jeudi 27 mars 2025

Jung en Noir et Rouge


 J'ai eu récemment le plaisir d'interviewer Bertrand de la Vaissière à propos de son nouveau livre Jung, L'oeuvre au noir et le Christ rouge, publié aux Editions Terre Noire dont je suis partie prenante. Bertrand de la Vaissière est l'auteur de deux autres livres remarquables pour qui s'intéresse à la psychologie des profondeurs et aux images intérieures : Le travail des rêves en psychothérapie analytique jungienne, où il détaille la clinique alchimique des rêves, et Les énergies du mal en psychothérapie, analytique jungienne, en psychothérapie analytique jungienne.

Dans ce nouvel opus, il nous livre une profonde méditation sur le Livre Rouge de Jung, interrogeant l'actualité de celui-ci et la mesure dans laquelle il nous convie à une Révolution thérapeutique et spirituelle. Voici la vidéo de cette interview :


Pour vous inviter à lire ce livre, je vous propose ci-dessous un petit florilège d'extraits du Livre Rouge que j'ai relevées au cours de ma lecture de l'opus de Bertrand de la Vaissière, accompagnés de quelques commentaires (en italiques ci-dessous) de ce dernier et d'images tirées du Livre Rouge

« L’esprit du temps veut entendre parler d’utilité et de valeur […] L’esprit des profondeurs fut de tous temps et sera pour tous les temps plus puissant que l’esprit de ce temps qui change au fil des générations »

« Le chemin est en nous, mais pas dans les dieux, ni dans les doctrines, ni dans les lois [...] Malheur à ceux qui vivent selon les modèles ! La vie n’est pas avec eux […] vivez-vous vous-mêmes. »

« Il a donc fallu que je parle à mon âme comme à quelque chose de lointain et d’inconnu qui n’existe pas par moi, mais par qui j’existe. »

« Il y a une chose que j’ai apprise, que l’on doit vivre cette vie. Cette vie est le chemin […] qui mène à l’inconcevable que nous qualifions de divin. Il n’y a pas d’autre chemin. »

« Je dois apprendre que derrière toute chose il y a finalement mon âme. Même les êtres les plus chers […] sont des symboles de notre propre âme. »

 Ce qu’il y a de plus beau et de meilleur tout comme ce qu’il y a de plus laid et de plus mauvais, finit un jour ou l’autre dans le lieu le plus ridicule du monde, entouré de mascarades, conduit par des fous. »

« Nous propageons le poison et la paralysie autour de nous en voulant éduquer tout le monde à la raison »

« Je dois apprendre que l’écume de ma pensée, mes rêves, sont le langage de mon âme [...] Les rêves sont les paroles qui guident l’âme […] L’esprit des profondeurs m’a même appris à considérer mes actions et mes décisions comme dépendantes des rêves. Les rêves préparent à la vie et ils te déterminent sans que tu comprennes leur langage. On aimerait apprendre ce langage, mais [...] l’érudition seule ne suffit pas ; il existe un savoir du cœur qui donne de plus profondes explications. Le savoir du cœur ne se trouve dans aucun livre [...] l’âme est partout où le savoir érudit n’est pas »

« Le savoir du cœur implique de ne pas réduire le rêve à ce qu’on sait déjà ou à ce que l’on veut découvrir. On ne peut non plus rapporter toute sa signification à notre histoire ni utiliser une codification établie. Pour transgresser un tel ratio, il ne faut pas craindre d’être désarçonné par l’inhabituel et l’inconnu, et s’efforcer de respecter une source d’inspiration qui est au-delà de nous. Il importe donc de délaisser autant que possible et notre habituel souci de maîtrise et une orientation essentiellement causale pour laisser respirer le désir de l’âme. »

« De même que le Christ savait qu’il était la voie, la vérité et la vie […] je sais également que le chaos doit frapper les hommes…»

« Le plomb ne sera transformé en or que si nous assumons tout ce dont nous sommes chargés et si nous prenons au sérieux toutes nos tendances sans exception et toutes nos contradictions. La grâce ne fondra que sur ceux qui auront renoncé à la toute-puissance. »

« Si j’accepte le plus petit en moi, je plonge un germe dans le tréfonds de l’enfer […] à partir de lui l’arbre de ma vie pousse et relie le bas avec le haut. Aux deux extrémités il y a le feu [...] C’est entre ces deux feux insoutenables que ta vie grandit »

« Et il sera imposé aux plus purs d’entre nous de descendre en enfer pour revivre avant de monter au ciel. La libération véritable est à ce prix. Si la plénitude de la vie est belle et laide, bonne et mauvaise, humaine et inhumaine, il est impossible de se libérer en la coupant en deux. »

« Le service du Soi, c’est donc le service de Dieu et le service de l’humanité. Si je me porte moi-même, je décharge l’humanité de moi-même et je guéris mon Soi du Dieu ».

