune autre voie, si le domaine de l’imagination vous appelle, que d’enfourcher votre propre monture et de quitter tous les chemins pré-établis. Ceux qui sont allés par là peuvent seulement dire que le voyage vaut tous les risques encourus, et que finalement les dragons qui pourraient bien être rencontrés sont peut-être bien, comme le disait Rilke, « des princesses qui attendent de nous voir beaux et courageux. » Il y aura des gardiens bien sûr sur la route, et le mot de passe pour franchir leurs barrages est toujours le même : « imaginatio vera est », ce qui signifie « l’imagination est vraie ». Il vous faudra traiter tous les personnages rencontrés comme ayant autant de réalité psychique que vous-même, et cela vous tendra un miroir interrogeant la nature même de la réalité de votre « moi », de cette identité à laquelle vous tenez tant. Vous vous découvrirez multiple, et cependant toujours un, ou une (ou les deux) dans, ou derrière, la multiplicité chatoyante des personnages peuplant votre psyché. 

Finalement, inévitablement, vous vous rendrez compte que les anciens contes et mythes qui parlaient de voyages initiatiques aux confins du monde, de trésor gardé par des monstres qui ne dorment que d’un œil, de dieux et de déesses marchant anonymement sur terre, disaient vrais. Il vous faudra écrire votre propre Livre Rouge, sans copier sur ceux qui vous ont précédé car de toute façon, l’œuvre est toujours unique, singulière. Et peut-être enfin retrouverez-vous Jung et Corbin, l’un assis en Jâbarsâ et l’autre en Jâbalqâ, les deux cités d’émeraude du Mundus Imaginalis, qui vous accueilleront en souriant et vous féliciteront, car d’une certaine façon, vous aurez alors accompli quelque chose de votre humanité.

Mundus Imaginalis, tableau de Hazel Florez



 

jeudi 27 mars 2025

Jung en Noir et Rouge


 J'ai eu récemment le plaisir d'interviewer Bertrand de la Vaissière à propos de son nouveau livre Jung, L'oeuvre au noir et le Christ rouge, publié aux Editions Terre Noire dont je suis partie prenante. Bertrand de la Vaissière est l'auteur de deux autres livres remarquables pour qui s'intéresse à la psychologie des profondeurs et aux images intérieures : Le travail des rêves en psychothérapie analytique jungienne, où il détaille la clinique alchimique des rêves, et Les énergies du mal en psychothérapie, analytique jungienne, en psychothérapie analytique jungienne.

Dans ce nouvel opus, il nous livre une profonde méditation sur le Livre Rouge de Jung, interrogeant l'actualité de celui-ci et la mesure dans laquelle il nous convie à une Révolution thérapeutique et spirituelle. Voici la vidéo de cette interview :


Pour vous inviter à lire ce livre, je vous propose ci-dessous un petit florilège d'extraits du Livre Rouge que j'ai relevées au cours de ma lecture de l'opus de Bertrand de la Vaissière, accompagnés de quelques commentaires (en italiques ci-dessous) de ce dernier et d'images tirées du Livre Rouge

« L’esprit du temps veut entendre parler d’utilité et de valeur […] L’esprit des profondeurs fut de tous temps et sera pour tous les temps plus puissant que l’esprit de ce temps qui change au fil des générations »

« Le chemin est en nous, mais pas dans les dieux, ni dans les doctrines, ni dans les lois [...] Malheur à ceux qui vivent selon les modèles ! La vie n’est pas avec eux […] vivez-vous vous-mêmes. »

« Il a donc fallu que je parle à mon âme comme à quelque chose de lointain et d’inconnu qui n’existe pas par moi, mais par qui j’existe. »

« Il y a une chose que j’ai apprise, que l’on doit vivre cette vie. Cette vie est le chemin […] qui mène à l’inconcevable que nous qualifions de divin. Il n’y a pas d’autre chemin. »

« Je dois apprendre que derrière toute chose il y a finalement mon âme. Même les êtres les plus chers […] sont des symboles de notre propre âme. »

 Ce qu’il y a de plus beau et de meilleur tout comme ce qu’il y a de plus laid et de plus mauvais, finit un jour ou l’autre dans le lieu le plus ridicule du monde, entouré de mascarades, conduit par des fous. »

« Nous propageons le poison et la paralysie autour de nous en voulant éduquer tout le monde à la raison »

« Je dois apprendre que l’écume de ma pensée, mes rêves, sont le langage de mon âme [...] Les rêves sont les paroles qui guident l’âme […] L’esprit des profondeurs m’a même appris à considérer mes actions et mes décisions comme dépendantes des rêves. Les rêves préparent à la vie et ils te déterminent sans que tu comprennes leur langage. On aimerait apprendre ce langage, mais [...] l’érudition seule ne suffit pas ; il existe un savoir du cœur qui donne de plus profondes explications. Le savoir du cœur ne se trouve dans aucun livre [...] l’âme est partout où le savoir érudit n’est pas »

« Le savoir du cœur implique de ne pas réduire le rêve à ce qu’on sait déjà ou à ce que l’on veut découvrir. On ne peut non plus rapporter toute sa signification à notre histoire ni utiliser une codification établie. Pour transgresser un tel ratio, il ne faut pas craindre d’être désarçonné par l’inhabituel et l’inconnu, et s’efforcer de respecter une source d’inspiration qui est au-delà de nous. Il importe donc de délaisser autant que possible et notre habituel souci de maîtrise et une orientation essentiellement causale pour laisser respirer le désir de l’âme. »

« De même que le Christ savait qu’il était la voie, la vérité et la vie […] je sais également que le chaos doit frapper les hommes…»

« Le plomb ne sera transformé en or que si nous assumons tout ce dont nous sommes chargés et si nous prenons au sérieux toutes nos tendances sans exception et toutes nos contradictions. La grâce ne fondra que sur ceux qui auront renoncé à la toute-puissance. »

« Si j’accepte le plus petit en moi, je plonge un germe dans le tréfonds de l’enfer […] à partir de lui l’arbre de ma vie pousse et relie le bas avec le haut. Aux deux extrémités il y a le feu [...] C’est entre ces deux feux insoutenables que ta vie grandit »

« Et il sera imposé aux plus purs d’entre nous de descendre en enfer pour revivre avant de monter au ciel. La libération véritable est à ce prix. Si la plénitude de la vie est belle et laide, bonne et mauvaise, humaine et inhumaine, il est impossible de se libérer en la coupant en deux. »

« Le service du Soi, c’est donc le service de Dieu et le service de l’humanité. Si je me porte moi-même, je décharge l’humanité de moi-même et je guéris mon Soi du Dieu ».

« Ne sais-tu pas que le chemin de la vérité n’est ouvert qu’à ceux qui ne nourrissent aucun dessein ? »

« Le sein de la Nature a tissé le cerveau […] l’être humain est enchevêtré dans son cerveau et il lui est donné le glaive pour rompre cet enchevêtrement. »

« Un des yeux de la divinité est aveugle, une des oreilles de la divinité est sourde, son ordre est contrarié par le chaos. Donc soyez patients avec ce monde estropié et ne surestimez pas sa beauté parfaite. »

« Il fait partie de ce mystère que l’homme ne soit pas sauvé par le héros, mais qu’il devienne lui-même un Christ. (…) Mais les profondeurs […] te contraindront à entrer dans le mystère du Christ. »

« […] ce qui a manqué au Christianisme : une vraie divinité féminine, une meilleure considération des fruits de la nature et de la matière. »

« La vérité suprême ne fait qu’un avec l’absurde »


Enfin, vous vous demanderez peut-être d'où vient la référence au Christ rouge dont il est  fait mention dans le titre du livre de Bertrand de la Vaissière. Il s'agit d'un vers tiré d'un poème de Blaise Cendrars (la prose du transsibérien), qui met ici en lien dans un raccourci saisissant l'exploration de l'inconscient à laquelle s'est livrée Jung et les soubresauts de l'Histoire de notre monde :

« Je pressentais la venue du grand Christ rouge de la révolution russe 
Et le soleil était une mauvaise plaie
Qui s’ouvrait comme un brasier ».

Encore actuel le Livre Rouge ? Peut-être plus que jamais...

* * *

En conclusion de ce message, je vous signale que Marie-Anne et moi donnerons deux stages d'introduction au travail avec les rêves dans les prochains mois :





mercredi 5 mars 2025

Vivre en vivance

Dans mon travail, au-delà de l'écoute des rêves, j'accompagne souvent des projets et des élaborations créatives. Je vous partage ci-dessous un texte d'Emmanuelle Bollens qui présente son remarquable travail sur la vivance, auquel je suis heureux de donner une place dans ce blogue : 


Comment va votre vivance aujourd'hui ?