« Ne sais-tu pas que le chemin de la vérité n’est ouvert qu’à ceux qui ne nourrissent aucun dessein ? »

« Le sein de la Nature a tissé le cerveau […] l’être humain est enchevêtré dans son cerveau et il lui est donné le glaive pour rompre cet enchevêtrement. »

« Un des yeux de la divinité est aveugle, une des oreilles de la divinité est sourde, son ordre est contrarié par le chaos. Donc soyez patients avec ce monde estropié et ne surestimez pas sa beauté parfaite. »

« Il fait partie de ce mystère que l’homme ne soit pas sauvé par le héros, mais qu’il devienne lui-même un Christ. (…) Mais les profondeurs […] te contraindront à entrer dans le mystère du Christ. »

« […] ce qui a manqué au Christianisme : une vraie divinité féminine, une meilleure considération des fruits de la nature et de la matière. »

« La vérité suprême ne fait qu’un avec l’absurde »


Enfin, vous vous demanderez peut-être d'où vient la référence au Christ rouge dont il est  fait mention dans le titre du livre de Bertrand de la Vaissière. Il s'agit d'un vers tiré d'un poème de Blaise Cendrars (la prose du transsibérien), qui met ici en lien dans un raccourci saisissant l'exploration de l'inconscient à laquelle s'est livrée Jung et les soubresauts de l'Histoire de notre monde :

« Je pressentais la venue du grand Christ rouge de la révolution russe 
Et le soleil était une mauvaise plaie
Qui s’ouvrait comme un brasier ».

Encore actuel le Livre Rouge ? Peut-être plus que jamais...

* * *

En conclusion de ce message, je vous signale que Marie-Anne et moi donnerons deux stages d'introduction au travail avec les rêves dans les prochains mois :





mercredi 5 mars 2025

Vivre en vivance

Dans mon travail, au-delà de l'écoute des rêves, j'accompagne souvent des projets et des élaborations créatives. Je vous partage ci-dessous un texte d'Emmanuelle Bollens qui présente son remarquable travail sur la vivance, auquel je suis heureux de donner une place dans ce blogue : 


Comment va votre vivance aujourd'hui ?

En cette période où le chaos du monde s’intensifie encore et encore, Valérie Mass Delmotte, coprésidente du GIEC, écrit que "nous entrons dans un âge d'or de l'ignorance". Et si l'ignorance prenait sa source dans l'oubli intime de ce que c'est qu'être en vie?

Pouvons-nous nous traverser ces évolutions qui secouent notre monde en nous reconnectant à notre origine? 

Si nous nous offrions la possibilité, en profondeur et vérité, de contacter ce qu'est notre existence humaine, qu'est-ce que cela changerait? 

Depuis plusieurs mois, je me suis lancée dans la création d'un modèle que je souhaite simple et accessible pour éclairer ce questionnement. Nourrie de multiples auteurs, penseurs, philosophes qui ont travaillé ce thème, j'aspire à me souvenir des lois fondatrices de notre vie humaine.

L'expérience que chacun en fait est éminemment personnelle et impermanente. Comment créer un espace d'observation de la vie vivante qui me traverse en un instant donné?

Alors ce matin, il me semble devenu impératif de partager ce qui m'anime comme une manière de contribuer, d'offrir une respiration, un espace au milieu des flots tumultueux de l'actualité tonitruante. 

Ma proposition : se mettre à l'écoute d'un message silencieux à la fois subtile et infime qui a le pouvoir de nous ramener à l'essentiel.

Il s'agit d'une invitation à découvrir sa vivance en un moment précis. 

Oser soulever le voile pour contacter la manière dont la vie s'exprime en moi.

Par vivance, je désigne ce qui me permet de me sentir exister, d’être en contact avec la manière dont je danse la vie souverainement. 

La vivance esquisse les contours de mon être à un instant donné.

Comment ce moment résonne-t-il en moi, qu’est-ce que cela permet? 

Quelle expérience je fais dans cette démarche?

Comment je laisse ma vivance parfois s’étioler ? 

Comment j’en prends soin? Comment j'y suis attentif(ve)? 

Des lois universelles nous précèdent et nous survivront. Non pas érigées par les hommes pour structurer la société et le vivre ensemble, il s'agit des principes invisibles fondateurs et incontournables de notre vie humaine ; ce que les philosophes appellent les lois ontologiques. Ces lois structurent la création du vivant.

Quand nous les oublions, nous nous perdons nous-mêmes, piétinant le respect et la protection de la vie. 

C'est un peu comme si le vase de notre existence se vidait faisant du quotidien un expérience mécanique. 

"La transgression de ces lois ne peut que conduire à des désordres de toutes sortes" nous disait Annick de Souzenelle.

Ces lois nous relient au placenta de notre terre-mère. Elles sont logées là au plus profond de nous-mêmes. Nous les connaissons depuis toujours par notre voix intérieure. Quand nous nous mettons à leur écoute, elles peuvent nous guider comme elles guident toutes vies.

Il ne s'agit pas de les apprendre mentalement, mais de les approcher avec curiosité et tendresse, de les apprivoiser pour s'en nourrir et amplifier le vivant et la clarté en soi. Laissons-nous enseigner par ce qui vit en notre sein que je propose de découvrir en parcourant ces quatre espaces intérieurs.

Si ces quelques mots suscitent votre intérêt, je vous invite à me contacter par mail : e_boelens(at)hotmail.comJe serai ravie de partager davantage sur ce travail que je façonne et d'expérimenter avec vous.

Je remercie Jean de son écoute, de son regard, de sa posture si ajustée et ouverte, de son soutien dans mon travail.