En cette période où le chaos du monde s’intensifie encore et encore, Valérie Mass Delmotte, coprésidente du GIEC, écrit que "nous entrons dans un âge d'or de l'ignorance". Et si l'ignorance prenait sa source dans l'oubli intime de ce que c'est qu'être en vie?

Pouvons-nous nous traverser ces évolutions qui secouent notre monde en nous reconnectant à notre origine? 

Si nous nous offrions la possibilité, en profondeur et vérité, de contacter ce qu'est notre existence humaine, qu'est-ce que cela changerait? 

Depuis plusieurs mois, je me suis lancée dans la création d'un modèle que je souhaite simple et accessible pour éclairer ce questionnement. Nourrie de multiples auteurs, penseurs, philosophes qui ont travaillé ce thème, j'aspire à me souvenir des lois fondatrices de notre vie humaine.

L'expérience que chacun en fait est éminemment personnelle et impermanente. Comment créer un espace d'observation de la vie vivante qui me traverse en un instant donné?

Alors ce matin, il me semble devenu impératif de partager ce qui m'anime comme une manière de contribuer, d'offrir une respiration, un espace au milieu des flots tumultueux de l'actualité tonitruante. 

Ma proposition : se mettre à l'écoute d'un message silencieux à la fois subtile et infime qui a le pouvoir de nous ramener à l'essentiel.

Il s'agit d'une invitation à découvrir sa vivance en un moment précis. 

Oser soulever le voile pour contacter la manière dont la vie s'exprime en moi.

Par vivance, je désigne ce qui me permet de me sentir exister, d’être en contact avec la manière dont je danse la vie souverainement. 

La vivance esquisse les contours de mon être à un instant donné.

Comment ce moment résonne-t-il en moi, qu’est-ce que cela permet? 

Quelle expérience je fais dans cette démarche?

Comment je laisse ma vivance parfois s’étioler ? 

Comment j’en prends soin? Comment j'y suis attentif(ve)? 

Des lois universelles nous précèdent et nous survivront. Non pas érigées par les hommes pour structurer la société et le vivre ensemble, il s'agit des principes invisibles fondateurs et incontournables de notre vie humaine ; ce que les philosophes appellent les lois ontologiques. Ces lois structurent la création du vivant.

Quand nous les oublions, nous nous perdons nous-mêmes, piétinant le respect et la protection de la vie. 

C'est un peu comme si le vase de notre existence se vidait faisant du quotidien un expérience mécanique. 

"La transgression de ces lois ne peut que conduire à des désordres de toutes sortes" nous disait Annick de Souzenelle.

Ces lois nous relient au placenta de notre terre-mère. Elles sont logées là au plus profond de nous-mêmes. Nous les connaissons depuis toujours par notre voix intérieure. Quand nous nous mettons à leur écoute, elles peuvent nous guider comme elles guident toutes vies.

Il ne s'agit pas de les apprendre mentalement, mais de les approcher avec curiosité et tendresse, de les apprivoiser pour s'en nourrir et amplifier le vivant et la clarté en soi. Laissons-nous enseigner par ce qui vit en notre sein que je propose de découvrir en parcourant ces quatre espaces intérieurs.

Si ces quelques mots suscitent votre intérêt, je vous invite à me contacter par mail : e_boelens(at)hotmail.comJe serai ravie de partager davantage sur ce travail que je façonne et d'expérimenter avec vous.

Je remercie Jean de son écoute, de son regard, de sa posture si ajustée et ouverte, de son soutien dans mon travail.





jeudi 6 février 2025

Pas de vie sans âme


Cela fait quelques temps que je n'ai pas écrit dans ce blogue. Les circonstances collectives que nous traversons me semblent appeler à une certaine retenue. J'ai choisi de m'en tenir jusque maintenant au silence ici car il me semble observer la montée d'une psychose générale, assez proche à ce que Jung a décrit dans son article "après la catastrophe" (1945). Plus que jamais, il me semble donc nécessaire de méditer les mots du vieux sage de Küsnacht qui disait :

« C'est bel et bien l'homme qui constitue pour l'homme le plus grand des dangers. La cause en est simple : il n'existe encore aucune protection efficace contre les épidémies psychiques ; or, ces épidémies-là sont infiniment plus dévastatrices que les pires catastrophes de la nature ! Le suprême danger qui menace aussi bien l'être individuel que les peuples pris dans leur ensemble, c'est le danger psychique. À son égard, la raison a fait preuve d'une impuissance totale, explicable par le fait que ses arguments agissent sur la conscience, mais sur la conscience seule, sans avoir la moindre prise sur l'inconscient. Par suite, un danger majeur pour l'homme émane de la masse, au sein de laquelle les effets de l'inconscient s'accumulent, bâillonnant alors, étouffant les instances raisonnables de la conscience. Toute organisation de masse constitue un danger latent, au même titre qu'un entassement de dynamite. Car il s'en dégage des effets que personne n'a voulus, mais que personne n'est en état de suspendre ! »

Il semble important à ce point de se souvenir que nous sommes l'animal le plus dangereux qui vive sur Terre, le seul capable de détruire les autres espèces, et même sa propre planète. J'ai recueilli des rêves qui semblent parler de la situation que nous traversons et je vous en ferai part dans un prochain article. Il est important aussi que nous gardions foi dans la vie, et que nous ayons à l'esprit qu'avec le temps, la force qui fait pousser les brins d'herbe fait s'écrouler tous les empires, abat toutes les démesures. Le plus grand enjeu de nos jours semble être de garder nos cœurs en paix, de ne pas cultiver la haine ou la polémique, de rester ouvert.e.s à l'autre, même s'iel pense différemment de nous...

Je ne puis vous partager que mon silence donc à ce point, à l'écoute de ce que murmurent le vent, la rivière, les rêves. Je ne suis pas resté sans rien faire cependant tout au long de ces mois. Outre de poursuivre mes recherches et d'écrire des pages que vous lirez peut-être un jour, j'ai eu le plaisir et le privilège d'interviewer l'analyste jungien Pierre Willequet pour qu'il nous présente son livre "pas de thérapie sans âme". Il y a peut-être là, dans cette réflexion profonde sur l'âme qui dépasse largement le cadre de la thérapie, le début de la solution à notre problème, l'antidote à l'épidémie psychique qui menace de nous emporter. 

Et si notre monde manquait tout simplement désespérément d'âme ?

Je vous invite, si ce n'est déjà fait, à écouter Pierre Willequet parler de cette dernière :


Une des références qui m'a le plus touché dans le livre de Pierre Willequet est cette citation de Rainer Maria Rilke que je vous invite à déguster :

« … le développement naturel de votre vie intérieure vous conduira lentement, avec le temps, à un autre état de connaissance. Laissez à vos jugements leur développement propre, silencieux. Ne le contrariez pas, car, comme tout progrès, il doit venir du plus profond de votre être et ne peut souffrir ni pression ni hâte. Porter jusqu’au terme, puis enfanter : tout est là. Il faut que vous laissiez chaque impression, chaque germe de sentiment, mûrir en vous, dans l’obscur, dans l’inexprimable, dans l’inconscient, ces régions fermées à l’entendement. Attendez avec humilité et patience l’heure de la naissance d’une nouvelle clarté. »


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Je signale enfin aux personnes intéressées que nous avons décidé de repousser le début de la formation en Ecoute Intérieure des Rêves qui devait démarrer en janvier à septembre prochain. Du fait du changement de localisation des stages, désormais à l'Espace Eveil près d'Albertville, il reste encore des places. Si vous êtes intéressé.e.s à en savoir plus, vous trouverez toute l'information utile ici : formation EIR 2025-2026


Je publie ici un des témoignages que nous avons reçu à propos de cette formation :

« La formation sur l’Ecoute Intérieure des Rêves a été un véritable tremplin pour mon cheminement personnel. Jean et Marie-Anne collaborent avec le rêve, le traitant comme une énergie vivante qui cherche à être écoutée par son public : le rêvant. Leur approche rend sa souveraineté à l’individu. Elle m’a fait comprendre que je portais en moi-même les clefs de mes serrures personnelles. Merci d’avoir osé briser le mur si souvent implicite entre « enseignant » et « étudiant » dans les formations. Votre engagement est total, il en est devenu très inspirant à mes yeux. Cette formation rend hommage à la subjectivité de chacun, nous appelant dans notre singularité à forer le roc de nos certitudes. Les rêves portent en eux cet écoulement, provenant de la source jaillissante de notre créativité. Votre formation nous emmène au-delà du psychologisme asséchant qu’est l’interprétation du rêve. Les images du rêve portent en elles un Mystère qui nous appelle à la relation intérieure ; Un grand merci donc pour m’avoir ramené vers moi-même. »

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Au plaisir de vous lire dans vos commentaires ! Et vous, comment vivez-vous cette période ? Avez-vous des rêves à partager à ce sujet ?